CHAPITRE VII

Yusuf, le sergent et Miquel chevauchaient en tête et bavardaient à bâtons rompus quand le sergent leva la main pour exiger le silence. Derrière eux, dans le lointain, se faisaient entendre des bruits de sabots.

— Tenez-vous prêts !

Aussitôt Gabriel et Narcís encochèrent des flèches. Oliver poussa Neta au milieu des mules, et le petit groupe continua d’avancer avec prudence.

Domingo fit faire halte au sommet de la colline suivante. Ils regardèrent derrière eux.

— Gabriel, qu’est-ce que tu vois ?

— De la poussière. Une paire de chevaux, ajouta-t-il au bout d’un instant. Sur deux colonnes, des hommes au pas rapide. Huit ou dix, douze tout au plus. Ils portent une livrée, sergent.

— Voilà qui est rassurant. À moins que les bandits de grand chemin n’endossent l’uniforme, à présent.

— On continue, sergent ? demanda Miquel.

— À mon avis, non. Si ce sont des hommes d’armes en tenue, il vaudrait mieux que nous voyagions de concert. Ils pourraient nous venir en aide si nous rencontrions des difficultés.

— Mais, sergent, ils nous dépassent en nombre…

— Si leur allure ne nous plaît pas, nous les quitterons. Nous sommes plus rapides qu’eux. Tu vois le ruisseau là-bas ?

— Oui, sergent.

— On va s’y arrêter pour faire boire les bêtes et prendre une décision.

— Un ennui, sergent ? demanda Oliver une fois qu’ils eurent atteint le ruisseau.

— Nous allons donner à ces hommes une chance de nous rattraper. Miquel, quand ils apparaîtront sur la crête, occupe-toi à réparer un harnais ou à vérifier un sabot.

— Oui, sergent, répondit Miquel qui, à défaut d’autre chose, entreprit d’inspecter soigneusement toutes les mules.

— Sergent, reprit Oliver en mettant pied à terre, je voudrais profiter de cette halte pour vous parler d’une chose importante.

— Je n’aime pas les conversations qui débutent ainsi, maître Oliver. Quelle mauvaise nouvelle m’apportez-vous ?

— C’est à propos du garçon, murmura Oliver en se rapprochant.

— Et alors, qu’est-ce qu’il a ? répondit Domingo qui baissa également la voix.

— Eh bien, ce n’en est pas un. Regardez-le attentivement et vous comprendrez. Tante Mundina l’a tout de suite vu, elle.

Le sergent observa Mundina et Clara qui, toujours sur la mule, paraissaient en grande conversation. À un moment, ce matin-là, la fille s’était débarrassée de sa culotte sous son habit de moine, et l’on pouvait entrevoir sa jambe dénudée qui reposait sur l’encolure de Neta. Mince, fuselée, ce n’était pas du tout la jambe d’un garçon malingre de douze ou treize ans.

— Par tout ce qui est saint, maître Oliver, je comprends tout ! C’est une fille. Pas étonnant que je lui aie trouvé quelque chose d’étrange. Quel âge a-t-elle ?

— Près de seize ans. Et je la crois honnête et respectable. Toute seule, sur la route, entourée de soldats…

— Voilà qui explique sa frayeur. Et aussi d’autres choses, dit le sergent en éclatant de rire. Mais je ne m’inquiéterais pas pour elle. Tante Mundina est là pour la protéger, et je veillerai à ce que mes gars ne l’approchent pas de trop près. C’est valable également pour ceux qui nous suivent. Mais ça renforce mon opinion, à savoir qu’il vaut peut-être le coup de se joindre à eux.

 

Le groupe arriva. Il se composait d’un chevalier d’âge mûr, d’un jeune homme qui paraissait être son fils et de dix arbalétriers.

— Messires, leur dit le chevalier d’un ton affable comme s’il retrouvait des frères perdus de vue depuis longtemps, le bonjour. Êtes-vous en difficulté ?

Il désigna Miquel, l’air soucieux devant le sabot qu’il tenait dans le creux de sa main.

— Je n’en suis pas certain, répondit le sergent en se tournant vers Miquel. Alors ?

— Tout va bien, sergent. Un caillou, rien de plus. La fourchette n’est pas abîmée.

— Vous rendez-vous à Barcelone ? demanda le chevalier.

— Effectivement, messire. Et vous-même ?

— Oui. Nous avons suivi la côte pendant toute la matinée.

Le visage du chevalier était hâlé comme celui d’un journalier et, puisqu’il était improbable que cet homme eût jamais mis la main à la charrue, le sergent lui trouva l’air rassurant d’un vétéran de plusieurs campagnes militaires.

— Si vous êtes partis tôt, vous avez dû avoir un temps humide, dit Domingo.

— C’est exact, répondit le fils avec un sourire ironique. Très humide, même. Mais nous avons rapidement séché, même si nous sommes encore dépenaillés.

— Bonjour, señores, dit Oliver qui laissa paître sa monture et s’approcha des nouveaux venus.

— Voici Oliver Climent, messires. Il est responsable de notre expédition.

— Et mon nom est Asbert de Robau, répondit le chevalier. Ce jeune homme est mon cadet, Gueralt.

— Votre nom et vos couleurs sont célèbres dans toute cette partie du monde, dit Oliver en adressant un léger signe de tête au sergent. Nous avons de la chance de vous rencontrer. Qu’est-ce qui vous amène ici à une heure aussi matinale ?

Gueralt parla avant que son père pût prendre la parole.

— Puis-je émettre une humble proposition ? Si nous devons passer notre temps à échanger des souvenirs de voyageurs, pourquoi ne pas le faire en marchant au lieu de converser ici, sur le bord du chemin ?

— C’est une excellente idée ! s’écria Asbert de Robau. Joignons nos forces et chevauchons côte à côte. J’avoue avoir maintes fois parcouru cette route, et mon fils et moi avons épuisé tout ce que nous avons à nous dire. Je suis certain qu’il en va de même pour vous autres.

— C’est tout à fait exact, dit en riant Oliver. Nous apprécierons beaucoup votre compagnie.

— Si, bien entendu, cela ne vous dérange pas d’être ralentis par des hommes à pied.

— Aucunement, répondit le sergent. Mais si nous voyons que nous prenons trop de retard, nous nous dirons adieu et éperonnerons nos chevaux.

— Excellent, conclut Asbert avant que toute la compagnie ne se remette en route.

— Qu’est-ce qui peut vous jeter sur la route au cœur de l’été ? demanda Oliver.

— Nous apportons des renforts au navire de Sa Majesté, l’Alexandria. Ce n’est certainement pas assez pour changer le cours de la guerre, mais c’est tout ce que nous avons à offrir.

— Il est regrettable que vous n’ayez pu partir plus tôt. Vous auriez rejoint la flotte à Rosas. Cela vous aurait facilité la tâche.

— C’est vrai, reconnut Asbert, la distance jusqu’à Rosas est moindre et c’est ce que nous avions prévu. Mais la maladie s’est abattue sur nous. J’ai été le premier touché, puis ce fut mon fils aîné, Asbert le jeune, qui devait nous accompagner.

— J’en suis désolé.

— Nous avons retardé d’un mois notre départ dans l’espoir d’être tous deux remis mais, si j’ai quitté le lit à temps, ce ne fut pas le cas pour lui. Je suis un vieux soldat, messire, et la mort ne veut pas de moi. La jeunesse est pleine de vie et de sève, mais elle est aussi fragile, ne trouvez-vous pas ?

— J’espère que votre fils…

— Il est encore trop faible pour manier l’épée. Je me préparais à partir seul – avec mes hommes, bien entendu –, quand son frère cadet, Gueralt, est revenu à la maison après avoir achevé son éducation.

— Et où…

— C’est exact, le coupa Asbert. Et à peine me vit-il qu’il me proposa de prendre la place de son frère pour se joindre aux forces armées de Sa Majesté, en Sardaigne. Nous nous hâtons à présent de porter assistance à notre souverain.

— Il appréciera beaucoup vos renforts, j’en suis certain, dit Oliver. C’est très louable de la part d’un jeune écuyer, ajouta-t-il à l’adresse de Gueralt.

— Je mourrais pour mon roi, déclara le fils avec infiniment de sérieux. Et je le ferais volontiers, je le jure devant Dieu Tout-Puissant.

— Je l’espère, reprit Asbert, sinon il n’est pas de mon sang.

Il tourna alors le dos à Oliver et s’adressa au sergent :

— Qu’allez-vous faire à Barcelone ? dit-il en désignant les mules chargées. Du commerce ?

— Nous venons de Gérone, répondit Domingo. Nous portons des biens et des effets destinés à notre roi quand il séjourne dans cette ville.

— Vous en prenez grand soin, dit poliment Asbert de Robau avant de se tourner vers Yusuf, autre personne à présenter un intérêt potentiel. Et vous, jeune seigneur, que faites-vous dans cette expédition ? Vous me semblez être un homme d’armes, pas un colporteur !

Il rit de bon cœur de sa propre plaisanterie.

— Rien, messire. Comme vous, je me suis attaché à de plaisants compagnons. Je préfère cela que de me hâter seul.

— Vous avez bien fait. Je me souviens du jour où je me rendis sans escorte en Avignon…

Le chevalier se lança alors dans un récit long et compliqué plein d’aventures et de tractations.

Son fils, qui de toute évidence avait entendu à plusieurs reprises cette histoire, s’adressa à Oliver.

— Vous avez amené avec vous votre prêtre et votre cuisinière, qui chevauchent ensemble sur cette mule ?

La révélation de la véritable identité de Gil, faite discrètement par Oliver au sergent, s’était par magie répandue dans tout le groupe avant même qu’ils s’éloignent du ruisseau. Tous se raidirent.

— C’est à peine un prêtre, fit Yusuf avec mépris.

— Qu’entendez-vous par là ? demanda Gueralt.

Oliver retint son souffle.

— Un petit chiot, rien de plus, reprit Yusuf. Encore plus jeune que moi. Ils le conduisent chez les pères. Pour eux, c’est un fardeau comme un autre, rien de plus !

Asbert et Gueralt rirent avec lui. Oliver se détendit.

— C’est une belle femme, en tout cas, fit remarquer Gueralt.

— Assez vieille pour être ma mère et la vôtre, señor, dit Yusuf avec une grimace des plus lubriques. Une des servantes de leur seigneur.

— Encore un fardeau ? demanda Gueralt.

— Oui, dit Yusuf en riant, à livrer – intact – à la résidence de Sa Seigneurie.

— Ce petit gars a l’esprit vif, murmura le sergent à Oliver.

— Oui, aussi vif que nos compagnons de voyage sont enjoués.

— J’aimerais qu’ils le fussent moins, dit Domingo. Ils jacassent comme des pies. Difficile de se tenir sur ses gardes avec tous ces bavardages.

— Je m’interroge. Pensez-vous qu’ils forment une paire d’aimables fous ?

Domingo secoua la tête.

— Je n’ai pas d’opinion. Leur caractère pourrait être conforme à leur allure.

 

Le reste du voyage fut assez banal. Comme ils approchaient de Badalona, les nuages se déchirèrent, pareils à de vieilles étoffes, et une chaleur étouffante s’imposa à nouveau quand ils franchirent enfin les portes de la cité de Barcelone. Il était près de midi.

Oliver avait passé son temps à passer au crible le « problème Gil » et examinait maintenant les solutions qu’il n’avait pas encore rejetées. Clara était-elle une fille de cuisine terrorisée qui cherchait du travail ? Jamais une servante n’aurait parlé ainsi. Dans ce cas, était-elle une jeune dame en quête de protection ? Ou encore, songeait-il avec pessimisme, était-elle complètement autre ? Il serait sage de le découvrir.

Après que les hommes de l’évêque eurent pris la direction du palais royal, Oliver et les deux femmes s’en allèrent vers une robuste maison située de l’autre côté de la ville, non loin de la porte ouest.

Ils entrèrent et un jeune homme donna l’accolade à Oliver avant de regarder ses deux compagnes d’un air soupçonneux.

— Séjournerez-vous quelque temps ici, Oliver ? dit-il. J’ai fait préparer des chambres.

— Le temps me manque. Écoutez, il nous faut une pièce à l’écart et des rafraîchissements. Je dois parler en privé à ces deux-là, répondit-il en désignant Mundina et Clara qui se tenaient en retrait.

— Une servante et un moinillon ? murmura le jeune homme. Oliver, vous avez là les plus étranges amis que je connaisse. Dites-moi pourquoi, je vous en prie, ou j’en mourrai de curiosité.

— Je vous expliquerai tout, dit Oliver, je vous le jure. Mais je n’en ai pas le temps à présent, ajouta-t-il en menant Mundina et Clara dans un petit salon.

— Fort bien.

Du vin, de l’eau, des noix, des olives et des fruits leur furent apportés, puis ils demeurèrent seuls.

— Clara, dit Oliver en la vouvoyant pour la première fois, je dois savoir qui vous êtes.

Il parlait d’une voix calme, détachée, comme un médecin qui se fût enquis de sa santé.

— Vous connaissez déjà tout de moi. Je suis une orpheline. J’ai été élevée par les sœurs. Je suis sans le sou. Rien de plus.

— Quel âge aviez-vous quand elles vous ont recueillie ?

— Je ne m’en souviens plus, répondit-elle très vite. Je n’étais pas très vieille, en tout cas.

— Admettons.

Il ne la croyait pas mais estimait qu’il valait mieux ne pas insister sur ce point.

— Combien de temps avez-vous travaillé pour cette femme ?

— Oh, ça, je m’en souviens très bien. Près de trois ans.

Elle se tut et contempla ses mains, encore rougies par le labeur.

— Et pendant tout ce temps, j’ai été payée une misère. Le peu que je gagnais devait grossir le reste de mon argent pour former ma dot. Une petite dot, mais suffisante pour m’empêcher de vivre dans la rue, ajouta-t-elle avec amertume.

— Vous aviez de l’argent en arrivant au couvent ?

Elle hésita, comme si sa réponse pouvait être compromettante.

— Pas grand-chose. Quelques sous. Mais je ne peux pas les récupérer. Ma maîtresse sera allée directement au couvent pour se plaindre de ma désertion.

— Je vous comprends, Clara. Je ne vous demande pas d’y retourner. Mais dites-moi, on était censé vous payer combien ? demanda-t-il, animé d’une certaine curiosité.

— Rien la première année. Ensuite, trois livres l’an. Les filles de cuisine n’ont pas beaucoup de valeur.

— Et combien de temps deviez-vous rester auprès de cette maîtresse ?

— Sept ans.

— Dix-huit livres, fit Oliver en secouant la tête. Me direz-vous le nom de votre père, Clara ? demanda-t-il sans transition.

Le visage de la jeune fille perdit toute couleur.

— Je ne le puis, murmura-t-elle.

Ses épaules se crispèrent et ses mains, posées sur ses cuisses ainsi qu’on le lui avait enseigné au couvent, se mirent à trembler. Elle s’empressa de les dissimuler dans les amples manches de son habit de moine.

— Je ne le sais pas, ajouta-t-elle d’un ton qui se voulait normal.

— Et celui de votre mère ?

Elle fit non de la tête.

Pendant tout ce temps, Mundina l’avait regardée avec plus d’impatience que de compassion.

— Ça a été dur pour bien des familles, dit-elle. Il y a eu tant de morts. Tu te rappelles ton grand-père ?

Elle parlait doucement, d’une voix grave et agréable, qui s’écoulait comme un fleuve paisible.

— J’étais très jeune quand le mien est mort, mais je me souviens de lui, je l’appelais Petit Papa. C’était un petit homme, pas aussi grand que mon père…, reprit-elle.

— Mon grand-père ? fit la jeune fille.

Elle se détendait, maintenant que la conversation ne portait plus sur ses parents. Elle tourna la tête du côté de la fenêtre et posa sur les arbres un regard vague, mélancolique.

— Oui, je m’en souviens. Je l’appelais Aimi. Il m’apportait des friandises et de jolies robes, et puis il est mort quand tout le monde est mort autour de lui.

Elle releva la tête. Des larmes coulaient sur son visage. Elle les essuya du revers de sa manche et rejeta en arrière ses cheveux coupés à la diable.

— Mais c’était il y a si longtemps. Je n’ai plus beaucoup de souvenirs…

— Pourquoi Aimi ? demanda Mundina.

— Sûrement parce que je n’arrivais pas à dire grand-papa Aimeric.

Oliver se leva et s’approcha de la fenêtre. Il y demeura un certain temps, en silence, puis se retourna, le sourire aux lèvres.

— L’endroit le plus propice pour séjourner quelques jours, vous et Mundina, c’est chez les sœurs, mais je ne veux pas commettre l’erreur fatale de vous placer chez des religieuses qui vous connaissent déjà. Je vous demande donc seulement ceci : se trouvaient-elles dans la ville ou hors les murs ?

— Dans la ville, dit-elle vivement.

— Dans ce cas, je vous logerai chez les bénédictines de Sant Pere de les Puelles. Vous y serez en sécurité. M’attendrez-vous un moment ? Je dois m’entretenir avec Mundina.

— Je ne sauterai pas par la fenêtre, dit Clara qui ébaucha un sourire. Je vous le promets.

 

— Tante Mundina, tu es une vraie sorcière ! Tu arrives à faire parler les gens plus facilement que tous les bourreaux qui sont au service des grands de ce monde. Des friandises et de jolies robes. Son grand-père était un homme riche, dit Oliver d’un air triomphal.

— Pas un manant, assurément, répliqua Mundina.

— Si sa mère avait été une pauvresse séduite puis abandonnée avec son enfant, comme elle voulait qu’on le crût, nous aurions eu peu d’espoir de découvrir son identité. Mais je savais que ce ne pouvait être vrai.

— Oui, sa voix, ses intonations ne trompent pas.

— Même si elle a apparemment tout fait pour les perdre.

— Je crois qu’elle désirait simplement se mêler aux autres servantes.

— Ce n’était pas pour nous duper ?

— Non, expliqua Mundina, je pense qu’elle a essayé de parler ainsi quand elle a commencé à travailler. Après tout, elle savait que l’existence d’antan s’était enfuie à jamais. Mais cela ne vous ferait pas de mal de la lui rendre, monseigneur.

— Nous verrons, dit Oliver. Bien. Nous connaissons le nom de son grand-père et l’année de sa mort. Découvrir qui étaient ses parents sera assez aisé.

— Tu penses que le grand-père est mort de la peste ?

— « Il est mort quand tout le monde est mort autour de lui », voilà ce qu’elle a dit.

— Elle peut avoir menti.

— Non, tante Mundina. Je l’ai bien écoutée : je sais quand elle dit la vérité et quand elle ment. Cette fois-ci, c’était la vérité. Elle était à bout de nerfs, Mundina. Elle est épuisée, affamée, folle d’inquiétude et de chagrin. Elle ne pouvait plus lutter. Elle était comme domptée… trop soumise pour mentir. Comme un faucon que l’on a apprivoisé. Grâce à ta voix…

— Elle t’a bercé et fait trouver plus d’une fois le sommeil, monseigneur. Ça et mon bon lait.

— Resteras-tu auprès d’elle ? lui demanda-t-il. Sept livres d’aujourd’hui à la Nativité de Notre-Seigneur. Il faudra peut-être voyager.

Elle réfléchit un instant.

— Enverras-tu mon fils veiller sur ma maison ? Et le paieras-tu ?

— Accordé. Ton fils partira dès qu’il en sera capable. Allons chez les sœurs. Il ne faut plus tarder.