CHAPITRE VII
Tout en prenant le petit déjeuner, Marc interrogeait Ray.
-Le Mercure a reçu des visiteurs nocturnes. Les défenses automatiques ont parfaitement fonctionné. Les types doivent avoir un joli mal de crâne. Je suis passé voir l'agent immobilier. Il m'a remis la clé de la villa. Incidemment, il a dit qu'il avait contacté Furster. Il te recevra cet après-midi à trois heures, dans sa propriété. J'ai noté l'adresse.
-J'ai hâte de faire sa connaissance. Il commence à m'intriguer. Où est Oliver?
-Il dort encore. Il a eu une nuit fatigante. Son service terminé, la petite est venue le rejoindre dans sa chambre. Ils ont beaucoup bavardé avant de...
-Ah! Parce que...
Ray eut un sourire indulgent.
-Ils sont jeunes...
Réveille-le!Le capitaine Kirchner traversa la salle pour s'arrêter devant la table de Marc.
-Je vous cherchais, monsieur Stone.
Marc lui désigna un siège et proposa un rafraîchissement.
-Ce matin à l'aube, j'ai été informé d'un curieux accident survenu à l'astroport. Le service d'entretien a retrouvé deux hommes sérieusement blessés à proximité de votre yacht. Le plus curieux est qu'ils transportaient des explosifs. Par chance, ils n'étaient pas encore amorcés lors de la collision.
-Que disentils?
-Rien ! Ils n'ont pas encore repris connaissance. Ils semblent avoir été heurtés par un véhicule ou... un champ de force.
Très calme, Marc acheva de vider son verre de jus de fruits.
-Pourquoi pas? Mon astronef est équipé d'un système de protection qui se déclenche lorsque l'on tente d'y pénétrer. Qui étaient ces hommes ?
-Des mineurs, répondit Kirchner après un instant de silence.
-Qui travaillent pour Furster?
Devant le malaise de son interlocuteur,
Marc n'insista pas mais dit d'une voix tranchante :
-Dorénavant mon yacht sera protégé en permanence par un champ de force. Je vous serais oblige d'en informer les autorités de l'astroport.
Le capitaine tenta de protester:
-C'est inutile ! Nous assurerons la surveillance.
-Je préfère ma solution! Si j'ai bien compris la situation, la venue d'un astronef sur Terrania XXV est exceptionnelle. Je souhaite éviter à vos concitoyens toute tentation malencontreuse.
-Qui êtes-vous, monsieur Stone?
-Je vous l'ai dit. Un homme d'affaires qui souhaite investir sur votre planète.
-Il faut des capitaux!
-N'ayez crainte, le moment venu, je les aurai.
-Je dois vous avertir, j'ai demandé des informations sur vous à la Sécurité Galactique. J'attends sa réponse.
S'il espérait obtenir une réaction de son interlocuteur, Kirchner fut déçu. Pas le moindre tressaillement. Peu après son départ, Oliver arriva, les yeux bouffis de sommeil.
Tu as cinq minutes pour avaler ton déjeuner pendant que je règle l'hôtel. Après avoir ouvert la porte de la villa, Marc s'immobilisa sur le seuil. Le grand living-room avait dû être une pièce agréable, mais pour l'heure il y régnait un désordre indescriptible. Les meubles étaient renversés, les coussins retournés et éventrés, un placard étalait ses entrailles de vaisselle et ustensiles divers sur le plancher. La même pagaille se retrouvait dans les deux chambres du premier étage.
-Il y a eu un passage de visiteurs indélicats et pressés, ironisa Marc.
Désignant la poussière accumulée par endroits, Ray ajouta :
-La fouille est ancienne, probablement contemporaine de la mort des Standman.
Oliver, les yeux brouillés de larmes, regardait ce qui avait été son univers d'enfant.
-Au travail, dit Marc avec brusquerie. Il faut remettre de l'ordre si nous voulons déjeuner ici. Oliver, tu nous dirigeras.
Tandis qu'ils s'activaient, Stone demanda :
-Ton père conservait-il ici de l'argent ou des objets de valeur?
-Non, nous n'étions guère riches et il faisait de gros sacrifices pour payer mes études.
-Que cherchaient ces malfaiteurs? grogna Ray.
-Oliver écarta les bras en un geste d'impuissance. Marc accrocha au mur un tableau qui avait glissé à terre. Il s'étonna du nombre de peintures décorant les murs. Des paysages, des natures mortes. Quelques portraits représentant toujours la même femme. Ma mère, murmura le gamin. Lorsque mon père se reposait entre deux voyages, il adorait peindre. Tiens, celles-là, je ne les connaissais pas.
Il désignait quatre petits tableaux. Ils représentaient le même paysage mais chacun à une saison différente. Le living reprenait une apparence normale. Ce fut ensuite le tour des chambres du premier étage. Il était plus de midi lorsqu'ils terminèrent leur besogne ménagère. Une voix appela de l'extérieur. Le visage souriant de Maggie parut dans l'entrebâillement de la porte.
-C'est mon jour de congé. Je venais voir si vous étiez bien installés.
-Restez pour déjeuner avec nous, dit Marc.
-A une condition, c'est moi qui m'occupe de la cuisine. Ollie, viens m'aider.
Quand ils eurent disparu dans la pièce voisine, Ray grogna :
-Il est heureux que j'aie acheté des plats tout préparés, sinon nous n'aurions guère de chance de déjeuner.
Les propos pessimistes ne furent pas confirmés par les faits et le repas fut prêt dans un délai raisonnable. Quand il fut terminé, Marc s'adressa à Maggie:
-J'aurais encore un service à vous demander. Nous avons un rendez-vous et j'aimerais que vous teniez compagnie à Oliver jusqu'à notre retour. En aucun cas vous ne devrez quitter cette maison.
Les lèvres de la jeune fille s'étirèrent en un discret sourire :
-N'ayez crainte, je veillerai sur lui.
A trois heures moins cinq, Ray arrêta le trans devant une grille. Une pancarte grossièrement peinte, proclamait : « Domaine Furster. Défense d'entrer. Danger de mort. »
-Il est difficile d'être plus inhospitalier, songea Marc.
Deux gardes armés de fusils-laser sortirent d'une guérite. L'un visa les Terriens tandis que l'autre approchait.
-Nous avons rendez-vous avec M. Furster.
-Ne bougez pas! Je demande des instructions.
Il se dirigea vers un téléphone mural pour revenir un instant plus tard.
-Vous êtes attendus. Suivez le chemin sur deux kilomètres. Surtout ne vous écartez pas. Il existe de nombreux pièges propres à neutraliser les curieux.
La grille pivota pour laisser passer le trans. La propriété, une grande construction de pierre à deux étages, se dressait au milieu d'une zone dégagée. Le trans s'arrêta devant un perron. Un garde armé se matérialisa aussitôt.
Il conduisit les Terriens dans un vaste hall et désigna une porte sur la droite.
-M. Furster est dans son bureau.
Le maître des lieux était grand, maigre, le visage carré, le nez busqué. Les cheveux un peu trop longs n'arrivaient pas à masquer une calvitie débutante. Il était installé derrière une table de travail encombrée de dossiers. De la main, il désigna deux sièges à ses visiteurs qu'il dévisageait de ses yeux noirs.
-Lorsque j'ai été informé de votre arrivée, monsieur Stone, j'ai pensé vous faire gagner du temps et vous éviter des déconvenues en vous recevant rapidement. Vous l'ignorez certainement mais sur Terrania XXV rien ne se traite sans mon assentiment.
Marc et Ray restèrent immobiles, muets. Agacé par cette absence de réaction, Furster reprit d'un ton sec :
-Cette planète est promise à une belle expansion. Vous pouvez investir dans l'agro-alimentaire, les industries mécaniques, l'hôtellerie, que sais-je encore. Tout cela est parfait.
-Et les mines? laissa tomber Marc.
Les poings de Furster se crispèrent jusqu'à faire blanchir ses articulations.
-Je ne vous le conseille pas!
Une voix glaciale, habituée au commandement :
-Je travaille ici depuis vingt ans et possède maintenant une société solide. Il n'y a plus de place pour d'autres!
-Je vois que vous n'aimez guère la concurrence.
Déconcerte par le calme de son interlocuteur, Furster mil plusieurs secondes pour ajouter :
-J'espère pour vous que vous m'avez compris.
-Fort bien! Croyez que si je décide de réinstaller ici, je saurai m'entourer des précautions nécessaires. Est-ce tout ce que vous vouliez dire?
-Encore un détail. Si vous décidez de regagner la Terre, il ne serait pas prudent d'accepter certaines cargaisons.
-Je vous remercie de votre mise en garde. Toutefois, dans le respect des lois de l'Union Terrienne, je reste seul juge de mes actes.
Le visage de Furster s'empourpra mais il réussit à contenir sa colère. Dès ses visiteurs sortis, il enclencha un communicateur:
-Alec, plan numéro un. Avec la discrétion habituelle.