CHAPITRE XXI

Après l’attaque de Dengar, Zekk passa beaucoup de temps à se demander comment le chasseur de primes l’avait retrouvé. Malgré son inquiétude et sa perplexité, il fut ravi que Jaina offre de passer deux jours avec lui pour l’aider à recalibrer les systèmes du Bâton de Foudre.

Pendant qu’ils travaillaient côte à côte, Zekk raconta à Jaina sa rencontre avec Dengar sur Ziost, puis ses arrêts à la cantine de Mos Eisley, sur Kuar et Borgo Prime avant sa visite à Mechis III. Il ne donna pas beaucoup de détails à la jeune fille ; pourtant, il espérait qu’elle l’aiderait à résoudre le problème qui le tourmentait.

— C’est bizarre, déclara Jaina lorsqu’il eut achevé son récit. Comment Dengar a-t-il deviné que tu viendrais ici ?

— Il a peut-être découvert les débris de droïdes sur Kuar, et fait la même déduction que moi à propos des puces de contrôle. Dans ce cas, pas étonnant que la piste l’ait conduit sur Mechis III… (Il secoua la tête.) Mais ça me paraît difficile à avaler. D’après moi, Dengar savait que j’étais ici.

— Et s’il avait placé un mouchard sur le Bâton de Foudre, pensant que tu finirais par le conduire à Bornan Thul ? suggéra finement Jaina. Il a peut-être cru que tu travaillais pour le père de Raynar. Après tout, tu venais d’expédier un message à sa flotte marchande !

Zekk sourit.

— Si Dengar me suivait, il n’a pas choisi la bonne planète, ni le bon Thul. Il aurait dû m’accompagner sur Borgo Prime pour capturer Bornan.

Jaina fronça les sourcils.

— Il a sans doute pensé que tu t’arrêtais pour relever tes messages ou te ravitailler, et il n’a pas voulu prendre le risque de se faire repérer, avança-t-elle.

— S’il y a réellement un mouchard sur mon vaisseau, je ferais mieux de m’en occuper tout de suite, déclara Zekk, les dents serrées.

Penser qu’un autre chasseur de primes était informé de ses mouvements lui faisait froid dans le dos.

Jaina grimaça.

— Qu’est-ce qu’on attend ?

Ensemble, ils inspectèrent soigneusement l’extérieur de la vieille navette.

Zekk n’osait pas imaginer combien de fois son ami Peckhum avait échappé à la mort aux commandes du Bâton de Foudre. Après que le Second Empire eut attaqué l’Académie Jedi, et que Norys le pilote de chasseur TIE eut failli le détruire, Peckhum l’avait fait réviser de fond en comble.

En examinant des traces de brûlure, Zekk se souvint des escarmouches auxquelles il avait lui-même participé. Dengar l’avait attaqué sur le monde glacial de Ziost. Avant ça, il s’était battu contre Boba Fett dans le champ d’astéroïdes d’Alderaan.

Heureusement que Jaina lui avait proposé son aide ! À eux deux, ils découvrirent quantité d’éraflures, de plaques de coque endommagées et de pièces en si mauvais état que c’était un miracle qu’elles ne se soient pas disloquées en vol.

À l’arrière du vaisseau, Zekk repéra une petite excroissance entourée de débris métalliques, et sut instinctivement qu’il avait trouvé ce qu’il cherchait. Il la montra à Jaina.

— Une mine passive, déclara la jeune fille. Parfaite pour cacher un mouchard.

— Je vois. Ainsi, la grenade n’en était pas une, murmura Zekk.

Il détacha le mouchard et le contempla dans la paume de sa main en se demandant ce qu’il allait en faire. Un sourire narquois éclaira son visage.

Sur l’une des plates-formes de chargement de Mechis III, Zekk et Jaina découvrirent une minuscule capsule messagère : un droïde à grande vitesse destiné au transport de pièces de rechange ou d’holomessages trop secrets pour qu’on les transmette par les ondes.

Avant de l’enfermer dans la capsule, Jaina vérifia que le mouchard émettait toujours. Puis Zekk programma une trajectoire qui emmènerait le drone aux confins de la galaxie, loin de tout système habité. Avec un peu de chance, Dengar disparaîtrait avec lui…

Les deux jeunes gens assistèrent au lancement de la capsule et la regardèrent s’éloigner jusqu’à ce qu’elle ne leur semble pas plus grosse qu’une tête d’épingle. Zekk éclata de rire.

— Bonne chasse, Dengar le Redoutable ! s’exclama-t-il, une lueur joyeuse dansant dans ses yeux émeraude.

Tyko Thul s’affairait à programmer des armées de droïdes maçons, ainsi que des équipes de nettoyage pour travailler sur les bâtiments détruits. À contrecœur, il avait accepté l’offre d’assistance temporaire de Raynar, et tous deux s’étaient mis à évaluer les dégâts.

— De toute façon, soupira Tyko, ces structures avaient besoin d’être rénovées depuis un moment. Mais je n’avais jamais eu le temps de m’en occuper.

Un peu découragé, il afficha les diagrammes complexes des chaînes de montage détruites. Raynar les étudia attentivement.

— J’aurai peut-être des modifications à suggérer, dit-il en plissant les yeux.

Avec une calme assurance, il rectifia les schémas, ne finissant qu’une heure plus tard. Perplexe, Tyko observa l’écran de son moniteur.

— Je ne comprends pas, avoua-t-il. Pourquoi as-tu fait ces changements ?

Raynar haussa les épaules.

— En combinant ces deux opérations, tu peux faire fonctionner les chaînes de montage en parallèle. Si l’une tombe en panne, tu n’as qu’à accélérer la cadence de l’autre pendant que tu la répares ; comme ça, tu peux quand même respecter tes délais de fabrication.

Le regard de Tyko s’éclaira.

— Bravo, mon garçon ! C’est une idée brillante que tu as eue là ! dit-il en flanquant une claque dans le dos de son neveu.

Raynar rougit.

— Je me demande s’il existe des marchands Jedi, murmura-t-il.

Histoire de faire une pause pendant les réparations du Bâton de Foudre, Jaina recommença à travailler sur la programmation d’IG-88 pendant que DTM lévitait au-dessus de sa tête, des fils le reliant au processeur central du droïde assassin.

— C’est très intéressant, affirma-t-il avec enthousiasme.

Après le recalibrage de ses circuits endommagés, ses nouvelles extensions fonctionnaient admirablement bien.

Très intéressés par le travail de la jeune fille, Tenel Ka, Jacen et Raynar l’entouraient et observaient chacun de ses gestes.

— Tu es sûr que ton oncle va nous laisser faire ? demanda Jaina en levant la tête vers Raynar.

— Bien sûr, affirma le jeune garçon. En échange de sa coopération, je lui ai promis de tenir ma langue sur sa petite machination. Je raconterai seulement à ma mère que nous l’avons retrouvé et qu’il est en bonne santé.

Reportant son attention sur les entrailles du droïde assassin, Jaina hocha la tête.

— Très bien. Dès que j’en aurai fini avec lui, nous pourrons lancer IG-88 sur les traces de ton père.

— C’est une excellente idée, approuva Tenel Ka. Ce droïde a été conçu pour retrouver des gens qui ne souhaitaient pas l’être. Nous n’aurions pu rêver meilleur allié.

— Ni meilleure mission pour lui, ajouta Jacen.

— Je viens de me connecter à la zone-mémoire d’IG-88 consacrée au stockage d’informations sur les missions en cours, intervint DTM.

— Et tu y as copié toutes les données concernant mon père ? s’enquit Raynar.

— Comme vous me l’aviez demandé, acquiesça le droïde. À présent, IG-88 sait tout de ses contacts professionnels, de ses vieux amis, de sa famille, des endroits qu’il fréquente…

— Merci beaucoup, DTM, coupa Raynar. Il n’y a donc pas un chasseur de primes dans toute la galaxie qui en sache autant sur mon père qu’IG-88.

— Il fera un enquêteur parfait : infatigable et sans états d’âme, dit Tenel Ka en tapant dans le dos du jeune garçon.

L’apparence rustique de la guerrière faisait un contraste intéressant avec les usines et les droïdes aux chromes étincelants. Pourtant, Tenel Ka semblait parfaitement à l’aise. Quels que soient le lieu et les circonstances, elle restait elle-même sans que rien ne la fasse douter.

— En avons-nous fini, DTM ?

— Absolument, maîtresse Jaina, répondit le petit droïde. IG-88 n’a plus qu’un but dans l’existence : retrouver Bornan Thul et le protéger de ses ennemis.

« En théorie, ses capacités surhumaines le rendent plus susceptible de réussir que les autres chasseurs de primes qui cherchent déjà le père de Raynar. Avec mon assistance…

Jaina déconnecta les fils qui reliaient DTM à IG-88 ; le petit droïde oscilla en l’air.

— Il ne voudra sans doute pas de ta compagnie, dit-elle gentiment. Tu le distrairais.

— Vous avez sans doute raison, maîtresse Jaina, soupira DTM. Ce n’est pas ma fonction primaire… Mais en ce moment, je ne sais plus très bien à quoi je sers.

— Et puis, ajouta Jaina, nous avons besoin de toi.

— Vraiment ? (Le petit droïde eut l’air rasséréné.) Tout de même, Maître Lowbacca me manque. J’espère qu’il va bien…

Jaina se mordit les lèvres.

— Nous aussi, DTM.

— C’est un fait, approuva Tenel Ka.

Zekk et les jeunes Chevaliers Jedi accompagnèrent IG-88 jusqu’à la plate-forme de décollage supérieure pour assister à son départ.

Raynar ne cessait de jeter des coups d’œil en coin à l’apprenti chasseur de primes. Il se souvenait encore comment le jeune homme, alors le plus obscur de tous les Jedi de l’Académie de l’Ombre, l’avait jeté dans le fleuve de boue.

Il avait fallu longtemps à Raynar pour admettre que Zekk lui avait sauvé la vie : en l’humiliant devant les Impériaux, il les avait dissuadés de s’en prendre au jeune garçon avec leurs sabrolasers.

Raynar commençait à oublier sa fierté et à reconnaître ses torts.

— Je suis bien content qu’IG-88 ne puisse plus tuer, avoua-t-il.

— Ni humains ni extraterrestres, compléta Tenel Ka.

— Tu entends ça ? dit Jacen en saisissant le bras du droïde. Tu ne peux même plus te considérer comme un assassin !

— Mais il est encore capable de faire beaucoup de dégâts, intervint Jaina. Surtout si quelqu’un menace de s’en prendre au père de Raynar !

Tyko Thul arriva en courant.

— Désolé d’être en retard, lâcha-t-il, essoufflé. Il y a tant à faire ! Chaque problème que je résous m’en révèle deux nouveaux… Mais tôt ou tard, je relancerai la production.

La tête cylindrique du droïde pivota vers lui ; ses senseurs rouges clignotants ne trahirent aucun souvenir, aucune reconnaissance.

Sans un mot, IG-88 fit demi-tour et se dirigea vers une navette fuselée dont la conception était identique à celle de l’IG-2000, son premier vaisseau. Comme le droïde n’avait pas besoin de systèmes de soutien biologique, toute l’énergie des turbines était consacrée à la propulsion, ce qui le rendait incroyablement rapide et endurant.

— Retrouve mon père, s’il te plaît, demanda Raynar.

IG-88 s’installa dans le siège du pilote et activa les moteurs. Sous les yeux des compagnons, sa navette fusa dans l’atmosphère. Jacen se tourna vers Raynar et lui posa une main sur l’épaule.

— Les choses s’améliorent finalement. Zekk nous a appris que ton père était toujours vivant, et je te parie qu’IG-88 ne tardera pas à le localiser.

— Sans compter qu’avec la réapparition de ton oncle Tyko, ajouta Jaina, toute ta famille sera bientôt au grand complet !

Raynar déglutit.

— Mon père doit avoir une bonne raison de se cacher, murmura-t-il. J’aimerais bien la connaître…

Zekk hocha la tête.

— Il a l’air de penser qu’un fléau terrible s’abattra sur la race humaine si Nolaa Tarkona lui met la main dessus.

Raynar ajusta ses robes de Jedi et passa une main dans ses courts cheveux blonds. Il semblait embarrassé par les efforts que faisaient ses amis pour le réconforter.

— Ça ne veut pas dire que nous allons cesser de le chercher, n’est-ce pas ?

— Et puis quoi encore ? lança Jacen. (Ses épaules s’affaissèrent.) Mais j’aimerais tellement que Lowie soit avec nous…