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UNE TASSE SE BRISE

 

Eliot, Fiona et leur Arrière-Grand-Mère Cecilia étaient à table dans la salle à manger. Ils faisaient tous comme si de rien n’était… alors qu’il se passait visiblement quelque chose.

La lumière ambrée du soleil couchant filtrait à travers les rideaux en dentelle. Le bois poli de la table luisait et la fine porcelaine du service à thé reflétait les teintes orangées du crépuscule.

En rentrant du travail, Fiona avait enfilé un survêtement gris. Elle était désormais plongée dans la lecture de Philosophiae naturalis principia mathematica d’Isaac Newton, et travaillait à la dissertation du jour.

Cessi, munie de lunettes aux verres épais, écrivait avec soin une lettre à sa cousine de Bavière. On entendait sa plume gratter sur le papier.

Eliot n’arrivait pas à se concentrer. Il était obnubilé par le souvenir de la confrontation avec Mike. Chaque fois qu’il imaginait envoyer un coup de poing à ce sale type, il sentait une décharge d’adrénaline envahir son corps.

Pourtant, Mike n’était pas le seul à accaparer ses pensées. Deux autres choses l’empêchaient de travailler.

Devant lui, plusieurs encyclopédies étaient ouvertes. Eliot avait fait des recherches sur la dépression nerveuse de Newton, survenue en 1675, mais une large partie du texte était barrée au marqueur noir. Le garçon supposait que les passages interdits concernaient l’intérêt de Newton pour l’alchimie1.

Parfois, la vue de ces pages zébrées lui donnait envie de balancer les livres profanés à travers la pièce.

Une stricte application de la règle 55 leur valait cette censure.

RÈGLE 55 : Aucun livre, bande dessinée, film ou autre média appartenant au genre de la science-fiction, du fantastique ou de l’horreur n’est autorisé. En particulier est interdite toute référence aux pseudosciences (occultisme, alchimie, spiritualité, numérologie, etc.), ainsi que toute mention de mythes antiques ou de légendes urbaines.

 

Eliot l’avait surnommée la règle « antifabulation ». Grand-Mère pensait ainsi les protéger d’une « friandise abêtissante bonne pour les simples d’esprit ».

Franchement, si on le privait de tous les ragots croustillants, comment écrire une bonne dissertation ? Elle aurait pu se contenter de barrer ces passages d’un unique trait, il aurait alors pu les lire malgré tout.

La règle 55 et le problème de Mike étaient pourtant des éléments familiers, quoique étranges, de son quotidien. À l’inverse de ce qui les tracassait tous ce soir.

Grand-Mère passa de la cuisine au séjour. La concentration figeait ses traits et ses yeux gris paraissaient contempler un point à des kilomètres de distance.

Sa démarche, d’ordinaire si élégante, trahissait une certaine tension. Elle semblait guetter des mouvements dans l’ombre. Impossible. Rien ne l’effrayait.

Malgré tout, le malaise se répandait de façon contagieuse et Eliot sentait des frissons lui parcourir l’échine.

Grand-Mère s’arrêta et pencha la tête, comme pour tendre l’oreille. Puis elle passa les mains dans ses courts cheveux argentés et annonça :

— Je vais vérifier la porte de derrière et la cave.

Tous les soirs, elle se livrait à ce rituel de sécurité, qui faisait partie de ses responsabilités en tant que gardienne de l’immeuble. Rien de surprenant là-dedans. Mais en parler, comme pour les avertir d’un danger, était anormal.

— Bien sûr, dit Cessi.

Un sourire éclaira son visage. Elle posa son stylo et mit ses mains tremblantes sur la table.

— Je m’apprêtais à servir le thé, mais nous allons peut-être attendre que tu reviennes ?

Grand-Mère se dirigea d’un pas décidé vers la porte d’entrée. Ses bottes martelaient le plancher.

— Non, répondit-elle avant d’ouvrir.

Elle hésita un instant sur le seuil.

— Eliot, retourne à tes livres.

Immédiatement, il baissa les yeux.

Il entendit la porte et le verrou se fermer.

Grand-Mère n’avait peur de rien. Le seul moyen d’entrevoir une faille dans sa carapace était de lui poser des questions sur Maman et Papa.

Eliot ne s’était jamais considéré comme un « orphelin ». Pour lui, ce mot évoquait des gamins comme David Copperfield, vivant dans des goulags contrôlés par l’État. Sa sœur et lui avaient une famille et un foyer. D’ailleurs, ils ne gardaient aucun souvenir de leurs parents.

Mais chaque fois qu’ils l’interrogeaient, Grand-Mère expliquait patiemment qu’ils avaient péri en mer dans un terrible accident de bateau alors que Fiona et Eliot étaient encore des bébés. Grand-Mère et Cecilia étaient leurs uniques parents proches, et les avaient donc recueillis. Non, il ne restait aucune photo : tout avait sombré lors du naufrage.

Quand Grand-Mère leur racontait cette histoire, son visage, d’habitude lisse, se creusait de rides. Ce n’était pas le chagrin qui l’étreignait : on aurait dit que prononcer ces mots était physiquement épuisant pour elle.

Mais ce n’était rien comparé à ce qui la tracassait ce soir. Cette lueur qu’Eliot avait aperçue dans ses yeux… Un seul qualificatif lui venait à l’esprit : acérée.

Fiona leva la tête en même temps qu’Eliot et leurs regards se croisèrent. Elle aussi pensait que quelque chose ne tournait pas rond.

Eliot haussa les épaules. Fiona se mordillait les lèvres.

Cecilia prit un pot du service à thé et préleva quatre cuillerées de son mélange personnel : camomille, stevia et thé vert. Elle versa l’eau bouillante à travers la passoire posée sur la théière, dont l’émail blanc s’ornait d’une toile d’araignée2.

— Est-ce qu’un événement inhabituel s’est produit aujourd’hui ? demanda Cessi, l’air de rien, tout en tendant une tasse à Eliot.

— Pourquoi cette question ?

Les 106 règles avaient été soigneusement édictées par Grand-Mère pour éliminer toute surprise et, donc, tout intérêt de leur vie.

Un bref instant, le sourire de Cessi disparut.

— Comme ça, mon chéri… (Elle donna à Fiona une tasse fumante.) C’était histoire de faire la conversation, rien de plus.

Tous les soirs, elle leur demandait : « Vous avez bien travaillé ? » Et de temps en temps : « Vous avez passé une bonne journée ? » Voilà ce qu’étaient les sujets de discussion ordinaires. Mais la question que Cecilia venait de poser avait quelque chose d’exceptionnel.

Et, contre toute attente, la journée avait bel et bien été différente : il y avait eu la rencontre avec le vieil homme au violon, puis la rébellion contre Mike.

— Un jour comme un autre, répondit Fiona en examinant les feuilles qui tourbillonnaient dans sa tasse.

Cessi accepta cette réponse d’un signe de tête, avant d’avaler son thé en trois gorgées. Elle procédait toujours ainsi. Et plus la boisson était chaude, plus vite elle l’ingurgitait.

Fiona n’avait pas l’intention de raconter quoi que ce soit à leur arrière-grand-mère, et Eliot était du même avis. Lui parler de leur employeur tyrannique ne pourrait que la bouleverser.

Malgré tout, un changement s’était produit. Au moment où Eliot et Fiona avaient tenu tête à Mike, ils étaient bien plus que deux gamins à côté de la plaque. Ils avaient démontré leur force. Et s’ils en parlaient à quelqu’un, peut-être la magie de cet instant s’évanouirait-elle dans une volute de fumée.

Eliot but une gorgée de thé. C’était sucré et les morceaux de feuilles vertes tourbillonnaient dans la tasse comme les étoiles d’une galaxie miniature.

Fiona posa la main sur le bras d’Eliot et désigna Cecilia d’un hochement de tête.

Leur arrière-grand-mère semblait paralysée, et regardait fixement le fond de sa tasse vide. Saisie d’un tremblement violent, elle la laissa tomber. La tasse rebondit une fois sur le parquet avant de se briser.

— Saperlipopette ! fit Cessi en clignant des yeux. (Elle se leva.) Mais quelle empotée…

La porte s’ouvrit avec une telle violence qu’elle alla cogner contre le mur et souleva un nuage de poussière sur l’étagère voisine.

La silhouette de Grand-Mère se découpa dans l’entrée, les bras le long du corps, les mains ouvertes.

— Restez où vous êtes, ordonna-t-elle.

Elle fit un pas et la lumière révéla son visage calme. Pourtant, ses yeux gris parcouraient la pièce, l’examinant dans les moindres recoins.

— Il y a des éclats de porcelaine partout, je vais les ramasser.

Elle s’approcha de la table et s’accroupit pour prendre les plus gros morceaux. Des feuilles de thé étaient restées collées à l’intérieur de la tasse brisée.

Mais Grand-Mère ne se contenta pas de la ramasser : elle rassembla tous les éclats dans sa main gauche, reconstitua la base et une partie des bords, réalisant un étrange lotus de céramique tranchant comme une lame de rasoir.

Elle regarda intensément ce qu’elle tenait, avec dans les yeux cet éclat acéré qu’Eliot avait remarqué auparavant. Si, à cet instant, quelqu’un s’était avisé de lui demander ce qu’elle faisait, l’intensité du regard de Grand-Mère lui aurait tranché le cou.

Sans le vouloir, Eliot porta la main à sa gorge.

Dehors, le soleil couchant embrasait les nuages de tons orange et écarlates. Le salon était teinté de rouge. Dans la paume de Grand-Mère, les tessons de porcelaine semblaient tachés de sang.

Elle inspira longuement et poussa un soupir, puis referma ses doigts sur la tasse. En se redressant, elle regarda tour à tour Cessi, Fiona et Eliot. Ses yeux avaient repris leur couleur gris acier habituelle.

— Buvez votre thé, murmura-t-elle.

Les jumeaux obéirent.

— Cecilia, nettoie le reste.

— Tout de suite.

Cessi s’empressa d’aller chercher un balai et une pelle à la cuisine.

— Je peux l’aider, proposa Fiona.

— Non. (Grand-Mère se dérida un peu et un léger sourire parvint jusqu’à ses lèvres.) Préparez-vous pour aller au lit.

— Il nous reste nos devoirs à finir, protesta Eliot. La dissertation sur Newton et celle sur la guerre anglo-américaine de 1812 à réécrire.

— Je vous dispense de devoirs ce soir… pour votre anniversaire.

Fiona et Eliot se regardèrent.

Ils n’auraient pas besoin que Grand-Mère le dise deux fois, mais… leurs devoirs n’avaient encore jamais été annulés. Qu’il pleuve, qu’il neige, qu’ils soient malades ou épuisés, peu importait, ils devaient toujours rendre leurs exercices.

Grand-Mère embrassa Fiona puis se pencha et fit signe à Eliot. Le garçon la prit dans ses bras, mais elle le toucha à peine, comme si elle craignait de lui faire mal en le serrant trop fort.

Les jumeaux sortirent dans le couloir.

— Pair, chuchota Fiona.

— D’accord.

— Un, deux, trois…

Ils lancèrent un chiffre en même temps. Eliot avait choisi sept, Fiona trois. En les additionnant, on obtenait dix, nombre pair.

Triomphante, elle s’engouffra dans la salle de bains.

Eliot ne savait pas comment elle se débrouillait, mais elle gagnait toujours à ce jeu-là. Elle avait sûrement un truc.

Il attendit dans le couloir qui se peuplait d’ombres. D’un coup d’œil vers le salon, il vit Grand-Mère, qui lui tournait le dos, parler à Cecilia à voix basse. Cessi hochait fermement la tête, et ses mains habituellement tremblantes ne bougeaient pas. La vieille femme était toute pâle.

Il discerna quelques bribes de leur conversation étouffée : des syllabes gutturales aux sonorités allemandes. Il regrettait que Fiona, si douée en langues, ne soit pas à ses côtés.

Il distingua un mot : « versteckt ».

Peut-être ces mystères concernaient-ils leur anniversaire ? Voulaient-elles innover et leur faire une surprise ?

La salle de bains s’ouvrit, illuminant le couloir.

— À ton tour, le putois ! lança Fiona avant de se diriger vers sa chambre à grands pas.

Eliot referma la porte derrière lui. L’odeur tenace du savon fabriqué par Cecilia emplissait la pièce. Le produit, à la fois corrosif et nettoyant, provoquait un picotement sur tout le corps.

Une tache rouge sur le bord du lavabo attira son attention. C’était du papier d’aluminium froissé.

Il le ramassa délicatement et s’aperçut qu’il s’agissait d’un chocolat. En regardant le miroir au-dessus du lavabo, il remarqua des traces. Il se pencha pour souffler sur la glace.

L’élégante écriture de Fiona apparut :

« Mange vite ! Bon anniv’ ! »

Il ôta le papier et découvrit le demi-chocolat, sur lequel Fiona avait laissé l’empreinte de ses dents. Eliot sourit, le mit dans sa bouche et croqua.

C’était bon… et déjà fini, à peine avait-il eu le temps de le savourer.

Il ne savait pas où Fiona avait bien pu le dénicher, le chocolat était une denrée rare – surtout quand il n’avait pas été gâché par les préparations de Cecilia. Il avait beau adorer son arrière-grand-mère, il était persuadé qu’un jour elle les intoxiquerait tous.

Soigneusement, il essuya le miroir avec sa serviette.

Puis il froissa le papier rouge, l’enroba de papier-toilette et le jeta dans les W.-C. avant de tirer la chasse d’eau.

Il n’y avait aucune règle écrite concernant le chocolat, mais rien n’empêchait Grand-Mère d’en édicter une nouvelle si elle découvrait des emballages vides.

Il chercha d’autres surprises, mais n’en trouva pas. Il saupoudra sa brosse de dentifrice en poudre et se lava les dents.

Il entendit un « psst » qui venait du conduit d’aération au sol.

Eliot se rinça la bouche et s’accroupit.

— Eh ! merci.

— Ce n’était pas grand-chose, chuchota Fiona.

Après le couvre-feu, ils communiquaient ainsi. La bouche d’aération de la salle de bains était la plus efficace, mais ils pouvaient aussi utiliser les conduits de leur chambre, en se collant contre eux, une couverture tirée sur la tête pour étouffer les sons.

— Qu’est-ce qui se passe, ce soir, à ton avis ? demanda Fiona. Le comportement de Grand-Mère me donne la chair de poule.

— C’est vrai… (Eliot repensa à l’intensité de son regard, et il sentit les poils de ses bras se hérisser.) Je les ai entendues parler en allemand. Qu’est-ce que ça veut dire « versteckt » ?

— Euh… cacher quelque chose. Ou plutôt : quelque chose qui serait caché, dissimulé.

— Peut-être qu’elles parlaient de nos cadeaux d’anniversaire ?

— Peut-être bien…

Eliot entendit à son intonation qu’elle non plus ne croyait pas une minute à cette hypothèse.

Après un moment de silence, Fiona reprit la parole :

— Au restaurant, ce matin… c’est sympa ce que tu as fait.

— Pas de quoi. Je crois que ça va mieux se passer chez Ringo maintenant.

— C’est sûr… Il vaut mieux y aller avant qu’elles nous entendent.

— Attends, encore un truc…

— Quoi ?

Eliot aurait aimé dire un tas de choses. Que s’il fallait absolument se coltiner une sœur bizarre, il était content que ce soit elle. Et que ses devoirs seraient deux fois moins bons sans l’aide de Fiona. Et que – cette pensée-là était même douloureuse – il l’aimait bien – en quelque sorte.

Mais, il se contenta de dire :

— Bon anniversaire en avance.

— À toi aussi.

Et soudain, il n’y eut plus personne à l’autre bout du conduit.

Il se débarbouilla et s’observa dans le miroir. Toujours ce visage de cretinus maximus. Qui sait ? demain, il aurait quinze ans et ne serait peut-être plus le même.

Il éteignit la lumière en soupirant.

1. « On ignore jusqu’où Newton poussa ses recherches en alchimie, car ses notes à ce sujet furent détruites dans un incendie de laboratoire. Certains spécialistes des sciences occultes prétendent qu’il fit des découvertes capitales dans ce domaine, qui débouchèrent sur de nouvelles connaissances mathématiques, mais aucune preuve ne corrobore cette affirmation. Il en va de même pour les légendes plus fantaisistes qui évoquent un pacte faustien que le scientifique aurait conclu avec des puissances occultes. L’analyse chimique de la dépouille de Newton a révélé un taux de mercure élevé, peut-être dû à ses expériences alchimiques, et qui expliquerait son comportement incohérent en 1675. » Dieux du Ier et du XXIe siècle, volume III : Pseudo-sciences, 8eéd. (Éditions Zyphéron).

2. « Baba Yaga versa de l’eau de rivière croupie fumante jusqu’à ce que sa théière déborde. La céramique était grossière et couverte de toiles d’araignées abritant leurs venimeuses tisseuses.

— Que préparez-vous ? demanda la petite fille perdue, les yeux écarquillés.

— Du thé, babouchka. (Le sourire de Baba Yaga révéla ses dents pointues.) Du thé sucré pour ma petite douceur. » Père Sildas le Pieux, Mythica improbiba (traduction), XIIIe siècle environ.

Le Pacte des Immortels: Le Pacte des Immortels, T1
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