9.
Plusieurs boîtes s’entassaient côte à côte.
Elles avaient été vidées précipitamment.
Il restait même quelques balles parmi les vêtements.
Lamar ramassa une cartouche. Du 9 mm.
Christ DeRoy avait pris de quoi tirer sur la moitié de tout Harlem. Comment s’était-il procuré autant de munitions ?
— Madame DeRoy ! appela l’inspecteur.
Elle arriva en traînant les pieds.
— Quoi ?
— Vous saviez que votre fils dispose de boîtes de balles dans sa chambre ?
Elle l’observa comme si elle cherchait ce qu’elle devait répondre.
— Bah… ça m’étonne pas, finit-elle par admettre. Il adore les armes. Il lit des tas de bouquins là-dessus.
Lamar regarda autour de lui, il fouilla du bout du pied parmi les magazines jonchant le sol.
— Je n’en vois aucun ici. Il les empruntait à la bibliothèque ?
— Ça, je sais pas. Faudra lui demander. Pourquoi ? Il a fait quoi encore ? Vous allez me dire…
— Votre fils dispose-t-il d’armes à feu ?
— J’en sais rien.
— Vous ne savez pas si Christian a des armes ?
Elle sembla désemparée.
— Non… Je sais qu’il aime bien ça. C’est tout. Je crois pas qu’il en ait, mais je pourrais pas jurer. Avec les fréquentations qu’il a.
— Qui voit-il ?
Elle tapa dans ses mains.
— Je connais pas leur nom, ça non, je pourrais juste vous dire que c’est pas des bons garçons avec les têtes qu’ils ont.
Lamar hésita.
— Vous voulez dire… commença-t-il, qu’ils sont… noirs ? C’est ça ?
— Ah non ! C’est pas du tout ça ! Au contraire, même. Ils sont plutôt du genre blanc et fiers de l’être. Limite militaires. Ils montent pas jusqu’ici mais ils se voient de temps en temps en bas, dans la cave.
— Vous avez une cave ?
— Oh, un petit bout. Chris aime bien s’y installer le soir quand il voit ses copains.
— Vous auriez la clé ?
Elle se renfrogna avant de hocher la tête.
— Venez.
Elle lui confia deux clés marron en lui indiquant comment descendre. Lamar sortit et trouva dehors, sous l’escalier du perron, une porte qu’il ouvrit avec la première clé.
Des marches s’enfonçaient en profondeur. Lamar tâtonna à la recherche d’un interrupteur qu’il finit par découvrir et actionner. Une ampoule nue éclaira un long couloir humide où quatre portes fermées de cadenas se succédaient. Lamar trouva celle qui lui avait été indiquée et s’en approcha, la main sur la crosse de son Walter P99. Malgré la fraîcheur du lieu, Lamar ne tarda pas à percevoir la sueur coulant dans son dos.
Le cadenas était fermé. Christian DeRoy ne pouvait être là.
L’inspecteur défit la sécurité et entra dans la cave qui sentait le renfermé. Il sortit la petite lampe torche de sa poche d’anorak et l’alluma pour balayer l’obscurité qui l’attendait.
Il vit tout d’abord des caisses en bois entassées pour faire des tabourets et une table. Des bougies fondues avaient coulé dessus. De vieux numéros de revues sur les armes s’empilaient par terre.
Le faisceau capta dans ses rayons des bouteilles de bière vides et des mégots écrasés.
Lamar remonta le cône de lumière d’un geste du poignet.
Il remarqua tout d’abord une affiche de propagande.
« La vermine noire et hispanique dehors ! »
Puis il dut reculer pour voir dans son ensemble l’immense drapeau qui était accroché contre le mur opposé.
Un étendard rouge sang énorme.
Avec un cercle blanc au milieu.
Et la croix gammée tournant en son centre.