12.
Lamar mit immédiatement l’adolescent en joue.
— Ne bouge pas ! s’écria-t-il. C’est fini, Chris. C’est fini.
Christian DeRoy fit rouler ses maxillaires, contractant ses joues de colère.
— C’est pas un fils de pute de nègre qui va me dire quand c’est fini ! éructa-t-il.
La couverture bougea au niveau du torse, un mouvement rapide.
Lamar hurla :
— NON !
La peur balaya l’hésitation, le doute.
L’index du géant noir s’écrasa contre la détente.
Le canon beugla, vomissant sa gerbe d’acier en fusion.
La couverture se souleva en même temps qu’un éclair de liquide sombre jaillissait de la poitrine de Christian DeRoy.
L’adolescent se mit à trembler, il s’effondra sur le côté, dans les gravillons.
Lamar se précipita sur lui.
Un revolver apparut de sous la couverture.
Christ DeRoy le tenait difficilement, il ne parvenait pas à garder les yeux ouverts.
L’arme éructa à deux reprises. Le garçon visa tant bien que mal l’inspecteur qui s’approchait.
Les balles se perdirent dans la nuit éternelle des souterrains.
Lamar écrasa la main de Chris sans ménagement, lui cassant plusieurs doigts dans un craquement sec. Il repoussa le revolver du bout du pied avant de s’agenouiller au-dessus du blessé.
Les tremblements devinrent des convulsions.
Chris redressa la tête vers Lamar.
Il ouvrit la bouche, grimaçant de douleur et de haine.
Il voulut parler.
— Ne… me… touch…
Du sang se mit à couler sur son menton. Le reste de ses mots fut inintelligible.
Lamar souleva le pull du garçon, déchira sa chemise pour inspecter la plaie.
En pleine poitrine. Lamar n’aurait su dire si c’était dans le poumon ou le cœur.
Les jambes de Chris DeRoy se soulevèrent.
Lorsqu’elles touchèrent le sol à nouveau, elles renversèrent une bougie et en soufflèrent une autre.
La lumière décrut soudainement.
Puis la flamme renversée mourut d’un coup.
Lamar sentit le sang chaud couler sur ses mains dans les ténèbres.
La respiration de l’adolescent était frénétique, sifflante.
Puis elle s’arrêta d’un coup.
Un silence.
Et Christian DeRoy émit un long râle avant de s’éteindre.
Lamar se releva après une minute, il alluma sa lampe.
Il devait remonter à la surface. Prévenir tout le monde.
Il recula en s’efforçant de ne surtout pas penser à ce qu’il venait de faire. Tuer un adolescent.
En état de légitime défense.
Il avait néanmoins tué ce gamin.
Des bruits de pas courrant dans les graviers montèrent dans sa direction.
Lamar leva son pinceau lumineux devant lui.
Un homme s’abrita vite derrière ses bras pour ne pas être ébloui.
Lamar connaissait cette forme, ce costume froissé.
L’individu rabaissa peu à peu sa protection.
Allistair McLogan, le directeur du lycée de Harlem.
— McLogan ? s’étonna-t-il à voix haute.
Sa voix était étouffée par l’émotion.
— C’est vous, inspecteur ?
— Qu’est-ce que vous faites là ?
McLogan s’approchait.
— Ce que je fais là ? répéta-t-il. Je viens au secours de mes élèves ! Que ça vous plaise ou non !
Lamar ne comprenait pas. Il rangea son arme et vint à la rencontre du proviseur.
— Qu’est-ce que vous racontez ?
McLogan arriva à son niveau.
— Chris m’a tout raconté, il m’a appelé il y a une heure. Vous êtes une ordure, inspecteur ! Et raciste, j’en suis sûr ! C’est parce que c’est un garçon blanc que vous l’acculez comme ça, hein ?
Lamar secoua la tête.
— Je ne comprends rien à ce que vous dites. Tout raconter quoi ?
— Ne faites pas l’imbécile ! clama McLogan en pointant son index dans sa direction. Il m’a dit comme vous le harceliez, comment vous aviez décidé de le malmener. Il s’est enfui, il avait peur de vous et de vos réactions. Il est venu ici, terrorisé. Et c’est vers moi qu’il s’est retourné ! Pour que je vienne lui parler, le rassurer. Pour qu’il rentre avec moi !
Lamar leva la main devant lui pour empêcher McLogan d’approcher davantage.
— Attendez, vous n’y êtes pas du tout…
— Vos méthodes, inspecteur, sont intolérables ! Vous…
McLogan remarqua alors le sang sur les mains du colosse.
— Qu’avez-vous fait ?
Ses yeux se mirent à fouiller tout autour, dans le noir. Soudain il s’immobilisa.
— C’était ça, les pétards ? Des coups de feu ? Vous… Vous l’avez tué ? s’indigna McLogan avec une colère grandissante.
Lamar allait protester lorsque son cerveau se mit à lui envoyer des signaux d’alerte.
McLogan ici. McLogan prétextant un coup de fil de Chris pour être là. McLogan cherchant à tout prix à protéger l’adolescent. Se pouvait-il que…
Un adulte influent. Capable de manipuler un garçon.
Mais à cet exact moment de doute, la cervelle de McLogan jaillit de la pénombre pour recouvrir le torse et le visage de Lamar tandis qu’un tir assourdissant résonnait dans le tunnel.
Une quatrième personne s’approchait.