CHAPITRE II
Une étoile filante traversa le velours noir du ciel. Depuis son perchoir, Lowie la suivit du regard en se demandant si ce n’était pas un vaisseau qui arrivait sans prévenir. Peut-être un étranger, peut-être d’autres soldats de la Nouvelle République… peut-être son amie Raaba.
Les yeux dorés du Wookie étudièrent la trace lumineuse, mais celle-ci s’éloigna et disparut peu à peu. Ce n’était qu’un petit météore. Les forces gravifiques complexes du système de Yavin projetaient de nombreux fragments de roche autour de sa quatrième Lune.
Donc, ce n’était pas Raaba. Pas encore. Poussant un soupir, Lowie s’adossa au tronc de l’arbre massassi. Encore une fausse alerte. Il recommença à scruter le ciel nocturne en laissant vagabonder ses pensées.
Lowie était venu là au crépuscule, sans se soucier des dangers qui pullulaient dans la jungle : un Wookie aussi jeune et puissant que lui savait se défendre. Et les prédateurs de ce système n’arrivaient pas à la cheville des cauchemars vivants qu’il avait affrontés dans les profondeurs des forêts de Kashyyyk.
Soucieux de dissimuler ses tourments intérieurs à ses amis Jaina, Jacen et Tenel Ka, Lowie s’était glissé hors du Grand Temple pendant la période de sommeil. Il avait escaladé les gros blocs de la pyramide jusqu’à atteindre une hauteur suffisante pour bondir vers les branches de l’arbre massassi le plus proche.
De là, il avait grimpé de plus en plus haut. En atteignant les frondaisons, il avait écarté les feuilles brillantes et découvert une fourche où il pouvait s’asseoir pour contempler les étoiles… ou monter la garde. Son amie Raaba se trouvait quelque part dans l’immensité de l’espace.
Lowie toucha sa ceinture en fibres de syren. Pour une fois, DTM n’y était pas accroché : il avait laissé le petit droïde sur une étagère de ses quartiers, après l’avoir fait basculer en mode de chargement.
DTM n’aurait pas manqué de lui reprocher son escapade nocturne. La dernière chose dont Lowie avait besoin, c’était qu’on lui fasse la leçon. De toute façon, il aspirait à la paix et au silence, deux choses impossibles à obtenir en présence du petit droïde.
Plus bas, Lowie entendit un animal se mouvoir dans les buissons. Une multitude de créatures herbivores sortaient après le coucher du soleil pour chercher les fleurs délicates qui ne s’ouvraient que la nuit. Au loin, des grondements retentirent, suivis par des bruits de lutte : un prédateur venait de fondre sur sa proie.
Lowie eut l’impression que cela faisait une éternité qu’il avait subi son rite d’initiation, risquant sa vie dans les niveaux inférieurs de la forêt de Kashyyyk. Pour preuve de sa réussite, il avait ramené les fibres de syren qui ceignaient à présent sa taille, et il y était arrivé seul.
Lowie avait fait preuve d’un courage qui frisait l’inconscience. À son retour, les autres Wookies l’avaient traité en héros, et son nouveau statut lui avait permis de choisir ce qu’il comptait faire de sa vie. Or, il aspirait à devenir un Chevalier Jedi…
Mais Lowie ne se doutait pas que sa conduite allait plus tard être un exemple dangereux pour Raabakyysh, la Wookie à la fourrure chocolat qui était la meilleure amie de sa sœur Sirrakuk.
Normalement, chaque candidat au rite d’initiation était accompagné par ses camarades. Mais l’exploit de Lowie avait tant impressionné Raaba qu’elle s’était mise en tête de l’imiter. Si le frère de son amie avait pu y arriver, il n’y avait pas de raison qu’elle échoue.
Une nuit, la Wookie avait disparu, n’abandonnant derrière elle qu’un paquetage souillé de sang. Lowie et Sirra avaient pleuré la perte de leur amie, que tout le monde croyait morte.
Sur Kuar, pendant que Lowie et ses amis Jedi cherchaient Bornan Thul dans les ruines d’une ancienne civilisation, Raaba avait soudain réapparu. Pendant des années, elle s’était cachée, cherchant un moyen de prouver sa valeur.
Après son départ de Kashyyyk, elle avait rejoint l’Alliance de la Diversité, un mouvement auquel elle était dévouée corps et âme. Son chef, une Twi’lek nommée Nolaa Tarkona, exigeait réparation pour les dommages infligés par les humains aux races extraterrestres.
Lorsque Tyko Thul avait insulté Tarkona, Raaba s’en était offensée et elle avait quitté Kuar à bord de son vaisseau. À présent, Lowie craignait de ne jamais revoir son amie. Mais il gardait un vague espoir.
Perché dans les arbres, il sursauta en apercevant une traînée blanche lumineuse dans le ciel. Il attendit, le cœur battant, mais ce n’était qu’une autre étoile filante.
Avec un soupir, Lowie se radossa à la fourche de l’arbre. La nuit allait être longue.
Le matin suivant, fourbu par son interminable veille, Lowie se rendit au centre de communications de l’Académie Jedi pour envoyer un message à sa famille. Sa requête lui fut promptement accordée : tous les élèves étaient encouragés à rester en contact avec les leurs pendant les études.
Tandis que Lowie établissait une liaison avec la planète Kashyyyk, il consulta les chronomètres fixés au mur et calcula le décalage horaire, espérant qu’il ne réveillerait pas les siens au milieu de la nuit.
Puis il réalisa que ce devait être le matin dans la jungle, et que ses parents seraient sans doute partis pour le centre de fabrication électronique où ils travaillaient.
Ce fut sa sœur Sirra qui répondit. Étonnée, elle grimaça en reconnaissant Lowie. Grâce à des soins quotidiens et à une coupe très courte, la fourrure de la jeune Wookie se dressait en touffes sur sa peau.
Afin de se distinguer, elle l’avait rasée aux articulations (poignets, coudes, chevilles et genoux) selon des motifs tribaux. Cette pratique était très à la mode parmi les Wookies de leur génération. Chacun exprimait fièrement son individualité après des années d’oppression impériale.
Aucune des personnes qui s’affairaient dans le centre de communications ne comprenant le wookie, Lowie ne prit pas la peine de mettre un casque pour se protéger des oreilles indiscrètes.
Au début, il avait voulu garder pour lui le secret de Raaba, et laisser à son amie le temps de recontacter elle-même sa famille sur Kashyyyk… À présent, il n’y tenait plus. Il avait besoin de parler à quelqu’un qui comprendrait.
Lowie expliqua à sa sœur que ce qui allait suivre était confidentiel, puis il lui dit qu’il avait une bonne et une mauvaise nouvelle. Il hésita, ne sachant trop par où commencer. Finalement, il lâcha que Raaba était vivante, puis entreprit de raconter leurs retrouvailles sur Kuar.
Sirra poussa un cri de ravissement et de surprise. Elle bombarda son frère de questions auxquelles il répondit de son mieux. Quand Lowie lui révéla que Raaba avait de nouveau disparu, elle lâcha un grognement d’inquiétude. Mais cela ne suffit pas à gâcher sa joie : leur amie était vivante !
Quant à Lowie, cette conversation ne l’apaisa guère. Il avait beau tourner la question en tous sens, il ignorait quels étaient ses véritables sentiments pour Raaba, ou quel genre de relation il voulait entretenir avec elle.
Après avoir chargé Sirra de saluer leurs parents pour lui, Lowie se déconnecta et revint vers ses quartiers en traînant les pieds. Poussant un long soupir, il récupéra son droïde traducteur, l’accrocha à sa ceinture et l’alluma.
DTM poussa une exclamation joyeuse.
— Bonjour, maître Lowbacca ! Mes batteries sont chargées ; je me sens plein d’énergie ! J’avais oublié combien il est bon de se reposer entre deux aventures… J’espère que vous avez bien dormi ?
Le jeune Wookie poussa un grognement indistinct que DTM prit pour un oui.