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I
Les hommes deviennent très vite idiots quand ils se retrouvent face à des animaux familiers (comme devant des bébés, du reste). Ils grimacent. Ils se contorsionnent. Ils s’expriment en général avec des intonations suraiguës. Ils inventent un langage débile. En un mot, ils gâtifient.
En général, les plus intelligents de ces animaux – je vous parle des chats, vous l’avez compris ! – semblent consternés devant de telles attitudes. Ils observent les malheureux humains qui se croient tenus de faire les pitres et de s’humilier ainsi devant eux, qui tentent pitoyablement de leur parler une langue qu’ils ne comprennent pas. Alors, ils attendent philosophiquement que tout cela cesse. Ou bien, plus sagement, ils leur tournent le dos.
N’insistons pas. J’aurais mauvaise grâce à trop me moquer de mes congénères. Qui d’entre nous ne s’est jamais ridiculisé de la sorte ?
Il existe tout de même des échelles dans le gâtisme, si je puis dire. Dans la façon de s’adresser à ses chats (ou à ses loulous de Poméranie) comme s’ils étaient de grandes personnes. J’en connais qui leur font des cadeaux d’anniversaire ou n’oublient pas leurs étrennes devant l’arbre de Noël. Qui habillent leurs teckels, l’hiver, avec des manteaux de fourrure. Il y a ceux qui s’efforcent de les faire manger à table, en leur compagnie. Qui leur lisent, le soir, des extraits de Libération ou du Journal de Mickey. Il y a ceux enfin qui se ruinent pour leur dresser des pierres tombales.
On multiplierait à l’envi des exemples de ce type. Tout cela est inoffensif. Et même touchant par certains côtés : cette façon d’humaniser les animaux pour tenter de se rapprocher d’eux et tromper sa propre solitude, alors qu’il faudrait précisément faire le contraire, s’enrichir de l’affection qu’ils nous portent, certes, mais aussi de leur étrangeté irréductible – en l’occurrence le mystère prodigieux du chat puisque ce dernier seul m’intéresse ici. Mais il y a une limite à ce ridicule à laquelle je suis très sensible : celle qui consiste, pour l’homme, non pas à se ridiculiser lui-même (ce qui est, après tout, son problème), mais à ridiculiser par contagion le chat qui partage sa vie (et cela est sans excuse).
Cette frontière-là, hélas, est vite franchie. Et les chats, qui sont fort susceptibles, détestent, croyez-moi, que l’on se fiche ainsi de leur bobine, à la différence des chiens, qui sont plutôt, passez-moi l’expression, bonne pomme. Ils n’acceptent pas de jouer les pitres, comme nous le faisons si volontiers. Ils sont très attentifs à leur quant-à-soi. C’est vous dire si je souffre pour eux dès que l’on attente à leur dignité.
Les exemples, par malheur, ne manquent pas. Parfois, ils sont extravagants tout autant qu’affligeants. Tenez : libre à chaque demoiselle ou dame un peu trop mûre de s’affubler de faux cils ou de s’enorgueillir de seins siliconés ! Mais des ongles, des faux ongles de vinyle pour les chats, que l’on enfile sur les vrais et qui sont de couleurs fluo, roses, bleus ou verts, quelle horreur ! Ils ont été conçus pourtant par la firme américaine Soft Paws Inc. Le coffret comprend un jeu de quarante fausses griffes avec la glu adaptée, pour un prix de 30 euros environ. Leur durée de vie est de quatre à six semaines, assure leur fabricant. À Tokyo, paraît-il, les Japonais se les arrachent, nous assure une dépêche de l’AFP de mars 2004.
Il y a pis. C’est du moins ce dont nous informe cette fois une autre agence de presse : Reuters. À Kuala Lumpur s’est tenu il y a peu un concours de chats costumés. Près de deux cents matous ont défilé sur la piste, chapeautés, enfanfreluchés, déguisés en mousquetaires ou en marquises. Certes, la bêtise est, par essence même, insondable. Il semblerait tout de même qu’elle ait atteint là, en Malaisie, des profondeurs records.
Enfin, cerise sur le gâteau de l’imbécillité humaine (ou, ce qui est peut-être encore pire, sur le cynisme sans borne des hommes d’affaires qui exploitent le crétinisme pathologique de leurs semblables), la création dans le réseau télévisuel américain Oxygen d’une émission intitulée sans complexe « Meaow TV » à l’intention des félins modernes et des « gens qu’ils tolèrent » (sic). Sa programmation fait alterner des vidéos d’écureuils et de poissons et des séquences intitulées « Cat Yoga » ou « Cat Haiku » pour les chats qui veulent bouger ou se relaxer. Bien entendu, commerce oblige, tout s’achève par une séquence de télé-achat dont le présentateur exhorte les matous (ou les humains qui passent à proximité) à passer commande de produits divers d’hygiène ou de gourmandise.
La productrice exécutive de « Meaow TV », Elyse Roth, explique avec un parfait sang-froid que sa « mission artistique est de créer une émission que l’on peut regarder avec son chat ».
Testée dans un loft de Brooklyn, ajoute l’agence AP qui, en 2003, véhiculait cette indispensable information, l’émission n’a toutefois pas réussi à captiver deux gros chats de onze ans : Cali, une tigrée qui a entrepris de faire méticuleusement sa toilette, tandis que Silver, gris et blanc, a longuement fixé la fenêtre d’un œil vide avant de décider en plein milieu de l’émission d’aller manger…
Les chats de New York sont moins imbéciles que leurs maîtres. C’est partout pareil, bien sûr. À Tokyo comme à Kuala Lumpur.
Qui en doutait ?
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Il était une fois, il y a environ dix mille ans de cela, quelque part au Moyen-Orient, une chatte sauvage, peut-être un peu plus audacieuse que les autres, qui s’approcha un jour d’un village occupé par des hommes.
Ceux-ci avaient été longtemps des nomades, qui pratiquaient la chasse et la cueillette. À peine commençaient-ils à goûter aux bienfaits de la sédentarisation, à se construire des logements, à cultiver les premières céréales, à conserver leurs grains. C’est alors que cette chatte apparut près d’eux. Sans doute se sentit-elle, à leur contact, mieux à l’abri des prédateurs, des hyènes ou des plus gros félins qui rôdaient dans la région et qui la menaçaient. Près des installations des humains, à proximité de leurs greniers, elle trouva aussi suffisamment de petits rongeurs pour assurer sa survivance.
Ces hommes, les premiers sédentaires, la tolérèrent bien volontiers. Une alliance se forma entre eux. Leurs greniers, cette chatte les protégeait en quelque sorte des rongeurs. Quand elle mit bas des petits chatons, les enfants les accueillirent avec joie. Et c’est ainsi que le chat sauvage devint peu à peu un chat domestique…
Précisons-le, cette chatte des origines n’était pas n’importe quelle chatte sauvage. Ce type d’animal, aux temps préhistoriques, se répartissait en cinq sous-espèces : le chat sauvage européen, le chat sauvage du Proche-Orient, le chat sauvage d’Afrique du Sud, le chat sauvage d’Asie centrale et le chat sauvage du désert chinois. Seul l’un d’entre eux, le chat sauvage du Proche-Orient, le Felis silvestris libyca, engendra le chat domestique.
Une belle histoire ?
Non, pas seulement une belle histoire ! L’hypothèse la plus vraisemblable, la plus scientifique même, avancée aujourd’hui pour expliquer l’apparition du chat domestique. On la doit à Carlos Driscoll du laboratoire de diversité génétique du Maryland et à toute une équipe internationale de chercheurs, qui ont consacré plus de six années à l’examen de l’ADN des félidés, des chats sauvages et des chats domestiques du monde entier. (On trouvera le résultat de leurs travaux dans la revue Science du 29 juin 2007.)
Mieux encore, ils ont pu mettre en évidence que toute la famille des chats domestiques venait à l’origine de cinq ou six femelles, pas davantage, de l’espèce Felis silvestris libyca. Oui, cinq ou six, pas davantage, qui engendrèrent l’ensemble des chats domestiques que nous connaissons de par le monde, soit environ les six cents millions qui prospèrent aujourd’hui (plus ou moins) d’un continent à l’autre. De quoi donner le vertige.
Le professeur Driscoll tient à le préciser : ce n’est pas l’homme qui a domestiqué le chat, c’est le chat qui s’est lui-même, sinon domestiqué, du moins adapté à un nouvel environnement plus rassurant, au contact de l’homme qui lui-même en était encore à l’aube de la civilisation, au moment de la difficile transition qu’il vivait entre le nomadisme et la sédentarisation.
Quelle incroyable intuition, remarquons-le pour conclure, oui, quelle prodigieuse intelligence qui a conduit cette chatte – ou ces cinq chattes sauvages – à se rapprocher des humains, il y a dix mille ans de cela ! L’une des plus prodigieuses réussites dans l’histoire des transformations génétiques ou biologiques de notre Terre.
Aujourd’hui, les chats sauvages comme les félins en général sont menacés un peu partout d’extinction, alors que le Felis silvestris catus, le chat improprement appelé domestique (il serait plus juste de parler d’« apprivoisement », comme l’estime Jean-Denis Vigne, chercheur au CNRS, qui retrouva dans un site néolithique de l’île de Chypre la tombe d’un chat de huit mois à côté de celle d’un homme, datant d’il y a neuf mille cinq cents ans), connaît la fortune que l’on sait. C’est qu’il s’arrangea toujours pour suivre l’homme à mesure que celui-ci gagnait de nouveaux espaces, civilisait de nouveaux continents. Leur sort désormais était lié.
L’histoire de l’homme et de la civilisation, c’est donc aussi l’histoire du chat. Ils sont nés à peu près en même temps. Ou ils se sont formés à peu près en même temps. Ils sont solidaires en somme.
Qui en doutait ?
Certains hommes font fortune – ou espèrent du moins s’enrichir – en faisant venir de l’étranger des denrées rares et précieuses qu’ils pensent être les premiers à avoir découvertes et qui enchanteront leurs compatriotes. On les appelle des importateurs avisés. Ils s’extasient de leurs trouvailles. Ils sont heureux. Et ils ont bien raison de l’être. Du moins s’ils parviennent à rendre vraiment heureux à leur tour leurs futurs clients.
À l’aube du XVIIe siècle, deux individus remarquables, l’aristocrate italien Pietro della Valle, né à Rome en 1586, et le notable français Claude Fabri de Peiresc, né six ans plus tôt et conseiller au parlement d’Aix, furent de cette trempe-là.
Que contribuèrent-ils à faire connaître à leurs concitoyens ?
Des chats.
Pas des chats ordinaires, non, de ceux qui prospéraient déjà – plus ou moins – en Europe, de poil court et de race indéterminée, mais des chats d’exception, exotiques, raffinés, somptueux, soyeux, venus du plus mystérieux de l’Orient, des chats qui étaient à leurs yeux des merveilles de chats, des chats sans prix, c’est-à-dire des chats ruineux, et, mieux encore, des chats d’agrément, des chats pachas si l’on ose dire, des chats de pure sensualité et de pure convoitise, que l’on n’aurait certes pas relégués aux communs pour la simple chasse aux souris, ah que non !
Grâce à Pietro della Valle et à Claude Fabri de Peiresc, l’Occident découvrit en somme d’autres races de chats mais mieux encore : la beauté du chat par lui-même, le chat considéré comme un compagnon et une œuvre d’art, un chat de plaisir et de grâce.
L’Italien Alberto Savinio (frère du peintre Giorgio De Chirico), qui fut l’un des plus spirituels et subtils écrivains du XXe siècle, observait que le propre même de la civilisation, c’est le triomphe du superflu sur le nécessaire. Eh bien ces nouveaux chats découverts par nos deux hommes témoignaient précisément de ce triomphe-là. Ils étaient des chats superflus. Autrement dit des chats indispensables. Des chats de luxe. Des chats de haute culture.
Pietro della Valle fut un grand voyageur. Après avoir été au service du pape, il se rendit à Venise, cette grande capitale commerçante. De là, il s’embarqua pour l’Égypte, gagna la Terre sainte, la Syrie puis la Perse où il servit de médiateur entre le shah et les communautés chrétiennes du pays. Ses pas, ou plutôt un navire, le conduisirent ensuite jusqu’aux Indes. Au cours de ses voyages, il correspondit avec un professeur de médecine de Naples, Mario Schipardi. Leurs lettres, dès le milieu du XVIIe siècle, furent éditées, traduites et connues de l’Europe entière.
Dans l’une d’elles, précisément, envoyée d’Ispahan le 20 juin 1620 (et que cite Laurence Bobis dans sa précieuse Histoire du chat), il fait part de sa première découverte…
« Ayant vu ici une très belle race de chats qui sont originaires de la province du Khorassan, d’une autre grâce et d’une autre qualité que les syriens que nous avons pourtant en grande estime, lesquels, à côté de ceux du Khorassan, ne sont rien, il m’est venu l’envie d’en apporter la race à Rome. De taille et de forme, ce sont des chats ordinaires : leur beauté consiste en leur couleur et dans leur poil. Ils sont de couleur grise, sans rayures ni taches, mais unie sur tout le corps ; il y a cependant des endroits plus clairs ou plus foncés : sont plus foncés le dos et la tête et plus clairs le poitrail et le ventre qui arrive parfois à être presque blanc… De plus, le poil est léger, très fin, brillant et doux comme de la soie ; et si long que, encore qu’il ne soit pas tout à fait frisé, néanmoins en certains endroits il forme des boucles, surtout à la gorge, au poitrail et aux pattes. En somme, les chats du Khorassan sont aux autres chats comme ceux que nous appelons les barbets sont aux autres chiens. Ce qu’ils ont de plus beau est la queue : elle est assez longue, et emplie de poils si longs qu’ils s’éploient en largeur d’une bonne demi-paume, faisant l’effet de celle des écureuils : au point que, comme les écureuils, ils la replient sur leur dos, avec la pointe en haut faisant panache, ce qui est fort gracieux. (…) J’ai mis ensemble quatre couples de mâles et de femelles afin d’en produire et d’en amener à Rome de bonne race ; et j’ai l’intention de les emmener en voyage dans des cages à la façon dont les Portugais en ont conduit certains jusqu’en Inde. »
Ce qu’il advint exactement de ces chats du Khorassan (on dirait aujourd’hui persans), nul ne le sait au juste. Sans doute plusieurs d’entre eux découvrirent-ils la Ville éternelle, mais les documents historiques manquent pour raconter leur acclimatation au bord du Tibre et l’impression qu’ils firent sur les propres sujets du pape.
Peiresc, lui, voyagea beaucoup moins que della Valle. Il se contenta de faire venir ses chats d’Asie par des marchands et des correspondants. Certains originaires d’Ancyre et d’Angoury (le nom ancien d’Ankara) et, comme leur provenance le suggère, de type angora. Aucun cadeau, à ses yeux, n’était plus précieux que de remettre à ses obligés un chat aussi rare, aussi beau, aussi inestimable.
On lui parla bientôt d’une autre race de chats, ces fameux persans découverts par Pietro della Valle. Mais laissons la parole à Laurence Bobis, plutôt que de la paraphraser :
« Le père Théophile, son émissaire en Orient, avait vu en effet à Damas un homme porteur d’un couple de chats tout blancs, au poil long comme des barbets, qui venaient “du pays du Mongol” et étaient destinés au “Grand Seigneur de Constantinople”. Vivement intéressé, Peiresc douta d’abord de l’existence de ces chats, pensant que le père Théophile avait confondu chats et onces ; puis il s’avisa que l’importance du personnage auquel ils étaient destinés suggérait bel et bien une espèce hors du commun. Peu après, un marchand marseillais lui affirma avoir aperçu une fois un de ces chats blancs à la queue en panache plus belle que celle d’un barbet. »
La correspondance de Peiresc nous montre comment, par la suite, il parvint à s’approprier et à élever ces nouveaux chats, à les apparier, à les faire prospérer. Quelle formidable monnaie d’échange, encore une fois, pour séduire, convaincre, créer un besoin, le satisfaire avec parcimonie et faire monter les enchères ! Voulait-il acheter des vases antiques par exemple qu’il promettait en prime à son vendeur deux ou trois de ses chats, à condition de « le prier de ne point se vanter de ceste promesse, à cause des autres personnages des plus éminentes conditions qui m’en font demander », comme il le précisait à son intermédiaire.
Cette rareté des chats persans comme des chats angoras allait encore perdurer longtemps. Malgré Pietro della Valle et Claude Fabri de Peiresc, leurs premiers importateurs. Comme si l’Europe n’était pas encore prête pour un tel raffinement, un tel luxe.
Ou pour un tel niveau de civilisation.
Se souvient-on que, dans le célébrissime roman de H. G. Wells (1866-1946), L’Homme invisible, il n’y a pas seulement le héros qui disparaît ? Ce dernier commence ses expériences… avec un chat qui, bien entendu, n’en demandait pas tant !
Au début, le savant tâtonne. Il parvient à faire disparaître le chat, à l’exception du fond de son œil et de ses griffes.
Cela ne saurait vraiment nous étonner. Nous avons tous à peu près constaté les résultats de cette expérience. Un chat dans la nuit, invisible, se réduit au seul éclat de ses prunelles qui reflètent une lumière lointaine. Pour les griffes, c’est autre chose, qui, dans l’obscurité la plus complète aussi, se rappelle parfois à notre bon souvenir. Les sentir ou les voir, quelle différence ? Wells et son héros n’ont en somme pas inventé grand-chose. Simplement mis en évidence un simple état de fait.
Griffin, le héros de Wells, poursuit ses expérimentations. Il parvient enfin à trouver la formule efficace qu’il administre au matou. L’expérience est en cours. Le chat est encore à peu près visible. Pas pour longtemps. Il n’y a plus qu’à attendre le résultat.
« Je lui aurais bien donné du lait, mais je n’en avais plus. Il ne voulait pas se tenir tranquille ; il s’assit et miaula encore jusqu’à la porte. J’essayai de l’attraper avec l’idée de le jeter par la fenêtre, mais il ne se laissa pas prendre, il disparut, tout en continuant de miauler à droite et à gauche dans la chambre. À la fin, j’ouvris la fenêtre, et je fis un grand remue-ménage : sans doute il finit par sortir : je ne le vis, je ne l’entendis plus jamais.
(…)
— Vous ne voulez pas dire qu’il y a un chat invisible lâché à travers le monde ? demanda Kemp.
— À moins qu’on ne l’ait tué… Pourquoi pas ? fit l’Homme invisible. »
Cette histoire me donne des frissons. Car je suis persuadé en effet qu’il existe, tout autour de nous, des chats invisibles. Que le matou du roman de Wells a fait des petits qui ont bénéficié à leur tour de ce privilège douteux de l’invisibilité.
Tel est, profondément, le privilège du chat, en règle générale, que l’intuition romanesque ou féline du romancier s’est contentée ici d’illustrer. Le chat peut très facilement disparaître à notre vue. Passer dans un autre monde. Miauler, rôder autour de nous, nous faire sentir sa présence et demeurer pour autant invisible.
L’homme parfaitement transparent, en revanche, je n’y crois guère. C’est une amusante trouvaille romanesque dont Wells, avec talent, a su s’emparer. Mais le chat, non, ce n’est pas une fiction, c’est une évidence.
Ou alors, disons-le différemment, le chat est, par essence, fantastique. Et c’est notre privilège immense, pour nous qui vivons si souvent auprès de lui, d’approcher ainsi l’invisible, de mesurer ses pouvoirs, de frôler ses mystères.
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