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Voilà trois jours à présent que Séraphin et Théo auscultaient Cordouan. Le conservateur, parvenant difficilement à maîtriser sa peur de l’eau, multipliait les relevés à l’intérieur du phare, prenait des photographies alors que son assistant inspectait chaque pierre de taille de la couronne sur laquelle reposait le « Versailles des mers », pendant les trois heures par jour que lui laissait le reflux.

On ne comptait plus les blocs descellés sous les incessants coups de boutoir de la houle. Ce piédestal, de quarante et un mètres de diamètre, restait le talon d’Achille du phare. Il suffisait que les brèches, constatées çà et là, s’élargissent de quelques centimètres pour que l’assise de Cordouan soit mise en péril. Cette muraille circulaire, surmontée d’un large parapet, paraissait de prime abord invincible. C’était mal connaître la force des courants et l’œuvre inexorable du temps.

À l’origine, Cordouan était à l’abri des vagues ; sa ceinture de pierres et la hauteur de la roche mettaient l’édifice hors de portée des gerbes d’eau. Or la montée du niveau de la mer le rendait aujourd’hui terriblement vulnérable. Il était urgent d’envisager la construction d’un bouclier renforçant les fondations de la tour. Différer plus longtemps ces travaux, forcément herculéens, revenait à condamner l’œuvre insensée de Louis de Foix.

Avec méthode, Séraphin examinait les traces de corrosion dont Cordouan souffrait de toutes parts. Attisée par les vents salins, la rouille s’incrustait partout, dégradant les huisseries, faisant couler des larmes basanées sur la pierre étincelante de Saintonge. Régulièrement, l’impétuosité des vents se chargeait de faire voler en éclats les vitres des lucarnes, malmenant les vitraux de la chapelle. Sainte Sophie, sainte Anne, au même titre que saint Pierre et saint Michel tressaillaient d’effroi à chaque fois que de violentes bourrasques molestaient la tour à feu.

Dans son savant rapport, Séraphin notait consciencieusement tous les travaux qu’il convenait d’entreprendre et leur ordre de priorité. Parfois Bargain et Gervais prêtaient main-forte au conservateur pour attirer son attention sur cette lèpre qui gagnait peu à peu tout l’édifice. L’humidité, les vents, le sel rongeaient la pierre. Il suffisait de détailler les mascarons ornant les couronnes extérieures du premier et du second étage pour évaluer combien de soufflets séculaires ils avaient dû subir. Sur le fronton de la porte, Neptune avait perdu beaucoup de sa superbe. Dans leur grande versatilité, les dieux marins avaient-ils, eux aussi, abandonné Cordouan ?

 

Chaque soir, Séraphin racontait à Hélène les maux et les avaries dont souffrait le monument. L’ancienne archéologue finissait par connaître toutes les fêlures de ce phare sur lequel elle n’avait jamais encore mis les pieds. Son mari lui avait promis une visite exhaustive des lieux un « jour de plein beau temps ». Les journées s’enchaînaient et Séraphin remettait toujours au lendemain cette « excursion de haute mer »

— N’exagère pas, mon doux trésor des îles ! C’est quand même pas une expédition digne de La Pérouse que de visiter ce phare à sept kilomètres des côtes !

C’est en ces termes qu’Hélène Cantarel brocardait affectueusement son époux.

— Oui, mais je ne souhaite pas que tu termines comme lui ! rétorquait avec le même humour Séraphin.

— Ce que tu me refuses, je le demanderai à Théo. Lui n’a pas peur de l’eau, et je sais qu’il ne me mènera pas en bateau !

Ainsi le couple Cantarel se chamaillait-il affectueusement à la terrasse d’un des cafés à la mode de la Côte où s’affichaient les gloires du moment.

La veille, Hélène y avait aperçu sur son vieux VéloSolex l’acteur Sami Frey et la troublante Delphine Seyrig, dont le père, Henri, était un célèbre archéologue1. À la table voisine, le geste précieux et la voix monocorde, le célèbre chroniqueur de cinéma François Chalais et sa dernière conquête, Mei-Chen, sirotaient un Perrier tranche.

L’arabica de Séraphin tiédissait dans sa tasse car le conservateur était bien trop absorbé par les titres qui barraient la une de La Charente libre. On y évoquait sur trois colonnes le deuil dans lequel était plongé le petit village de Meschers.

Un accident de la route avait en effet coûté la vie aux jumeaux Buzet et à un garçon de Gémozac. La 4 L des frangins, pour une raison encore inconnue, s’était enroulée autour d’un platane, tuant sur le coup le conducteur et les deux passagers du véhicule. À peine majeurs, les fils Buzet, membres du Football-club de Royan, étaient unanimement appréciés pour leur vélocité et leur faculté inouïe à marquer l’adversaire à la culotte. Quant à leur camarade, il était « sous les drapeaux et devait rejoindre sa caserne d’Angoulême le lendemain du drame », précisait le quotidien charentais.

— Pauvres gosses !… avait soupiré Cantarel.

Puis le conservateur, renonçant définitivement à boire son café froid, s’était plongé dans la polémique qui agitait le village de Talmont. Le journal relatait le bras de fer opposant vigoureusement une poignée de Talmontais au projet de création d’une marina dans la baie de Caillaud. L’idée d’un port de plaisance, née de l’imagination exubérante d’un cabinet immobilier bordelais, avait su convaincre quelques édiles locaux attirés par la manne financière engendrée par cet investissement à « vocation hautement touristique ».

Quel sacrilège ! Au pied de l’église Sainte-Radegonde, dans un des sites les plus beaux du littoral, cinq cent quarante bateaux, pas moins, viendraient se ranger comme une flottille d’opérette prête à encombrer les eaux fourbes de l’estuaire ! De son bureau du Trocadéro, Cantarel suivait discrètement l’affaire. Dans une note interne, il avait émis un avis « très défavorable » auquel s’était rallié Maurice Druon, son ministre de tutelle d’alors.

Sur le terrain, une association de sauvegarde des amis de Talmont avait alerté les journaux, à commencer par Le Figaro qui s’était ému dans ses colonnes que pareille balafre puisse être infligée à notre patrimoine. Séraphin avait alors fait valoir auprès des autorités locales que l’église de Talmont était classée monument historique depuis 1890. Les promoteurs pouvaient bien se prévaloir de quelques appuis en haut lieu, le projet n’aurait jamais l’agrément de Paris.

— Tu ne vas quand même pas laisser faire une chose pareille ! s’indigna Hélène.

— Voyons, chérie… Une prise de conscience est en train de s’opérer sur place. Et c’est tant mieux ! Je préfère, et de loin, que ce soit des gens du cru qui prennent en main leur destinée plutôt qu’un classement de site arraché de haute lutte auprès d’un ministre aux ordres de l’Élysée !

— Tu as raison… admit Hélène. Bientôt la France va devoir retourner aux urnes. Crois-tu que Chaban-Delmas ait ses chances ? ajouta-t-elle.

— Il est persuadé que son heure est venue. Mais il devrait se méfier. D’autres jeunes loups, à droite, se tiennent en embuscade…

— À qui songes-tu en particulier ?

— On parle beaucoup au ministère de l’ancien patron de Rivoli…

— Tu veux parler de cet échalas de Giscard d’Estaing ? ricana Hélène.

— Je le crois ambitieux et prétentieux. Et puis, il a un parti politique derrière lui… Il est certes détesté des gaullistes, mais de Gaulle est mort, ma chère Hélène, et la France veut du changement…

— Le maire de Bordeaux s’est déclaré alors que Pompidou était encore tiède. Les Français n’aiment pas ça ! Tu as raison, Séraphin, ce Chaban est un peu trop fougueux. Il se voit déjà à l’Élysée. Il devrait relire Montaigne.

Et Hélène de murmurer de concert avec son mari :

— « De toutes les vanités, la plus vaine, c’est l’homme ! »

François Chalais se retourna, laissa échapper un sourire avant d’enrouler un bras protecteur autour des épaules de son Asiatique.

Le couple Cantarel régla les consommations, avant de s’aventurer vers le port où un vent venu du nord rendait le fond de l’air tonique.

— Si tu me montrais la villa de ta tante Léonie ? demanda Séraphin en roulant son journal dans la poche de son imperméable.

— C’est une maison affreusement ridicule. Dans mon imagination de petite fille, elle me paraissait immense. Enfin, grâce au Ciel, elle a échappé aux bombardements !

— À quoi l’as-tu reconnue ?

— À l’inscription idiote qu’avait fait peindre ma tante sur son fronton.

— Laquelle ?

— Le Nid de Léonie.

— C’était un nid de coucou… que sa dame de compagnie, à l’évidence, a su faire sien ! ironisa Séraphin qui, de temps à autre, ne pouvait s’empêcher de regarder l’aiguille de Cordouan flottant comme un bouchon de pêche à la surface de l’océan.

Leurs pas les menèrent jusqu’à la conche de Pontaillac. Situé en seconde ligne, le chalet de Léonie était coiffé de trois larges pins dont les ramures caressaient la toiture ; les jeunes pommes craquaient aux premiers rayons de soleil alors que les allées du jardin s’étiraient en un épais tapis d’aiguilles rousses. Les persiennes étaient désespérément closes, la façade triste et délavée ; un chèvrefeuille exubérant avait pris possession du perron et faisait déjà le siège de la gouttière en zinc. Le heurtoir de la porte était rouillé et les vitres de la lanterne en verre dépoli cassées. Abandonnée, Léonie se mourait une seconde fois.

Mlle d’Épernay n’avait pas su faire d’héritier à son amant de notaire. Ou bien leur descendance supposée avait préféré Deauville, La Baule ou Biarritz à la vieille maison moisie de Pontaillac.

Si la villa avait été à vendre, peut-être Hélène aurait-elle convaincu Séraphin de la racheter ? Sans scrupule, elle poussa le portail. Il n’offrit aucune résistance, juste une longue plainte. À la prochaine tempête, les pins, c’était sûr, auraient raison du faîtage de la maison délaissée. C’en serait définitivement fini du « Nid de Léonie ».

Hélène grimpa sur le perron. Il lui sembla que la vue n’était pas celle qui, dans son enfance, embrassait l’embouchure de la Gironde où dansaient en toutes saisons des régates. D’autres constructions, sans fioritures ni charme, se hissaient du col, les tamaris avaient été abattus, le béton avait remplacé la pierre et pour que Royan retrouve son éclat d’antan, on prenait soin de tout badigeonner en blanc.

La nostalgie l’étreignait, mais Hélène n’y trouvait plus son compte. À quoi bon vouloir réveiller les souvenirs de ces vacances passées en compagnie de cette bonne Tante Léonie qui offrait, à l’heure du goûter, limonades et crèmes glacées aux cousins et cousines chahutant dans la cabine de plage à la toile rouge et blanche ?

Au fond du jardin, une pergola aux poutres vermoulues était habillée d’une écharpe mauve. Les pampres de la glycine se répandaient sur le sol, asphyxiant un vieux lilas qui jetait dans le ciel des grappes blanches à faire pâlir une vierge. Hélène s’empara de quelques branches pour en faire un bouquet. Silencieux, Séraphin se contentait de regarder sa femme humant ce paradis ressuscité dont elle semblait connaître toutes les fragrances.

De retour au Primavera, Hélène offrit le bouquet de lilas à la propriétaire de l’hôtel. Il fleurirait le sinistre comptoir d’accueil où s’entassaient quelques dépliants publicitaires à la gloire de l’exotique zoo de la Palmyre ou du légendaire petit train menant à Ronce-les-Bains.

Le temps d’une courte sieste et Séraphin reprit la rédaction de son fastidieux rapport. Les travaux qu’exigeait Cordouan étaient tels qu’il ne pourrait faire l’économie d’un long préambule. Chaque jour apportait son lot de mauvaises surprises. Bargain, Gervais et Quéméret ne s’y étaient pas trompés. Le phare était bien en péril. Il ne restait plus qu’à prier Dieu pour qu’une tempête, de celles qui se produisent deux ou trois fois par siècle, ne vienne pas ébranler l’édifice…

Aujourd’hui, Trélissac s’était rendu seul à Cordouan. Le soleil et le ciel sans nuages avaient dû favoriser sa tâche. Le jusant emportant loin les eaux vers le large, les relevés métriques en seraient grandement facilités. Avec ses cuissardes d’ostréiculteur et son bonnet de marin, Théo forçait l’admiration des gardiens. Parfois, l’un d’entre eux franchissait la poterne et venait lui donner un coup de main en désignant un flanc du phare où la mer s’engouffrait dangereusement.

À 18 heures, le conservateur alla l’accueillir sur le ponton, quand le Passe-Muraille le ramena au terme d’une journée en « haute mer », comme disait Séraphin qui connaissait mieux l’échelle des datations au carbone 14 que les coefficients des marées.

Comme ils en avaient pris l’habitude, ils allèrent prendre un verre à la guinguette du Petit Poucet, à Saint-Palais. Les gérants, Christine et Bernard, y étaient très accueillants. Bonne humeur assurée et service sur le pouce. À l’heure de l’apéritif, ils accompagnaient toujours le pineau de « M. Cantarel » d’une poignée de bulots qu’il convenait de saucer dans un aïoli soigneusement préparé.

Théo, lui, se contentait d’un Schweppes assorti d’une rondelle de citron. Quant à Hélène, une douzaine de marennes d’Oléron rendait plus agréable encore son blanc sec des Côtes de Bourg.

Charnues et dotées d’un léger goût sucré, ces huîtres de « l’île d’en face » étaient la récompense d’une riche journée. Aussi les Cantarel ne tarissaient-ils pas d’éloges sur cette guinguette, faite de quatre planches et d’une dizaine de toiles cirées, qui valait, assuraient-ils, les meilleures tables de la région.

Avec sa curiosité légendaire, Séraphin voulut savoir pourquoi cet endroit, sans chichi et toujours noir de monde, avait emprunté le nom d’un conte de Perrault. Était-ce la présence d’une épaisse forêt de pins derrière la guinguette où se perdaient parfois quelques clients éméchés ? La gérante prit alors un air de conspiratrice et, se penchant à l’oreille du conservateur, lui révéla tout son savoir :

— La guinguette a été créée, il y a bien longtemps, quand fut mis en service le premier tramway à vapeur reliant Royan à Ronce-les-Bains. Le train s’arrêtait là devant. Les voyageurs pouvaient pique-niquer à leur guise. Ils venaient avec leur casse-croûte et le patron de l’époque servait un petit vin frais qui faisait tourner les têtes. Lui et sa femme n’avaient pas d’enfants. Ils avaient fini par adopter une jeune orpheline qui leur servait de fille à tout faire. Ils l’avaient surnommée « Poussette ». Et comme le patron n’était pas, paraît-il, de grande taille, tous les clients l’appelaient « le Petit Pousset ». Au fil des années, la buvette a pris le nom de Petit Poucet, mais cela n’a rien à voir, cher monsieur, avec le conte affreux que nous racontaient nos parents !… ajouta Christine en emplissant à nouveau le verre de Séraphin.

— Drôle d’histoire en effet ! souligna Séraphin en portant son verre de pineau aux lèvres.

— On dirait davantage du Victor Hugo que du Perrault ! commenta Hélène. Cette Poussette était une sorte de Cosette et les promoteurs de cette guinguette devaient s’appeler Thénardier ou un nom comme ça !…

Théo étouffa un éclat de rire et se laissa tenter par l’huître que lui tendit Hélène. Elle fit couler un mince filet de jus de citron sur le mollusque qui se rétracta aussitôt avant d’être prestement englouti. Ce garçon du Limousin faisait l’apprentissage des fruits de mer et semblait y trouver quelque plaisir.

— Dites-moi, Théo, quel lot de nouvelles désagréables êtes-vous en mesure de m’annoncer ce soir ?

— Rien que vous ne sachiez déjà, patron. Le mieux est d’envisager la pose d’un tablier sur l’ensemble du soubassement, comme cela avait été fait en partie en 1925. Il faudra couler, cette fois, de sacrées dalles de béton !

— Jusqu’au parapet ?

— Pratiquement. Au moins jusqu’à la partie traditionnellement submergée… ajouta Trélissac sur un ton presque péremptoire.

— Quelle était l’ambiance à Cordouan aujourd’hui ? demanda Séraphin.

— Plombée !

— C’est-à-dire ?

— Ce matin, on a enterré le fils Quéméret à Saint-Vivien. Figurez-vous qu’elle n’était pas là ! souligna Théo.

— Qui, elle ? demanda Hélène.

— Eh bien, la fiancée de Killiam !

— Vous voulez dire qu’elle n’était pas aux obsèques de celui qui, à vingt-quatre heures près, allait devenir son mari ?

— Vous m’avez bien compris.

— Peut-être est-elle totalement anéantie par la mort du garçon qu’elle aimait… suggéra Cantarel.

— Tout de même !

— D’où tenez-vous ces ragots, Théo ?

— De Garette. Francis Garette, le quatrième gardien du phare. Le seul qui n’était pas d’astreinte et qui a donc pu assister à l’enterrement.

— Pauvre Eliaz, il doit se sentir bien seul ce soir ! soupira Séraphin. En sait-on un peu plus sur les circonstances de la mort de son fils ?

— Les flics penchent pour un règlement de comptes !

— Pourquoi pas un accident ? s’interrogea Hélène.

— S’empaler de la sorte est, vous en conviendrez, Hélène, assez troublant…

Séraphin faisait une moue dubitative.

— C’est ce Garette qui vous a dit ça ?

— Pas à moi, patron ! Je ne sais même pas la tête qu’il a. Mais c’est Gervais et Bargain qui l’ont eu par liaison radio avant que Vialatte ne revienne me chercher…

— Le pilote du Passe-Muraille n’était pas aux obsèques ?

— Si. « Par respect pour ce brave Quéméret », m’a-t-il dit.

— Vous a-t-il dit autre chose ?

— Non. Déjà qu’il est du genre taiseux ! Il a seulement marmonné que cette Suzanne n’était pas très claire. Trop belle pour être honnête ! m’a-t-il lâché en baissant les yeux.

— Stendhal, à moins que ce ne soit Balzac, disait : « La beauté est la promesse du bonheur. » Preuve que non, semble-t-il ? ponctua Hélène en gobant la dernière huître du plateau.

— En tout cas, cette affaire a foutu un coup au moral de Bargain et à son acolyte Gervais. Toute la journée, ils ont tiré une de ces tronches…

— … d’enterrement ! anticipa on ne peut plus sérieusement Cantarel.

— Soit dit en passant, Gervais a demandé à ce Garette s’il avait la clé de la cave.

— Et alors ?

— Il la croyait pendue au tableau !

— C’est donc Quéméret qui doit l’avoir au fond de sa poche, conclut Séraphin.

— Ou bien il l’a planquée quelque part, ajouta Trélissac. C’est tout de même assez ennuyeux car il paraît que le cerveau, lui aussi, se lézarde…

— Faudra-t-il que je missionne un serrurier à Cordouan ? lança Cantarel, en réajustant son nœud papillon.

— En tout cas, sans vouloir te faire de peine, Séraphin, ni vous offenser, cher Théo, aucun de vous deux ne semble détenir la clef de l’énigme.

— Puisqu’il en est ainsi, je préfère prendre la clef des champs !

Aussitôt Théo se leva, salua révérencieusement Hélène, puis son patron, avant d’abandonner le couple Cantarel à ses digressions apéritives et ses jeux de mots oiseux.

En petites foulées, il emprunta le sentier des douaniers en direction de la villa Margarita où son aimable logeuse lui aurait certainement préparé un frichti, arrosé de quelques souvenirs d’alcôve. Quand Marguerite Weber, alias Margarita de Monterey, glissait dans ses draps de soie, entre autres amants, un ministre de la IVe République qui « voulait tant lui faire un enfant »…

1- Henri Seyrig fut directeur général des antiquités de Syrie et du Liban. Il fut le fondateur de l’Institut d’archéologie du Proche-Orient. (N.d.A.)