37
LE COMPLEXE DE
LANCELOT
Jack Farmington gara sa Harley à côté de trois Cadillac poussiéreuses immatriculées à Baja. Il retira sa veste en cuir. Dessous il portait un tee-shirt humide de sueur.
Il y avait un grand nombre de gens du coin au café. Bizarre. En plein après-midi, sous la chaleur torride, c’était habituellement l’heure de la sieste sur le littoral mexicain.
Par-dessus la falaise, il voyait le petit village de Puedevas, niché près de l’océan. L’endroit était connu de quelques pêcheurs futés… et de bien trop de contrebandiers.
Jack se rendait à Puedevas dès qu’il le pouvait. Les señoritas lui souriaient, les enchiladas au homard étaient divines, et, principal attrait, on lui servait de la bière au bar.
Il se dirigea vers l’entrée du troquet, mais s’arrêta : l’écriteau « Cerrado » sur la vitre indiquait que l’établissement était fermé, et pourtant la porte était entrebâillée. Il devait y avoir une erreur. Le café mettait un point d’honneur à rester ouvert l’après-midi pour que les riches pêcheurs américains puissent étancher leur soif.
Jack poussa la porte. Les murs de pisé étaient peints en bleu turquoise. Au plafond, des ventilateurs brassaient l’air chaud sans rafraîchir l’atmosphère.
Huit gars du cru étaient assis au bar. Ils sentaient la transpiration accumulée sur trois jours, associée à un relent de cordite, signe d’un récent jeu au pistolet. Malgré la chaleur, ils portaient des vestes en cuir de mauvaise qualité, et Jack remarqua la forme sans équivoque des armes de poing qui gonflaient leurs poches.
Il s’agissait de simples voyous – les cadres moyens de la pègre –, intermédiaires entre les chevilles ouvrières du trafic de drogue et les dealers à la frontière mexico-américaine. Jack les classa dans sa catégorie « Bandidos ».
Pris un par un, il était facile de les maîtriser, mais pas dans ces conditions. Ils étaient comme une meute de hyènes… et même les lions fuyaient quand les hyènes étaient trop nombreuses.
Il était prêt à rebrousser chemin quand il aperçut Theresa, la fille du patron. C’était une gentille petite, elle devait avoir onze ans, et elle se tenait dans un coin comme un animal pris au piège.
Elle lui fit un signe de tête.
Le message était on ne peut plus clair : Sortez tant que c’est encore possible.
Ses grands yeux noirs, élargis par la panique, criaient tout aussi clairement : Sauvez-moi.
Jack sourit. Marcus Welmann lui répétait toujours qu’il avait un faible pour les « damoiselles en détresse ». Il disait aussi qu’il finirait par y laisser sa peau.
Marcus n’avait jamais compris ce qui avait poussé Jack à s’engager dans ce travail. « Damoiselles en détresse », aventure, danger, dispense de devenir un adulte – quand on avait tout ça, qui se souciait de son espérance de vie ?
Et puis d’ailleurs… qui était toujours en vie, et qui était mort ?
Il fit un hochement de tête à l’intention de Theresa et se dirigea d’un pas nonchalant vers sa place favorite au fond de la salle. De là, il pourrait surveiller les voyous.
Eux aussi pouvaient le voir. Cela les mettrait en confiance, leur donnerait l’impression qu’il était là où ils voulaient qu’il soit.
Et alors ? Peut-être que ce n’était pas qu’une impression.
Les bandidos le regardèrent de haut en bas et murmurèrent quelque chose entre eux, qui les fit rire. Quelques-uns allèrent se servir en bière directement derrière le comptoir. Pas de serveur en vue : mauvais signe.
L’un d’eux alla pousser le verrou de la porte. Avec un grand sourire pour Jack, il regagna son tabouret en titubant.
Ouais… ils allaient se soûler bien proprement et, ensuite, on allait s’amuser. Ils s’occuperaient d’abord de lui… puis de Theresa.
Jack prit d’une main un menu taché de gras, tandis qu’il glissait son autre main dans le holster au bas de son dos. Il sortit son Glock 29 et posa le pistolet compact à côté de lui sur la banquette.
Theresa s’approcha.
— Vous désirez, señor ? demanda-t-elle, assez fort pour être entendue des bandidos.
— Des enchiladas au homard avec des haricots noirs.
— Partez, chuchota-t-elle. Vite, s’il est encore temps…
Le sourire de Jack s’élargit.
— Et deux bières, por favor.
Avec un soupir, elle partit pour la cuisine.
Huit contre un. À moins de trouver un angle d’attaque avantageux, Jack ne ferait pas long feu. Pour l’instant, il se contentait de les laisser boire et perdre de leurs réflexes. Vu le rythme auquel ils s’envoyaient tequila et bière, il calcula qu’il lui restait environ dix minutes avant qu’ils soient assez ivres pour agir.
Il lui restait du « temps à tuer », comme on dit.
Il prit la salière et versa du sel sur la table, avec lequel il dessina une carte du monde. Il marqua approximativement le centre de l’Amérique du Nord.
Il avait passé la plus grande partie de sa vie dans l’Arkansas, non loin de la route régionale 32. Il aidait sa famille aux champs et grappillait quelques heures d’école l’après-midi. Le jour où Beau-Père-Numéro-Trois lui avait appris à ne pas « répondre » – résultat : une lèvre fendue –, Jack avait décidé qu’il en avait assez.
Il avait embrassé sa mère dans son sommeil et marché jusqu’au carrefour où la route nationale 20 devenait la 43. Il avait entendu dire que, si on attendait dans ce genre d’endroit, à minuit le diable arrivait et on pouvait lui vendre son âme.
Minuit était arrivé. Le diable n’avait jamais montré le bout de sa queue, mais un bus Greyhound était passé, et c’était déjà pas mal.
Il traça un arc de cercle en sel jusqu’à la côte atlantique.
Jack était grand pour son âge, et bon menteur. Malgré tout, le capitaine du bateau virginien ne pouvait pas ignorer qu’il n’avait que quatorze ans. Il l’avait pourtant laissé gagner sa traversée à la sueur de son front. Jack avait appris des rudiments d’espagnol pendant le voyage et changé de bateau à Barcelone.
Il fit une grande ligne à travers l’océan puis des zigzags à travers l’Europe.
Cette année sur le Vieux Continent avait été complètement folle. Jack avait failli mourir en apprenant son nouveau métier : voleur d’œuvres d’art.
Cette carrière avait pris fin en Turquie, quand il avait croisé le chemin de Marcus Welmann.
Avec un soupir, Jack souffla sur son dessin.
À quoi bon se souvenir ? Marcus était mort. Il l’enquiquinait tout le temps, c’était vrai, mais il s’était aussi occupé de lui, lui avait appris à conduire, à se battre, à réfléchir… ce qui était bien plus qu’aucun des petits copains de sa mère n’avait fait pour lui.
« Dans ce boulot, ce ne sont pas les voyous que tu dois craindre, lui avait un jour dit Marcus. Ce sont nos patrons. Tu te mets à les considérer comme des personnes : voilà le vrai danger. Ce sont des forces de la nature, pas des êtres de chair et de sang. Si tu perds ça de vue et que tu les mets en colère, ne serait-ce qu’une seule fois… autant parlementer avec un raz-de-marée. »
Et c’était arrivé.
Marcus Welmann avait énervé Mme Audrey Post. Personne n’avait raconté ce qui s’était passé à Jack, mais c’était la seule explication plausible à la disparition de son mentor et à sa propre promotion.
Jack avait essayé de masquer ses affects quand il était allé transmettre le message du Conseil aux Post. Mais Mme Post avait regardé jusqu’au plus profond de son âme – elle avait tout vu. Et quelque espoir de vengeance qu’il ait pu caresser, il avait été mouché en un instant.
Ces problèmes appartenaient au passé. Ses soucis présents venaient de lever leur sale tête comme un seul homme. Perchés sur leur tabouret, les huit bandidos le regardaient.
— Eh ! chico, lui cria l’un d’eux. Viens par ici. On parle avec toi.
Si Jack attaquait maintenant, ils se mettraient tous à tirer. Mais s’il entrait dans leur jeu, il y avait de grandes chances que l’histoire finisse tout aussi mal.
Pas de place pour un compromis.
Il avança la main vers son pistolet.
La porte d’entrée pivota lentement sur ses gonds. La lumière du soleil les fit tous cligner des yeux – y compris Jack.
Les bandits se retournèrent. Même soûls, ils se rendaient compte qu’il y avait un os. La porte était verrouillée. Elle n’aurait pas dû s’ouvrir comme ça… pas sans être enfoncée, du moins.
Sur le seuil se tenait un touriste américain avec sa chemise hawaïenne, son short kaki, ses tongs et son chapeau de paille ridicule.
— Buenas tardes, dit l’homme d’une voix empâtée.
Il entra d’un pas chancelant et laissa la porte claquer derrière lui.
Il s’affala sur le bar et tapa du poing.
— Garçon ! Cervezas y tequila !
De sa poche, il sortit une poignée de billets de 20 dollars.
Comme personne ne venait, il haussa les épaules, passa la main de l’autre côté du bar et attrapa une bouteille de tequila et un verre à liqueur.
Il se tourna vers les bandidos, tituba et tomba parmi eux. Ils le repoussèrent. L’étranger se débattit pour se relever et leur envoya accidentellement des coups de coude dans les côtes.
— Mille fois pardon ! Je vous paie la tournée, amigos.
Il laissa tomber quelques billets froissés de plus sur le comptoir.
L’inconnu se dirigea alors vers la table de Jack.
Les malfrats s’esclaffèrent, empochèrent l’argent et décidèrent de regarder ce que ce riche imbécile d’Américain allait faire ensuite – avant qu’il soit temps de lui arracher les deux bras.
— Bonjour Jack, dit l’homme, parfaitement sobre, en s’installant face à lui. Comment vas-tu ?
Il changeait de nom comme d’autres changent leur chemise. Selon l’époque, il s’était fait appeler le Grand Méchant Loup, Loki l’Espiègle, Hernandez del Moro, ou Hermès, tout simplement. Quelle que soit l’identité qu’il prenait, il restait le patron de Jack, M. Henry Mimes.
Jack ne savait pas trop comment il arrivait à faire ce genre de prouesses : le trouver en dehors de ses heures de boulot et ouvrir des portes verrouillées. Et s’il voulait lui parler, pourquoi ne pas utiliser son téléphone portable ?
Mais, ce dont il était certain, c’était que M. Mimes était très doué pour trouver les choses… et surtout les emmerdes.
— Avez-vous besoin d’être conduit quelque part cet après-midi, monsieur ? demanda Jack.
Il gardait un œil sur les bandidos, qui chuchotaient entre eux. Même si ce touriste américain semblait les amuser, il compliquait leurs plans. Semblables aux hyènes eux aussi, les touristes américains avaient l’habitude de se déplacer en bande.
M. Mimes remarqua le sel étalé sur la table.
— On ressasse ses souvenirs ? C’est une habitude que je fuis. Cela mène à la mélancolie, qui figure sur ma liste des comportements les plus répugnants, tout comme se curer le nez et pleurer aux mariages. (Il fit un sourire à Jack et tapota le point représentant Istanbul.) Tu sais ce que j’ai préféré chez toi quand nous nous sommes rencontrés ?
— Non, monsieur.
— Contrairement à beaucoup de voleurs d’art, tu ne faisais pas fondre tes larcins pour récupérer l’or. Tu prenais toujours le risque de les vendre intacts.
Jack haussa les épaules.
— Ils étaient trop jolis pour être détruits.
Le regard de M. Mimes alla vers le coin où se tenait Theresa. Quelques menus serrés contre sa poitrine, elle regardait les bandidos qui, eux-mêmes, observaient les deux hommes.
— Il y a trop peu de jolis objets dans ce monde, dit M. Mimes. Je suis bien d’accord : il faut les protéger.
L’un des bandits alla à la porte d’entrée pour examiner le verrou : il confirma aux autres qu’il était toujours fermé. Il semblait très troublé. Il retourna vers sa meute pour en discuter. Un homme fit le signe de croix. Mais le plus vieux et le plus corpulent d’entre eux le gifla : pas de superstitions absurdes chez les bandidos.
— Désolé de t’interrompre dans tes occupations, fit M. Mimes avec un geste désinvolte. Mais je pense qu’il est temps que nous ayons une petite discussion sur ton avenir.
Marcus n’avait jamais employé le mot « avenir » lorsqu’il lui avait décrit ce boulot. Aujourd’hui, le patron ne lui demandait pas de faire une course. Jack eut soudain la désagréable impression que ça pouvait se révéler encore pire que d’être sur le point de se faire aligner par des trafiquants de drogue ivres.
— Je ne comprends pas, monsieur.
— Ça te plaît de travailler pour moi ?
Il gardait son sourire, mais son expression s’était durcie.
Jack était sur le point de répondre « oui » automatiquement, mais il hésita. M. Mimes lui avait posé une question sérieuse, il se devait donc de réfléchir soigneusement à ce qu’il ressentait.
Être le Chauffeur d’Henry Mimes présentait des inconvénients. Les missions étaient souvent dangereuses. Il fallait agir sans l’aide des autorités, et parfois même en étant du mauvais côté de la loi. Et, comme Marcus aimait à le rappeler, le patron faisait partie de la Ligue des Immortels, ramassis de dieux instables et meurtriers – dont le personnel était parfois victime.
D’un autre côté, ce boulot était plein d’avantages. Pendant ses moments de loisir, Jack pouvait rouler où bon lui semblait. On lui avait enseigné une dizaine de langues. Il avait une note de frais dont la plupart des P.-D.G. des cinq cents entreprises les plus puissantes des États-Unis ne pouvaient même pas rêver.
Pas mal pour un gars de seize ans qui avait arrêté l’école.
Et puis, surtout, il y avait l’aventure. Il ne s’ennuyait jamais.
— En travaillant avec vous, je risque de voir diminuer mon espérance de vie, répondit finalement Jack. Mais au moins, j’ai une existence qui mérite d’être vécue.
Le visage d’Henry Mimes s’illumina et il serra l’épaule de Jack.
— Mon garçon, je n’aurais pas su mieux m’exprimer. Eh bien, j’ai une nouvelle mission pour toi. Secrète. Et avec une jolie demoiselle. Je veux que tu apprennes à la connaître, et que tu l’aides si c’est possible.
— Une affaire d’espionnage ? demanda Jack, intrigué. (Puis, en comprenant ce que lui demandait son patron, il sentit son estomac se changer en plomb.) Vous parlez de Fiona Post.
M. Mimes leva un sourcil.
— Notre regretté M. Welmann t’a-t-il appris à lire dans les pensées ?
— Non, monsieur, mais avec tout ce qui s’est produit ces derniers jours… De qui d’autre aurait-il pu s’agir ?
— Marcus disait que, parfois, tu voyais le cœur du problème. Elle est vraiment spéciale, non ?
Une fille capable de devenir amie avec un alligator monstrueux en lui faisant un brin de causette ? qui lui racontait sans sourciller comment son frère et elle s’y étaient pris, lui remettant la lance de quinze kilos qu’elle avait extraite du corps de la bête ?
— Oui, c’est quelque chose, cette fille. Mais je ne suis pas autorisé à « connaître » quelqu’un qui pourrait faire partie de la Ligue.
— Je ne te demanderais jamais d’enfreindre la règle, se récria M. Mimes, feignant d’être offensé. Ce serait mal. Mais si tu désobéissais de ton propre chef, eh bien, je ne pourrais pas le prévoir… ni en être tenu pour le responsable.
Jack déglutit. Il comprenait l’essentiel de l’affaire : si ça tournait mal, M. Mimes l’offrirait au Conseil comme un agneau au sacrifice.
Il avait lu en quoi consistaient les punitions infligées à ceux qui enfreignaient les règles. Un type s’était fait arracher le foie (et quelques viscères avec) tous les jours, pendant mille ans, par un oiseau – et chaque jour ses organes repoussaient, pour être de nouveau déchiquetés le jour suivant.
Et pourtant, le Conseil appréciait ce gars-là.
— Oui, dit M. Mimes comme s’il lisait dans les pensées de Jack. Le Conseil aime beaucoup son règlement.
— Mais…, commença Jack.
M. Mimes leva un doigt, lui intimant le silence.
— Un instant. Un petit détail déplaisant à régler.
Pendant quelques secondes, Jack avait oublié les bandidos. Mais voilà qu’ils étaient debout face à lui.
Jack tâcha de garder son sang-froid. Il ne pouvait pas se permettre d’avoir les mains tremblantes. Il n’aurait pas le temps de tirer plus d’une ou deux balles avant qu’ils fassent feu à leur tour.
Le sourire aux lèvres, ils s’apprêtaient à sortir leur revolver.
M. Mimes posa une main sur celle de Jack et secoua la tête.
— Laisse-les essayer, murmura-t-il.
À contrecœur, Jack résista à son
instinct de conservation. Son patron lui avait donné
un ordre direct. Et il n’avait pas besoin
de mettre les deux parties en balance – le discret
M. Mimes
et les huit tueurs armés – pour savoir lequel était le
plus redoutable.
Les bandidos fouillèrent dans leur holster vide.
M. Mimes laissa tomber une brassée de revolvers qui résonnèrent sur la table.
Les sourires avinés s’évaporèrent.
Jack se rappela comment son patron s’était laissé tomber sur les hommes près du bar. Il avait dû les délester de leurs armes à ce moment-là.
Mais huit pistolets ?… Et pas un n’avait senti quoi que ce soit ? Voilà une prouesse de pickpocket de classe internationale.
— Marcus disait toujours que tu souffrais du complexe de Lancelot, chuchota Mimes à Jack. Tu fonces à la rescousse de « damoiselles en détresse ». J’approuve complètement.
Il attrapa un calibre 38 au canon court et tira dans le ventre du bandit le plus âgé.
Puis il agita le revolver en direction des autres.
— Vamos, perros.
Les bandidos, à présent tout à fait dessoûlés, ouvraient des yeux grands comme des soucoupes, la mâchoire inférieure pendante face à cet Américain qui venait de tuer leur boss. Quatre d’entre eux s’agenouillèrent comme s’ils s’apprêtaient à le porter.
M. Mimes tira deux fois dans le plafond du bar.
— Laissez-le… ou accompagnez-le.
Ils se précipitèrent sur la porte qu’ils faillirent enfoncer pendant qu’ils se battaient avec le verrou.
Alors que les pneus des Cadillac crissaient dans l’allée, M. Mimes se tourna vers Theresa.
— Appelez la police, señorita. Il y a une récompense pour celui sur qui j’ai tiré. Davantage s’il est vivant, alors dépêchons.
— Sí, señor.
Theresa disparut dans la cuisine.
— Alors, où en étions-nous ? (M. Mimes reposa l’arme.) Ah ! oui, la charmante Fiona Post, notre damoiselle qui court les plus grands dangers. Je ne fais que te suggérer d’agir comme tu le feras de toute façon : te rapprocher d’elle et l’aider à survivre aux deux prochaines épreuves. Tout en étant à l’affût de tout ce qui se passe dans sa famille proche.
Il avait raison. Jack souhaitait aider Fiona. Mais il y avait les règles… et pire encore, les châtiments. C’était trop risqué.
— Je sens que tu hésites. Laisse-moi te rassurer. Je sais que tu as déjà enfreint les règles en leur indiquant ce dont ils auraient besoin dans les égouts.
— Comment… ?
Jack se tut. Comment le savait-il ? Eh bien, pour commencer, la réaction de Jack venait de lui confirmer qu’il avait raison. Et puis M. Mimes était au courant de tout – de la même façon qu’il passait par des portes verrouillées, traversait le globe en quelques heures ou subtilisait leur arme à huit bandits.
La voix de Marcus résonna sous son crâne : « Tu te mets à les considérer comme des personnes : voilà le vrai danger. »
Theresa ressortit de la cuisine accompagnée de trois hommes pour examiner le chef des bandidos qui se vidait de son sang. Les hommes, sans doute les collègues de Theresa, avaient été battus et ficelés. Ils voulaient se venger, mais elle les retint et leur parla de la récompense.
Elle porta alors leur bière à Jack et à M. Mimes tout en les abreuvant de remerciements.
— Con mucho gusto, répondit M. Mimes. Quand vous verrez votre mère, transmettez-lui les salutations du Vieux Coyote1.
Elle lui jeta un drôle de regard, hocha la tête et repartit.
— Alors, Jack ? qu’est-ce que tu choisis ? Danger, intrigue et romantisme ? ou de simples courses de Chauffeur pour le reste de ta triste vie ?
Jack s’empara de sa bière et but longuement.
— J’ai besoin d’une augmentation.
— Que tu auras quand tout sera fini. Une promotion et de longues vacances, je te le promets.
— Je commence par quoi ?
— Fais comme n’importe quel garçon de ton âge. Appelle-la, et propose-lui une sortie.

1. « Si le coyote des Indiens d’Amérique est connu pour sa ruse et son intelligence, il l’est aussi pour son comportement – et ses prouesses – sexuel. Ces légendes furent cependant expurgées par les colons puritains venus d’Europe, qui ont peut-être découragé les populations indigènes de les transmettre. » Dieux du Ier et du XXIe siècle, volume IV : Mythes fondateurs (première partie), 8e éd. (Éditions Zyphéron).