— Nous les recensons actuellement, explique Curty.
Une question mord les lèvres de Viac :
— Que projetez-vous pour eux ?
Le délégué du gouvernement dévoile ses batteries :
— Nous les gardons en otages. Si la province H ne répond pas favorablement à l’ultimatum que nous allons lui lancer, eh bien ! ces otages seront exécutés et les dirigeants de la rébellion en supporteront la responsabilité !
Viac et Sergos sont enfermés provisoirement dans une cellule du centre administratif. Ils n’espèrent pas fléchir la sensibilité du conseil de discipline. La déportation, ça signifie la Lune, ou les autres planètes du système solaire. Des bases lointaines au climat effroyable, à l’air artificiel. Une vie de taupes. Plutôt des bases pour bagnards pour lesquelles le gouvernement manque de volontaires.
And paraît découragé. Ses épaules se voûtent.
— Des centaines d’otages, murmure-t-il, accablé. Crois-tu que Kome capitulera ?
— Non, dit Pié avec force. S’il se rend, il anéantit tout son plan, tout le bénéfice de ses efforts.
— Les Kréols capturés par les policiers…
Tu y songes ?
— Oui, et Jer aussi.
— Toujours ton même optimisme. Tu crois aux possibilités de Jer. Tu t’illusionnes.
— Non, c’est toi qui ne t’illusionnes pas assez, And. Je pensais que tu supporterais mieux les revers.
Viac marche de long en large dans l’étroite cellule, à plusieurs mètres sous terre. L’inquiétude burine ses traits. Il voudrait être plus vieux de quelques heures.
— L’ultimatum gouvernemental est lancé. Si Kome n’arrive pas à temps pour libérer les otages, Curty mettra sa menace à exécution, ne serait-ce que pour donner un exemple. Des centaines de cadavres calcinés…
— Ah ! Tais-toi ! implore Pié. Et cesse de marcher ainsi. Je sais. Les minutes me paraissent des siècles à moi aussi. Est-ce que j’ai l’air angoissé pour ça ?
L’étrange sang-froid qui émane de Sergos devient vite communicatif. Viac se rassied, calme son trouble intérieur.
— Tu as raison, Pié. Je suis idiot. Kome ne laissera pas tomber ses compatriotes, mais je me demande comment il s’y prendra pour investir le camp fortifié. Les policiers ouvrent l’œil.
Jer a tout intérêt à se hâter. Gagnera-t-il cette course contre la montre, lourde de conséquences ? La vie de plusieurs centaines d’hommes dépend de lui. Uniquement de lui. Il endosse donc une écrasante responsabilité.