CHAPITRE V

-Voilà Terrania XXV, dit Ray.

Sur l'écran de visibilité extérieure se dessinait une grosse sphère vert pâle.

Le voyage dans le subespace avait duré trois jours. Oliver avait passé son temps dans le poste de pilotage, questionnant sans cesse Ray qui répondait avec une patience inépuisable.

-Masse 0,87 de celle de la Terre.

-Tu pèseras encore moins lourd, fiston, ironisa Ray. Prends garde de ne pas t'envoler au premier coup de vent.

L'ordinateur continua à débiter d'un ton monocorde les caractéristiques d'une planète terramorphe.

-Un continent principal s'étend du nord au sud, déformé en son milieu par un vaste renflement contenant une mer intérieure.

Le reste était un gigantesque océan piqueté de nombreuses îles. Des forêts recouvraient la totalité du continent, sauf vers les pôles où prairies puis glaces occupaient le sol.

Un long fleuve sinueux descendait d'une montagne pour se jeter dans la mer intérieure. Grantville, la seule cité de Terrania XXV s'était bâtie sur l'estuaire du fleuve. A une cinquantaine de kilomètres au nord se dressait une série d'exploitations minières. Alentour, dans un rayon de deux cents kilomètres, s'étendaient des champs cultivés conquis sur la forêt qui cernait l'ensemble.

L'astroport se trouvait à vingt kilomètres à l'ouest de la ville, presque en bordure de la mer.

-Astronef Mercure en provenance de la Terre, demande l'autorisation d'atterrir.

L'opérateur de la tour, un jeune type au visage souriant, répondit :

-Autorisation accordée. Avez-vous besoin d'une assistance technique?

-Donnez-nous seulement les coordonnées de descente. Nous sommes autonomes.

-Très bien! Vous stationnerez dans l'enceinte C réservée aux visiteurs. N'ayez crainte, il n'y a jamais personne.

Il énuméra une série de chiffres que Ray introduisit dans l'ordinateur pilote. Moins d'une demi-heure plus tard, le Mercure se posait en douceur sur le sol de Terrania XXV.

-Sors le trans, nous aurons besoin d'un moyen de transport, puis tu boucleras la soute. Règle les défenses automatiques pour qu'elles se déclenchent à la première tentative d'effraction. Je n'ai guère confiance dans les systèmes de sécurité de ces astroports.

Ils prirent place dans le trans et gagnèrent les bâtiments officiels. Les installations étaient encore primitives, avec une seule tour de contrôle et une construction cubique abritant les services administratifs.

Les détails techniques furent vite réglés et Marc acquitta les droits pour un séjour d'une semaine. Il se présenta ensuite au contrôle de police.

Le policier examina d'un oeil distrait la plaque de Marc. Il était mal rasé, gros et transpirait abondamment.

-Motif de votre séjour?

-Affaires ! Je viens examiner des possibilités d'investissements.

-Si vous amenez du fric, soyez le bienvenu, ironisa-t-il. Cependant, prenez garde. Les bagarres sont interdites et le chef a donné ordre de coffrer tous ceux qui troublent la consigne. Bon séjour sur Terrania XXV.

Ils s'engagèrent sur la route menant à Grantville.

-Par où commençons-nous? demanda Ray.

-J'espère qu'il y a un hôtel où nous pourrons nous installer!

Ils progressèrent d'une dizaine de kilomètres lorsqu'Oliver lança :

-Nous avions notre maison un peu plus loin. J'aimerais la revoir.

Marc hésita un instant. N'allait-il pas réveiller de douloureux souvenirs dans l'esprit du gosse ?

Le trans stoppa devant un bungalow préfabriqué comme il en existe des centaines sur les planètes en voie de développement. Toutefois, une jolie barrière blanche entourait un jardin qui avait dû être agréable mais était envahi maintenant par des herbes folles. Sur la porte, un écriteau mentionnait : « En vente par décision de justice. S'adresser à José Silva. Grantville. » Marc retint Oliver qui s'apprêtait à descendre :

-Inutile de risquer de se faire coffrer pour effraction dès le premier jour.

Grantville était l'illustration des très jeunes cités de colonisation. Des rues rectilignes, bordées de maisons à un ou deux étages. Des éléments préfabriqués alternaient parfois avec des matériaux locaux, pierre ou bois.

Dans la rue principale, la chance leur sourit. Une pancarte indiquait l'agence immobilière Silva.

-Arrête-toi, Ray. Je veux un renseignement.

Il sauta du trans et pénétra dans la boutique. Silva était petit, trapu, noir de poils.

-En venant de l'astroport, j'ai vu que vous vendez une maison.

-Une excellente affaire, sourit l'homme, en se levant, non sans jeter un regard sur le trans luxueux qui stationnait devant sa porte.

-Qui l'occupait?

-Les propriétaires sont morts dans un regrettable accident. L'héritier, leur fils, a commis des bêtises sur Terre et l'ordinateur judiciaire a ordonné la mise en vente.

-Combien?

Silva jaugea son interlocuteur du coin de l'oeil. La combinaison d'astronaute usagée ne lui inspirait guère confiance, mais le trans? Un modèle récent qu'on ne trouvait que sur Terre.

-20 000 dols !

Marc éclata d'un rire sonore. .

-La maison me plaît mais pas au point de me rendre fou ! Je vous en offre huit mille dols.

L'homme leva les bras au ciel.

-Impossible, j'ai des obligations envers l'ordinateur judiciaire...

Marc sortit de sa poche des plaques de monnaie qu'il aligna sur le bureau sous l'oeil intéressé du commerçant.

-Je vous répète, monsieur, 20 000 dols. C'est à prendre ou à laisser.

-Dans ce cas, je laisse, rétorqua sèchement Marc en ramassant son argent. Trouvez un autre pigeon.

-Attendez, nous pouvons discuter. La maison est fort bien placée, possède du terrain et est située dans un quartier en pleine expansion. Je vous promets qu'elle vaudra le triple dans moins de deux ans.

-Je reviendrai donc dans deux ans, ironisa Marc en amorçant un demi-tour.

-10 000 dols, lança précipitamment le marchand.

Marc parut hésiter.

-D'accord! Mais je veux emménager demain.

-Je m'occupe de toutes les formalités. Vous n'aurez qu'à entrer. La maison est vendue installée et meublée.

Intrigué par ce client capable de sortir 10 000 dols de sa poche comme s'il se fût agi de menue monnaie, il demanda :

-Vous comptez vous installer ici?

-Cela dépendra si j'ai l'occasion d'un investissement... rentable.

-Vous devriez rencontrer M. Furster. Il a les concessions des principales mines et est la personnalité la plus importante de Terrania XXV. Si vous le souhaitez, je pourrais vous arranger un rendez-vous.

-Pourquoi pas? Cela me fera gagner du temps ! Existe-t-il un hôtel où je pourrais passer la nuit?

-Dans la deuxième rue à gauche. Dites au patron que vous venez sur mon conseil.