« Les scans du périmètre extérieur confirment des signatures d’hyperpropulsion en provenance de l’est galactique », annonça Sir Frederick Amesbury.

Gerald Hatcher acquiesça sans même lever la tête. Les rapports d’état ronronnaient dans ses neurocapteurs et son regard était flou.

« Avez-vous les coordonnées spatiales d’émergence et une estimation du temps d’arrivée ? demanda le général.

— Rien de bien précis, mais voici les prévisions de la détection : cinquante minutes-lumière et quarante-cinq degrés au-dessus de l’écliptique. À en juger par la puissance de l’hypersignal, l’ennemi devrait arriver d’ici douze heures. Si tout se passe bien, le système de repérage sera en mesure de confirmer ces données au cours des deux prochaines heures.

— Parfait. » Hatcher accusa réception du dernier compte rendu et cligna des paupières pour opérer une mise au point. Il aurait voulu que Dahak soit de retour. Colin était parti depuis bien longtemps, ce qui signifiait qu’il n’avait pas trouvé de renforts à Sheskar. Mis devant le fait accompli, il avait sans doute décidé de poursuivre ses recherches ailleurs tout en espérant que la Terre tiendrait le coup sans son assistance. En d’autres termes, et selon toute probabilité, il ne montrerait pas le bout de son nez avant une bonne année.

Hatcher activa son tableau de communication et le visage tendu d’Horus apparut aussitôt devant lui.

« Gouverneur. » Il savait pertinemment que l’impérial connaissait déjà le contenu du rapport, mais il fallait respecter la procédure. « J’ai placé nos troupes en alerte rouge de niveau deux. Des signatures supraluminiques jugées hostiles ont été captées. Temps d’arrivée approximatif (il vérifia l’information via ses neurorécepteurs) : dix-sept heures trente, heure de Greenwich. Le dispositif de défense du système solaire est en état d’alerte maximale. La procédure de défense des civils a été lancée. Tous les commandants des CDP et des CDO sont connectés à la toile. Les escadrons d’interception seront prêts dans deux heures. Les générateurs de bouclier et l’hyperextracteur planétaires sont à pied d’oeuvre. Les escadrons de combat un et quatre se trouvent à trente minutes du point d’émergence estimé. Les escadrons deux et six devraient les retrouver à 0700, heure de Greenwich. Les escadrons trois, cinq, sept, huit, neuf et dix ainsi que leurs escortes se maintiennent au centre du système, conformément au plan alpha un.

» Des instructions, gouverneur ?

— Négatif, général. Tenez-moi informé.

— À vos ordres.

— Bonne chance, Gerald, lâcha l’impérial d’un ton affable et moins protocolaire.

— Merci, Horus. Nous ferons de notre mieux. »

L’écran s’éteignit, et Hatcher tourna la tête vers la console.

 

Le serviteur assistant Brashieel consulta son chronomètre. Il ne restait plus que quatre douzièmes de journée avant leur sortie de l’hyperespace, et une grande tension régnait à bord du Défenseur, car on appelait cette région le « secteur du démon ». Les Protecteurs du Nid tombaient rarement sur un ennemi pourvu d’une technologie avancée – c’était d’ailleurs le but de cette campagne : éradiquer l’adversaire avant qu’il ne développe un arsenal de guerre –, mais cinq parmi les douze dernières Grandes Visites dans ce secteur s’étaient heurtées à une résistance féroce. Ils avaient certes triomphé, mais à quel prix ! Les deux dernières expéditions avaient été les plus terribles. Voilà peut-être pourquoi le raid du grand seigneur Tharno avait été différé, songea Brashieel : il fallait d’abord amasser la puissance nécessaire à une victoire certaine.

Cela seul représentait une source d’inquiétude, mais la nervosité au sein de l’équipage s’était accentuée depuis la détection des premières batteries de senseurs ennemies. Plus d’un vaisseau éclaireur avait péri sous l’action de ces engins. En outre, à cause des explosions, les survivants n’avaient pas pu obtenir la moindre information sur la technologie de leurs agresseurs… ou presque : désormais, les Achuultani savaient que celle-ci était très avancée. Vraiment très avancée.

Mais ce système stellaire ne représenterait aucune menace, comme l’attestaient les derniers scans en date. Ces données, vieilles d’à peine trois douzaines d’années, avaient été dévoilées par le petit seigneur Hantorg juste après le dernier passage en hyperespace du Défenseur. Bien que des émissions électroniques et neutrino eussent été captées – une nouvelle assez alarmante en soi –, les relevés n’indiquaient aucun des signaux plus élaborés émis par les plateformes de senseurs. En d’autres termes, ces destructeurs de nid ne possédaient que le petit tonnerre, pas le grand ; il faudrait certes faire preuve de prudence, mais l’ennemi serait anéanti. Son degré d’avancement ne pouvait pas avoir évolué de façon significative en si peu de temps.

 

Le commandant Adrienne Robbins était installée dans sa couche à bord du bâtiment de guerre subluminique Nergal. L’amiral Isaiah Hawter, le plus haut gradé des Forces de défense du système solaire actuellement déployées, dirigeait la passerelle en sa compagnie, mais il aurait pu tout aussi bien se trouver sur une autre planète. Il se concentrait sur sa console, car lui et son état-major étaient chargés de contrôler FI1, la principale force d’intervention.

Avant le grand changement, Robbins était pilote de sous-marin. Elle ne se serait jamais attendue à commander un vaisseau amiral – les sous-marins agissaient en solo, après tout –, encore moins celui qui dirigeait la défense de son monde contre des extraterrestres homicides. Mais elle était prête. Elle sentit la nervosité bouillonner au fond d’elle et ajusta les niveaux d’adrénaline de façon à réguler son énergie. Ces salopards sortiraient de l’hyperespace dans moins de deux heures. Les traceurs les suivaient de près, et les vaisseaux de FI1 connaissaient leur position exacte. Il ne leur restait plus qu’à détruire la plus grande quantité possible d’appareils avant que ceux-ci n’aient le réflexe d’effecteur un microbond pour échapper à l’embuscade.

Et prier pour que ces Achuultani n’aient pas fait de progrès technologiques trop conséquents durant les soixante mille dernières années, se rappela-t-elle.

« Prier, d’accord, mais aussi ne pas oublier le dicton préféré de sa mère : « Aide-toi, le Ciel t’aidera. »

 

« Force d’intervention en position pour Charlie-trois.

— Merci », répondit Hatcher d’un air absent.

Les images des maréchaux Qian et Tchernikov partageaient son écran de com avec les généraux Amesbury, Singhman, Tama et Ki. Jiang Jiansu, au quartier général de la défense civile, occupait un moniteur à lui tout seul. Sa tension était perceptible. Derrière Qian, Hatcher détaillait la salle de contrôle du CDP Huangdi, dont le maréchal avait fait le QG du commandement de défense de l’hémisphère oriental. Les deux hommes échangèrent un regard complice. Tama et Ki attendaient, assis dans leurs salles des opérations respectives assignées au bataillon de chasseurs. Quant à Singhman, il se trouvait à bord du CDO sept en qualité de second de Hawter et à la tête des fortifications orbitales.

— Messieurs, l’ennemi émergera dans trente minutes à une distance nettement inférieure à la portée de nos hypermissiles lourds contre une cible planétaire. Aussi, je veux qu’on amène le bouclier à puissance maximale. Gardez ce canal de com enclenché. » Chacun acquiesça d’un signe de tête. « Très bien. Maréchal Tchernikov : activez l’hyperextracteur. »

 

Le lieutenant Andrew Samson grimaça lorsque l’impact fit vibrer le dispositif de visée des missiles. Le CDO quinze, mieux connu par son équipage sous le nom de « Garce de fer », flottait en orbite au-dessus de la Terre de Feu. Pour sa plus grande inquiétude, Samson se rendait compte seulement maintenant que leur position était trop proche de l’Antarctique.

Il ajusta les systèmes, s’éloigna des hyperfréquences de l’extracteur nucléaire puis lâcha un soupir de soulagement. Après tout, l’opération ne se déroulerait peut-être pas si mal. Mais entre les tests et la réalité le pas à franchir était énorme ! Que Dieu nous protège s’ils perdent le contrôle de ce monstre, implora-t-il. Et pas seulement à cause des effets qu’un tel événement produirait sur les courbes de puissance de la « Garce ».

 

Un vent furieux chargé de dards glacés fouettait le relief plongé dans la pénombre. Un baiser givré propre à donner la mort, une étreinte polaire qui fauchait les âmes. Nulle vie ne foulait ce sol. Il n’y avait que le chant funèbre du blizzard. Et la neige.

Puis, en un instant, une Annonciation ardente détrôna la froideur de la nuit. Une colonne d’énergie furieuse, cernée de chaînes invisibles, jaillit dans l’obscurité et vint empaler les cieux. L’aiguillon terrible et lumineux se planta dans le ventre des nimbus.

Le flambeau de la guerre venait d’être allumé, et sa rage déferlait dans les puissants transmetteurs d’énergie via torsion spatiale. L’homme retournait aux dieux le présent de Prométhée tandis que l’armée de défense orbitale de la Terre s’abreuvait sans fin à la fontaine de Vassili Tchernikov.

« Les voilà, annonça le commandant Robbins avec douceur. Département des missiles : tenez-vous prêts. Armes à énergie au maximum. »

Les confirmations fusèrent dans ses neurorécepteurs. Elle se blottit dans sa couche sans même s’en apercevoir.

 

Brashieel, serviteur assistant des tonnerres, vérifia une dernière fois ses instruments, bien que le secteur ne présentât aucun danger. On s’arrêterait le temps de choisir un astéroïde adéquat, puis on repartirait, car de nombreux mondes de tueurs de nid attendaient la destruction. Mais, en tant que Protecteur, il mettait un point d’honneur à se prémunir contre toute éventualité.

 

Mon Dieu ! La taille de ces engins ! Ils doivent mesurer au moins vingt kilomètres de long !

Les exclamations effleurèrent le cerveau de Robbins, mais elle les ignora. Ses réflexes surentraînés s’activèrent sans difficulté.

« Département tactique : missiles à mon signal. Désignation d’objectif définie par le vaisseau amiral. » Elle s’interrompit une fraction de seconde pour permettre aux ordinateurs de digérer les dernières mises à jour émises par le personnel de l’amiral. De nouveaux mastodontes apparurent. Une quantité invraisemblable de bâtiments cylindriques. Des douzaines. Des vingtaines. Et ils continuaient de surgir de nulle part comme des djinns jaillissant d’une fiole magique.

« Feu à volonté ! »

 

Brashieel en demeura bouche bée. Ces vaisseaux ne pouvaient pas exister !

Sa panique reflua en partie lorsqu’il prit connaissance des nouvelles données. Il n’y avait que quatre douzaines d’appareils et ils étaient minuscules. Plus grands que prévu et totalement inattendus, certes, mais sans danger aucun pour le Défenseur et ses frères.

Il n’avait pas encore appréhendé toute la singularité des relevés énergétiques lorsque l’ennemi ouvrit le feu.

 

Adrienne Robbins grimaça tandis que l’univers partait en morceaux. Il lui était arrivé de lancer des ogives gravitoniques et antimatière – durant les séances d’entraînement, la Flotte avait sérieusement réduit le nombre des astéroïdes solaires –, mais jamais sur une cible vivante. Les hypermissiles quittèrent l’espace normal à la vitesse de l’éclair puis le réintégrèrent aussitôt. Le timing était parfait. La première salve atteignit les Achuultani alors que leurs boucliers n’étaient pas encore stabilisés.

 

Brashieel lâcha un cri de surprise, se couvrant de honte devant ses compagnons de nid, mais il ne fut pas le seul. À quel type d’arme avait-on affaire ?

Une douzaine de vaisseaux disparurent en un clin d’oeil, suivis de douze autres. Les scanners révélèrent les détails de la catastrophe, mais il ne parvenait pas à y croire. Ces fusées surgissaient de l’hyperespace ! Manipulées par de si minuscules vaisseaux ! C’était invraisemblable !

Il sentit ses pattes repliées trembler tandis que ces pygmées insignifiants pulvérisaient les escadrons de tête. Certains vaisseaux explosaient, noyés sous de colossales boules de feu ; d’autres chaviraient, incandescents et à moitié fondus, presque entièrement dévastés par un seul et unique projectile. Quelle puissance de frappe ! Et ces missiles si bizarres… qui ne détonaient pas… capables de lacérer un cylindre d’une manière redoutable et inédite. De quoi s’agissait-il ?

Mais il faisait partie des Protecteurs, et le Défenseur avait une réputation à tenir. Ses mains fermes et sûres manoeuvrèrent les gants de contrôle en vue d’armer les batteries. La voix furieuse du petit seigneur Hantorg résonna dans ses oreilles.

« Ouvrez le feu ! »

 

Robbins brida son enthousiasme. Soixante de ces salopards avaient succombé à la première salve ! Ils en avaient pris pour leur compte ! Mais les vaisseaux de première ligne constituaient une proie facile, des cibles immobiles aux boucliers instables. À présent, ses implants lui indiquaient que les écrans protecteurs étaient consolidés. Les premiers missiles ennemis fondirent sur la FI1.

Elle ouvrit son circuit d’intercommunication aux unités de guerre électronique. Les leurres virevoltèrent dans l’espace et les brouilleurs s’activèrent. Elle aurait préféré posséder une estimation des capacités de l’ennemi avant le début des hostilités, nais c’était justement là le but de l’opération : obtenir les informations nécessaires pour planifier la défense. Elle étudia les boucliers de l’adversaire. De sacrés remparts ! Rien d’étonnant au vu des énormes réserves d’énergie que devaient posséder ces bâtiments colossaux. Sur le plan technique, ils n’égalaient pas le Nergal ; seule leur prodigieuse source d’alimentation les rendait plus forts. Ce qui ne changeait rien au problème.

Les premiers missiles achuultani atteignirent leurs cibles, et le commandant Robbins fit une nouvelle découverte : même si ces engins se déplaçaient exclusivement dans l’espace normal, ils étaient sacrément rapides. Soixante-dix à quatre-vingts pour cent de la vitesse de la lumière, c’est-à-dire une allure impossible à toute munition subluminique du Nergal. De quoi donner du fil à retordre au dispositif antimissile.

 

Brashieel gronda de plaisir lorsque la première salve frappa les destructeurs de nid de plein fouet. Une bonne demi-douzaine de missiles percèrent la défense après avoir berné ces maudits leurres à l’efficacité imparable, puis la Fournaise ouvrit sa gueule béante. Matière et antimatière fusionnèrent, mettant le bouclier adverse à rude épreuve. Brashieel plissa les yeux devant son incroyable résistance, mais l’épaisse cuirasse ne tint pas longtemps face à ses foudres : elle finit par s’effondrer, et le Souffle de Tarhish emporta le vaisseau vers l’anéantissement.

 

Le commandant Robbins jura de plus belle lorsque le Bolivie partit en fumée. Ces putain d’ogives étaient stupéfiantes ! D’après leurs signatures, il s’agissait de têtes antimatière. D’énormes, de colossales, d’épouvantables têtes antimatière. En tout cas aussi massives que les meilleures armes défensives de la Terre.

Après le Bolivie, ce fut au tour du Canada, puis du Shirhan et du Pologne. Dieu tout-puissant, psalmodia-t-elle, fais qu’ils ralentissent la cadence !

Dans les faits, pourtant, les gigantesques bâtiments achuultani sombraient plus vite que les vaisseaux de la FI1. C’était sans doute lié au fait que chacun entravait à tour de rôle le chemin de l’autre, mais leur avantage était bel et bien réel. Un nouvel ennemi tomba sous le feu du Nergal, et un sentiment d’exaltation farouche irradia dans le ventre d’Adrienne Robbins.

« Rapprochez-vous », ordonna l’amiral Hawter, lugubre, et Adrienne s’exécuta. Le Nergal se jeta dans la gueule du loup.

« Armes à énergie : à mon commandement ! » dit-elle d’une voix glaciale.

 

Ils ne prenaient pas la fuite. Impossible à nier : ces destructeurs de nid avaient un sacré courage. Une nouvelle poignée d’appareils flamboyèrent comme des échardes de bois mowap résineux, mais les autres poursuivirent leur progression. Et leurs défenses s’amélioraient : sous ses propres yeux, l’efficacité de leurs brouilleurs avait augmenté de trente pour cent.

 

Robbins esquissa un sourire. Son personnel de guerre électronique dénichait peu à peu des renseignements solides et instructifs sur les systèmes de visée des Achuultani, et il saurait les utiliser. Trois autres vaisseaux furent emportés, mais le reste de l’escadre continua d’abattre les missiles entrants.

Quelle que soit l’issue de cet affrontement, les données récoltées seraient précieuses pour les survivants de la flotte ainsi que pour la Terre elle-même.

Adrienne n’avait aucune intention de périr dans la bataille, mais cette pensée la réconfortait.

— Voilà ! Ils étaient à portée de tir.

 

Brashieel écarquilla les yeux lorsque les bâtiments absurdes ouvrirent le feu. D’énormes rafales d’énergie en surgirent. Ces machines miniatures ne pouvaient pas abriter des batteries de cette puissance !

C’était pourtant le cas. Quelques quarts de douzaine d’unités synchronisèrent un assaut à la microseconde près, et leurs victimes tombèrent comme des mouches. Des alarmes de surcharge retentirent tandis que des ingénieurs affolés gonflaient leurs boucliers au maximum, mais la puissance faisait défaut. Impossible d’arrêter à la fois les missiles et les faisceaux.

Les égides du quadrant antérieur du Vengeur cédèrent sous le regard horrifié de Brashieel. Un seul et unique rayon tailla une lézarde dans le blindage du bâtiment et en arracha le douzième de proue. Pas facile pour un Protecteur d’admettre qu’une espèce étrangère rivalisait avec les Aku’Ultan. Mais la terrible réalité des faits ne lui échappait pas : il n’avait jamais entendu parler d’une arme si dévastatrice.

Il poussa un gémissement lorsque la coque du vaisseau frère finit par se fendre tel un istham pourri, puis une dernière ogive, fruit d’une improbable nichée de Tarhish, froissa l’épave comme une vulgaire boule de papier. Les centrales nucléaires du Vengeur s’éteignirent. Le jumeau du Défenseur n’était plus.

Brashieel montra les dents quand la zone d’affichage se modifia. Ces saccageurs de nid ne perdaient rien pour attendre : l’hyperlanceur était enfin chargé !

 

« Hypermissiles en approche ! » hurla l’officier tactique, et Adrienne entraîna le Nergal dans une manoeuvre d’évitement. Les deux vaisseaux situés à proximité eurent moins de chance. Le bouclier de l’Irlande arrêta les trois premiers missiles, mais les quatre – voire les cinq ou les six – suivants parvinrent à passer. Quant à l’Izhmit, il succomba d’entrée de jeu. Comment s’y étaient-ils pris pour percer si facilement son écran de protection ?

Aucune importance. La FI1 perdait certes trop d’unités, mais les effectifs des Achuultani diminuaient trois fois plus vite, et cette proportion se maintenait. Un hypermissile surgit puis explosa dans l’espace normal, juste à côté de la cuirasse du Nergal. Le bâtiment trembla comme un rat pris dans la gueule d’un bull-terrier, mais le bouclier tint bon. Robbins et son équipage étaient indemnes. Ils s’approchèrent encore, leurs armes à énergie en pleine activité, puis les fusées subluminiques prirent leur envol.

 

Le grand seigneur Furtag avait disparu avec son vaisseau amiral, et la gestion des opérations revint au seigneur Chirdan. Chirdan était un guerrier, mais un guerrier clairvoyant. Si l’anéantissement des destructeurs de nid allait bon train, ses propres nichées essuyaient d’énormes pertes en contrepartie, car aucune de leurs armes n’égalait ces rayons meurtriers. Il aurait pu atomiser la défense adverse, même à si faible distance, mais à quel prix ! Trop des siens étaient déjà morts. Il donna l’ordre, et les éclaireurs des Aku’Ultan s’éloignèrent d’un micro-bond.

 

L’ennemi se volatilisa.

C’était injuste, songea Adrienne Robbins. Qui leur a permis de disparaître de la sorte ? Nous aurions dû détecter le chargement du champ hyperspatial sur un engin de cette taille, même s’il n’annonçait qu’un infime microbond. Autant pour nous.

Mais maintenant, au moins, on savait. Saloperies d’Achuultani. Une fois le front de combat déplacé au centre du système, ce genre de diversion ne leur servirait plus à grand-chose. Pour l’heure, en revanche, elle représentait un avantage tactique.

Ces enfoirés savent se battre, constata-t-elle en parcourant les relevés d’un air sinistre. La FI1 était partie au combat avec quarante-huit unités ; il n’en restait plus que vingt et une. L’ennemi avait perdu dix fois plus de vaisseaux, probablement davantage… mais l’étendue de l’armada achuultani était plus de dix fois supérieure à la flotte terrienne, et il s’agissait de vaisseaux stellaires, non pas interplanétaires.

L’amiral Hawter mit le cap sur l’intérieur du système. Les magasins de munitions étaient à soixante pour cent, le stock d’hypermissiles à trente et la moitié du matériel était endommagée. Si le camp adverse s’octroyait la fuite, Isaiah pouvait en faire autant. Il possédait les informations dont la Terre avait besoin pour mener à bien ses analyses. À présent, il était temps de ramener les survivants à la maison.

 

La première bataille venait de prendre fin, et l’humanité l’avait remportée. Mais avec cinquante-six pour cent de pertes, pouvait-on encore parler de victoire ? La réponse était oui, et les deux camps le savaient. Proportionnellement, les rangs des Aku’Ultan avaient subi beaucoup moins de ravages ; toutefois, à ce stade du combat, l’expression « taux d’échange favorable » ne revêtait plus aucun sens.

Ce n’était que la première bataille, et les deux camps y avaient beaucoup appris. Restait à déterminer lequel tirerait le meilleur profit des leçons acquises au prix du sang.