CHAPITRE X
Marc rejoignit Ray et Oliver dans le poste de pilotage. Le garçon avait une mine fatiguée. Pour la première fois, il avait subi la leçon de l'inducteur psychique qui lui avait enseigné les rudiments de la langue parlée sur Mérova, les us et coutumes de la population. Enfin tout ce qu'un agent du S.S.P.P. avait pu recueillir trente ans auparavant. Près de deux jours avaient été nécessaires. Marc, entraîné et doué d'énormes capacités psychiques grâce à une merveilleuse entité végétale rencontrée lors d'une mission, n'avait eu besoin que de huit heures.
-Je ne comprends pas, murmura Oliver en se frottant les tempes. Comment pouvez-vous réussir?
-Simple question d'entraînement, éluda Marc. Pour nos rapports ultérieurs, il serait plus simple de nous tutoyer.
Les yeux du gamin brillèrent de plaisir.
-Très volontiers, Marc. Je voulais vous... te dire que tu es le plus chic copain que j'aie jamais rencontré.
Une sonnerie grêle l'interrompit.
-Allonge-toi, nous émergeons du subespace dans une minute.
L'habituel malaise se dissipa très rapidement, le Mercure étant nanti des derniers perfectionnements techniques. Lorsque Oliver ouvrit l'oeil, Marc consultait déjà les données qui s'imprimaient sur les écrans.
-Mérova, quatrième planète d'un système en comportant six.
Laissant l'ordinateur débiter des renseignements qu'il connaissait déjà, Marc s'enquit :
-Défenses automatiques?
-Elles sont enclenchées depuis notre émergence. Nous sommes invisibles à tout observateur indiscret, à la seule réserve qu'il ne soit pas trop perspicace.
Mérova occupait maintenant tout l'écran de visibilité extérieure.
-Masse 1,07 de la Terre.
-Cette fois, ironisa Ray en regardant Oliver, tu pèseras plus lourd mais tes performances sportives seront diminuées.
-Rotation sur elle-même en 22 h 50 et autour de l'ellipse en 287 jours. Faible inclinaison sur son axe rendant les saisons peu marquées. Des océans recouvrent 86 % de la surface du globe. Les pôles sont couverts de glace. Il n'existe pas de grands continents mais une multitude d'îles, certaines de très bonne taille.
La décélération arracha une grimace à Oliver.
-La principale civilisation, reprit l'ordinateur, s'est développée sur une grande île allongée à cheval sur l'équateur. Trois autres îles sont peuplées de tribus primitives, poursuivait l'ordinateur de sa voix métallique.
Le Mercure ne tarda pas à se satelliser autour de Mérova. Après plusieurs révolutions, Ray annonça :
-Aucune source d'énergie importante. Que décides-tu, Marc?
-En mission pour le S.S.P.P., nous devrions rester en orbite et utiliser le module pour gagner la planète. Actuellement nous ne savons rien de ce qui nous attend. Je préfère me poser. Localise un îlet bien désert sur lequel nous pourrons atterrir et nous camoufler.
-Celui-là devrait convenir, dit Ray en désignant un point sur l'écran. Il existe un ancien volcan et une falaise de basalte qui rendront difficile toute détection.
-Plonge directement et ne crains pas de nous secouer. Mieux vaut ne pas rester trop longtemps en orbite.
-Un tour seulement pour effectuer un relevé topographique complet.
Vingt minutes plus tard, le Mercure pénétra dans la stratosphère. Oliver crut que son estomac se coinçait entre ses amygdales. Puis sous l'effet de la décélération brutale, les sangles magnétiques s'incrustèrent dans ses chairs tandis que les yeux paraissaient vouloir jaillir des orbites.
La douleur disparut aussi vite qu'elle était apparue. Le Mercure se posait en douceur sur une clairière au pied d'un imposant volcan.
-Espérons qu'il n'aura pas le mauvais goût de se réveiller pendant notre séjour, soupira Marc. Qu'a donné le tour d'observation?
-Absolument rien! Si des Terriens ont jamais débarqué ici, ils n'ont laissé aucune trace, ou alors ils sont très bien camouflés. Pour le reste, sur la grande île, il ne semble y avoir que de minimes modifications par rapport aux enregistrements de la précédente mission.
-Allons nous changer. As-tu préparé le matériel ?
-Naturellement! j'ai confectionné les tenues et les armes d'après les éléments en ma possession. J'espère qu'en trente ans la mode n'aura pas évolué trop vite.
Dans la soute, ils se déshabillèrent entièrement. Le règlement du S.S.P.P. interdisait d'introduire sur une planète primitive le moindre objet de la Terre. Ray tendit à ses amis une chemise en simili lin grossièrement tissé, une culotte de drap et une paire de bottes imitant le cuir. En plus, Marc eut droit à une cuirasse protégeant seulement le torse et à un bouclier peint en bleu avec une étoile dans l'angle supérieur gauche. À la question d'Oliver, il répondit :
-Au fil des missions, j'ai adopté ces armoiries. Je trouve pratique de ne pas avoir à en changer.
Ray présenta ensuite une ceinture protectrice à laquelle pendait une épée à lame large et un poignard. Amusant contraste, splendide anachronisme, le chef-d'oeuvre de la technologie terrienne coexistant avec deux armes primitives !
Oliver se vit offrir une ceinture identique mais avec une longue dague. L'androïde lui montra la boucle où s'effectuait le réglage de l'intensité.
-C'est pratique, dit Marc, mais en cas de combat, esquive les coups. Chacun consomme de l'énergie et le générateur s'épuise assez vite. Ne considère pas ta ceinture comme un bouclier ! C'est seulement un ultime rempart et pas toujours très efficace. En raison de l'élasticité du champ, les coups sont perçus, et paradoxalement les armes les plus primitives, haches ou masses, sont les plus dangereuses.
Oliver se saisit d'un arc et d'un carquois empli de flèches. Devant le regard interrogateur de Marc, l'androïde grogna :
-Il m'a demandé de les lui fabriquer. Les indigènes s'en servent plus pour la chasse que pour la guerre. Cela ne paraîtra pas anormal que ton page en porte un. Nous devons nous dépêcher si nous souhaitons poser le module sur l'île avant le lever du jour pour ne pas risquer d'être vus par un habitant trop curieux.
-Que cherches-tu, Marc? demanda Oliver.
-Si je le savais! Ton père est probablement venu sur cette planète et elle doit avoir de l'importance pour qu'il en ait dissimulé aussi astucieusement les coordonnées.
-Il a pu se poser n'importe où !
-En théorie oui, mais pas en pratique. Même un pilote très entraîné a besoin d'un espace plat et dégagé pour poser un astronef. Or en dehors des chaînes montagneuses, dangereuses pour faire atterrir un astronef, les forêts couvrent la majeure partie des terres émergées.
-En quelques minutes, tu as trouvé cet îlet.
-Le cas est particulier car l'habileté de Ray à piloter est exceptionnelle. Il existe un autre facteur bassement matériel. Décoller exige beaucoup d'énergie et il est préférable de profiter de la vitesse de rotation du globe pour s'arracher du sol. Ainsi les meilleurs endroits se situent aux environs de l'équateur. Ray, projette une carte de cette zone.
Un écran s'illumina sur une paroi de la soute. Des images défilèrent rapidement.
-Augmente le grossissement!
L'île, allongée verticalement, était bordée à l'ouest par une chaîne de montagnes qui, par endroits, plongeait directement dans l'océan. Seule la partie est présentait des collines puis une plaine, sillonnée de rivières.
A la partie moyenne se dressait une ville encore peu importante, entourée d'une enceinte et dominée par un château fort. Une vingtaine de villages se répartissaient entre mer et montagne, surtout dans la région sud.
Une cinquantaine de kilomètres au nord de la capitale qui se nommait Heva, s'étendait un marécage constitué par l'estuaire d'un fleuve et, au-delà, un plateau aride.
-L'endroit pourrait convenir à un astronef, admit Ray.
-Nous commencerons donc par cette grande île.
Ils s'installèrent dans le module de liaison, capsule cylindrique équipée de quatre sièges dont la moitié supérieure était en plastex transparent. Ray se mit aux commandes et fit pénétrer l'engin dans le sas. La porte extérieure s'ouvrit et le module gagna le ciel.
Oliver, les muscles crispés, attendait une ascension rapide. Étonné de ne rien ressentir, il demanda :
-Pourquoi ne pas prendre de l'altitude?
-Lorsqu'on veut être discret, mieux vaut survoler l'océan à moins de vingt mètres. Les radars ne peuvent nous repérer.
-C'est très dangereux, surtout de nuit.
Ne t'inquiète pas! Avec Ray comme pilote, nous ne risquons rien. Le surf au-dessus des vagues est une de ses spécialités.