26

JEU DE CORDES ET JEU DE DUPES

 

Eliot n’arrivait pas à croire que cet homme en face de lui et le vagabond qui occupait la ruelle depuis six mois étaient une seule et même personne. Il semblait avoir pris quinze centimètres, ses cheveux étaient en partie devenus d’un noir de jais, son manteau était neuf, il portait un pantalon à pinces, une chemise en lin et des chaussures en cuir bien cirées.

Cessi avait confié à Eliot que les gens ne changeaient pas, qu’ils restaient tels qu’ils étaient (et, par conséquent, qu’il serait toujours son « petit » Eliot, ce qui le contrariait beaucoup).

Les yeux bleus étincelants du clochard n’avaient pas changé, cependant, et Eliot reconnut parfaitement son sourire. Peut-être cette allure impeccable révélait-elle sa véritable nature, alors que le dénuement dans lequel il l’avait vu auparavant n’était que passager.

L’homme hocha la tête en regardant Fiona.

— Je vois que ta sœur pense toujours que je me suis échappé d’un asile de fous.

Eliot ne se rappelait pas lui avoir confié que Fiona était sa sœur. Il remarqua qu’elle les surveillait… tout en mastiquant.

— Elle est timide.

— Comme tout le monde, non ? répliqua l’homme en levant un sourcil.

— Vous avez vraiment l’air… mieux.

Pour une fois, les mots et la grammaire lui manquaient pour exprimer cette évidence. Il connaissait pourtant tant de mots. Pourquoi avait-il parfois tant de mal à s’exprimer ?

— « Mieux », c’est vrai. Le miracle d’une douche au foyer d’accueil, avec savon et brosse dure. (Il fit une pause.) Non, en réalité, c’est toi que je dois remercier, jeune prodige.

— Moi ?

— Tu m’as ressuscité. Je me relève tel Lazare. (Il leva ses poings au-dessus de sa tête.) Le Christ revenu d’entre les défunts ! Donald Trump sauvé de la ruine !

Peut-être les intuitions de Fiona au sujet de sa santé mentale étaient-elles justes ? Eliot fit un pas en arrière, regarda par-dessus son épaule et fut rassuré de voir sa sœur.

— Vous voulez parler de la musique ?

— Exactement. (L’homme se tourna vers un Caddie rangé près du mur.) Et un tel rétablissement mérite une récompense.

Eliot se rapprocha.

— Une autre leçon ?

Il sentait déjà le violon sous ses doigts : pressions, vibrations, rythme, crescendo…

L’homme eut un rire bref.

— Autant proposer un lifting à La Joconde.

Il fouilla dans le chariot, y pêcha une boîte abîmée dépourvue de couvercle qu’il mit sous le nez d’Eliot.

Dès qu’il l’eut entre les mains, qu’il en sentit le poids, Eliot comprit… sans oser y croire. La boîte était remplie de sacs en plastique. Il fouilla, ses doigts effleurèrent du bois, et il sortit le violon.

— Il ne te manque qu’une chose… de l’entraînement.

Médusé, Eliot tournait l’instrument dans tous les sens. Personne ne lui avait jamais fait un tel cadeau.

— Et n’oublie pas ceci, dit l’homme en lui tendant l’archet.

Eliot posa ses doigts sur les cordes. Il lui sembla qu’elles répondirent en vibrant d’une vie qui leur était propre.

Plus que tout, il voulait jouer. Mais il se ravisa. La veille, il avait failli se perdre dans une mélodie. Il ne pouvait pas se permettre de recommencer. Il y avait des choses plus importantes sur lesquelles il devait rester concentré : son travail, des épreuves engageant sa vie, une nouvelle famille.

— Je ne sais pas quoi dire.

— Eh bien, ne dis rien. (L’homme posa l’index sur ses lèvres.) Ton visage est suffisamment expressif. Et puis, les mots ne sont que les armes des imposteurs et des dupes.

— Je ne peux pas accepter.

C’était la seule réponse possible, et pourtant il lui en coûtait de refuser. Une des valeurs transmises par Grand-Mère était de ne jamais accepter de cadeaux extravagants. « Les présents trop généreux ne sont pas désintéressés », leur avait-elle expliqué. « Il ne faut pas être trop gâté. » Et l’inoxydable : « Le travail assidu forge le caractère. »

Et s’il se laissait gâter, rien qu’une fois ? Il avait déjà l’impression que ce violon était le sien. Et rien qu’à l’idée d’enfreindre une règle… son cœur s’emballa.

Malgré tout, les idéaux de Grand-Mère – qu’ils lui plaisent ou non – étaient ancrés en lui.

— Je ne peux pas, répéta-t-il d’une voix à peine audible. (Et il tendit alors le violon à l’homme – le geste le plus douloureux qu’il avait jamais eu à faire.) Vous en aurez plus besoin que moi.

Toute bonhomie quitta le visage de son interlocuteur, et, sans qu’aucun d’eux ait bougé, il donnait désormais l’impression de regarder Eliot de haut.

— Ah oui ? (Il s’empara de l’instrument et le remit dans le Caddie.) Au contraire, j’ai décidé de déserter ce palace et de laisser la misère derrière moi. (Il caressa le violon.) Hélas, cette chose représente trop de tristes souvenirs pour que je la garde.

— Vous allez l’abandonner là ?

Le regard de l’homme pétilla de malice.

— Peut-être qu’une petite fille aux allumettes le trouvera et pourra se réchauffer en le brûlant. Ou une vieille folle s’en servira comme d’un ukulélé. Ou bien… (Il le posa dans le caniveau au milieu de la ruelle.) Un camion de livraison roulera dessus.

Il leva le pied au-dessus du violon.

Eliot ramassa l’instrument en un clin d’œil et le serra contre lui. Jamais il n’avait réagi si vite.

— Dois-je en conclure que tu as changé d’avis ?

— Oui.

Eliot entendait les battements de son cœur résonner contre le bois et les cordes. Il n’avait aucune idée de la façon dont il cacherait l’existence du violon à sa grand-mère, mais il ne pouvait pas accepter qu’il soit réduit en miettes.

— Je dormirai plus sereinement en sachant qu’il est entre les mains d’un maître. (Il se pencha pour toucher l’instrument.) Je vais te montrer un secret. (Il gratta le bois et retira du papier adhésif.) J’ai dû le déguiser. Si un de mes voisins avait remarqué sa véritable condition… enfin, « la propriété, c’est le vol », comme on dit.

Le violon se défaisait peu à peu de ses croûtes d’adhésif couvertes de noir, éraflées, salies de crasse. Dessous, un bois verni immaculé apparut. On aurait dit qu’il était couvert d’or liquide et de topazes ambrées. Le grain du bois reflétait le visage d’Eliot. Il avait l’impression de se fondre à la surface douce et polie, comme dans un miroir.

— Il est magnifique.

— Elle. Elle s’appelle Dame Aurore. (Il disposa ses mains au-dessus du violon dans un geste théâtral.) Fabriquée par Antonelli Moroni au xvie siècle1. Comparés à elle, les autres violons ne produisent que des miaulements de harpie. Traite-la avec le respect qui lui est dû.

La traiter avec respect ? Eliot faillit rétorquer qu’il avait été à deux doigts d’écraser l’instrument sous son talon. Mais l’homme leva un doigt pour lui intimer le silence.

— Tu apprendras qu’il n’y a pas que les instruments dont on peut jouer.

Il savait depuis le début qu’Eliot accepterait son cadeau. Il l’avait manipulé en ce sens. Le jeune garçon sentit son visage s’échauffer.

L’homme se redressa de toute sa hauteur et épousseta son manteau.

— Je dois maintenant quitter ce palais doré, ses pissotières à la belle étoile et ses charmants rongeurs. Pour toujours.

Il tendit la main vers Eliot.

Ce dernier vérifia que sa sœur l’attendait toujours dans la rue. Elle lui fit signe de se dépêcher. Sa mise en garde contre le clochard fou lui revint en mémoire, mais Eliot s’avança quand même pour lui serrer la main. C’était ce que dictait la politesse.

Comme celle d’Oncle Henry, la peau de l’homme était ferme et chaude. Mais lorsque Eliot serra sa main, il sentit qu’elle était aussi inébranlable que la pierre. Cet étranger aurait pu l’attraper et l’écraser comme une canette de soda.

La luminosité faiblit… Eliot ne pouvait détacher son regard de l’homme, mais il aperçut autour d’eux des ombres sur les murs, comme des gens qui s’approchaient pour mieux voir, et la silhouette d’un énorme chien qui reniflait.

Il lâcha sa main et les ombres s’effacèrent.

— Tu as une bonne poigne. Quand tu seras grand, tu seras plus fort que moi.

— Merci.

Dubitatif, le garçon examina ses petites mains.

— Je m’appelle Eliot.

— Louis. Louis Pipeur. Ravi d’avoir fait ta connaissance. J’espère que nous nous reverrons dans d’autres circonstances.

— Moi aussi. (Eliot vit sa sœur, bras croisés, qui le regardait d’un air furieux.) Il faut que j’y aille.

Mais Louis s’était déjà éloigné dans la ruelle, et sifflotait.

Eliot rejoignit sa sœur.

Elle remarqua le violon.

— Qu’est-ce que tu vas faire de ça ?

Eliot ouvrit son sac à dos, fit de la place pour l’instrument, et rangea Dame Aurore dans une botte en caoutchouc.

— Voilà.

— Et Grand-Mère ?

— Je trouverai une solution plus tard. Il fallait que j’accepte.

Avec un soupir, Fiona secoua la tête. Elle tourna les talons et s’en alla, rouge d’agacement.

Il jeta le sac sur son épaule et la rattrapa.

— Tu ne vas pas me balancer, hein ?

Elle s’arrêta. Bouche ouverte, elle avait le souffle coupé comme s’il lui avait donné un coup de couteau.

Elle avait beau le rendre dingue et le traiter de tous les noms du dictionnaire, pour rien au monde elle ne le trahirait. Mais ce ne serait même pas nécessaire. Grand-Mère découvrait toujours tout ce qu’ils faisaient.

— Désolé, murmura Eliot.

Fiona se mordilla les lèvres.

— T’inquiète, je ne dirai rien.

Ils restèrent un moment face à face, le regard rivé au trottoir, sans rien dire.

Fiona se remit en route, traversa lentement la rue Vine et l’attendit sur les marches menant au restaurant.

Eliot la rejoignit. Il y avait deux fois moins de voitures que la veille. Ils entrèrent ensemble.

La pendule indiquait qu’ils avaient vingt-cinq minutes de retard. Ils avaient battu un nouveau record.

Mike leur aurait retiré une demi-journée de paie – sans oublier de les menacer de licenciement. Eliot se demanda comment il allait. Et s’il reviendrait. S’il avait perdu sa main.

Julie était accoudée à la caisse enregistreuse. Elle ne fit aucun commentaire et les accueillit d’un petit signe. Elle avait l’air de s’ennuyer. Elle portait un pull bleu ciel vaporeux au décolleté plongeant et une jupe blanche ourlée de dentelle qui lui arrivait aux genoux.

— Le salon de réception était réservé, hier soir, annonça-t-elle.

Résignée, Fiona baissa la tête.

— Mais je suis arrivée en avance et je l’ai nettoyé à ta place, continua Julie. Tu veux bien servir en salle un peu plus tard, ma belle ? Linda va chez le dentiste.

— Merci, dit Fiona qui n’en croyait pas ses oreilles. Oh ! bien sûr.

Julie fit le tour du comptoir et gratifia Eliot d’un sourire étincelant.

— J’ai quelque chose à te montrer en cuisine.

Eliot la suivit à travers la salle, incapable de détacher son regard de son corps ondulant gracieusement… et très gêné de cette audace toute neuve.

Julie salua Johnny, qui lui répondit tout en travaillant de la pâte à pizza.

Eliot remarqua qu’un placard en acier était apparu juste à côté de son évier. Julie l’ouvrit, révélant des arrivées d’eau et des paniers déjà à moitié remplis de couverts sales. Un lave-vaisselle.

— Voici ton nouvel ami ! Il lave cinq cents assiettes en une heure – plus de temps à charger qu’à laver.

— Est-ce que ça veut dire… (Eliot déglutit)… que je perds mon job ?

Julie éclata d’un rire aussi joyeux que les clochettes d’un traîneau.

— Tu rêves ! Il faut quand même gratter chaque assiette, la mettre dedans, puis la sortir, la ranger… mais maintenant tu te fatigueras beaucoup moins.

— Oh ! ben, merci…

— Tu vas gagner du temps, aussi j’aimerais que tu aides Johnny, il a besoin d’un nouvel assistant.

— Aide-cuisinier, moi ?

Depuis le temps qu’il rêvait de faire la cuisine ! Cessi le chassait toujours dès qu’il tentait de faire plus que rassembler les ingrédients dont elle avait besoin.

— Le nouveau n’a pas fait l’affaire. (Julie regarda autour d’elle comme si elle craignait d’être entendue.) J’ai renvoyé cet incapable.

Qu’avait-il bien pu faire pour mériter ce traitement ? Eliot venait d’arriver avec une demi-heure de retard… et récoltait une promotion.

— D’ailleurs, tu risques d’avoir tellement de temps à toi que tu pourrais m’inviter à sortir prendre un café avec toi à la pause.

Son sourire creusa ses joues de fossettes. Un pur enchantement.

Elle s’éclipsa en virevoltant sous le regard fasciné d’Eliot.

Johnny siffla tout bas.

— Ey ! amigo. (Il s’approcha en essuyant ses mains blanches de farine sur son tablier.) Tu ferais bien d’écouter la patronne. Une chance pareille, ça n’arrive pas tous les jours.

— Je sais bien.

En fait, Eliot ne savait rien du tout. Ce genre de choses ne lui arrivait jamais, il était le roi des crétins savants. D’habitude, la belle musique et les filles qui voulaient sortir avec lui, ça n’existait que dans ses rêveries.

Depuis son anniversaire, sa vie était sens dessus dessous. Et pas que pour le pire. Il pourrait bien s’y habituer.

Le problème, c’était qu’il désobéissait aux règles 34 et 106 (qui traitaient respectivement de la musique et des rendez-vous). Et que Grand-Mère finissait toujours par être au courant.

— Qu’est-ce qui est arrivé à ton assistant ? demanda-t-il à Johnny.

Il haussa ses larges épaules, occupé à remuer une casserole de boulettes de viande à la sauce marinara.

— Il ne s’est pas présenté ce matin.

Tiens, Julie avait pourtant affirmé l’avoir renvoyé. Ce qui supposait qu’elle lui avait parlé, non ? Quelque chose clochait, mais Eliot était sûr qu’il y avait une explication.

Johnny vérifia la cuisson des pizzas dans le four. Les flammes éclairèrent son visage.

— Alors, qu’est-ce que tu attends ? La demoiselle vient de te donner un ticket en or !

Eliot alla jusqu’à la nouvelle machine et appuya sur un bouton. L’appareil fit vrombir ses pales et se mit en route.

C’était trop facile. Il entendit la voix de Grand-Mère : « Le travail assidu forge le caractère. » Que dirait-elle de tout cela ?

Quand il en eut fini avec la vaisselle, il sortit de la cuisine pour prendre sa pause.

Il repéra Fiona dans la salle, occupée à prendre les commandes d’un couple de touristes. Souriante, elle semblait presque heureuse de parler à ces inconnus.

Cette journée était de plus en plus bizarre.

Sautillant d’un pied sur l’autre, Julie l’attendait près de la caisse.

— Alors mon chou, tu m’invites à boire un café ?

— Et qui va s’occuper du restaurant ?

— Fiona prend les commandes, et Linda va me remplacer. (Elle enroula une boucle de cheveux couleur miel autour de son doigt.) C’est juste une petite pause, pas une escapade à Hollywood.

La tête d’Eliot s’était changée en ballon gonflé à l’hélium. Une vraie fille s’intéressait à lui. Incroyable.

— Il y a ce bar, Le Lapin Rose, en face d’ici. (Il essayait de paraître aussi naturel que s’il y emmenait des filles tous les jours.) Ils servent des jus de fruit, du café…

— Parfait ! J’attrape mon sac.

Le téléphone sonna. Julie décrocha aussitôt, un doigt levé pour lui signifier qu’elle n’en avait pas pour longtemps.

Eliot remarqua qu’elle avait rongé ses ongles au point d’avoir la chair à vif.

— Ringo Pizza America, que puis-je pour vous ? (Le visage défait, elle se concentra sur un point au loin.) Oui, ils sont ici tous les deux. C’est de la part de… ? (Ses sourcils s’arquèrent et elle éloigna brusquement le combiné.) De même !

Elle passa l’appareil à Eliot. Personne ne l’avait jamais appelé chez Ringo.

— Allô ?

— Eliot ? C’est Jack Farmington. Ils ont fait leur choix. La première épreuve commence.

1. Antonelli Moroni pourrait être apparenté à Anna Moroni, épouse d’Alessandro Stradivari. En 1644, ils eurent un fils, Antonio Stradivari, qui devint le fabricant de violons le plus célèbre du monde. (NdÉ)

Le Pacte des Immortels: Le Pacte des Immortels, T1
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