CHAPITRE VINGT-TROIS
« Pensez-vous que la situation soit aussi compromise que Brashieel semble le croire ? »
Colin leva la tête lorsque le message enregistré d’Horus se termina. Même pour une hypercom impériale, quarante années-lumière représentaient une trop grande distance pour entretenir une conversation.
« Poinct ne says », répondit Jiltanith. Contrairement à ses autres convives, elle était présente en chair et en os. Très présente, songea-t-il, puis il étouffa un sourire en se rappelant qu’ils étaient en réunion. Elle lança un ordre mental à la console tridi pour repasser la dernière partie de la rencontre entre le vice-gouverneur et Brashieel.
« Poinct ne says, répéta-t-elle. Cest Aku’Ultan a l’air moult convaincu. Toutesfois, mon Colin, prends garde au faict suivant : malgré ses dires, a entrepris dialogue avecques Ninhursag et Père. Outre cela, pariseroit bien qu’il comprit ce qu’yceux lui contèrent. Ne mets guère en doute la vérité de sa douleur, mais elle est certes réveillée par le feu de la prise de conscience – du moins une certaine compréhension des faits.
— Tu veux dire que ses paroles ne reflètent pas ses pensées ? » demanda l’image holo de MacMahan, qui se trouvait sur le pont de commandement du Sevrid. Il ne se sentait pas très à l’aise dans sa nouvelle fonction de capitaine de planétoïde, car il se considérait encore comme un fantassin. Mais, après tout, ce superbe bâtiment peuplait les rêves de tout soldat : il disposait du plus grand équipage de toute la Flotte après le Fabricator, pour des raisons évidentes aux yeux de tous. Elles étaient claires pour Jiltanith et Colin, du moins, et c’est ce qui comptait. Or tous deux accordaient une importance cruciale à cet entretien.
« Nenni. Dirois plutôt que des divergences commencent à naître entre ce qu’icelui pense et ce qu’icelui croit, sans néant-moins s’en bien rendre compte encor’.
— Tu as peut-être raison, ’Tanni », opina Ninhursag à mi-voix. Elle se trouvait aux côtés d’Hector. Ce qui, remarqua Colin, se produisait souvent depuis quelques jours.
« Lorsque j’ai parlé avec Brashieel, poursuivit l’impériale en choisissant ses mots avec prudence, il m’a paru… innocent, si vous me permettez ce terme un peu banal. Je ne fais pas référence à une candeur de petit garçon sage. Peut-être “naïveté” serait plus approprié. Selon des critères humains, il est tout à fait brillant : il possède une rapidité de réflexion et une érudition hors pair, quoique seulement dans son domaine. Pour le reste, on pourrait parler plutôt d’endoctrinement que d’éducation, comme si quelqu’un avait circonscrit certains aspects de sa vision du monde et les avait catalogués comme “hors limite”. À tel point que le sujet ne semble même pas curieux de les développer. Pour lui, le monde est ainsi, point à la ligne. L’idée ne lui traverserait même pas l’esprit de remettre en question son fonctionnement, encore moins de le changer.
— Hmm. » Cohanna se frotta les paupières puis haussa un sourcil. « Ta théorie tient debout, Ninhursag. Je n’avais pas vu les faits sous cet angle, mais j’ai toujours eu tendance à considérer les individus que j’étudie d’un point de vue mécaniste. » Jiltanith eut une moue d’incompréhension, et un sourire fendit le visage de la scientifique. « Désolée. Je veux dire que d’habitude je m’intéresse davantage aux processus vitaux physiques qu’aux caractéristiques mentales du patient. C’est mon talon d’Achille : j’étudie d’abord sa physiologie et ensuite seulement sa psychologie… et parfois je laisse même tomber ce dernier aspect. Bref, je pense que Ninhursag a vu juste : si Brashieel était humain, je dirais qu’il a été programmé avec le plus grand soin.
— Programmé… » Jiltanith prit un air méditatif. « Ouy-da, peut-être fut-ce bien là l’adjectif que je cherchais. Nonobstant, sembleroit que cestuy programme pâtisse de faiblesses.
— C’est tout le problème de la programmation, dit Cohanna. Elle ne peut comprendre que des données connues du concepteur. Confrontez une personne avec des informations tout à fait étrangères aux paramètres qu’elle connaît et vous obtenez trois résultats possibles : elle craque, elle rejette la réalité et refuse de s’y confronter, ou alors… (elle marqua une pause suggestive) elle l’affronte et parvient finalement à briser le programme.
— Et vous pensez que c’est le cas de Brashieel ? demanda Colin.
— Eh bien, au risque de pécher par optimisme, je répondrai oui. Notre prisonnier possède une bonne résistance, faute de quoi il se serait blotti au fond de sa cellule et serait mort aussitôt après avoir compris qu’il se trouvait aux mains du père Fouettard. Qu’il soit encore vivant démontre la résistance de son psychisme. Il manifeste de la curiosité à notre égard, ce qui est encore plus révélateur. Cependant, la réalité que nous lui demandons d’accepter bouleverse sa conception de l’univers et menace son espèce d’extinction.
» Nous connaissons bien ce genre de terreur, et certains d’entre nous ont eu de la peine à encaisser le choc. La situation s’avère bien pire dans son cas : sa civilisation repose sur des millions d’années de peur profonde. À mon avis, il risque de s’effondrer lorsqu’il saisira à quel point la situation est catastrophique d’un point de vue achuultani. S’il survit aux prochaines semaines, en revanche, il se rendra compte qu’il est plus solide et souple qu’il ne pensait et décidera peut-être de croire aux propos d’Horus.
— Et qu’est-ce que cela changera ? demanda l’image holo de Tamman. Il n’avait de fonction que celle d’officier d’artillerie à bord d’un vaisseau éclaireur et ne jouissait donc pas d’une position prépondérante au sein d’une société basée sur un système de castes rigide.
— C’est vrai, dit Colin, mais son attitude représente notre seule source de référence quant à la réaction potentielle de son peuple si nous réussissons à stopper la Grande Visite. Bien entendu, nous aurions besoin d’un échantillon plus large. Voilà pourquoi, Hector (il posa son regard sur MacMahan), vous et le Sevrid procéderez exactement comme convenu. Sommes-nous bien d’accord ?
— Absolument, mais je ne suis pas obligé d’apprécier la tâche que vous m’imposez. »
La sécheresse de la réponse fit grimacer MacIntyre, mais Hector avait compris pourquoi il devrait rester en dehors du combat, et c’était là l’essentiel. Le Sevrid attendrait en retrait, camouflé à une distance prudente, puis, après la bataille, il aborderait tous les bâtiments naufragés ou endommagés qu’il trouverait.
Colin se tourna vers la responsable des biosciences. « Au fait, ’Hanna, comment avancent les systèmes de capture ?
— Assez bien. Il nous a fallu un moment pour trouver une solution toute bête : un champ magnétique concentré devrait faire l’affaire.
— Vraiment ? Ah oui ! je vois : leurs os sont en métal.
— Bingo ! Leurs organismes ne renferment pas du fer à ce point, mais un dispositif bien réglé devrait bloquer leurs squelettes. Et leurs muscles. Il nous faudra agir vite pour les enfermer avant qu’ils ne se “réveillent” – entraver l’afflux de sang en direction du cerveau ne constitue pas la meilleure idée –, mais cela ne devrait pas poser de souci. En ce moment même, Geran et Caitrin se chargent de la production à bord du Fabricator.
— Parfait. Nous avons besoin de prisonniers, bon sang ! Au début, il sera sans doute impossible d’en tirer quoi que ce soit, mais à un moment ou à un autre nous allons devoir soit parler avec ce Seigneur du Nid, soit le tuer. Je me dis parfois que son élimination réglerait le problème… mais c’est mon mauvais fond qui parle.
— Balivernes ! es souvent par trop doux avecques tes ennemis, lâcha ’Tanni d’un ton revêche, puis son visage s’adoucit. Joyeusement pour moy, d’ailleures, car où donc seroit aujourd’huy ma personne, eusses-tu été moins clément lors de nostre première rencontre ? Nenni, amour. Ne partage poinct ton affection pour cestuys ennemis, nonobstant ne contredirai guère ta volonté. Se puet mesme que, temps aidant, partagerai un jour tes pensées. Dasvantage estranges événements ne se sont-ils poinct déjà produits ?
Colin lui serra la main avec douceur. Il savait combien il en coûtait à sa femme de tenir de tels propos… et encore plus d’y croire.
« Bien, reprit-il d’un ton plus vif. Le sujet des prisonniers est clos. La situation se présente assez bien de ce côté-là. J’espère qu’il en va de même pour les autres aspects de notre plan. Horus et Gerald s’en sortent à merveille – mieux que je ne pensais – avec le renforcement des défenses de la Terre. En fait, ils ont une chance de s’en sortir même si nous perdons la bataille contre le gros des forces achuultani. Pour autant que nous en éliminions en tout cas la moitié.
— Ils ont une chance… répéta MacMahan en s’abstenant de préciser que celle-ci était infime.
— Je sais. » Le ton de Colin répondit à la remarque non formulée d’Hector, puis il tira sur le bout de son nez dans un geste familier. « Rassurez-vous : nous allons faire en sorte qu’ils n’aient pas à tenter le diable. Rapport de statut, Vlad.
— Notre escadron n’est pas au mieux de sa forme, mais j’ai vu pire. » L’hologramme de Tchernikov arborait une mine lasse, mais plus fraîche que lorsque la garde impériale ressuscitée avait quitté Bia. « Nous avons perdu huit unités : un bâtiment de type Vespa – c’est-à-dire un déficit mineur du point de vue de notre capacité de combat rapproché –, un autre de classe Asgerd et six Trosan. Cela nous laisse dix Trosan, dont deux trop endommagés pour que le Fabricator restaure leur puissance de frappe. Je suggère qu’ils soient acheminés vers Birhat sous pilotage informatique.
— J’aurais préféré les garder avec moi, soupira Colin, mais je crois que vous avez raison. Comment se portent nos autres bâtiments ?
— Les huit Trosan restants sont prêts au combat avec un minimum de quatre-vingt-dix pour cent de rendement. De nos cinquante et un Asgerd, c’est Deux qui accuse les plus graves avaries, mais avec Baltan nous pensons réussir à le remettre en état. Juste après viennent l’Empereur Herdan puis le Royal Birhat, mais ce dernier devrait être entièrement réparé dans deux mois. Selon mes estimations, le Herdan et Dahak II seront respectivement à quatre-vingt-seize et quatre-vingt-quatorze pour cent de leur capacité d’ici l’arrivée du bloc principal ennemi.
— Hum. Est-il nécessaire de transférer ton équipage sur des bâtiments indemnes, ’Tanni ?
— Nenni. Seroit meilleur que nous combattions à bord de vaisseaux dont nous connoissons les mystères, quoique en partie blessés, plutôt qu’ébranler nostres habitudes en veille de bataille.
— Je suis d’accord sur le principe, mais si Vlad et Baltan ne parviennent pas à ramener ces bâtiments au minimum à quatre-vingt-dix pour cent, vous changez tous d’affectation illico, ma jeune dame !
— Ha ! Ni dame ni jeune ne suis, et trouveras force difficultés à me déloger contre mon gré, Votre Majesté !
— Personne ne me respecte, soupira Colin, puis il se secoua. Qu’en est-il de Dahak, Vlad ?
— Nous ferons de notre mieux, Colin, déclara l’ingénieur d’un air plus sombre, et l’ambiance du colloque se refroidit. Il a encaissé deux frappes dévastatrices l’une sur l’autre. Et son âge n’arrange rien : s’il s’agissait d’un des nouveaux planétoïdes, nous pourrions simplement réparer les systèmes touchés à l’aide de pièces de rechange issues du stock du Fabricator. Malheureusement, nous allons devoir reconstruire ses quadrants rhô de A à Z, et sigma-un, lambda-quatre et pi-trois sont également accidentés. Au mieux, nous atteindrons les quatre-vingt-cinq pour cent de sa fonctionnalité.
— Dahak ? Confirmes-tu ces données ? demanda Colin.
— Je crois que le capitaine Tchernikov sous-estime ses capacités, mais son analyse me semble correcte dans l’ensemble. Je récupérerai au maximum quatre-vingt-sept ou quatre-vingt-huit pour cent de mon potentiel, mais guère davantage avant le délai imparti.
— J’aurais dû ordonner notre retrait plus tôt, bon sang !
— Non poinct, rétorqua Jiltanith. Les as appâtés en manière fort astucieuse, mon Colin, et ainsy appris bien plus que nous n’eussions jamais espéré.
— Sa Majesté a raison, observa l’IA. L’efficacité de nos armes à énergie contre des unités aku’ultan lourdes a été démontrée. En outre, l’opération Laocoon rend notre victoire tout à fait probable. Sans “Grêle de brasier”, nous n’aurions pas pu juger de son efficacité avec autant de précision.
— Oui, je sais », lâcha Colin avec sincérité. Mais il n’appréciait pas pour autant l’idée d’exposer leur inestimable vaisseau amiral – qui était aussi son ami, nom d’un chien ! – au feu de l’ennemi. « Bien, nous pouvons maintenant passer…
— Nenni, coupa la jeune impériale. Reste encor’ à déterminer cestuy vaisseau duquel mèneras escadron. »
Il remarqua l’inclinaison si particulière de son menton – signe de danger potentiel – et sentit une bouffée de colère irrationnelle monter en lui. Techniquement, il possédait l’autorité de la remettre à sa place, mais il devait s’abstenir. Une telle attitude aurait relevé du pur caprice – constatation qui l’énervait d’autant plus –, mais, surtout, elle aurait été injuste. ’Tanni était son second : son droit et son devoir consistaient notamment à exprimer son désaccord lorsqu’elle désapprouvait les décisions du commandant. Et aussi, elle était son épouse.
— Je serai aux commandes de Dahak, annonça-t-il d’une voix neutre. Sans personne pour m’accompagner.
— Pour ma part, je dys, ne feras rien de semblable », commença la jeune femme avec fougue, puis elle s’interrompit, contrôlant sa rage tout comme il venait de le faire. Néanmoins, la tension était perceptible entre eux et, quand il posa son regard sur les visages holographiques de ses plus proches conseillers, il y perçut une expression de grande gêne. Ainsi qu’une volonté d’épauler ’Tanni.
« Il est impératif que je me trouve à bord de Dahak. Notre victoire ou notre défaite dépendra largement de sa capacité à diriger le reste de l’escadre, et les communications seront déjà assez difficiles comme ça : si je suis sur un autre vaisseau, il faudra composer avec un effet de dilatation temporelle différent. »
L’argument était imparable, et il vit Jiltanith s’assombrir sans pour autant perdre contenance. La relativité ne posait pas de problème à un vaisseau en régime Enchanach, car il ne se « déplaçait » pas dans l’espace normal au sens strict du terme. Malheureusement, il fallait en tenir compte lorsqu’on voyageait à des vitesses subluminiques importantes, surtout quand d’autres bâtiments suivaient des trajectoires vectorielles opposées. Les communications usuelles pouvaient facilement être maintenues – il fallait compter avec un certain décalage, mais rien de bien grave –, mais Dahak devrait diriger les ordinateurs de ses semblables sans équipage comme s’ils représentaient des extensions de lui-même. Au mieux, leur flexibilité tactique serait fortement diminuée. Au pire…
Mais Colin décida de ne pas songer au pire, comme à son habitude.
« De toute façon, je ne serai pas plus exposé que les autres.
— Ah ? Sans nul doute fut-ce donc pareil raisonnement qui t’incita à interdire à quiconque de t’accompagner à bord Dahak ? lâcha-t-elle avec ironie.
— D’accord, tu as raison, commandement un ne sera pas le lieu le plus sûr de la Galaxie ! Mais cela ne change rien à l’affaire, ’Tanni. Pourquoi risquer la vie d’autrui ?
— Colin, intervint Tamman, ’Tanni ne brille peut-être pas toujours par son tact, mais elle parle en notre nom à tous. Excuse-moi, Dahak (il adressa un regard courtois à l’interface auxiliaire placée sur une paroi), mais tu risques de te changer en cible de choix si les Achuultani découvrent nos intentions.
— Je suis d’accord avec vous, capitaine.
— Merci. Voilà où je voulais en venir, Colin : nous savons tous à quel point ton aptitude à t’interconnecter avec Dahak est importante, mais toi aussi tu es important. En tant qu’empereur et en tant qu’ami.
— Tamman… (il s’interrompit, fixa ses mains puis soupira). Merci pour ta gentillesse – merci à vous tous –, mais le bon sens et la logique suggèrent que je me trouve à mon poste de commandement au moment de l’attaque.
— Sans l’ombre d’un doute, opina Dahak, et le coup d’oeil de Jiltanith en direction de la console trahit ses sentiments. Mais le capitaine Tamman est lui aussi dans le vrai. Vous êtes important, ne serait-ce que comme unique personne adulte à qui le haut commandement de la Spatiale obéira au doigt et à l’oeil pendant la longue période de réorganisation qui suivra l’incursion. Bien entendu, Sa Majesté l’impératrice est habilitée à assumer cette fonction au cas où vous décéderiez ; toutefois, elle oeuvrerait en qualité de régente d’un enfant mineur et non pas comme chef de l’État investi de tous les pouvoirs. À la longue, cette situation pourrait créer des conflits.
— Insinues-tu que je devrais mettre notre victoire en péril parce qu’il existe une possibilité que nous rencontrions des difficultés dans le futur ?
— Négatif. Je ne fais que proposer une liste de contre-arguments. Et, en toute honnêteté, j’aimerais y ajouter mes propres inquiétudes. Vous êtes mon plus vieil ami, Colin. Je préfère ne pas risquer votre vie inutilement. »
L’ordinateur exprimait rarement ses sentiments humains de façon si franche, et son capitaine, pris au dépourvu, déglutit sous l’effet de l’émotion.
« Je ne m’en fais pas une joie non plus, mais je pense que c’est nécessaire. Oublie un instant que nous sommes amis et dis-moi ce qu’indiquent les statistiques. »
Il y eut un très long moment de silence, phénomène assez rare chez Dahak.
« Vu sous cet angle, je suis obligé d’avouer que votre présence sur ma passerelle de commandement augmentera nos chances de réussite de façon significative. »
Les épaules de Jiltanith s’affaissèrent, et son mari lui caressa la main avec douceur en signe d’excuse. Elle tenta de sourire, mais ses yeux étaient gonflés de douleur, et pour cause : Colin avait ordonné à son planétoïde d’occulter à la jeune impériale leurs chances de survie, mais elle s’était débrouillée pour obtenir l’information.
« Attendez. » Le murmure méditatif de Tchernikov attira l’attention de tous les participants. « Nous disposons du temps et du matériel nécessaires à la pose d’un transmat à bord de Dahak.
— Un transmat ? Mais ce n’est pas…
— Une seconde, Colin. » Dahak paraissait de bien meilleure humeur. « C’est une excellente suggestion. Capitaine Tchernikov, arrêtez-moi si je me trompe, mais vous avez l’intention d’installer d’autres dispositifs de ce genre à bord de tous nos bâtiments pourvus d’un équipage, n’est-ce pas ?
— Parfaitement.
— Le phénomène de relativité empêchera ces stations de fonctionner, protesta MacIntyre. Elles devront être synchronisées.
— Pas avec autant d’exactitude que vous semblez l’entendre, expliqua l’IA. En pratique, la procédure exigerait simplement que le vaisseau récepteur maintienne à peu près le même temps relativiste. Vu le nombre d’unités habitées dont nous disposons, la possibilité existe d’en sélectionner une en particulier : je vous transférerais vers le bâtiment en question au cas où ma destruction deviendrait probable.
— Je n’aime pas l’idée de fuir, murmura le commandant.
— À présent te comportes en enfant, l’accusa Jiltanith. Bien says nostre sentiment à tous envers nostre vieil ami, néantmoins ta présence poinct ne contrera missile ou rayon qui l’occiroit. En quoi ton trépas rendroit-il le sien moins terrifiant ?
— Sa Majesté a raison, insista Dahak d’une voix tout aussi ferme. Vous ne refuseriez pas d’être évacué à bord d’une navette de sauvetage, or le principe est le même, à ceci près que vos chances de survie sont beaucoup plus grandes via transmat. Je vous en prie, Colin. Je me sentirais bien mieux si vous acceptiez. »
Obstiné, l’intéressé garda le silence. Son attitude n’avait rien de logique, certes, mais cela faisait partie du concept d’amitié. D’un autre côté, l’analyse de ses officiers tenait debout…
C’était juste le fait de préméditer la façon dont il déserterait son compagnon qui le dérangeait !
« O. K., lâcha-t-il à contrecoeur. Je n’aime pas l’idée, mais… vous avez mon feu vert, Vlad. »