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Mitch ajusta ses lunettes sur son nez et examina plus attentivement les photos. Harper avait fait du bon boulot, songea-t-il, ne négligeant aucun détail ni aucun angle de prise de vue. Ce garçon avait la main sûre et la tête froide. Pourtant…
-
Tu aurais dû nous appeler quand cela s’est produit.
-
Il était 1 heure du matin ! A quoi cela aurait-il servi que je réveille tout le monde
? Les photos en disent assez long, de toute façon.
-
Oui, approuva Mitch, sans quitter les clichés des yeux. Elles en disent long sur ce qui se produit quand Amelia n’est pas contente. Tu as une idée de ce qui a pu la mettre dans cet état ?
-
Aucune.
Mitch étala les clichés devant lui, de manière à en avoir une vue d’ensemble. debout derrière lui, David demanda en le regardant faire :
-
Tu as nettoyé tout ça, Harp ?
-
Oui, et ça n’a pas été de la tarte, crois-moi ! Répondit Harper, encore sous le coup de la colère. Il ne me reste pas une seule assiette entière !
-
Ce n’est pas une grosse perte. Cette vaisselle était laide, de toute façon. Mais dis-moi, ajouta David en pointant un doigt accusateur sur un des clichés, qu’est-ce que c’est que ça ? Des barres chocolatées ?
L’air navré, il secoua la tête et dévisagea son ami.
-
Bon sang, Harp ! Protesta-t-il. Quel âge as-tu ? Douze ans ? Je me fais du souci pour toi, tu sais.
-
Quoi ? On n’a pas le droit d’aimer le chocolat ? Protesta Harper, mal à l’aise.
Mitch leva une main conciliatrice devant lui et tenta de ramener la discussion sur le sujet en cours.
-
Friandises mises à part..
-
Les barres chocolatées ne sont pas des friandises ! Coupa David d’un ton indigné.
Ce sont des bombes de graisse et de sucre bourrées de conservateurs !
D’un geste vif, il tendit les bras pour pincer la taille de son ami.
-
A ta place, conclut-il, j’arrêterais ça tout de suite.
Comme prévu, le geste parvint à entamer le rempart de mauvaise humeur derrière lequel se retranchait Harper. avec un sourire féroce, il répliqua en fixant David :
-
J’arrêterai le jour où tu arrêteras la tarte aux pêches.
-
Ah ! S’exclama David en portant la main à son cœur. Touché…
-
Messieurs, s’il vous plait… intervint Mitch en les dévisageant à tour de rôle par-dessus ses lunettes. Pour en revenir à nos moutons, on peut considérer que cette manifestation d’Amelia est une nouveauté. D’après ce que je sais, elle ne s’était encore jamais montrée à l’ancienne remise aux voitures et ne s’en était jamais prise à toi, Harper. Je me trompe ?
Ce dernier jeta un coup d’œil aux photos faites la nuit précédente et se remémora le choc de la découverte, la fureur qu’il avait ensuite éprouvée et le temps qu’il lui avait fallu pour réparer les dégâts.
-
C’est exact, confirma-t-il. Et pour une première fois, elle s’est surpassée !
-
C’est trop grave, conclut Mitch. Ta mère doit être mise au courant.
Agacé, Harper marcha jusqu’à la fenêtre de la cuisine et jeta un coup d’œil aux nappes de brumes matinales. C’était tout à fait délibérément qu’il avait attendu le départ de sa mère pour son jogging quotidien avant de rejoindre Harper House.
-
Est-ce vraiment nécessaire ? Protesta-t-il. Je pensais que nous pourrions nous débrouiller entre nous. je ne sais pas si c’est une bonne chose de mêler Roz à ça…
il jeta un coup d’œil au plafond, imaginant qu’à l’étage, Hayley et sa fille se préparaient pour la journée, et ajouta :
-
Ni aucune d’entre elles, d’ailleurs.
-
Instinct de protection envers les femmes et les enfants ? Ironisa David. Je n’ai rien contre, vieux frère, mais Roz n’est pas du genre à apprécier ces égards.
pointant le pouce vers le plafond, il ajouta :
-
Et à mon avis, Hayley non plus, d’ailleurs.
-
Je veux juste éviter de dramatiser, bougonna Harper. après tout, ce n’était rien qu’un peu de vaisselle…
Mitch manifesta sa désapprobation en secouant la tête.
-
Une attaque personnelle, Harper. Non pas contre toi, mais chez toi, visant ta propriété. Voilà ce que c’était, et voilà comment Roz et Hayley le verront.
Avant que Harper ait pu protester, Mitch lui imposa silence d’un signe de la main et poursuivit :
-
De la part d’Amelia, nous avons déjà connu pire, tout autant que nous sommes, et nous y avons survécu. Ce qui compte, c’est de savoir pourquoi cela s’est produit.
-
Peut-être parce qu’elle est toquée, répliqua Harper. Ce peut être un bon début d’explication.
-
Il ressemble à sa mère quand il est en colère, intervint David en s’adressant à Mitch. Aussi teigneux, aussi borné.
-
J’avais remarqué, répondit Mitch.
Mais il n’était pas homme à se laisser distraire quand il avait une idée en tête, et il embraya sans transition :
-
Dans le passé, Amelia a été aperçue se dirigeant vers l’ancienne remise à voitures. Vous en avez été témoins tous les deux lorsque vous étiez enfant. On peut donc supposer qu’elle s’est rendue dans ce bâtiment de son vivant, sans doute après que Reginald Harper lui a enlevé leur enfant pour le confier à la garde de sa légitime épouse.
-
On peut supposer également, ajouta Harper, l’air buté, qu’elle était déjà bonne pour l’asile à l’époque.
-
Pourtant, insista Mitch, c’est la première fois qu’elle se donne la peine de se manifester dans cet endroit depuis que tu y habites. Cela fait combien de temps, au juste ?
Harper haussa les épaules.
-
Bon sang, je n’en sais rien !
du bout des doigts, il tambourina sur sa cuisse et reprit :
-
Depuis que j’ai fini mes études ! Six, sept ans peut-être.
-
Amelia a beau être folle, reprit Mitch d’un ton patient, chacune de ses manifestations s’explique par une raison précise. En l’occurrence, elle était furieuse au point de briser ta vaisselle. Aurais-tu amené récemment quelqu’un chez toi, une femme, par exemple, dont la présence lui aurait déplu ?
-
Non !
Harper avait répondu trop vite, et sa réponse sonnait faux à ses propres oreilles.
-
Quelle tristesse ! Se lamenta David en lui entourant les épaules d’un bras compatissant. Tu as perdu ton sex-appeal ?
-
Mon sex-appeal vaut bien le tien ! Bougonna Harper. J’ai juste été un peu occupé.
-
Et avant que ne se produise l’incident, tu étais occupé à… insista Mitch d’un ton insidieux.
-
Je regardais un match dans ma chambre, tout en lisant. J’ai dû m’assoupir et c’est le bruit qui m’a réveillé.
Il se raidit en entendant soudain la voix cristalline de Lily dans le couloir.
-
Bon sang ! Les voilà, grogna-t-il. Mitch, rangez tout ça avant que…
Il s’interrompit, en se maudissant de ne pas s’être montré plus rapide, lorsque la fillette fit irruption dans la pièce, immédiatement suivie par sa mère. Lily fonça sur lui avec un sourire radieux, les bras tendus.
-
Dès qu’elle a entendu ta voix, son visage s’est éclairé, dit Hayley tandis qu’il prenait la fillette dans ses bras.
-
Ce garçon a un succès fou… avec les enfants, commenta ironiquement David.
Hayley alla ouvrir le réfrigérateur pour servir à Lily son jus de fruit matinal. La bouteille dans une main, le gobelet à bec dans l’autre, elle se retournait pour remplir le récipient lorsque ses yeux tombèrent sur les photos étalées sur la table.
-
Qu’est-ce que c’est que ça ? Demanda-t-elle à Harper. Tu as donné une petite fête et nous n’étions pas invités ? Bon sang, quel chantier !
Puis ses yeux s’écarquillèrent, son visage pâlit, et elle s’approcha pour observer les clichés de plus près.
-
Oh ! Gémit-elle. Amelia a encore fait des siennes…
Abandonnant brusquement bouteille et gobelet sur la table, elle se précipita vers Harper.
-
Elle s’en est prise à toi ? S’inquiéta-t-elle en laissant courir ses doigts sur son visage.
-
Non, non, rassure-toi, marmonna-t-il. Ce n’est rien. Rien que de la vaisselle cassée.
David et Mitch, qui n’avaient rien perdu du spectacle, échangèrent un regard entendu.
-
Mais regarde dans quel état elle a laissé ta cuisine ! S’exclama Hayley. Qu’est-ce qui cloche chez elle ? Pourquoi faut-il qu’elle soit si… méchante ?
-
Etre morte n’arrange sans doute pas son caractère, répondit Harper, pince-sans-rire. je crois que Lily aimerait boire son jus de fruits…
-
OK, je m’en occupe. De toute façon, il y a toujours un truc qui lui déplait – à Amelia, pas à Lily. Je commence à en avoir plus qu’assez !
Avec l’aisance née de l’habitude, Hayley eut tôt fait de remplir le gobelet et de le tendre à sa fille.
-
Qu’allons-nous bien pouvoir faire ? Demanda-t-elle en se retournant vers Mitch.
-
Je ne suis qu’un spectateur innocent, protesta ce dernier en levant ses deux mains devant lui.
-
Dans cette histoire, c’est ce que nous sommes tous, maugréa Hayley. Mais cela ne fait aucune différence à ses yeux. La garce !
A court de mots, elle s’assit sur une chaise et croisa les bras.
-
Ce n’était rien qu’un peu de vaisselle, lui rappela Harper en installant Lily dans sa chaise haute.
Hayley réussit à esquisser un sourire.
-
Je suis quand même désolée, Harper, répondit-elle. Tellement désolée !
-
Désolée de quoi ? Demanda Roz en pénétrant à son tour dans la cuisine.
-
En piste pour le deuxième round ! S’exclama David, qui servait du café à Hayley.
je crois que je vais faire des crêpes…
Hayley était incapable de se concentrer sur son travail. Tout juste parvenait-elle à assurer le service minimum auprès des clients, à la boutique. Aussi, quand le sourire de rigueur qu’elle avait plaqué sur ses lèvres commença à ressembler à un rictus douloureux, décida-t-elle d’aller remettre son sort entre les mains de Stella.
-
Par pitié ! Lança-t-elle sans préambule. Retire-moi du magasin et affecte-moi plutôt à un travail manuel. Quelque chose de bien pénible. Je sens venir une autre attaque de cette garce d’Amelia, et je ne voudrais pas qu’un de nos clients en fasse les frais.
Stella repoussa son fauteuil du bureau et étudia Hayley un instant avant de suggérer.
-
Si tu ne te sens pas bien, tu ferais mieux de rentrer.
-
Impossible ! Dès que je cesse de m’activer, je commence à penser, et toutes ces photos de la cuisine dévastée de Harper me reviennent en tête.
-
je sais que c’est ennuyeux, Hayley mais…
-
C’est de ma faute.
-
Par quel miracle est-ce que ça pourrait être de ta faute ? Mais après tout, peut-
être as-tu quelque chose à voir également avec ce vase que j’ai retrouvé en mille morceaux dans mon salon. Parce que personne chez moi ne veut assumer la responsabilité des dégâts. Pour le moment, c’est Jean Sérien le coupable.
-
Et celui-là, plaisanta Hayley avec un demi-sourire, tu ne risques pas de lui mettre la main dessus.
-
Entre lui et son copain Jay Rienfè, rien n’est à l’abri, rien n’est sacré !
Reprenant son sérieux, Hayley poussa un long soupir et se laissa tomber sur une chaise.
-
Je vais prendre une pause, décida-t-elle. Tu peux en prendre une aussi ? J’ai besoin de te parler.
-
Bien sûr ! Répondit Stella en délaissant le tableau affiché sur l’écran de son ordinateur pour faire face à son amie. Je t’écoute.
-
Quand je suis rentrée de chez toi hier soir, j’ai filé droit chez Harper, raconta Hayley. J’avais décidé de tenter une expérience pour faire évoluer notre relation et y voir un peu plus clair. Il ne me considérait que comme la cousine Hayley ou la mère de Lily ? J’allais lui montrer que je pouvais être autre chose. Histoire de voir comment il allait réagir.
-
Oh ! Oh !… commenta Stella. Et ?
-
Je ne me suis pas dégonflé ! Répondit fièrement Hayley. Sans lui laisser le temps de dire ouf, je lui ai donné un de ces baisers à vous décrocher la cervelle auxquels aucun homme digne de ce nom ne peut résister.
Un sourire réjoui illumina le visage de Stella.
-
Alors ? Comment a-t-il réagi ?
-
Un peu surpris sur le coup, mais pas scandalisé. Et quand il a eu repris ses esprits, il m’a rendu la monnaie de ma pièce au centuple. Depuis le temps que j’admire ses lèvres, je me doutais bien qu’il devait embrasser comme un dieu.
mais aujourd’hui, je peux te dire que j’étais bien en dessous de la vérité…
-
Voilà qui est plutôt positif commenta Stella d’un ton enthousiaste. C’est ce que tu voulais, non ?
-
Peu importe ce que je voulais ! Fit Hayley avec impatience.
Elle se releva, mais le bureau était trop petit pour qu’elle puisse l’arpenter de long en large comme elle aurait aimé le faire.
-
Tu comprends, reprit-elle avec agacement, c’est dans sa cuisine que je l’ai embrassé. Et quelques heures plus tard, comme par hasard. Amelia casse tout dans cette même cuisine. Pas besoin d’être une fin limier pour y voir un rapport de cause à effet. C’est moi qui ai ouvert la porte pour voir ce qui allait se passer, mais c’est elle qui est entrée !
-
Méfions-nous des métaphores, répondit Stella d’une voix raisonnable. Je ne dis pas que ce qui s’est passé entre toi et Harper n’a rien à voir avec le saccage de sa cuisine, mais je t’assure que ce n’est pas de ta faute.
elle sortit deux bouteilles d’eau du petit réfrigérateur qui se trouvait derrière son bureau et en tendit une à son amie avant de poursuivre :
-
Amelia est une créature volatile et imprévisible. Nul ne peut être tenu pour responsable de ses manifestations. Nous ne sommes pour rien dans ce qui lui est arrivé.
-
Ça, c’est à elle qu’il faut l’expliquer !
-
D’une certaine manière, c’est ce que nous tentons de faire en cherchant à élucider le mystère qui l’entoure. Nous faisons de notre mieux pour réparer les torts qui lui ont été causés, mais cela ne doit pas nous empêcher de vivre normalement nos vies.
Hayley hocha la tête – elle ne pouvait qu’être d’accord avec Stella. Elle se rassit sur sa chaise et but une longue gorgée d’eau.
-
L’énergie sexuelle et les sentiments amoureux ont le don d’animer Amelia…
reprit-elle enfin d’une voix songeuse. C’est ce que Roz prétend, et je pense de plus en plus qu’elle a raison.
Stella la dévisagea un instant d’un air stupéfait.
-
Roz sait ce qui se passe entre Harper et toi ?
-
Non. Bien sûr que non. Je ne lui ai rien dit. Et de toute façon, il ne se passe rien entre Harper et moi. Roz et Mitch ont émis l’hypothèse qu’une idylle naissance entre un homme et une femme pouvait servir de catalyseur à Amelia. Alors, si je veux me débarrasser d’elle, je dois faire en sorte de garder mes sentiments sous le boisseau.
-
Même si tu en étais capable, que fais-tu des sentiments de Harper ? Répliqua Stella.
-
Les sentiments de Harper ne sont un problème pour Amelia que lorsqu’ils me concernent. Autrement, elle s’en serait prise à lui depuis longtemps.
Les doigts de Hayley se crispèrent sur la bouteille couverte de buée mais ne firent rien pour la porter à ses lèvres.
-
Tu peux parier qu’il avait déjà embrassé plus d’une femme dans cette cuisine, dans cette maison sans que cela pose le moindre problème au fantôme, poursuivit-elle.
-
Sans doute, mais si Amelia se déchaîne lorsque s’ébauche une relation entre toi et Harper, cela veut sûrement dire quelque chose. Quelque chose d’important.
Peut-être même d’aussi important que pour Logan et moi ou Roz et Mitch.
-
Je ne veux pas penser à ça ! Protesta Hayley. Pas pour le moment. Ce qu’il me faut, c’est un boulot bien physique et bien prenant, histoire de penser à autre chose.
-
Ok. J’aimerais que l’excédent de stock de la première serre soit exposé en façade pour une vente flash. Une table pour les plantes annuelles, une pour les vivaces.
Tu fais trente pour cent de remise sur l’ensemble.
-
Je m’en occupe ! merci, Stella…
Dans la serre surchauffée, Hayley chargea sur un chariot roulant pots et jardinières et les transporta jusqu’aux portes du magasin. Il lui fallut faire quatre voyages pour venir à bout du stock à solder. Ensuite, elle installa de manière stratégique ses tables à un endroit où aucun client ne pourrait les manquer, de manière à encourager les achats impulsifs.
Il lui fallait encore renseigner un client de temps à autre, mais la plupart du temps, elle était laissée à sa bienfaisante solitude. Autour d’elle, l’air était lourd et brûlant. Le genre de temps qui tournait fatalement à l’orage, songea-t-elle. et elle espérait bien qu’avant la tombée de la nuit, ce serait le cas, car rien n’aurait pu coller davantage à son humeur du moment qu’un bon déchaînement des éléments…
Ainsi s’acquitta-t-elle, dans la fournaise, de la tâche qui lui avait été confiée. Pour ne pas trop laisser son esprit vagabonder, elle s’amusa à réciter les noms des plantes à mesure qu’elle les déchargeait. Bientôt, se réjouit-elle, elle serait aussi bonne à ce petit jeu que Roz et Stella. En tout cas, ce dont elle était sûre, c’était qu’elle serait trop épuisée après avoir terminé avec ce travail pour penser à quoi que ce soit.
Tout à ses occupations, ce fut avec un temps de retard qu’elle réagit à la voix qui venait de retentir derrière elle.
-
Hayley ? Je te cherchais. Mais… qu’est-ce que tu fais là, en plein soleil ?
Elle se retourna. Les sourcils froncés, les poings sur les hanches, Harper la toisait avec un mécontentement évident.
-
Ça ne se voit pas ? Répliqua-t-elle sèchement, tout en essuyant de son avant-bras sont front baigné de sueur. Je travaille. C’est pour ça qu’on me paie, non ?
-
Il fait trop chaud aujourd’hui pour un travail aussi physique. Rentre tout de suite te mettre au frais !
Il n’en fallut pas davantage pour faire monter Hayley sur ses grands chevaux. Elle se redressa de toute sa hauteur et, le fixant droit dans les yeux, laissa libre cours à sa colère.
-
Tu me donnes des ordres à présent ? Tu n’as aucun droit de le faire. Tu n’es pas mon patron !
-
En tant qu’associé dans cette entreprise, dit-il d’un ton sans réplique, techniquement, je le suis.
Hayley était un peu essoufflée et se sentait brûlante – sans doute l’effet de la fureur. Elle avait beau se passer le bras sur le front, cette sueur ne cessait de couler dans ses yeux, ce qui ne faisait qu’ajouter à son irritation.
-
Stella m’a demandé de mettre en place cette vente flash, reprit-elle. C’est elle mon supérieur hiérarchique, et c’est à elle que j’obéis !
-
Ah ! Oui ? Eh ! bien c’est ce qu’on va voir…
Sans lui laisser le temps de réagir, il l’empoigna fermement par le bras.
-
Hé ! Protesta-t-elle en tentant de se dégager. Qu’est-ce que tu fais ?
-
Pour commencer, je t’emmène à l’ombre.
D’un pas vif, il l’entraîna entre les deux serres et la conduisit jusqu’à l’étang aux berges ombragées par de grands arbres.
-
Assieds-toi ! Ordonna-t-il en la lâchant au centre d’un carré de pelouse. Et bois !
D’une poche de sa veste, il venait de tirer une petite bouteille d’eau qu’il lui tendait. après s’être laissée glisser sur le sol, Hayley accepta la bouteille à contrecœur et grogna :
-
Je déteste ça, quand tu te conduis ainsi !
-
J’en ai autant à ton service. A présent, bois. Et estime-toi heureuse que je ne te jette pas dans l’étang pour te rafraîchir les idées. Je m’attendais à mieux de la part de Stella, mais il faut reconnaître, à sa décharge, que même si c’est son deuxième été ici, elle n’est encore qu’une Yankee… mais toi ! Toi qui es née et qui as été élevée dans le Sud, tu connais mieux que personne les dégâts que peut causer une telle chaleur !
-
C’est justement parce que j’ai toujours vécu dans le Sud que j’y suis habituée ! Et ne t’avise pas d’accuser Stella de quoi que ce soit !
Mais en dépit de sa véhémence, Hayley devait reconnaître qu’elle se sentait un peu faible et nauséeuse. Elle s’allongea sur le dos avec un soupir de soulagement.
-
J’ai peut-être surestimé ma résistance, avoua-t-elle de mauvaise grâce. Ça arrive à tout le monde.
Elle tourna la tête vers lui, le visage sévère.
-
Mais ce que je ne supporte pas, ajouta-t-elle, c’est qu’on me bouscule !
-
Ça ne me plait pas plus que ça de bousculer les gens, mais parfois, ils en ont besoin.
Avant de poursuivre, Harper retira sa casquette de base-ball et l’agita au-dessus du visage de Hayley.
-
Et à présent que ton visage est un peu moins rouge qu’un camion de pompiers, tu pourrais admettre que j’ai eu raison, non ?
Hayley préféra ne pas répondre. Il lui était difficile de rester combative alors qu’elle se sentait si bien, allongée sur l’herbe, à se laisser éventer par la vieille casquette de Harper.
Au-dessus de lui, les rayons du soleil filtraient à travers les épaisses frondaisons des arbres.
Ce fond de lumière tamisée sur lequel se détachait son visage le rendait encore plus attirant et romantique. La masse de ses cheveux noirs, que l’humidité et la chaleur faisaient boucler à leur extrémité, donnait envie d’y enfoncer les doigts. Tout en lui était séduisant : ses yeux allongés, d’une chaude teinte brune, ses pommettes saillantes, sa bouche ferme et sensuelle.
Elle aurait pu rester ainsi des heures, à le contempler… cette idée paraissait tellement saugrenue qu’elle la fit sourire.
-
Merci quand même d’être arrivé à temps, lâcha-t-elle enfin d’un ton radouci.
J’avais un tas de choses qui me tournaient dans la tête, et un bon gros boulot bien crevant m’aide généralement à me vider l’esprit.
-
moi, j’ai une autre méthode…
Lentement, il pencha la tête vers elle, puis s’arrêta net, une expression de surprise sur le visage, lorsque la main de Hayley vint se plaquer fermement sur sa poitrine.
-
Pas pendant le boulot.
-
je pensais que nous faisions une pause…
-
Nous sommes sur notre lieu de travail.
La tactique de Hayley, quoique radicale, avait porté ses fruits : En s’épuisant au travail, elle était parvenue à prendre une décision. Peu importait ce qu’elle désirait. Seul comptait ce qui était juste.
-
De toute façon, reprit-elle, je me suis rendu compte que ce n’était pas une bonne idée de faire ce genre de chose.
-
Quel genre de chose ?
-
Le genre de chose que tu t’apprêtais à faire.
Revigorée par son séjour à l’ombre, Hayley se redressa et s’assit sur l’herbe. Un sourire s’attardait sur ses lèvres. Elle faisait de son mieux pour ne pas quitter Harper des yeux et pour soutenir son regard sans ciller. Elle voulait par-dessus tout éviter que cette discussion ne compromette leur amitié.
-
Je t’aime bien, Harper, dit-elle avec conviction. Tu représentes énormément pour moi et pour Lily. Ce que je souhaite par-dessus tout, c’est que nous restions amis.
Je pense que ce n’est pas une bonne idée de mêler le sexe à tout ça. Ce serait super sur le coup, sans doute, mais nous finirions par le regretter par nous sentir mal à l’aise.
-
Pas nécessairement.
-
On parie ?
Avec un rire gêné, elle lui donna un petit coup de poing dans le genou et poursuivit : C’était chouette.
-
Chouette ?
-
Bien sûr !
Hayley connaissait cette expression – ou plus exactement, cette absence d’expression : Harper luttait encore pour contenir sa colère qui couvait en lui, mais il n’y parviendrait plus très longtemps.
-
Embrasser un bel homme est toujours une expérience excitante, renchérit-elle en se forçant à sourire. Mais il faut prendre d’autres éléments en considération et je crois, que tout compte fait, qu’il vaut mieux qu’on ne change rien à notre relation.
-
Ce n’est déjà plus pareil, protesta-t-il d’une voix sourde. Tu t’es chargée de tout changer.
-
Harper… deux ou trois baisers entre bons amis ne constituent pas un drame.
Elle lui tapota gentiment la main et commença à se relever, mais il la retint par le poignet.
-
Hayley… dit-il en la fixant intensément. C’était plus que cela.
Sa colère était en train de prendre le dessus, elle le sentait. Les quelques occasions qui lui avaient été données de le voir perdre patience lui avaient appris que ses colères pouvaient être formidables. Au fond, songea-t-elle avec amertume, peut-être était-ce mieux ainsi. Etre fou de rage lui éviterait de souffrir.
-
Je sais que tu n’as pas l’habitude que les femmes te résistent, reprit-elle sèchement, mais je n’ai pas l’intention de me disputer avec toi pour savoir si nous devons faire l’amour ou non.
-
Là n’est pas le problème, maugréa-t-il. Je te l’ai dit : c’est plus que cela.
Ces simples mots suffisaient à faire naître en Hayley un espoir insensé. Pourtant elle se força à répliquer :
-
C’est faux. Et je ne tiens pas à ce que ce soit le cas.
-
A quel jeu joues-tu ? S’écria Harper. Un soir, tu te jettes à mon cou, et le lendemain, j’ai droit à : « merci pour tout, c’était sympa, mais je ne suis pas intéressée. »
Hayley secoua la tête.
-
Tout cela n’a aucun sens. Je dois retourner au boulot.
-
Ce qui n’a aucun sens, répliqua-t-il d’une voix dangereusement calme, c’est ton attitude. Je sais que ces baisers ne t’ont pas laissée de marbre.
-
Evidemment ! ça fait des mois que je vis comme une nonne…
Autour du poignet de Hayley, les doigts de Harper se crispèrent, puis se desserrèrent d’un coup, la laissant libre de ses mouvements.
-
ainsi, maugréa-t-il, tu cherchais juste à t’envoyer en l’air…
Cette fois, ce ne fut pas le cœur de Hayley qui s’affola. Ce furent ses tripes.
-
Si tu veux me voir comme une fille qui a le feu aux fesses, libre à toi ! Répliqua-t-elle vivement.
Sa vision se troubla soudain, comme si un voile de chaleur se levait entre eux, et la fureur jaillit en elle comme un serpent qui se détend. Elle perdit alors maîtrise d’elle-même.
-
Les hommes sont bien tous les mêmes ! S’exclama-t-elle d’une voix qu’elle ne reconnut pas. Toujours prêts à mentir, à tromper, à ruser, voire à payer, pour baiser. Et une fois qu’ils sont arrivés à leurs fins, les femmes ne sont entre leurs pattes que des putains bonnes à jeter ou à servir de nouveau à leur bon plaisir. Ce ne sont pas les femmes légères, comme on dit, qui n’ont aucune moralité. Ce sont les hommes, fourbes et obsédés, qui ne pensent qu’au sexe et ne vivent que pour passer d’un coït à un autre !
Harper s’était figé. Les yeux de Hayley avaient changé. Cet éclat glacé qui les faisait briller d’une lueur malsaine ne lui ressemblait pas, pas plus que les paroles rudes et crues qui venaient de franchir ses lèvres.
Un frisson remonta le long de son dos. Sa propre colère avait disparu, supplantée par une peur diffuse.
-
Hayley… commença-t-il d’une voix hésitante.
Avec un sourire aguicheur, elle plaça ses mains en coupe sous ses seins et les caressa lascivement.
-
Est-ce ce que vous voulez, maître Harper ? Susurra-t-elle. Ou alors ça ?
plaquant une main sur son entrejambe, elle lui fit un clin d’œil et ajouta :
-
Combien êtes-vous prêt à payer pour m’avoir ?
Harper parvint à surmonter sa répugnance, l’empoigna parles épaules et la secoua violemment.
-
Hayley ! S’écria-t-il. Arrête ça tout de suite !
-
Si vous voulez je peux jouer les ladies, minauda-t-elle. Je suis très douée pour ça… autant que pour servir de pouliche !
Harper s’efforçait de rester clame, mais sur les épaules de Hayley, ses doigts tremblaient.
-
Non ! Réussit-il à répondre d’une voix ferme. Je te veux exactement telle que tu es, telle que tu as toujours été.
Il prit le menton de Hayley entre le pouce et l’index et la regarda droit dans les yeux avant de poursuivre :
-
C’est à toi que je parle, Hayley Phillips ! Nous devons retourner au travail, et ensuite il te faudra aller chercher Lily chez sa nounou. Tu ne voudrais pas être en retard pour récupérer ta fille, n’est-ce pas ?
A ces mots, elle parut se ressaisir. Ses yeux reprirent leur éclat habituel.
-
Quoi ? Murmura-t-elle en repoussant sa main.
-
Qu’est-ce que tu as dit Hayley ? Demanda-t-il en reposant les mains sur ces épaules. Répète-moi ce que tu viens de dire.
-
J’ai dit… j’ai dit que si tu voulais me voir comme une fille qui… Ô ! Mon Dieu !
-
Tu te souviens de ce qui s’est passé ?
-
Je… je ne sais pas. je ne me sens pas très bien…
La main crispée sur son ventre, elle se plia en deux.
-
Je crois que je vais être malade, gémit-elle.
-
OK. Je te ramène à la maison.
-
Je ne pensais pas un mot de ce que j’ai dit, Harper. J’étais en colère. je ne sais pas d’où ça a pu me venir…
Il l’aida à se remettre debout, mais les jambes de Hayley faillirent la trahir et il dut la soutenir.
-
Ça ne fait rien, dit-il en l’entraînant vers le magasin. Moi je le sais.
-
Qu’est-ce que tu veux dire ? Je ne comprends pas.
Hayley aurait voulu s’allonger de nouveau dans l’herbe, à l’ombre d’un arbre, jusqu’à ce que sa tête cesse de tourner.
-
Rentrons à la maison, insista Harper. Nous parlerons ensuite.
-
je dois prévenir Stella que…
-
Je m’en occupe. Je n’ai pas pris ma voiture. Où sont les clés de la tienne ?
-
Mes clés ? Dans mon sac, derrière le comptoir. Je me sens vraiment … à plat.
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Monte dans la voiture, lui ordonna-t-il en l’aidant à prendre place sur le siège passager. Je vais chercher ton sac.
Stella se tenait derrière le comptoir lorsque Harper pénétra en trombe dans le magasin.
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Donne-moi le sac de Hayley ! Lâcha-t-il. Elle ne se sent pas bien. Je la ramène à la maison.
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Est-elle malade ? S’inquiéta Stella en lui tendant le sac. je n’imaginais pas qu’elle resterait si longtemps en plein soleil, je…
Harper lui prit le sac des mains et l’interrompit.
-
Ce n’est pas une insolation. Je t’expliquerai plus tard. Demande à ma mère de nous rejoindre. Dis-lui que j’ai besoin d’elle.
Arrivé à destination, en dépit des protestations de Hayley qui disait se sentir mieux, Harper la soutint jusque dans le hall.
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Tu tombes à pic, lança-t-il à David, qui venait à leur rencontre. Prépare quelque chose à boire. Du thé.
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Qu’est-il arrivé ?
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Je te raconterai tout plus tard. D’abord, apporte-nous du thé. Et préviens Mitch.
Reportant son attention sur Hayley, Harper passa un bras autour de ses épaules et l’entraîna dans le salon.
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Viens, lui dit-il. Tu vas t’allonger.
-
Harper… protesta-elle. Je ne suis pas malade. j’ai juste attrapé un coup de chaleur…
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Même s’il n’y avait que cela, répliqua-t-il. Il n’en faudrait pas plus pour m’inquiéter. Tu es toujours pâle.
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Sans doute parce que je suis très embarrassée de t’avoir dit de telles horreurs…
je n’aurais jamais dû réagir comme ça, même si j’étais en colère.
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Tu n’étais pas si en colère que ça.
Dans le salon, Harper guida Hayley jusqu’à un canapé, sur lequel il la força à s’étendre.
-
Que se passe-t-il ? S’enquit Mitch en entrant dans la pièce.
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Nous avons eu… un problème, répondit Harper.
Mitch vint s’accroupir près de Hayley et s’inquiéta :
-
Alors, ma belle, que t’est-il arrivé ?
-
Rien de grave. Juste un coup de chaleur.
Hayley, qui était en train de surmonter son malaise, parvint à lui adresser un faible sourire avant d’ajouter :
-
Un coup de chaleur qui m’a fait perdre la tête.
-
Il n’y avait pas que la chaleur, corrigea Harper d’un air sombre. Et ce n’est pas toi qui es folle.
puis à l’intention de Mitch, il précisa :
-
Maman va nous rejoindre. Dès qu’elle sera là, on vous racontera tout.
-
Tu n’as tout de même pas dérangé Roz pour ça ? S’exclama Hayley en se redressant. Tu tiens vraiment à me faire mourir de honte ?
-
calme-toi…
-
Ecoute, poursuivit-elle, ignorant son conseil, je comprends que tu sois fâché contre moi, mais je ne vais pas rester allongée là jusqu’à ce que…
-
Et pourquoi pas ? Coupa-t-il. Le moment venu, l’un de nous ira chercher Lily chez sa nounou.
David, qui arrivait, chargé d’un plateau, se vit aussitôt mis à contribution.
-
Pas vrai, David, que tu pourrais aller chercher Lily ?
-
Sans problème.
-
Puisque Lily est ma fille, rétorqua sèchement Hayley, c’est tout de même à moi de décider qui doit s’en occuper !
-
Tu es en train de reprendre des couleurs, observa Harper en la scrutant attentivement. Tant mieux. Bois ton thé, maintenant.
-
Je n’ai pas envie de boire du thé !
-
C’est ton thé vert préféré, annonça David en la servant. Sucré exactement comme tu l’aimes.
-
J’aimerais que vous arrêtiez de me couvrir de ridicule, tous les deux !
acceptant la tasse que lui tendait David, elle but une gorgée et conclut :
-
Mais puisque c’est toi qui me le demande, je veux bien boire ce thé.
elle achevait de siroter son thé sous l’œil vigilant des deux hommes lorsqu’elle entendit Roz s’exclamer depuis le seuil :
-
Qu’est-ce qui se passe ici ?
-
Roz, commença Hayley d’un air coupable, tout est de ma faute. Je suis restée trop longtemps au soleil et je me suis sentie mal. Je ferai une heure supplémentaire demain pour compenser.
-
Oh ! Fort bien ! S’exclama Roz d’un ton faussement soulagé. Comme ça, je n’aurai pas à te licencier. Maintenant, est-ce que quelqu’un serait assez aimable pour me dire ce qui s’est passé ?
-
Pour commencer, répondit Harper, Hayley s’est mis en tête de travailler en plein soleil. Quand je m’en suis aperçu, je l’ai conduite à l’ombre et lui ai donné à boire. Nous nous sommes un peu disputés, et au beau milieu de la conversation, d’un seul coup, ce n’était plus elle qui me parlait. C’était Amelia.
-
Pas du tout ! Protesta Hayley. ce n’est pas parce que je t’ai dit deux ou trois choses qui…
-
Hayley, coupa-t-il en la fixant d’un air grave, ce n’est pas toi qui m’as sorti ces horreurs. Tu serais même incapable de les penser. Ta voix elle-même avait changé. Et ton accent était celui de Memphis à cent pour cent. Plus une trace de L’Arkansas ! Quant à tes yeux… je ne sais pas comment les décrire exactement.
Ils étaient plus vieux, plus froids, plus méchants – des yeux de folle.
Troublée par ces paroles, Hayley frissonna et détourna le regard.
-
Non, murmura-t-elle en secouant la tête. Ce n’est pas possible.
-
Tu sais bien que si ! Rétorqua Harper.
Roz vint s’asseoir près de Hayley et prit sa main dans la sienne.
-
Reprenons depuis le début, dit-elle gentiment. Dis-moi ce qui s’est passé. De ton point de vue.
-
Je… je ne me sentais pas bien, bredouilla Hayley. A cause de la chaleur. Le ton a monté entre Harper et moi, et nous nous sommes disputés. il m’a fait sortir des mes gonds et… j’ai riposté… Je lui ai dit des choses… J’ai dit…
Sa main, qui s’était mise à trembler, agrippa nerveusement celle de Roz.
-
Ô ! Mon Dieu ! Gémit-elle en fermant les yeux. Je me sentais tellement…
détachée. Je ne sais pas comment décrire ça. Détachée mais en même temps folle de rage. Je ne maîtrisais plus mes paroles. On aurait dit… on aurait dit que ce n’était plus moi qui m’exprimais par ma bouche. Puis Harper m’a secouée en m’appelant par mon nom, et ça m’a énervée. L’espace d’une minute, je me suis demandé où j’étais. Mon esprit était engourdi, désorienté, comme après une courte sieste. Tout de suite après, j’ai été prise de nausées.
-
Cela s’était-il déjà produit ? Intervint Mitch. Une telle chose t’était-elle déjà arrivée avant aujourd’hui ?
-
Non. Enfin, je ne sais pas. peut-être…
Comme pour s’enfouir dans un cocon, Hayley se laissa glisser dans les profondeurs du canapé et reprit à mi-voix :
-
Depuis quelque temps, je suis assaillie par des idées noires, des sautes d’humeur qui ne me ressemblent pas. Je me sens parfois si… irritée contre le monde entier.
Qu’est-ce qui m’arrive ? Et qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire?
-
Rester calme, répondit Harper, comme si la question lui était destinée. Analyser calmement la situation. Prendre les mesures nécessaires.
-
Facile à dire ! S’exclama-t-elle. Ce n’est pas toi qui te retrouves possédé par un fantôme psychopathe !