CHAPITRE XIX

Marc achevait son petit déjeuner lorsque Kelker approcha de la table. Son visage rayonnant le rajeunissait de dix ans.

-Le gouverneur a tenu une conférence de presse avec le colonel Parker. Nous avons échappé à un pillage organisé par Furster. Bien que votre nom n'ait guère été cité, il n'est pas difficile de deviner à qui nous devons notre salut.

-Avez-vous obtenu vos crédits?

-Là encore, tout s'est arrangé comme par enchantement. Si je l'avais exigé, Klondike aurait ciré mes bottes! Ceci grâce à vous!

-Furster éliminé, je n'ai eu aucun mal à le convaincre, d'autant que j'entretiens d'excellentes relations avec la direction générale de la Banque Galactique.

Kelker tira de sa poche une petite bourse de cuir.

-En remerciement de votre aide, mes amis et moi souhaitons vous offrir ce souvenir.

Une pierre du volume d'un oeuf de pigeon roula sur la table. Une magnifique « aiguë changeante » qui, à cette heure matinale, avait des reflets d'un bleu profond.

Devançant le geste de refus de Marc, Kelker ajouta :

-Je vous en prie ! C'est un témoignage de notre reconnaissance.

Marc remit la pierre dans la bourse.

-Je connais une jeune femme qui saura la mettre en valeur. Cela vous fera une excellente publicité. Toutes les élégantes de New York voudront en avoir une semblable.

Une heure plus tard, les Terriens embarquèrent sur le Mercure en compagnie de Maggie radieuse. Tandis qu'Oliver la conduisait à une cabine proche de la sienne, Marc gagna le poste de pilotage.

L'opérateur de la tour de contrôle, devenu très aimable, leur donna immédiatement l'autorisation de décoller.

Troisième jour de voyage. Confortablement installé dans le siège du copilote, Marc savourait un whisky, songeant à celui qu'il boirait en compagnie d'Elsa dans moins de trente-six heures. Une très agréable perspective!

-Où est Oliver? demanda-t-il.

Le rire de l'androïde jaillit, énorme, puissant.

-Tu dois bien t'en douter ! Nos passagers ne sont guère gênants. Ils restent sagement dans leur cabine, c'est-à-dire que par mesure d'économie, ils n'en utilisent qu'une et ils ne font que de rares apparitions pour les repas. Un vrai voyage de noces !

Pour faire mentir Ray, Oliver entra dans le poste de pilotage. Il arborait une mine détendue sinon très fraîche.

-Oncle Marc, je venais me renseigner. Quand arriverons-nous sur Terre?

-Demain, dit Ray. Atterrissage prévu à 10 heures 15 minutes.

À cet instant, la sonnerie de la vidéo-radio retentit. L'amiral Neuman esquissait un sourire satisfait. Un spectacle rarissime.

-Je tenais à vous informer, capitaine Stone, des derniers développements de notre affaire. À la demande de l'ordinateur judiciaire, Furster a été soumis au sondeur psychique. Les résultats de l'interrogatoire ont confirmé votre hypothèse... euh... hasardeuse. Il avait préparé son coup depuis plus de six mois. C'était réglé comme une opération militaire. Dans un premier temps isolement de Terrania XXV par des actions pirates pour contraindre les mineurs à stocker leur production. Puis regroupement des pirates sur Mérova.

-Et Standman ?

-Il avait accepté de déposer du ravitaillement là-bas. Par une indiscrétion de Shepard, il avait appris que l'attaque se produirait le 30 juillet. Il ne pouvait dénoncer Furster car il aurait été arrêté pour violation de la loi de non-immixtion. Pour protéger les producteurs indépendants, il avait accepté de transporter leurs pierres. Furster l'a appris et a ordonné son exécution. Vous connaissez la suite.

-Quel sera le verdict?

-Condamnation à perpétuité ! Ah ! encore un détail qui vous intéressera. En remontant très loin dans le passé, le sondeur psychique a retrouvé que Furster était responsable de la mort de votre frère Paul. Il a provoqué l'écroulement de la galerie. Il voulait la concession pour lui seul!

Le visage de Marc se durcit.

-J'en avais le pressentiment. C'est probablement pour cela que j'ai souhaité le combattre.

-Cela a une conséquence inattendue. En droit pur, c'est votre frère ou ses héritiers qui sont propriétaires de la concession. Compte tenu des extractions réalisées, cela signifie que la Compagnie Furster vous appartient en toute propriété !

Marc secoua aussitôt la tête.

-Paul était marié! Tout doit revenir à Oliver. Je crois que c'est ce que mon frère aurait souhaité.

-Vous vous arrangerez avec les hommes de loi! Je vous souhaite un bon retour sur Terre. Au fait, j'oubliais... Merci. Je rassurerai le général Khov sur votre sort! Il craint toujours que je veuille vous attirer dans mon service.

Avec un discret clin d'oeil, Neuman ajouta :

-J'aime le laisser dans l'incertitude. En réalité je trouve beaucoup plus avantageux de me servir d'un agent bénévole que le S.S.P.P. rémunère !

L'écran devenu opaque, Marc se tourna vers Oliver:

-Tu as entendu, fiston, tu hérites d'une fortune. Dès les formalités achevées, tu n'auras plus qu'à retourner sur Terrania XXV pour diriger la société.

-C'est très généreux à toi, oncle Marc, soupira-t-il, mais je ne crois pas que je ferai un bon industriel.

-Tu prendras un directeur et tu te contenteras d'encaisser les bénéfices.

-Non, je veux retourner à l'école d'astronautique et entrer au S.S.P.P. C'est ce que mon père m'aurait conseillé.

-Pourquoi pas? Je pense obtenir sans difficulté ta réintégration à l'école. Pour le S.S.P.P., nous verrons plus tard. En attendant je demanderai à mon amie Elsa de s'occuper de tes affaires! Elle n'a pas son pareil pour gérer une société.