Chapitre 17
Je dormis très mal, me réveillant en sursaut au moindre passage de voiture ou grincement de mur. Vers 3 heures du matin, je fus à deux chiffres de composer le numéro de mes parents pour leur dire d’aller chercher mes frères et de s’enfuir. La seule chose qui m’arrêta fut de savoir qu’ils ne le feraient pas. Je restai allongée sur mon lit, oscillant entre veille et rêves désagréables, et regardai les rideaux s’éclairer de l’aube naissante. À aucun moment je n’eus même l’intention d’allumer mon ordinateur.
Midian et Chogyi Jake avaient accusé le coup quand je leur avais parlé du faux Ex, mais aucun ne m’avait blâmée pour m’être fait avoir, même brièvement. On décida d’utiliser le nom de code « éléphant » dans nos premières phrases si par hasard nous étions amenés à communiquer sur le Net, et Midian plaisanta sur le fait que ce genre de précaution était la preuve flagrante que quelque chose avait déjà bien foiré.
On sonna à la porte à 11 heures du matin, et le son me noua l’estomac. Midian, qui regardait la télévision avec les sous-titres mais sans le son, se leva du canapé. Chogyi Jake sortit de la cuisine. La sonnette retentit une seconde fois.
— Tu veux que j’aille chercher mon Luger ? demanda Midian.
— Vous deux, allez vous cacher, répondis-je.
Chogyi tendit un couteau à Midian, m’adressa un signe de tête et retourna dans la cuisine. Midian avança dans le couloir, là où il ne pourrait être vu de la porte. Je posai la main sur la poignée, pris une grande inspiration, expirai lentement et ouvris la porte.
Le coursier avait déjà abandonné, et je vis le petit camion rouge qui s’éloignait. Une boîte en carton gris était posée sur le seuil de briques rouges. Je la ramassai, toujours à moitié convaincue qu’il s’agissait d’un piège. Le rapport qui se trouvait à l’intérieur faisait quatre-vingts pages, reliées de façon professionnelle, avec aucune mention de mon nom ou de celui de mon avocate. Tout en lui respirait la dénégation plausible. Je retournai à la table de la salle à manger et m’installai. Au bout de quelques minutes, je dus promettre à Midian de lui raconter les meilleurs passages, si seulement il arrêtait de lire par-dessus mon épaule.
Randolph Eustace Cain était né à Vienne en 1954, d’une famille d’épiciers. Celle-ci avait émigré aux États-Unis en 1962 et avait emménagé dans un quartier de New York où la population d’Europe de l’Est était majoritaire. Cain avait suivi une scolarité ordinaire, ne montrant aucun signe particulier d’excellence, en dehors, semblait-il, d’un certain talent pour la clarinette.
Je levai les yeux vers Midian.
— Comment Cain a-t-il pu te lancer une malédiction en 1780 quelque chose s’il n’est né que dans les années 1950 ? lui demandai-je.
— Il se trouvait dans un corps différent, à l’époque, expliqua Midian avec un haussement d’épaules. Ton avocate ne peut pas non plus deviner qui le cavalier de Cain possédait avant Cain.
— Ah ! Oui, bien sûr.
À la fin de l’été 1972, Cain avait disparu.
Le Randolph Cain qui était réapparu six ans plus tard était un autre homme. Bien que fréquentant régulièrement les membres d’un truc nommé la théosophie zen, il n’avait jamais manifesté de croyances particulières en public, en dehors de son soutien pour l’éducation publique et quelques inquiétudes concernant la surpopulation. Une note de bas de page spécifiait que, même si leurs idées étaient similaires, les théosophistes zen n’étaient en rien associés à la Société théosophique et s’inspiraient des œuvres d’une certaine Alice Bailey, un nom qui dut sembler familier à Midian, car il hocha la tête en m’entendant le prononcer.
Dans les deux décennies qui avaient suivi, Cain était apparu en compagnie de leaders religieux, de poètes, d’excentriques et de grands pontes de l’industrie et de la finance. Il y avait même une liste de noms dont je reconnus à peu près la moitié. La manière dont il fit fortune restait en grande partie obscure, même s’il faisait partie du conseil d’administration de deux cabinets de consultants politiques, d’une fondation d’aide humanitaire et d’une société de matériel scientifique. Aux yeux du monde, Cain était l’un de ces entrepreneurs dont le statut imprécis ne permettait pas de déterminer exactement ce qu’il faisait. Même s’il fréquentait des personnes aux convictions un peu douteuses, lui-même n’avait jamais manifesté la moindre croyance particulière.
Un nouveau chapitre du rapport commençait là.
Le Collège Invisible était une confrérie dont les origines remontaient au xvie siècle, époque à laquelle il était associé de très près à John Dee et aux rosicruciens. Il y avait eu une sorte de violent schisme à l’intérieur du Collège pendant la Seconde Guerre mondiale, mais on avait peu de détails concernant cet épisode.
La liste des membres n’avait jamais été rendue publique, mais la rumeur voulait que l’effectif du groupe varie entre cent et six cents personnes selon les périodes. La nature des activités du Collège n’était pas très claire : on ignorait s’il s’agissait d’un ordre religieux, d’un groupe de pression scientifique ou d’un think tank internationaliste. Apparemment, Aleister Crowley, Harry S. Truman et Alan Turing avaient fait partie de l’organisation.
— Turing ? s’étonna Midian. Attends, quand est-ce que Cain est né, déjà ?
— En 1954, répondis-je.
— Oui, mais quel jour ?
Je retournai en arrière dans le rapport.
— Le 7 juin.
Midian émit un petit ricanement sourd.
— Quoi ? demandai-je.
— C’est le jour où Turing s’est suicidé, expliqua Midian. Probablement une simple coïncidence. Continue.
— Il n’y a pas grand-chose d’autre dans ce chapitre.
— Et ensuite ? s’enquit Chogyi Jake.
Je tournai la page. Le reste du rapport valait son pesant d’or massif : il était parfait. Tous les mouvements de Cain lors de la semaine passée y figuraient en détail, y compris ses visites à l’entrepôt où nous avions tenté de l’assassiner, son adresse personnelle – qui, à en juger par les notes de bas de page, était une information des plus confidentielles –, la description de ses voitures et des photos de son garde du corps. C’était le costaud que j’avais déjà aperçu en compagnie de Cain lorsqu’Ex m’avait emmenée à l’entrepôt, la première fois. Ce passage se terminait sur une estimation de l’itinéraire que Cain suivrait dans les dix prochains jours, avec une note précisant que toutes les prédictions mentionnées devaient être considérées comme des hypothèses, et non des certitudes. Le ton utilisé me laissa perplexe : les autres clients de mon avocate lui demandaient-ils de savoir lire l’avenir ?
La dernière partie du rapport était constituée de copies de documents originaux, y compris le dossier médical de Cain, qui avait consulté un médecin l’année précédente. Il souffrait de reflux gastro-œsophagien. Bizarrement, ce détail, avec son côté intime et vulnérable, fut ce qui me rassura le plus. J’avais enfin l’impression de ne plus tourner en rond.
— OK, conclus-je. Nous savons donc où il est, et avons une idée d’où il se trouvera dans les prochains jours. C’est un bon début, quand même, non ?
— Ç’aurait été pas mal que les auteurs du rapport en sachent plus sur le sujet des cavaliers qui possèdent ces connards, commenta Midian. Mais bon… Alors, petite, quel est ton programme ?
Nous devions affronter plusieurs problèmes.
Tout d’abord, Cain savait que nous étions à sa recherche et que nous voulions le tuer. L’ennemi était sous alerte maximale, ce qui était plutôt embêtant.
Deuxièmement, les défenses autour de la maison commençaient à céder. Chogyi Jake faisait de son mieux, mais je sentais l’air extérieur exercer une pression croissante sur les murs. Par deux fois, j’avais cru entendre le claquement des ailes monstrueuses de Cain. Et Chogyi s’affaiblissait d’heure en heure. Plus on attendrait, moins on aurait d’espoir.
Troisièmement, Cain était bien entouré, et par des créatures aux immenses pouvoirs surnaturels. Nous étions parvenus à contourner ce problème la dernière fois en lançant notre offensive pendant que tous étaient bloqués par leur affreux rituel. Cela avait d’ailleurs fonctionné, même si le reste du plan avait lamentablement échoué.
Ce qui m’amenait à notre dernier sujet d’inquiétude : Cain lui-même était doté d’immenses pouvoirs surnaturels, et ne pouvait probablement être tué que par mes deux balles magiques, les mêmes que celles qu’il avait déjà traitées comme quantité négligeable la fois précédente.
Ce dernier détail était insoluble, alors j’évitai de trop y penser, et repris tout depuis le début, cherchant un moyen d’attirer le Collège Invisible dans la mauvaise direction. Mes premières idées n’eurent pas précisément un succès fou auprès de mes compagnons.
— Fuir ? demanda Midian. Tu es sérieuse ?
— On ne peut rien faire s’il contrôle toute la ville.
— Tu te souviens que, la dernière fois, il ne s’est passé que vingt minutes entre le moment où tu as mis à bas les défenses de l’appartement et l’arrivée de l’expédition punitive ? dit Midian.
— Je suis déjà sortie deux fois, lui rappelai-je. Une fois pour le fusil, l’autre pour rendre visite à mon avocate, tu te souviens ? Et il ne m’est rien arrivé.
— Tes protections ne s’appliquent pas à nous, fit remarquer Chogyi Jake.
— Ex est bien sorti, lui aussi.
— Ex a certaines ressources qui peuvent lui être utiles, rétorqua Chogyi Jake. Et… de toute façon, rien ne nous garantit qu’il soit encore vivant.
— OK, conclus-je. Nous ne pouvons pas fuir, alors.
— Nous, non, spécifia Chogyi Jake. Toi, tu le peux toujours.
— Intéressons-nous plutôt à notre deuxième problème, décidai-je. Les soldats de Cain.
— Ce serait effectivement une bonne idée de s’en débarrasser, approuva Midian. Soit en les éloignant de Cain, soit en les forçant à intervenir dans tant d’endroits différents que nous pourrons parvenir jusqu’à Cain sans avoir l’impression de débarquer sur une plage de Normandie.
— Comment pourrait-on faire ça ? demandai-je.
Chogyi Jake éclata d’un rire chaleureux et plein d’affection.
— En nous enfuyant, répondit-il. Dès que tout sera en place, Midian et moi attirerons le Collège Invisible sur nos traces en quittant la maison et en prenant la direction opposée de l’endroit où se déroulera le cœur de l’action.
— Ouais, c’est un bon plan, approuva Midian avec une expression qui disait à la fois qu’il était d’accord, et que, si c’était là notre meilleure stratégie, alors nous étions fichus.
— Mais…, commençai-je, avant de m’interrompre.
Mais j’ai besoin de vous. Mais vous risquez d’être blessés. Mais je ne peux pas l’affronter seule. Il n’y avait aucune façon de terminer cette phrase sans trahir ma faiblesse. Oui, c’était à moi de tuer Cain. J’avais déjà essayé la stratégie où je me reposais sur mes compagnons, et voilà où ça m’avait menée.
C’était ma responsabilité. J’avais bien l’intention de l’assumer.
— OK, dis-je donc, c’est déjà un bon début, non ? Vous attirez le Collège Invisible dans un coin pour que je puisse parvenir jusqu’à Cain.
— Parfait, commenta Midian. Et une fois face à lui, tu pourras commencer à te donner quelques coups de poing dans la figure pour le plonger dans la confusion. Casse-toi un bras, aussi, tant qu’à faire. Enfin, ne le prends pas mal, chérie : je ferai ce qu’il faudra, mais toi, tout ce que tu as, c’est beaucoup d’argent, les quelques cantrips qu’on peut t’apprendre, et deux cartouches. J’ignore ce que ça t’apportera. Mais il y a de fortes chances que tu te fasses botter le cul.
— Je vais y réfléchir, marmonnai-je.
C’est ce que je fis pendant les deux jours suivants mais, quand arriva jeudi, je n’avais toujours rien. Heure après heure, je sentais la pression de la maison s’accroître sur moi. C’était comme si nous étions cachés sous un caillou, et même si je risquais un peu moins que Midian et Chogyi Jake, c’était négligeable. Je ne rallumai pas mon ordinateur, même pas pour vérifier mes e-mails ou jouer au solitaire.
Je me lançai néanmoins dans une expédition furtive au supermarché, remontant l’allée des soupes et conserves avec mon qi relevé derrière mes yeux, l’esprit tellement concentré sur la présence de visages tatoués synonymes de danger qu’il me fut terriblement difficile de faire les courses. De retour à la maison, je pratiquai la méditation en compagnie de Chogyi Jake et m’entraînai à quelques cantrips avec Midian. L’un d’eux avait pour but de projeter son qi pour intimider les gens dépourvus de protections, et pourquoi ne l’essaierait-on pas sur des personnes qui en avaient ? Un autre permettait d’utiliser son qi comme une armure. Ça ressemblait plus à de la méthode Coué qu’à de la magie, mais Chogyi et Midian m’assurèrent que ce n’était qu’un début, et que des sorts plus puissants découleraient de ma maîtrise de ceux-ci. Mais même tout cela ne suffisait pas à soulager la pression de l’air surchauffé sur mes épaules.
Cette nuit-là, je restai allongée dans le noir à me demander où Ex pouvait bien se trouver, s’il avait trouvé un endroit sûr ou s’il s’était fait tuer. Je pensai à Aubrey, à ma famille, à mes anciens amis de l’université.
Il fallait que je tue Cain. Ex ne m’était d’aucune aide. Eric non plus. Midian et Chogyi Jake ne pouvaient que détourner l’attention des quelques sorciers du Collège Invisible qui tomberaient dans le piège. Je pouvais éventuellement me glisser dans la demeure de Cain, sauf que j’étais à peu près certaine que c’était impossible. Je pouvais me poster sur le trottoir d’en face et l’appeler, sauf que là, il me ferait passer un mauvais quart d’heure. Je pouvais l’attirer dans une embuscade, sauf que, tant qu’il aurait des hommes autour de lui à envoyer en éclaireur, il ne risquerait pas de se laisser tenter par quelque appât que ce soit. Je m’emmêlais dans mes draps en tournant et virant dans le lit. Les oreillers étaient trop chauds, et j’avais beau les remettre en place, ça ne me procurait qu’un réconfort temporaire.
Le vendredi matin, je rampai hors de mon lit, écrasée par la chaleur du soleil levant. La lumière filtrait à travers les stores comme de l’eau à l’intérieur d’un sous-marin. Je m’assis sur le bord du lit, toute collante de sueur aigre, partagée entre la lassitude et la peur – et la lassitude d’avoir sans cesse peur. Mes points de suture me démangeaient, mais la blessure sur mon flanc était presque entièrement refermée, le tissu cicatriciel rose vif laissant place à une couleur plus normale. Mon genou était toujours couvert d’ecchymoses jaune et vert, et mon organisme faisait tout ce qui était en son pouvoir pour évacuer le sang usagé, mais le bouger n’était plus douloureux. J’enfilai un peignoir, relevai mes cheveux en un chignon maintenu par deux crayons et allai dans le salon. Midian était debout devant la fenêtre, contemplant la pelouse qui roussissait lentement, mais sûrement.
— Je ne peux pas le faire, dis-je.
— Ouais, je sais, répondit-il sans se retourner. Si, au moins, Chogyi et moi ne risquions pas la mort en faisant un pas dehors, on aurait peut-être une chance. S’en prendre à quelqu’un comme Cain nécessite au moins trois personnes. Probablement plus.
— Il n’existe vraiment aucun moyen de vous protéger ? Je ne sais pas, moi, avec un nettoyage rituel, un truc du genre ?
— Sauf que là, tu n’aurais plus aucun moyen de détourner l’attention des hommes de Cain, et on l’aura quand même dans l’os.
— Ouais, marmonnai-je. Où est Chow Yun Fat quand on a besoin de lui, hein ?
— Qui ça ?
— Tu ne connais pas Chow Yun Fat ? Il a joué dans plein de films d’action de Hong Kong. Un tueur pour cible, Le Corrupteur. Et À toute épreuve. Dans celui-là, il se retrouvait dans une fusillade avec un bébé dans les bras. C’était vraiment exagéré, mais absolument génial.
— Et moi qui pensais que tu avais vécu une enfance surprotégée ! D’où te vient ton goût pour les films de gangsters ?
— De l’université, expliquai-je. Mon mec de l’époque adorait ça. Il m’a convertie.
— Ah ! Évidemment. Et comment ce bébé se retrouvait-il dans cette situation délicate ?
— À cause de ce flic qui…
Je sentis dans mon cerveau un déclic presque audible.
— Qui ? demanda Midian.
— Attends une minute.
J’allai chercher le téléphone portable dans ma chambre, avec l’impression que ma tête était remplie de champagne. J’étais encore trop nerveuse pour mettre directement en œuvre mon idée, alors je commençai par appeler l’hôpital pour prendre des nouvelles d’Aubrey. Il n’y avait pas la moindre évolution, ce qui me soulagea – son état ne s’aggravait pas – autant que cela m’inquiéta – il n’allait pas mieux non plus. Puis je passai un coup de fil à mon avocate, laissant un message à la réceptionniste pour demander qu’on me transmette toute modification de l’emploi du temps de Cain dans les deux prochaines semaines. C’est seulement après tout ça que je parcourus la liste des appels entrants et trouvai le numéro que ma conversation avec Midian m’avait rappelé.
Candace Dorn avait une voix agréable sur son bref message de répondeur. J’attendis le « bip », puis parlai.
— Bonjour, Candace, ici Jayné Heller, vous vous souvenez ? Bon, voilà, j’ai un petit problème. Enfin, il n’est probablement pas si petit que ça. J’aurais besoin de demander un service à Aaron. Vous pourriez lui dire de me rappeler ? Merci.
Je mis fin à la communication avec un sentiment d’excitation qui ressemblait presque à de la terreur. J’avais de l’argent, quelques cantrips, et deux cartouches.
Et un flic. Au moins un. Peut-être plus, s’il avait des amis de confiance.
Et ce n’était pas tout.
Je savais ce que je devais faire. L’idée d’appeler Candace m’avait ouvert toute une variété d’options et, même si elles ne me réjouissaient pas forcément, je ne pouvais pas me permettre de ne pas les exploiter. La vie de mes amis en dépendait. Vu comme ça, mes sentiments ne faisaient pas le poids.
Trouver le numéro me prit une vingtaine de minutes. Cela aurait probablement été plus rapide avec Google, mais je ne voulais toujours pas allumer mon ordinateur. Je fis donc appel aux bons vieux renseignements téléphoniques, et une voix d’ordinateur avec un vague accent de la côte Est transmit mon appel. Le cœur battant, j’écoutai la sonnerie. J’espérais encore tomber sur un répondeur. Mon espoir fut déçu.
— Allô ? dit une voix féminine.
J’ouvris la bouche, mais rien n’en sortit. Je déglutis pour tenter de me dénouer la gorge.
— Allô ? Il y a quelqu’un ? répéta-t-elle, sur le point de raccrocher.
— Bonjour, croassai-je enfin. Vous ne me connaissez pas. Je m’appelle Jayné. Jayné Heller. Eric Heller était mon oncle. Il est mort. On l’a tué et… euh… enfin… j’ai besoin d’aide. De votre aide, plus particulièrement.
Elle resta silencieuse.
— Aubrey est en danger, insistai-je. Il risque de mourir.
Le silence se prolongea un instant. Je l’entendais respirer à l’autre bout du fil. Quand elle reprit la parole, ce fut d’un ton lugubre.
— Où est-il ?
— À Denver, répondis-je. À l’hôpital.
— J’arrive dans la soirée, décida son épouse.