S’il existe un seul thème donnant une uniformité aux nouvelles de ce recueil (et je crains que l’unique lien se nomme Ellison), c’est peut-être celui de la responsabilité inéluctable de nous tous, non seulement de nos propres actes, mais aussi de notre manqué d’action, de nos silences et de nos carences sur le plan moral, de l’hypocrisie, du voyeurisme, de la lâcheté coupables dont nous sommes témoins ; c’est ce qu’on pourrait appeler « la conscience sociale du spectateur-témoin ». Catherine Genovese, le révérend Reeb, Viola Liuzzo, Jack Kennedy, Marilyn Monroe…, comment diable oserons-nous leur faire face, s’il existe quelque chose comme l’au-delà ? Peut-être tout revient-il à la réponse que n’importe quel Allemand d’âge moyen, disons, de Munich, pourrait donner aujourd’hui : « Si je n’avais pas fait ce qu’ils me demandaient, ils m’auraient tué. Il fallait que je sauve ma vie, n’est-ce pas votre avis ? » Je suis sûr que, si le problème est posé tel quel, la vie la plus ignominieuse vaut encore mieux que la mort, et pourtant toujours de nouveau me vient à l’esprit, je ne sais d’où, la réflexion, trop noble pour être de moi : « À quoi bon… » Rester en vie n’a de mérite que si on vit avec dignité, si on se fixe un but, si on se sent responsable de son prochain. Si ces données sont absentes, alors la vie n’est qu’une chose léthargique, bâtarde, une habitude plutôt qu’une valeur. À propos de cette nouvelle… j’ai commencé par la fin. C’était un poème symphonique dont Tom Scott a tiré une chanson populaire, une petite chose intitulée 38e Parallèle, et que Rusty Draper enregistra quelques années plus tard sous le titre de Chant solitaire. Si vous en trouvez quelque part un 45-tours, jouez-le en lisant les derniers paragraphes, car il embellira et colorera remarquablement l’explication que je cherche à donner en parlant d’émotions qui sont