« VOUS NE ME CROIREZ PAS ! »

Marseille, 12 juin 1925. Dans le bureau du chef de la Sûreté, le commissaire Robert, deux agents introduisent un homme, grand et jeune, trente-six ans, fort distingué, mais l'air un peu fatigué.

« Docteur Pierre Bougrat ?

— C'est moi, commissaire.

— Votre cabinet se trouve 25 rue Senac ?

— C'est exact. Mon appartement aussi.

— Docteur Bougrat, vous allez m'accompagner jusque chez vous. J'ai un mandat de perquisition, et je souhaite que cette perquisition se fasse en votre présence. »

L'homme a accusé le coup. Les traits déjà tirés, les épaules un peu voûtées, il a marqué un temps d'arrêt, avant de demander : « C'est... dans quel but cette perquisition ?

— Une enquête, docteur Bougrat. A propos d'un de vos clients... Il a disparu.

— Ah...

— Nous y allons. »

Le Dr Bougrat et le commissaire Robert, encadrés de plusieurs inspecteurs, quittent les bureaux de la Sûreté. Le trajet jusqu'à la rue Senac se fait en silence. Pierre Bougrat contemple ses mains, et les menottes qui les entourent. On l'a fait sortir de sa cellule de la prison Chave, où il purgeait une peine pour un chèque sans provision. On l'a conduit devant le commissaire Robert, et pour l'instant il réfléchit.

Le commissaire observe le jeune médecin. Si ses informations sont exactes, son cas est désespéré. Dommage. Voilà un homme qui avait tout pour réussir dans la vie, et qui a tout gâché...

La voiture de la police s'arrête devant le 25, rue Senac. Il y a une plaque de cuivre sur la porte d'entrée : « Docteur Pierre Bougrat, médecine générale-dermatologie ».

Dans l'appartement en désordre, une odeur curieuse, fade et désagréable, accueille les policiers. Dans le cabinet d'auscultation la même odeur, encore plus désagréable. Le commissaire Robert se dirige immédiatement vers un placard, au fond du cabinet, en homme qui connaît parfaitement les lieux. Pierre Bougrat est resté debout à l'entrée de la pièce. Son regard va du commissaire au placard, très vite, mais il reste silencieux. Alors le commissaire Robert se parle à lui-même, à voix haute et sur un ton uni. Mais il ne quitte pas le docteur des yeux.

« Je me demande ce que nous allons trouver dans ce placard... »

Un court silence puis, Pierre Bougrat répond sur le même ton détaché : « Je sais d'avance que vous ne me croirez pas. Mais vous trouverez dans ce placard le cadavre d'un homme qui était mon ami et qui s'est suicidé chez moi...

— Jacques Rumebes ?

— En effet. »


Pierre Bougrat est un homme extraordinaire. Plus exactement il l'est devenu. Son dossier est l'un des plus célèbre de l'après-guerre (la grande) et il est loin d'être facile à dépouiller. Comprendre d'abord Pierre Bougrat lui-même, n'est pas facile. Car il y a de tout chez cet homme. On pourrait dire que c'est un exemple du pire et du meilleur. Encore faudrait-il être sûr, qu'il a commis le pire.

Le meilleur de lui-même il l'a donné dès le début de son existence. Aujourd'hui, s'il était encore en vie, il serait l'un des héros de la Grande Guerre, et il défilerait en tête des anciens combattants.

Alors qu'il n'a pas terminé ses études de médecine, il part au front comme médecin auxiliaire. A la fin de la guerre il a vingt-neuf ans, quatorze blessures et la légion d'honneur. Il se marie en 1919 avec la fille d'un médecin marseillais, reprend ses études, qu'il achève brillamment, et s'installe dans son cabinet de la rue Senac. Il est déjà père de famille. Qui dit mieux ? Trente ans, bel homme, médecin installé, héros décoré, une ravissante épouse, une petite fille, une clientèle assurée... L'avenir est devant lui. C'est l'image d'Épinal de la réussite en marche. Il est déjà mûr pour la députation.

Sur la petite faille qui survient dans cette vie lisse et heureuse, Pierre Bougrat est résolument discret. Il le sera toujours. Tout en avouant que le désastre a commencé avec lui, il ne dira jamais la véritable raison de son divorce. Parfois il raconte une sorte de fable pour charger sa femme.

« Je ne gagnais jamais assez d'argent pour la contenter. Un jour elle a pris ses bijoux et sa fille, et elle est partie. Un mot sur la table de la cuisine... comme une bonniche. »

Il a aussi une autre version :

« Elle m'a laissé tomber. Elle ne m'aimait plus. Son départ m'a désespéré. Perdre en même temps sa femme et sa fille, c'est une perte d'équilibre trop brutale pour un homme. »

Cette deuxième version explique peut-être un peu mieux le désarroi d'un homme qui se met à faire n'importe quoi.

Sa femme partie, Pierre Bougrat n'a plus rien à voir avec l'image d'Épinal du jeune médecin brillant et plein d'avenir. Il sort toutes les nuits, ne dort plus, dépense l'argent comme s'il lui brûlait les doigts, s'amourache d'une entraîneuse qu'il veut traiter en duchesse... Il emprunte, ne peut plus rembourser, emprunte encore.

Il emprunte 1000 francs le matin, et supplie le soir dans un bar, à genoux devant la dame du vestiaire, qu'on lui donne 10 francs pour payer sa note...

Jusqu'ici intelligent, cet homme se conduit comme un idiot, à croire que, d'un seul coup, le héros s'est fatigué.

Le Dr Pierre Bougrat fait des chèques sans provision, et va faire de la prison.





Nous sommes le 14 mars 1925. Un certain Jacques Rumebes, marié, père de famille, travaille dans une manufacture marseillaise. Il est chargé de transporter la paie des ouvriers. C'est un camarade de guerre de Pierre Bougrat, et l'un de ses clients depuis qu'il est médecin. Rumebes est malade, et, tous les samedis matin il se rend au cabinet médical pour sa piqûre hebdomadaire.

Le 14 mars 1925 est donc un samedi, Rumebes frappe à la porte du médecin à 9 heures. Il entre dans le cabinet de consultation, Bougrat fait la piqûre, Rumebes s'en va. La piqûre qu'on lui fait chaque semaine est une intraveineuse destinée à soigner une maladie à propos de laquelle le dossier est assez vague. On parle d'un produit au nom compliqué, qui fut interdit quelques années plus tard. Trop dangereux semble-t-il.

Jusque-là, rien que de très normal. Comment se fait-il alors, que, trois mois plus tard, le commissaire Robert ouvre la porte d'un placard à pharmacie chez le Dr Bougrat, et y découvre le corps de Rumebes ? Comment se fait-il que Bougrat ne s'en étonne même pas ?

C'est une bien curieuse histoire que le docteur va raconter, en prenant bien soin de préciser : « Vous ne me croirez pas ! »

Quoi qu'il en soit, la voici.

La porte du cabinet vient de se refermer, Jacques Rumebes s'en va. Il est 9 heures du matin, ce 14 mars 1925.

Le Dr Bougrat, qui n'attend guère d'autres clients ce matin-là, descend chercher les journaux. Il est soucieux. Dans l'appartement contigu à son cabinet, Andréa, sa maîtresse, dort. Elle n'est pas belle, elle est même vulgaire, fanée par la prostitution, cupide et bête. Si bête que le juge d'instruction renoncera même à l'inculper de recel de cadavre. Il lui délivrera un non-lieu équivalant à un certificat de stupidité.

C'est pourtant de cette femme que Bougrat dit être amoureux, et c'est à cause d'elle qu'il est soucieux. Elle réclame de l'argent, il n'en a plus. Elle menace de partir, il a besoin d'elle.

Ses journaux sous le bras, le docteur regagne l'appartement, déjeune vers midi avec Andréa, et retourne dans son cabinet. A 13 h 30, il est seul. On sonne. Il ouvre, c'est Rumebes, blanc comme un linge, affolé.

« Pierre, c'est épouvantable, je suis foutu, on m'a volé. J'avais plus de 800 000 francs dans ma sacoche, toute la paie des ouvriers... Sors-moi de là, je ne sais plus quoi faire, prête-moi de l'argent, je te rembourserai, ils ne me croiront jamais à l'usine... Jamais. Si je n'ai pas l'argent tout de suite je suis foutu. On m'attend là-bas à 6 heures pour la paie.

— Mais, je n'ai pas un sou, tu le sais bien...

— Prête-moi ce que tu peux, 6 ou 7 000 francs... Je mettrai le reste avec mes économies. Je t'en prie, ils vont me mettre à la porte... Je suis foutu !

— Ne t'énerve pas, je vais voir ce que je peux faire... Reste là, je connais un prêteur qui m'a déjà rendu service. Je vais aller le voir.

— Dépêche-toi ! Débrouille-toi ! si tu ne trouves pas, je n'oserai jamais le dire, c'est la catastrophe, tu es mon seul espoir !... »

Pierre Bougrat calme son ami, l'installe sur le divan de consultation et sort, à la recherche de son prêteur. Au bout d'une heure de vaines tentatives, il regagne la rue Senac, évite de traverser l'appartement et pénètre dans son cabinet par une petite porte. Personne ne l'a vu sortir, personne ne le voit entrer.


Le cabinet est vide. Personne sur le divan. La porte du laboratoire est entrouverte cependant, et le docteur aperçoit des débris de verre... Il se précipite et trébuche sur le corps de son camarade, affalé au milieu des flacons renversés. Le visage violet, les yeux révulsés, il respire faiblement.

« Mais qu'est-ce que tu as fait bon sang ? Tu as avalé quelque chose ? Réponds-moi ! Qu'est-ce que tu as fait ? »

Rumebes ne répond pas, il est en train de mourir. Sans prendre le temps d'examiner les débris, d'essayer de trouver ce qu'il a pu avaler, Bougrat réagit en médecin. Piqûre, massage, réanimation, lavage d'estomac... Rien n'y fait. Pendant plus de deux heures, seul, le médecin se bat contre la mort. A 17 heures, il se résigne à abandonner le cadavre de son ami sur le canapé, et tente de réfléchir.

« Cet idiot s'est suicidé. Il a dû faire une bêtise. Ou on lui a réellement volé l'argent, ou il l'a volé lui-même, mais le résultat c'est que sa sacoche est vide, et qu'il est mort sur mon divan. C'est un piège. Le piège absurde. Tout le monde sait que j'ai besoin d'argent. Personne ne me croira, si je vais raconter ça à la police. Surtout à cette heure-ci. J'aurais dû appeler au secours immédiatement. Maintenant c'est trop tard. J'ai une bonne tête d'assassin... »

Fort de ce raisonnement, qui se tient d'ailleurs, Bougrat se met au travail.

Il fait disparaître le désordre, charge le cadavre sur son dos, et grimpe sur une échelle, pour le dissimuler dans un placard à pharmacie, inaccessible, presque à hauteur du plafond. Il ferme à clé. Et tente de ne plus y penser : attitude qui n'arrange rien.

Les jours et les semaines qui passent ne sont pas agréables. Vivre en permanence avec « ça » chez soi, sans que personne ne s'en aperçoive, sans être tenté de le dire, ou de faire disparaître le corps, est un exploit. Horrible, mais un exploit quand même. Les premiers jours, Bougrat envisage bien de transporter le corps ailleurs. Mais la crainte de se faire prendre le retient. Ensuite il n'ose plus. A la seule idée d'ouvrir le placard, les jambes lui manquent.

Bientôt s'installe une odeur bizarre qu'il a bien du mal à atténuer, et à expliquer.

Andréa, uniquement préoccupée d'elle-même, veut bien admettre que c'est une « expérience en cours » dans le laboratoire. La cuisinière est plus méfiante, et cherche à savoir. Mais elle n'a pas accès au petit laboratoire, et, si méfiante qu'elle soit, il ne lui viendrait jamais à l'idée que le Dr Bougrat cache un cadavre dans son placard.

Andréa est partie. Bougrat est malheureux. Il fait la fête la nuit, pour oublier que le dernier cadeau qu'il lui a fait a été payé par un chèque sans provision. Il ne pense même pas à alerter son père qui depuis quelque temps éponge ses dettes chaque fois qu'il peut. On dirait bien que Bougrat fait tout ce qu'il peut pour avoir de nouveaux ennuis. Et il y réussit.

Le matin du 20 mai, un inspecteur de police frappe à sa porte :

« Docteur Bougrat ? J'ai un mandat d'amener contre vous. Plainte pour chèque sans provision, suivez-moi. »

Ce n'est que ça ! pense Bougrat. C'est donc qu'on ne le soupçonne pas du meurtre de Rumebes ! Pas encore, mais ça vient.

Le soir même de la disparition du caissier, sa femme et son employeur sont allés voir la police. Rumebes était un homme ponctuel, un bon père de famille, un mari sérieux. Il n'a pas disparu volontairement c'est impossible... En voyant la photo du disparu dans les journaux, la cuisinière de Bougrat a reconnu le « client du samedi » qui a disparu.

« Tiens c'est vrai, a répondu le docteur, c'est curieux, ce jour-là, il n'est pas venu ! »

Et maintenant que le docteur est en prison, la cuisinière se pose des questions.

Quant à la femme de Rumebes, connaissant les habitudes de son mari, elle est allée voir Bougrat, elle aussi, pour savoir s'il était venu. Et Bougrat, devant cette femme en larmes, a fait une réflexion étonnante.

« Ne pleurez plus, s'il est mort et qu'on retrouve son corps, je ferai l'autopsie moi-même, et gratuitement... »

Dire cela à une femme qui cherche son mari disparu, c'est déjà saugrenu. Le dire à une femme dont le mari pourrit dans un placard juste derrière elle...

Juin 1925. Une lettre anonyme arrive sur le bureau du juge d'instruction.

Qui l'a écrite? Andréa la cuisinière, Mme Rumebes, ou quelqu'un d'inconnu ? En tout cas, elle est claire et précise.

Si vous voulez savoir ce qu'est devenu Jacques Rumebes, encaisseur aux toileries de Saint-Henri, disparu depuis trois mois, faites un tour au 25 rue Senac, au cabinet du Dr Bougrat.

La police y fait un premier tour. Pour rien. Il y a bien une vague odeur, mais on ne sait d'où elle vient. C'est que le placard à pharmacie est pratiquement invisible, dissimulé par un papier peint fort bien ajusté... La police repart bredouille. Restée seule, la cuisinière fait sa propre enquête.

« Monsieur le commissaire, il y a un placard fermé à clé...

— Je me demande ce que nous allons trouver dans ce placard...

— Vous ne me croirez pas ! » dit le Dr Bougrat, menottes aux mains...

Et on ne le croit pas. Son histoire ne tient pas debout !

« Comment Rumebes s'est-il fait voler 800 000 francs ?

— Je ne sais pas, je ne le lui ai pas demandé...

— Pourquoi?

— Par discrétion. C'était un ami, et je savais qu'il avait une maîtresse. Dieu sait quelle bêtise il a pu faire...

— Comment s'est-il suicidé ?

— Je l'ignore, j'ai tenté de le sauver. Je n'ai pas cherché à savoir, je n'avais pas le temps...

— Vous avez tenté de vendre une montre en or qui lui appartenait.

— C'est faux !

— On a trouvé chez vous un certain nombre de portefeuilles vides...

— Perdus par des clients.

— Vous fréquentiez la pègre et les bars malfamés en dépensant des fortunes en champagne !

— On a beaucoup exagéré...

— Vous l'avez tué pour le voler !

— C'était mon ami, et je ne suis pas un voleur, encore moins un assassin. »

Calme, sans jamais démordre de sa version des faits, Bougrat résiste. Son argument est toujours le même.

« Je ne suis pas stupide ! Si j'avais tué délibérément, je n'aurais pas fait la bêtise de mettre le corps dans mon placard. »

L'instruction dure deux ans, et le procès neuf jours. La ville entière est contre lui. L'accusation brosse de lui un portrait de débauché, d'escroc, et fait défiler la pègre de Marseille au banc des témoins. On a même tenté sur Bougrat « le coup du mouton ». Un repris de justice, dont c'est pratiquement le métier, a vécu plusieurs semaines dans la même cellule. Et c'est lui qui déclare à la fin du premier jour :

« Bougrat m'a tout avoué, il a empoisonné l'encaisseur avec un tampon d'acide prussique, ça ne laisse pas de trace. Et il avait un complice. »

Passons sur les autres témoins aussi peu recommandables, anciennes clientes par exemple, du genre de celle-ci, qui affirme solennellement.

« Je l'avais toujours dit qu'il était bizarre... Un jour, il a voulu me tuer avec une piqûre ! La dernière fois qu'il m'a auscultée, il m'a fait mal exprès ! Je le voyais très souvent !

— En somme, conclut le président, vous vous précipitiez chez un médecin qui voulait votre mort... »

Le vent semble tourner lorsque les deux experts commis par le tribunal affirment que Rumebes n'est mort ni empoisonné, ni d'une piqûre mal faite ou intentionnelle, et qu'il ne s'est pas suicidé ; mais qu'il s'agit purement et simplement d'un accident thérapeutique, d'une mort accidentelle.

« Bougrat a cru que la victime s'était suicidée, en réalité il a succombé accidentellement, probablement des suites de son traitement. Ce sont des choses qui arrivent, concluent les deux experts.

— Alors pourquoi l'aurait-il caché dans un placard s'il avait la conscience tranquille ?

— Il s'est probablement affolé.

— On s'affole quand on est médecin ? »

Les jurés n'y croient pas. Bougrat est trop calme, trop détaché à l'audience. Tout ce qu'on lui accorde c'est de garder sa tête, et de l'emmener à Cayenne pour le restant de ses jours.

Et c'est là que la vie commence pour le Dr Bougrat ! Peut-être avait-il besoin de cette cassure dans sa vie trop préparée à l'avance, pour devenir enfin lui-même : de connaître le pire, pour donner le meilleur. La chrysalide devient un papillon à Cayenne. Et s'il l'avait voulu, Pierre Bougrat aurait pu écrire son best-seller...

Pendant cinq mois il sert de médecin auxiliaire à l'hôpital du bagne. Et il prépare son évasion. Une carte, quelque monnaie, un échange de menus services rendus aux bagnards. Et, surtout, un Indien.

Le 30 août 1928, avec une provision d'eau douce et huit forçats, il disparaît au large des deux bouées du Maroni. Pendant deux nuits il rament silencieusement le long de la côte, se cachent le jour dans les criques. La pirogue prend l'eau de toute part. Il y a là Jésus (un meurtrier), Raymond l'Algérien (un incendiaire), Bébert l'Italien (un mafioso) et d'autres tout aussi intéressants. On mange du singe, on reste sept jours sans voir la terre, on échoue sur un territoire indien à mi-chemin de la frontière vénézuélienne. On se nourrit de poisson séché et pourri. Le deuxième jour, la tempête déporte la pirogue ; tout le monde à la mer. Ils s'en sortent de justesse, commencent à souffrir de la soif...

Le vingtième jour, couverts de plaies, malades de toutes les fièvres de ce pays de rêve, ils aperçoivent un village au bord de l'Orénoque : « Pedernales », au Venezuela : Une trentaine de baraques de pêcheurs indiens, et un gouverneur qui menace de les mettre en prison. Ils repartent et tout recommence.

Il faudrait un livre pour raconter la course à la liberté du Dr Bougrat.

Henri Danjou, un journaliste spécialisé dans ce genre de reportages l'a retrouvé en 1933, « médecin-chef » d'un hôpital de campagne, au milieu des Indiens, sur une île de la mer des Caraïbes, l'île Magarita. Il est devenu le « docteur miracle », le dieu de l'île. Il a soigné tout le monde, guéri tout le monde. Le général Gomez, président de la République, l'autorise officiellement à exercer sa profession et lui accorde la liberté sur le territoire vénézuélien. Il se marie, fait des enfants. Finalement la France lui accorde sa grâce. Mais il refuse de rentrer au pays.

« Je veux la révision ou rien ! »

Il est mort à soixante-treize ans, le 8 janvier 1962. Il était riche et considéré.

En 1970, une association vénézuélienne se créait, dans le but de rendre hommage à la mémoire du Dr Pedro Bougrat, et d'édifier un monument sur sa tombe.

« Amour, gratitude et estime de tout le peuple vénézuélien, pour le bon docteur, ce voyageur venu d'ailleurs... »

Le « bon docteur » avait dit, en 1925, au commissaire, devant le placard au cadavre, dans son cabinet : « Vous ne me croirez pas ! »

Cinquante ans plus tard, on est toujours perplexe.

Les dossiers extraordinaires T2
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