EST-CE QUE JE POURRAIS AVOIR UNE GLACE A LA FRAMBOISE?
C'est aux États-Unis l'affaire d'enlèvement la plus tristement célèbre, après celle du petit Lindberg; d'abord à cause de l'horreur qui s'attache à tout assassinat d'enfant. Mais aussi parce qu'il y a eu dans cette affaire un mort qui devait servir de coupable, et qui est resté — si l'on peut dire — un assassiné inutile...
Fin septembre 1953, un homme et une femme attendent devant l'immeuble sévère de l'école catholique Notre-Dame de Sion, située en plein centre de Kansas City dans le Missouri. C'est une institution réservée aux enfants des classes sociales les plus élevées. Une somptueuse « Cadillac » noire s'arrête, d'où descend Bobby Greenlease, six ans, accompagné de sa rigide gouvernante, qui le conduit à l'entrée de l'école.
Le gamin très blond, yeux bleus, visage rose, porte un petit manteau rouge, un pantalon orange décoré de zébrures vert pâle, et une de ces petites casquettes surmontées d'une hélice minuscule, dont les enfants des années cinquante raffolent. Contrastant avec cette excentricité vestimentaire Bobby affiche un petit visage grave, presque inquiet.
L'homme et la femme observent intensément Bobby.
Dès qu'il a disparu dans le hall de l'école, l'homme a dit à sa compagne :
« Tu l'as bien repéré, Momma? Tu le reconnaîtras, Momma? »
La dénommée Momma répond :
« Ne t'inquiète pas Carl, tout ira bien. »
« Momma », brune et grassouillette, quarante ans, n'a pas été gâté par la nature. L'implantation de ses cheveux à hauteur du front est très inégale, et donne l'impression d'un début de calvitie. Elle compense son absence de sourcils par deux arcs tracés au crayon noir. Malgré cela, son regard sans beauté reste masculin. Les lèvres, au-dessus d'une amorce de double menton, sont minuscules et serrées. Le nez en « trompette » n'arrange rien. Elle est veuve d'un voleur de banques abattu en 1935 au cours d'une tentative d'évasion, alors qu'elle venait de fêter sa vingt-cinquième année.
Son compagnon, Carl, grand, yeux bleus, visage de boxeur, cheveux noirs rejetés en arrière, embonpoint naissant, toujours vêtu à la diable, pantalon et veston fripés, chemise « sport » sans cravate, a connu une jeunesse plus aisée.
En 1946, son père, avocat de Kansas City, lui a légué 250 000 dollars qu'il a dilapidés rapidement, à cause de son penchant pour la drogue, l'alcool et les prostituées.
Lorsqu'il s'est retrouvé sans un sou, il a fait la cour à Momma qui avait quelques économies. Pour améliorer l'ordinaire, il a voulu cambrioler une bijouterie. Ayant échoué lamentablement, il a été condamné à cinq ans de prison, et libéré au bout de quinze mois pour bonne conduite. Il a repris la vie commune avec Momma. Mais plutôt que de chercher du travail, il achève la mise au point d'un plan, soigneusement mûri en prison, qui doit lui permettre de réaliser ses rêves.
Il voudrait se faire bâtir, sur une falaise quelque part en Californie, une maison « dominant l'océan » et acheter un immense lit circulaire avec des draps de soie verte!.. Il n'est pas sûr qu'il entre dans son projet de partager cette maison, et surtout les draps de soie verte, avec la dénommée Momma. Mais elle doit avoir elle-même ses projets personnels.
Ce « sympathique » tandem a décidé de se procurer d'un seul coup un million de dollars, en enlevant l'enfant d'une des familles riches de Kansas City, le petit Bobby Greenlease. Son père est très riche. On sait ce que ça veut dire aux États-Unis.
Robert Greenlease a été l'un des premiers hommes à croire, avant la Première Guerre mondiale, à l'avenir de l'automobile. Il a vendu des voitures comme des petits pains, et créé un immense réseau de ventes. D'autre part, il a soixante et onze ans, et il a épousé une femme de trente ans plus jeune que lui. Certains vieillards se dessèchent avec l'âge, ce n'est pas le cas de Robert Greenlease, qui, n'ayant eu tardivement que ce fils, Bobby, ne vit pratiquement que pour lui. C'est l'autre raison du choix de Carl.
Il y a un cinquième personnage, dans cette affaire célèbre : c'est un trait de génie de Carl. Il a expliqué à Momma :
« J'ai envisagé toutes les éventualités, y compris la pire, c'est-à-dire notre capture. Je t'assure, d'une part, que nous ne risquons pas grand-chose, d'autre part, qu'ils ne retrouveront jamais l'argent de la rançon si nous sommes pris. Nous ferons peut-être un peu de prison mais, après, nous serons très riches. Car les policiers poursuivront un faux coupable, et ils ne le retrouveront jamais. »
Ce faux coupable, invention de Carl, est à la fois un mythe et un être en chair et en os. C'est en cela que l'idée est vraiment « géniale ». Il s'agit d'un gibier de prison, Thomas John Marsh, dont les polices de plusieurs États possèdent le signalement et la photo. Il est d'autant plus facile à identifier qu'il a cédé à un usage immodéré de l'art du tatouage. Il porte une tête de mort avec un tibia entrecroisé sur la poitrine, un serpent sur son ventre et son avant-bras gauche est décoré d'un cœur cernant l'inscription suivante : « Thomas Marsh, en souvenir de sa sœur. » Pour couronner le tout, il a jadis subi l'amputation de l'index de la main gauche... Il ne passe donc pas inaperçu.
Momma et Carl reçoivent à plusieurs reprises le dénommé Marsh, de telle façon que le voisinage ait amplement le temps de le reconnaître. Et puis, un soir que Marsh est complètement ivre, Carl part avec lui et revient seul deux heures plus tard...
Jamais personne ne reverra plus le dénommé Marsh. Il l'a tué et s'est débarrassé du corps. Car voici le plan : C'est Momma qui ira chercher le petit Bobby à l'école Notre-Dame de Sion. Mais si l'affaire tourne mal, si elle est interrogée pas la police, Momma devra dire qu'elle a enlevé l'enfant à la demande de Marsh. Elle dira que celui-ci l'avait payée pour le faire ; Que Marsh lui a fait croire qu'il était le premier mari de Mme Greenlease, que Bobby était son fils et que, depuis son divorce, on ne voulait plus le laisser s'en approcher. Il était malheureux et ne souhaitait que passer un après-midi avec lui. Momma dira qu'elle l'a cru. Ensuite, en comprenant par les journaux qu'elle a été malgré elle complice d'un kidnapping, elle a appelé Carl... Celui-ci, affolé à son tour, lui a conseillé de se taire. Puis, ils ont cherché Marsh sans succès... Même si la police arrive à déterminer qu'ils ont négocié la rançon, ils ne risquent que quelques années de prison pour extorsion de fonds, quelques mois peut-être. La police ne pourra jamais rien prouver. En demeurant introuvable, Marsh authentifiera leurs déclarations. D'autant plus que les voisins parleront de cet homme tatoué, venu souvent les voir. Cependant, ce plan génial suppose une atroce nécessité...
Le 26 septembre, Carl revient à la maison, une bâtisse de bois lugubre et isolée, avec un sac de chaux vive qu'il entrepose dans la cave. Puis, il prend une pelle et se met à creuser dans le jardin. Cette fois, Momma lui demande ce qu'il fait.
« C'est là, dit Carl en s'épongeant le front, que nous mettrons Bobby après l'avoir enlevé. Nous recouvrirons le cadavre avec de la chaux vive, remettrons la terre en place et planterons des fleurs. »
Momma étouffe un petit cri :
« Oh non... non Carl, pas ça!
— Il le faut. Il a six ans, ce gosse, et si nous le relâchons, il pourra nous décrire à la police. De toute façon, si nous sommes pris, et cela n'arrivera qu'après avoir reçu la rançon que nous aurons cachée, nous dirons que c'est Marsh qui a tout fait... La preuve, c'est qu'il se sera enfui.
— Et c'est pour quand? demande Momma, malgré tout effrayée.
— C'est pour demain... Et tu verras que tout va se passer comme je l'ai décidé. »
Le 27 septembre 1953, Momma descend d'une grosse voiture que Carl a volée pour la circonstance dans un État voisin. Elle se présente à l'école Notre-Dame de Sion, et demande à voir la mère supérieure.
« Ma sœur, je viens chercher le petit Bobby Greenlease. Je suis sa tante. Sa mère vient d'avoir une grave attaque cardiaque et elle le réclame. »
« Tu verras — a dit Carl à Momma — ce sont les trucs les plus simples qui réussissent le mieux. La supérieure ne songera même pas à téléphoner chez les Greenlease pour vérifier. Dans ces cas-là, on n'ose pas insulter des proches parents en prenant des précautions. »
La supérieure de l'école fixe intensément Momma, qui s'est efforcée d'être très convaincante, puis elle répond :
« Mon Dieu ! J'espère que cela ne sera pas grave. Je vais faire chercher le petit Bob immédiatement. »
Momma remercie. Elle n'a commis qu'une seule erreur : elle a dit « Ma soeur » au lieu de « Ma mère ». Mais dans un moment aussi dramatique on lui pardonne.
La supérieure montre une porte de chêne, impeccablement cirée, ornée de gonds de fer forgé.
« C'est la chapelle, je me permets de vous suggérer d'y entrer et de prier pour cette pauvre Mme Greenlease. »
Momma acquiesce pieusement, tandis que la supérieure décroche un téléphone intérieur et demande qu'on lui conduise Bobby.
Momma ressort de la chapelle lorsqu'un professeur amène Bobby, très intrigué.
« Cette dame va te reconduire chez toi, elle t'expliquera », dit la supérieure.
Au moment de monter dans la voiture, le petit Bobby se fige. Momma hésite à le pousser en voyant la supérieure qui observe la scène. Mais Bobby demande simplement :
« Avant de rentrer à la maison, est-ce que je pourrais avoir une glace à la framboise ?
— Mais bien sûr, s'empresse de répondre Momma, monte à présent. Nous nous arrêterons dès que nous verrons un marchand de glaces. »
La portière claque et la voiture démarre.
C'est en remarquant que la plaque minéralogique ne porte pas un numéro du Missouri que la supérieure a, pour la première fois, un doute angoissant. Elle décroche le téléphone, compose le numéro des Greenlease... C'est Mme Greenlease elle-même qui répond. Il y a quelques instants d'affreux quiproquo, puis brusquement, Mme Greenlease se rend compte que l'événement qu'elle a toujours redouté vient de se produire. On a enlevé Bobby.
Elle raccroche, puis tremblante, au seuil de l'évanouissement, elle appelle son mari au siège de sa chaîne de magasins d'automobiles.
« Ne bouge pas, lui dit Robert Greenlease, et surtout n'en parle à personne! N'appelle pas la police, ils tueraient Bobby! J'arrive immédiatement. »
Mais lorsque le milliardaire arrive à proximité de sa grande maison toute blanche, cernée d'une vaste pelouse bien entretenue, un attroupement s'est déjà formé sur le trottoir. Croyant bien faire, la supérieure vient d'alerter le bureau de police le plus proche. Un reporter qui se trouvait là a déjà averti la station de radio locale, et à présent tout Kansas City est au courant.
Robert Greenlease se précipite vers les curieux.
« Je vous en prie... Je vous en prie... Allez-vous-en! Si les ravisseurs veulent prendre contact avec moi, vous risquez de les inquiéter! Par pitié, comprenez-moi ! »
Lentement les badauds s'éloignent, mais les reporters insistent.
« Dites bien dans les journaux que je paierai à cette femme la somme qu'elle me demandera, mais que je la supplie de ne pas faire de mal à mon petit Bobby!... Dites aussi que je refuserai le concours de la police! Tout ce que je veux, c'est retrouver Bobby sain et sauf !
Greenlease s'engouffre dans sa maison, et appelle un médecin qui fait conduire sa femme à l'hôpital. Et la terrible attente s'installe.
Le chef de la police de Kansas City a rappelé toutes les voitures radio patrouillant aux alentours, et a diffusé l'ordre suivant : « Ne gênez en aucune manière le retour éventuel du petit Bobby... » Aussi la grosse limousine noire dans laquelle Bobby a été enlevé roule-t-elle sans problème depuis une heure. Carl l'engage tranquillement dans un chemin de traverse, et s'arrête dans un endroit désert. Bobby panique, se débat, essaie d'échapper à Momma. Carl coupe le contact, descend de la voiture, sort un revolver de la poche de son veston, vérifie qu'il n'y a personne dans les environs, ouvre la portière arrière et tire froidement, trois coups de feu sur l'enfant. Mais maintenant, tout l'État du Missouri est en effervescence. Car si le chef de la police de Kansas City a donné sa parole de ne pas intervenir, il n'a pas le pouvoir de demander la même chose aux autres policiers de l'État. Des barrages sont donc établis un peu partout. Il devient impossible de sortir du Missouri sans contrôle policier.
Les chauffeurs de taxi, les conducteurs de poids lourds s'organisent pour exercer une surveillance permanente dans les villes et sur toutes les routes. Chacun sait qu'il faut trouver à tout prix une grosse limousine noire, probablement conduite par une femme, dont la supérieure de l'école Notre-Dame de Sion a donné une description précise. Et chacun fait une prière pour que le petit Bobby, six ans, se trouve dans le véhicule.
Après trois jours d'angoisse, au matin du quatrième jour, les Greenlease reçoivent une première lettre de demande de rançon. Elle sera suivie de quinze autres, toutes postées à des endroits différents, et demandant des sommes variées. Chacune d'elles est l'ignoble initiative de quelqu'un qui tente de soutirer de l'argent au malheureux Robert Greenlease !
Pourtant, on commence à se demander si parmi ces lettres ne s'est pas glissée la véritable demande de rançon, lorsque celle-ci parvient finalement. Elle contient un écusson arraché au veston de Bobby. La rançon demandée équivaut à un million de dollars d'aujourd'hui, soit cinq millions de nouveaux francs.
La lettre précise que la somme doit être en coupures de dix et vingt dollars, dont les numéros ne doivent pas se suivre. Elle est gauchement tracée avec des majuscules. On dirait la rédaction d'un enfant, mais les experts établissent que c'est un travail d'homme, ce qui confirme les premiers soupçons des policiers : la femme qui a enlevé Bobby n'a pu monter l'affaire toute seule.
La lettre annonce qu'il y aura un appel téléphonique dans la matinée du lendemain. On le repère, mais d'une cabine téléphonique où les policiers arrivent trop tard. C'est une voix d'homme manifestement déguisée.
« Lorsque l'argent sera prêt, faites paraître dans le Kansas City Star une petite annonce précisant que W.W est prêt à rencontrer A.A. à Newport. »
Le lendemain l'annonce paraît et un nouveau coup de téléphone est donné. Cette fois encore les policiers arrivent trop tard à la cabine. L'homme a dit :
« Placez l'argent dans un sac, et déposez-le après-demain 18 heures à côté du collecteur d'égout situé sur la droite de la route allant de Kansas City à Saint-Joseph, très exactement à vingt-cinq milles de Kansas City. Un petit drapeau vert flottera à côté, à ras de terre, pour vous permettre de mieux l'identifier. Une seule personne devra faire ce dépôt. Elle ne devra pas être suivie. Ne tentez rien, sinon Bobby mourra. »
C'était la même voix que la première fois, déguisée, monocorde, presque indifférente.
Les ordres sont exécutés à la lettre. Après le dépôt de la rançon, une nouvelle période d'attente, encore plus terrible, dure jusqu'au lendemain. Puis, enfin, nouveau coup de téléphone.
« Vous recevrez dans la matinée de demain un télégramme qui vous indiquera où se trouve Bobby. »
Le lendemain, aucun message, et pas davantage les jours suivants. Carl et Momma pensent que leur plan a parfaitement réussi.
L'affaire Greenlease est au point mort. Alors, le F.B.I. entre discrètement en action. Trois hommes sont placés sous la direction de John F. Dotter. C'est un géant d'aspect tranquille au regard gris, aux cheveux blonds rejetés en arrière qui, un mois auparavant, a abattu seul deux pilleurs de banques. Ils examinent les environs du collecteur d'égout. Mais John Dotter dispose d'une arme capitale, grâce à une erreur des ravisseurs.
En maintenant leur « suspense », ils ont donné le temps aux banques de travailler à relever les numéros des billets, tâche d'autant plus laborieuse, que l'homme avait exigé des billets dont les numéros ne devaient pas se suivre. Si les ravisseurs avaient exigé la rançon plus rapidement, une telle opération eût été impossible.
Il reste que le plan de Carl est si bien conçu que même s'il est retrouvé en possession de ces billets, il pourra prétendre avoir extorqué cet argent à Robert Greenlease sans avoir participé au rapt, celui-ci étant l'œuvre de Thomas Marsh, introuvable. Il ne risquera alors que quelques années de prison.
Il y a heureusement la psychologie particulière de ce type de criminel : l'argent les rend fous.
Quelques jours après le rapt, deux policiers de Saint-Louis, une autre ville du Missouri, font une ronde. Ils remarquent dans un bar un homme complètement ivre qui distribue des billets de banque. Comme il porte un complet plutôt élimé, cela sent la fortune soudaine. Ils préviennent le chef de la police de Saint-Louis, qui le fait surveiller discrètement.
Quelques heures plus tard, l'ivrogne emmène une prostituée à son hôtel. Quand celle-ci en ressort, elle est rapidement interceptée. Elle déclare que, pour la payer, l'homme a pris de l'argent dans une valise pleine de billets.
Cette fois les policiers n'hésitent pas, ils arrêtent l'ivrogne. Il s'appelle Carl Austin Hall et demeure à Kansas City.
Pour l'instant, il est tellement ivre, qu'il est incapable de fournir la moindre explication concernant le revolver que l'on trouve dans sa chambre et dont le barillet contient trois douilles vides. Il ne peut expliquer davantage la présence des 250 000 dollars en petites coupures entassés dans une valise et dont les numéros correspondent à ceux de la rançon de Bobby Greenlease.
Conduit à Kansas City devant John Dotter, il retrouve sa lucidité, mais il est trop tard : il est obligé d'avouer que l'argent provient de la rançon.
Mais il s'accroche à son « plan de secours » : d'accord, il a demandé la rançon, mais ce n'est pas lui qui a enlevé le petit Bobby. D'ailleurs il donne le nom de Momma, qui, de son côté, s'en tient solidement à la version prévue : c'est Thomas Marsh qui lui a demandé « d'emprunter » l'enfant, et elle le lui a confié pour un après-midi seulement. Thomas n'a pas ramené Bobby, et c'est alors seulement que Carl a eu l'idée de profiter de la situation en demandant une rançon aux Greenlease. C'est ignoble, mais comme on ne retrouvera jamais Thomas Marsh cela ne vaut que quelques années de prison.
Aussi Carl et Momma se montrent-ils très calmes dans leur cellule.
Mais il y a le revolver que l'on a retrouvé sur Carl... John Dotter, après les avoir laissé « mariner » pendant quelques jours, leur assène le coup final.
« Nous avons fait, dit-il, un examen minutieux de la voiture de Momma, dont la description correspond à celle utilisée pour l'enlèvement. Nous avons découvert un détail qui, apparemment vous a échappé : Carl, vous avez tiré des coups de feu dans cette voiture... Une balle a traversé le tapis. Elle est resté fichée dans le plancher métallique. Comme c'est un tapis-brosse, cette perforation était pratiquement invisible. Nous avons comparé cette balle avec d'autres, tirées par nos soins avec votre revolver. Ce sont les mêmes ! Nous avons également relevé dans cette voiture des traces de sang qu'on avait pourtant bien cru avoir lavées. Elles correspondent au groupe sanguin du petit! »
Et enfin, le « G-man » place sous le nez de Carl, devenu soudainement très pâle,un portemine passablement abîmé.
« Il appartenait à Bobby... Nous l'avons retrouvé sur une route peu fréquentée, à douze milles de la frontière du Missouri. Les traces de pneus relevées correspondent à celles de votre voiture. Avouez, Carl ! »
Cette fois Carl s'effondre et signe sa confession impliquant Momma. D'ailleurs, si cela ne suffisait pas, un agent fédéral entre dans le bureau pour annoncer qu'il vient de retrouver le magasin où Carl a acheté de la chaux vive, pour la répandre sur le cadavre du petit Bobby avant de l'enterrer. Et un autre agent annonce qu'on vient de retrouver le cadavre de Bobby dans le jardin de Momma. Carl n'a même pas pris la précaution d'y reconstituer le massif de fleurs.
Personne ne se préoccupera donc jamais de Thomas Marsh, qui restera si l'on peut dire un assassiné inutile. L'idée « géniale » n'aura servi à rien.
Carl Austin Hall et Bonnie Brown dite « Momma » seront exécutés dans la chambre à gaz de la prison d'État de Jefferson City, le 17 décembre 1953.