29

LE JOUEUR DE FLÛTE DE DEL SOMBRA

 

Un rat noir particulièrement téméraire s’élança vers les jumeaux. D’un coup de pied, Eliot l’envoya dans l’eau. Fiona arma les chiens de son fusil.

Avec cette arme, elle pouvait tuer un bon nombre de rats, mais ce ne serait en aucun cas suffisant. Ils étaient des centaines, venant de toutes parts.

Les rongeurs ralentirent, déconcertés par la lumière. Ils se tassaient pour former un groupe de plus en plus dense, grimpant les uns sur les autres en couinant de plus en plus bruyamment.

Fiona leva son arme et fit partir un coup.

Un éclair et une détonation assourdissante emplirent le tunnel. Sonné, Eliot se retrouva momentanément sourd et aveugle.

Les rats poussèrent des cris où se mêlaient la douleur, la surprise et l’indignation. On entendait une multitude de minuscules griffes crisser comme sur un tableau noir.

Clignant des yeux, Eliot aperçut les animaux qui s’égaillaient dans toutes les directions. Ça avait marché.

Eliot trébucha sur un rat qui courait après sa queue. Il fallait profiter de cette déroute pour sortir. Il fit encore deux pas pour rebrousser chemin. Fiona le suivait.

Mais bientôt les rongeurs se calmèrent. Ils reniflaient l’air et échangeaient des cris aigus.

Tout à coup, ils se tournèrent tous vers les jumeaux.

Eliot s’immobilisa. La tentative avait échoué. Tirer n’aurait servi à rien, quand bien même ils auraient disposé de cent cartouches. Les rats étaient trop nombreux.

Il balaya les galeries du rayon de sa torche, à la recherche d’une issue. Aussi loin que sa lampe lui permettait d’éclairer, il ne vit que des rats, se précipitant vers eux comme une vague sombre.

— Ils sentent ton pain, l’accusa Fiona.

Mais bien sûr ! L’odorat aiguisé au service de l’estomac, de l’instinct du rat : manger – voilà ce qui les attirait.

— Je le leur laisse, s’empressa de dire Eliot en prenant le paquet dans son sac.

Il écarta l’emballage en aluminium et jeta le pain dans le tunnel. Une forte odeur d’ail grillé flotta dans l’air. Les rats se jetèrent sur ce repas facile.

Il aperçut un petit passage le long de la corniche.

— Dépêche ! (Eliot tira sa sœur à sa suite.) Par ici.

Fiona arma son fusil et déchargea le deuxième canon.

La force de la détonation dans cet espace clos fit tourner la tête d’Eliot. Il manqua de tomber dans l’eau.

Pourquoi continuait-elle à tirer ? Elle ne réussissait qu’à les énerver davantage.

Au bout de six pas, les rats leur bloquaient de nouveau le passage. L’un d’eux prit d’assaut la botte d’Eliot, y plantant ses dents. Aiguisées comme des couteaux, elles percèrent le caoutchouc. Eliot rétracta instinctivement ses orteils et secoua le pied pour se débarrasser de l’animal. Le rat tint bon, mâchoires serrées.

Dans la pénombre, les couinements et le bruit strident des griffes sur le béton atteignaient un niveau sonore assourdissant.

Il devait bien y avoir quelque chose à manger qu’ils préféreraient à deux adolescents.

— Tes chocolats ! lui cria-t-il.

— Quoi ? Non !

Malgré ses protestations, Eliot la vit plonger la main dans sa besace et balancer des poignées et des poignées de friandises dans l’eau noire. Le parfum sucré du chocolat au lait et du caramel emplit le tunnel.

Le rat lâcha la botte d’Eliot pour se ruer dans l’eau, tout comme d’autres. Rendus fous par cette délicieuse odeur, les rats se poussaient et se passaient les uns sur les autres pour atteindre les chocolats convoités.

Le passage était libre.

Eliot courut, Fiona sur ses talons.

Le faisceau des lampes tressautait devant eux. Ce fut alors qu’il vit une intersection. Un rat était suspendu à un coin, à hauteur de tête, et les regardait approcher d’un air mauvais. Eliot ralentit et éclaira les murs et le plafond des galeries. Son cœur flancha. Les bestioles étaient partout, suspendues en grappes. Certaines essayaient même d’aller trop haut et perdaient prise, tombant lourdement dans l’eau.

Pas le temps de recharger le fusil. Plus de nourriture à leur jeter en pâture. Les rongeurs n’avaient plus qu’un seul gibier en vue pour leur repas.

Fiona se cogna contre son frère, tremblante. À moins que ce ne soit son corps à lui qui grelottait.

Elle chercha sa main, et la serra. Il étreignit la main de sa sœur en retour.

Il y avait bien des manières de mourir, mais le sort avait décidé qu’ils seraient tués par mille douloureuses morsures. Il regrettait que sa sœur soit avec lui. Il préférait mourir plutôt que de la voir être dévorée par les rats.

Était-ce la solution ? Il pouvait s’abandonner à eux pour donner à Fiona une chance de s’en sortir.

Les rats avançaient lentement, sûrs que leur repas ne pouvait leur échapper.

Tous ses idéaux héroïques s’envolèrent dans un vent de panique brûlant. Eliot voulait crier, mais ses poumons étaient paralysés.

Les rongeurs se bousculaient pour s’approcher d’eux.

Soudain Eliot se rappela qu’il avait déjà vu une scène similaire quelque part. Récemment… dans un livre.

Des rats grimpaient sur ses pieds à présent, et s’agrippaient à son pantalon.

Fiona hurla.

La part rationnelle de l’esprit d’Eliot, celle qui se nourrissait d’encyclopédies, se fit de nouveau entendre : il triait les chiffres et les informations dont il disposait sur ces animaux. Il trouva ce qu’il cherchait : la gravure d’un homme entouré de rats.

Il avait cette image avec lui !

Eliot chassa une bête de son sac et en sortit l’épais volume trouvé dans la cave. Il l’entrouvrit à la dernière page qu’il avait consultée.

Un rat s’attaquait à sa chemise ; Eliot sentit des griffes lui lacérer le dos.

Il résista à l’envie de se tourner pour se débarrasser de la créature. Il n’en avait pas le temps. Il fallait qu’il se concentre sur les annotations qu’il avait remarquées dans la marge.

Tenant sa torche en équilibre, il vit la gravure, représentant un bel homme jouant du pipeau, entouré d’une foule de rongeurs sagement assis sur leurs pattes arrière.

À côté, griffonnées au crayon : des notes de musique.

Il n’avait jamais fait de solfège, mais les points sur et entre les lignes les plus hautes devaient correspondre aux notes les plus aiguës. Cela lui semblait évident… comme si la capacité de lire la musique était inscrite dans son code génétique.

Il troqua le livre pour son violon.

Le bas de son pantalon était lesté d’une dizaine de rats.

Il essaya de jouer la mélodie en pinçant les cordes. Le calme se fit.

Tous les rats s’arrêtèrent de couiner au même moment. Le crépitement des pattes sur le béton se calma. Des milliers de petites oreilles velues se tendirent.

Eliot n’osait plus bouger, de crainte de briser le charme. Fiona se pencha derrière lui et, la respiration sifflante, murmura :

— Continue.

Il hocha la tête et rejoua le morceau. Les bêtes qui se trouvaient sur lui descendirent et s’assirent sur leurs pattes arrière. Très lentement, il se pencha pour attraper son archet resté dans le sac à dos. Il le fit passer sur les cordes, tirant des sons discordants et grinçants. En réponse, les rats sifflèrent et se mordillèrent entre eux, un frisson de malaise les parcourut.

Eliot ferma les yeux et se força à détendre son poignet pour laisser l’archet filer librement sur les cordes. Et il joua.

L’air du livre était tout simple, comme la comptine de Louis. Mais celui-ci ne lui évoquait pas des enfants dansant en ronde, il s’agissait d’une marche, qui faisait aller de l’avant, encore et encore.

Quand il rouvrit les yeux, il put constater que tous les rats avaient leurs petits yeux fixés sur lui, hypnotisés. Fiona lui tapa sur l’épaule.

— Allons-y tant que c’est possible. Tu peux jouer et marcher en même temps ?

Il n’était sûr de rien. La veille encore, il ignorait qu’il savait jouer du violon. Malgré tout, il hocha la tête et s’avança de quelques pas sur la corniche, attentif à ne pas écraser les rongeurs apaisés.

Ceux-ci laissèrent passer Eliot et Fiona et, dans un bel ensemble, leur emboîtèrent le pas. Exactement comme dans le livre.

Eliot pouvait mener les rats où il voulait, et les distraire un moment pour qu’ils ne les mangent pas, mais ça ne suffirait pas.

Eliot s’arrêta de marcher.

— Ce n’est pas comme ça qu’on va trouver l’alligator. Il faut qu’on reste.

— T’es pas un peu fou ? Si on reste, on deviendra de la pâtée pour rats.

— Et si on ne trouve pas l’alligator ? si on échoue ?

Il leva son archet. Instantanément, les rats s’agitèrent… Il reprit son jeu.

— Je prends le risque, je verrai bien ce que disent Tante Lucia et le Conseil, déclara Fiona avant de voir les rats qui se calmaient.

Elle frissonna. Eliot s’efforçait de continuer à jouer. À présent que la décharge d’adrénaline était passée, son corps tremblait de fatigue et il avait besoin de s’asseoir – pour rire, ou pour pleurer, il ne savait pas.

Mais ce dont il était sûr, c’était ce qui se passerait s’ils échouaient. Il le sentait dans ses os : sa nouvelle famille était plus mortifère qu’un million de rats enragés.

— Oncle Henry, Tante Lucia et toute la clique… ils ne nous laisseront pas nous en sortir comme ça. Si c’est ton choix, enfuis-toi. Moi, je reste.

Le ton résolu qu’il avait employé le surprit lui-même, mais il était déterminé. D’une manière ou d’une autre, il irait au bout de cette épreuve.

— Tu ne peux pas y arriver tout seul, imbécile, grinça Fiona. Bon, à part jouer la sérénade aux rats toute la journée, tu as un plan ?

Elle accompagna ses propos de son fameux soupir de grande sœur excédée de devoir toujours supporter les caprices de son frère.

— Il faut reprendre le livre. Qu’est-ce que ça nous raconte au sujet du Joueur de flûte ?

Fiona posa le fusil et ouvrit la Mythica improbiba.

— Je n’y crois pas : je suis en train de lire ce livre stupide entourée d’un millier de rats prêts à nous dévorer, marmonna-t-elle. (Elle parcourut les pages concernées.) C’est de l’anglais de la fin du Moyen Âge – et mauvais en plus de ça. Un mot sur deux est mal orthographié.

Eliot jouait toujours. Son bras n’était pas entraîné à manier l’archet, et il brûlait d’épuisement.

Les yeux des rats convergeaient tous vers lui : une mer de pupilles vitreuses qui s’étendait à l’infini dans la pénombre.

— D’après ce que dit ce texte, le Joueur de flûte ensorcela les rats pour qu’ils quittent le village. Mais il ne reçut pas le salaire promis. Alors il emmena au loin les enfants du village pour obtenir une rançon. Non, attends. Plus loin, il est expliqué qu’en fait les enfants n’ont jamais été enlevés. Mais le Joueur de flûte renvoya tous les rats dans le village pour y voler l’argent1,2.

— Et il s’y est pris comment ?

Elle replaça sa lampe pour éclairer la page.

— Il a joué « des notes d’argent » pour faire comprendre le message aux rats.

— Et dans la marge, il y a quelque chose ? des notes de musique ?

Elle feuilleta l’épais volume.

— Rien.

Eliot pensait avoir une idée de ce que le Joueur de flûte avait fait. Ce savoir ne venait pas d’un livre, pour une fois ; il avait l’impression qu’il était inscrit au plus profond de lui. C’était quelque chose qu’il connaissait, littéralement, sur le bout de ses doigts.

— Je vais tenter une expérience, la prévint-il. Tiens-toi prête.

Elle chargea l’arme, mit leurs sacs sur son dos et saisit les lampes.

— Prête.

Eliot ralentit le tempo de la musique jusqu’à un rythme qui lui semblait convenir à un alligator. Les notes devenaient plus sombres, en mode mineur, elles glissaient avec une lenteur de serpent à travers des eaux inconnues de son imagination. Il ajouta aussi un passage de pizzicati qui ressemblait à des mâchoires aux dents mal alignées et ébréchées.

Fiona ouvrit la bouche, éberluée.

— Cet air évoque vraiment un alligator. Comment tu… ?

Les rats couinèrent d’excitation, et se jetèrent les uns par-dessus les autres. Certains s’enfuirent, d’autres se glissèrent dans des interstices du mur. Mais des centaines firent demi-tour pour s’enfoncer dans les profondeurs des égouts.

— Je ne sais plus comment… Regarde ! Ils vont nous mener à lui. Comme les rats de l’histoire, qui trouvent l’argent.

Fiona contemplait le spectacle.

— Continue à jouer, je passe devant, décida-t-elle.

Elle glissa une torche en équilibre sur son fusil et marcha prudemment à la suite du flot de rongeurs.

Eliot s’ébranla à son tour. Il alternait entre l’air enjôleur du livre et son improvisation en alligator mineur. Comme le rythme se faisait plus rapide, les rats se mirent à courir plus vite. Eliot esquissait des pas de danse sans pouvoir se contrôler.

Le béton lisse fit place aux parpaings plus anciens, puis à des briques décrépites.

— Cette musique est sinistre, chuchota Fiona. J’ai entendu parler de chansons pour apaiser les bêtes féroces, mais pas pour leur faire rapporter la balle comme un chien.

Eliot était conscient de l’étrangeté de la situation. Tout comme la limousine ultrasonique d’Oncle Henry ou le fait que leur famille était composée d’immortels… Tout cela restait à la lisière de sa réalité. Pas totalement improbable, mais pas vraiment possible non plus.

Les rats les menèrent à gauche puis à droite et encore à gauche, s’enfonçant sous la terre. Le courant était plus fort dans les tunnels, l’eau tourbillonnait. De grosses poutres rouillées soutenaient les murs de brique.

Il y avait une nouvelle odeur dans l’air : un mélange de sang et d’excréments.

Arrivés sous une grande arche, les rats s’arrêtèrent. Criant de panique, ils refusaient de continuer, mais il n’y avait aucune échappatoire et de nouveaux rongeurs s’agglutinaient sans fin sur les premiers. Ils donnaient l’impression de se heurter à une paroi de verre. Se jetant à l’eau, ils commencèrent à nager à contre-courant.

Eliot cessa de jouer.

Les rats s’étaient désintéressés de sa musique, et avaient également oublié leur casse-croûte. Ils n’avaient qu’une seule envie : fuir.

— Euh… je crois que c’est bon signe, dit faiblement Fiona.

Eliot opina.

Elle dirigea le faisceau de sa lampe vers la clé de voûte, sur laquelle on pouvait lire : « REDS 1899 ».

— Réseau des égouts de Del Sombra ? suggéra Eliot.

Fiona baissa un peu la lampe.

Devant eux s’étendait un lac dont ils ne distinguaient pas les rives. Une faible lumière tombait d’une ouverture, accompagnée de filets d’eau. Le courant charriait des détritus : pâte de cellulose, sacs en plastique, armée de petits soldats verts noyés.

Eliot s’empara de l’autre torche pour aider sa sœur à scruter les ténèbres.

Il aperçut un îlot au centre du lac, entouré d’ombre. Ce bout de terre ferme était constitué de quelques poteaux téléphoniques, de pneus, mais surtout… d’ossements.

Couverts de boue, ils avaient été brisés pour en extraire la moelle ; ils avaient appartenu à des lapins, des vaches, des humains.

Lové au sommet du monticule macabre, le reptile les observait.

1. « Notes d’argent sous la pleine lune / Nuée de queues tordues / La récompense a par trop tardé / Cordes cassées et vierges en pleurs. » Père Sildas le Pieux, Mythica improbiba (traduction), xiiie siècle environ.

2. « Dans les diverses variantes de l’histoire du Joueur de flûte, il débarrasse le village de rats, de loups ou de chauves-souris. Selon la version, le musicien est lynché, promu maire, ou encore prend la fuite en emportant comme paiement l’argent, les enfants, et/ou les vierges du village. » Dieux du Ier et du XXIe siècle, volume IV : Mythes fondateurs (première partie), 8e éd. (Éditions Zyphéron).

Le Pacte des Immortels: Le Pacte des Immortels, T1
titlepage.xhtml
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_000.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_001.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_002.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_003.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_004.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_005.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_006.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_007.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_008.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_009.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_010.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_011.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_012.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_013.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_014.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_015.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_016.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_017.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_018.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_019.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_020.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_021.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_022.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_023.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_024.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_025.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_026.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_027.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_028.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_029.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_030.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_031.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_032.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_033.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_034.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_035.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_036.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_037.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_038.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_039.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_040.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_041.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_042.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_043.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_044.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_045.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_046.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_047.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_048.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_049.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_050.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_051.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_052.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_053.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_054.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_055.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_056.html
CR!S514Y905KN5V3CXMACE7G03AQETV_split_057.html