7

DE SURPRISE EN SURPRISE

 

Fiona sortit par l’arrière de l’immeuble Oakwood. Elle prit le temps de tirer sur sa robe et de lisser le tissu rose qui avait profité de sa course dans l’escalier pour se froisser davantage.

Il faisait déjà chaud. Le soleil de fin d’été était encore bas dans le ciel. Fiona lui décocha un regard en coin, déplorant de ne pouvoir porter un short et un tee-shirt aujourd’hui.

Eliot sortit en trombe derrière elle.

— Pas juste, haleta-t-il. T’es… partie avant… que j’aie fini de lacer mes chaussures.

— J’ai gagné. Fais-toi une raison. (Elle eut l’air soucieuse.) À ton avis, c’était qui, ce M. Welmann ?

— Grand-Mère nous l’a présenté comme un ami de la famille, rappela Eliot en secouant la tête. Mais il n’est jamais arrivé qu’un ami vienne comme ça à l’improviste.

D’ailleurs, Grand-Mère n’avait aucun ami à leur connaissance.

Fiona emprunta l’avenue et Eliot prit place à ses côtés.

— Tu crois qu’il connaissait Maman ou Papa ?

— Quelle autre raison expliquerait que Grand-Mère nous chasse si vite ?

Remuer le couteau dans la plaie, pensa Fiona. C’est ce que Cecilia leur répétait chaque fois qu’ils mentionnaient leurs parents. Ruminer le passé alors qu’il n’y avait rien à apprendre s’apparentait, d’après elle, à gratter une croûte.

Pourtant Fiona désirait savoir quelque chose, n’importe quoi – tout – sur ses parents. Ils représentaient pour elle un immense puzzle dont les pièces attendaient qu’on les assemble… Malheureusement, la boîte avait été rangée par Grand-Mère sur une étagère, juste assez haut pour qu’elle ne puisse pas l’attraper.

— Quelle importance ? s’énerva Fiona. Qu’est-ce que ça changerait si on entendait ce Welmann nous raconter une vieille histoire ?

— Rien, répondit Eliot d’une voix lointaine.

Elle toucha le tissu lisse et trop brillant de sa robe d’anniversaire. Elle était bouffante sur les hanches et enserrait son torse comme un corset. C’était d’un ridicule…

Elle jeta un coup d’œil à son frère : il était couvert de rayures aux couleurs criardes. Mais lui, au moins, travaillerait dans la cuisine, à l’abri des regards.

Des nuages voilèrent le soleil et un souffle d’air souleva les feuilles dans le caniveau. Fiona se réjouit de cette ombre. Elle décolla les cheveux de son cou, déjà moite de sueur.

Elle se concentra, récapitulant toutes les fausses notes dans sa vie rythmée comme un métronome : pas de devoirs la veille, le livre de Jules Verne que Grand-Mère lui avait offert en dépit de la règle qu’elle-même avait énoncée, la tasse cassée…

Malgré le tremblement continuel de ses mains, Cecilia ne faisait jamais rien tomber. À cent quatre ans, un tel moment d’absence pouvait bien être le signe annonciateur d’une attaque cérébrale. Fiona avait peine à imaginer une existence sans son arrière-grand-mère. Plus précisément, vivre seule avec Grand-Mère n’était pas envisageable.

— Tu crois qu’elle va bien ? demanda Eliot.

— Cessi ? Ouais, elle est inoxydable.

— Comment tu savais de qui je parlais ? se hérissa-t-il.

Elle haussa les épaules.

— Je me posais justement des questions à propos de cette tasse qu’elle a cassée hier.

— Tu as remarqué la manière dont Grand-Mère a regardé les morceaux ?

Comment passer à côté ? Elle avait rivé son regard sur la tasse avec la précision d’un viseur laser… comme si elle comptait les molécules des tessons de céramique.

Les avant-bras de Fiona se couvrirent de chair de poule, le monde parut s’incliner. Les nuages s’assombrirent.

— Écoute, chuchota Eliot.

Fiona n’entendait rien, justement. C’était comme si quelqu’un avait coupé le son. Pas de voitures, pas d’oiseaux, même le bourdonnement des lignes électriques au-dessus de leurs têtes avait cessé.

On sentait malgré tout une pulsation. Fiona la percevait sans l’entendre, elle cognait au creux de son ventre.

Puis de légères notes se détachèrent du vrombissement. L’écho d’un rythme enjoué sortait de la ruelle sombre, un peu plus loin devant eux.

Eliot pressa le pas pour s’en rapprocher. Fiona se dépêcha de le suivre, mais elle était un peu plus désorientée à chaque enjambée. Elle était prise du désir incompréhensible et irrépressible de sautiller. Comme une petite fille sur une marelle géante.

Eliot s’arrêta net à l’entrée de l’allée.

Le clochard était assis en tailleur, souriant, et jouait du violon. Autour de lui étaient dispersées plusieurs petites enveloppes d’où s’échappaient des cordes enroulées. Il n’avait pas d’archet ; l’instrument posé sur les genoux, il appuyait sur la touche d’une main, et de l’autre il pinçait les cordes neuves avec des gestes emphatiques qui faisaient ressembler ses doigts à de minuscules danseurs cosaques.

Eliot s’avança encore pour mieux voir. Il était si près à présent que l’homme aurait pu tendre la main pour lui saisir le poignet.

Fiona toucha l’épaule de son frère et le tira légèrement en arrière. Elle aurait voulu l’arracher à ce vagabond, mais elle aussi se sentait attirée : le trottoir paraissait dangereusement incliné vers le musicien, facilitant la descente. Remonter était plus difficile. Seul son instinct la retenait. Elle devait protéger son frère.

Le vieil homme leva la tête vers eux. Son sourire s’élargit et le tempo se fit plus rapide.

La mélodie dansait à la lisière de sa mémoire : c’était une comptine. Impossible. La maison de Grand-Mère ne connaissait pas les chansons. Non, c’était plus ancien… avant Grand-Mère. Un air qu’on lui avait susurré à l’oreille quand elle était toute petite.

« Dors, petit bébé, danse dans tes songes, le soleil et les fleurs flottent sur l’onde. »

Elle était glacée. La musique devenait le battement de son cœur, la pulsation dans ses veines, elle se balançait et tapait du pied. Elle sentait le parfum des roses, de la terre fraîchement bêchée. Elle se vit danser autour d’un mât peint en blanc, entourée de rubans de toutes les couleurs et d’autres enfants qui riaient, chantaient, caracolaient autour du mât en une spirale sans fin1,2.

Tout devenait flou autour de Fiona, la ruelle se dissolvait comme une aquarelle sous la pluie. Elle sentit vaguement sa main glisser de l’épaule d’Eliot.

Seules les cordes du violon retenaient son attention, bien qu’elles deviennent indistinctes, tant le clochard jouait vite, créant une vibration diffuse.

Elle poussa un profond soupir… Un mélange d’odeurs nauséabondes de sardine, de transpiration et de soufre brûlé atteignit ses narines. Un mot émergea de sa conscience presque assoupie : « impur ».

Tandis que le monde frémissait autour d’elle, un autre mot lui vint à l’esprit : « chaos ».

Plus que le dégoût que cet homme sale lui inspirait, l’idée du chaos, d’une confusion permanente, de conflits sauvages et incontrôlables qui l’entraînaient à leur suite… attisa une colère qu’elle-même ne comprenait pas.

Furieuse, elle scruta les cordes du violon, se concentra sur l’une d’elles en particulier. Par la simple force du regard, à la manière de Grand-Mère, elle pensait pouvoir mettre fin à cette sensation de vertige.

La corde cassa net.

Le vieil homme retira vivement sa main pour porter son index à sa bouche. Quand il l’en ôta, Fiona vit le sang perler à l’endroit où la corde l’avait coupé.

Il regarda Eliot puis Fiona, toujours souriant.

— Nom de Dieu !

Sa voix de ténor riche et ample surprit Fiona qui s’attendait à une tessiture plus rauque, en accord avec son aspect misérable.

— C’était magnifique, souffla Eliot.

L’homme le remercia d’un signe de tête, accompagné d’une petite révérence. Il fourra une main dans les replis de son manteau et en tira une enveloppe en papier ciré contenant des cordes enroulées. Il montra le paquet comme un prestidigitateur puis caressa le bois de son violon défraîchi.

Fiona tapota son frère sur l’épaule et le ramena doucement vers elle. Elle s’adressa au vieil homme :

— Nous devons aller travailler. Merci.

Son ton glacial contredisait sans détours sa politesse.

Le sourire du clochard pâlit un peu, mais il leur adressa une nouvelle révérence et se mit à libérer de la cheville la corde cassée.

— Viens, ordonna Fiona.

Son frère se retourna d’un bloc, le visage fermé.

— Si nous arrivons en retard deux jours d’affilée, Mike va piquer une crise.

La contrariété d’Eliot se mua en inquiétude.

— Tu as raison.

Il fit « au revoir » de la main au vieil homme, qui sourit de nouveau largement.

— C’était totalement génial, non ? chuchota Eliot à sa sœur.

— Non, répondit-elle sans ambages. C’était plutôt flippant.

Malgré tout, elle comprenait peu à peu la fascination que la musique exerçait sur son frère. Elle avait été transportée. Pourquoi ne pas laisser Eliot avoir sa radio, où était le mal ? Ou bien Grand-Mère avait-elle raison ? Est-ce que ce serait une trop grande distraction ?

Ils se dépêchèrent de tourner le coin de la rue et découvrirent le carrefour entre Midway et Vine bordé de grosses voitures rutilantes et de Mercedes décapotables.

Des touristes. Ringo allait faire salle comble.

Après avoir traversé, ils montèrent l’escalier de la pizzeria au pas de course. Eliot tint la porte ouverte pour sa sœur, qui fut heurtée de plein fouet par une bouffée d’air conditionné. Elle frissonna.

Mike était à la caisse. Il venait d’envoyer quatre clients à Linda pour qu’elle leur attribue une table. Il leva les yeux sur les jumeaux et devint livide.

— Vous vous payez ma tête ? Le pinot noir nouveau vient d’arriver à Napa. Les festivités ont commencé, on est bondés, et vous deux, vous décidez que c’est le moment de faire une razzia au Secours populaire pour trouver des fripes ?

Fiona rougit et, malgré la climatisation, elle se remit à transpirer. Eliot s’avança pour prendre leur défense.

— Eh ! tu ne… !

— Le minus peut s’habiller comme un bouffon si ça lui chante, l’interrompit Mike. Mais toi… (Incrédule, il examinait Fiona.) Avec ces fringues, tu vas couper l’appétit à tout le monde.

Voilà qui confirmait son impression : sa robe d’anniversaire évoquait irrésistiblement un piteux déguisement d’Halloween. Et ce nœud rose achevait de la transformer en pochette-surprise garnie d’humiliation.

Elle haïssait sa famille – toutes ces règles, tous ces habits faits main, leur vie cloîtrée… Les larmes brouillèrent sa vue et le satin rose de la robe se changea en barbe à papa cotonneuse.

— Attrape ça.

Mike prit un tee-shirt au nom du restaurant sous le comptoir et le lança à Fiona, qui fut incapable de l’attraper.

Elle s’accroupit, clignant très vite des paupières pour se débarrasser des larmes, et ramassa le tee-shirt. Un oncle Sam thermocollé lui souriait.

— Je le déduis de ta paie, la prévint Mike.

Eliot serra les poings.

— D’accord, pas de problème, murmura Fiona.

— Et emprunte à Johnny un de ses grands tabliers, pour cacher le reste.

Elle hocha la tête, les yeux rivés sur le sol en ardoise, incapable de soutenir le regard de Mike plus longtemps. Son visage était cramoisi.

Pourtant, il lui était impossible de faire un pas. Elle ne voulait pas entendre le froufrou du satin, qui ne manquerait pas d’attirer davantage l’attention. Et en admettant qu’elle arrive à en étouffer le bruit, comment parviendrait-elle à traverser la salle jusqu’à la cuisine sous tous ces regards ?

Elle était tétanisée, morte de honte.

Mike fit le tour du comptoir pour l’empoigner. Son pouce s’enfonça dans le creux de son coude, et elle sentit un élancement dans tout son bras.

— Allez, grogna-t-il. Dépêche-t…

Elle se dégagea brusquement, ce qui lui fit encore plus mal, mais elle passa outre à la douleur. Elle le vrilla du regard.

— Stop ! siffla-t-elle entre ses dents serrées.

Humiliée, elle s’était repliée sur elle-même comme un animal blessé… Mais, provoquée une fois de trop, la bête s’était cabrée, tous crocs dehors.

Elle sentit Eliot à ses côtés, prêt à tenter d’envoyer un coup de poing à Mike. C’était rassurant de savoir qu’il était toujours là quand il fallait.

Laissant couler librement ses larmes, elle continuait à toiser Mike.

— Stop, chuchota-t-elle. (Ce n’était plus un chuchotis honteux, mais de la rage qu’elle contenait à grand-peine.) Ne me touche plus jamais.

Mike ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit. Il hocha lentement la tête, leva les deux mains en signe d’excuses et recula prudemment.

— D’accord, fit-il dans un souffle. Va chercher le tablier et mets-toi au travail.

Il ne la quitta pas des yeux – comme hypnotisé. Les lèvres agitées d’un tremblement nerveux, il grimaça tant il lui était pénible de soutenir l’expression acérée de Fiona.

La clochette de l’entrée carillonna et un couple entra. Elle cligna des paupières, le temps reprit son cours.

Mike se tourna vers les clients et son sourire machinal se ralluma.

— Une table pour deux ?

Fiona fit demi-tour et se dirigea vers la cuisine, accompagnée d’Eliot.

Si quelqu’un avisa sa robe, fit une remarque ou la montra du doigt, elle n’en vit rien. Son visage était de nouveau fermement tourné vers le sol.

Une fois les portes battantes franchies, elle examina son coude, qui l’élançait. Cinq bleus marquaient sa peau à la saignée du bras.

— Ça va ? demanda Eliot, prévenant.

— Oui, ce n’est rien.

Pour la première fois de sa vie, elle avait eu envie de frapper quelqu’un d’autre que son frère. Non… pas seulement « envie ». Elle aurait été capable de passer à l’acte.

L’espace d’un instant, Fiona avait été prise d’un accès de rage bouillonnante. À ce moment-là, elle avait souhaité que Mike Poole ne puisse plus jamais poser la main sur elle. Ni sur elle, ni sur personne d’autre. Elle avait désiré qu’il meure.

1. Une des légendes autour de la croisade des enfants de 1212 met en scène un jeune berger allemand qui eut une vision de Jésus dansant autour d’un mât enrubanné. Par la suite, ce garçon incita des milliers d’autres enfants à marcher vers la mer Méditerranée où, croyaient-ils, les flots s’ouvriraient pour les laisser entrer en Terre sainte. En l’absence de miracle, beaucoup d’enfants s’égarèrent, sans provisions, et furent vendus comme esclaves par les Romains. Dieux du Ier et du XXIe siècle, volume II : Inspirations divines, 8e éd. (Éditions Zyphéron).

2. « Tournons, tournons, autour du mât / Sur la chanson des séraphins / Harpe céleste et arc bandé / Un air joyeux pour sauter et semer. » Comptine rapportée par le père Sildas le Pieux, Mythica improbiba (traduction), XIIIe siècle environ.

Le Pacte des Immortels: Le Pacte des Immortels, T1
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