CHAPITRE VII

Debout sur la passerelle bourdonnante d’activité du vaisseau amiral Comerwyn, Aryn Dro Thul observait l’espace. Elle pivota sur elle-même pour avoir une vue à trois cent soixante degrés de sa flotte.

Une simple toge bleu nuit striée d’argent était drapée autour d’elle tel un pan de ciel nocturne.

Même entourée par des dizaines de vaisseaux et leur équipage, Aryn se sentait seule : son mari avait disparu, son beau-frère venait de se faire enlever, et son fils Raynar était retourné à l’Académie Jedi.

La flotte marchande comptait sur elle pour la guider, mais Aryn n’avait personne sur qui s’appuyer. Épouse de Bornan Thul, elle était le chef, et elle ne pouvait pas abandonner tous ces gens. Elle devait assumer ses responsabilités.

Aryn renvoya l’officier des communications et s’assit à sa place pour calculer les coordonnées d’envoi d’un message de routine destiné à son quartier général de Coruscant. Puis elle prit ses dispositions pour brouiller l’origine du signal, de sorte qu’on ne puisse pas s’en servir pour localiser le Comerwyn. S’occuper de tâches aussi triviales l’aidait à ne pas trop s’apitoyer sur son sort.

Tous les trois jours, Aryn contactait ainsi différents relais pour les tenir au courant du sort de la flotte. Ses messages étaient codés selon une combinaison complexe de musique, de lumière et de mots que son mari et elle avaient mise au point alors qu’ils étaient encore étudiants à l’université d’Alderaan.

De cette façon, elle parvenait à communiquer avec le personnel administratif de la flotte, qui lui envoyait parfois des messages en retour. Ne disposant pas de coordonnées fixes, ses correspondants éparpillaient leurs signaux dans la galaxie en espérant que la flotte en capterait au moins un.

Aryn scanna la bande d’hyperfréquence avec l’espoir d’y trouver un message envoyé par Coruscant. Une minute plus tard, ses efforts furent récompensés lorsqu’elle localisa un signal portant le sceau d’identification de la famille Thul.

Soulagée d’avoir enfin des nouvelles, Aryn récupéra et décoda rapidement le message, pendant que le pilote et le navigateur du Comerwyn programmaient un nouveau passage en hyperdrive.

Elle s’attendait à un enregistrement auditif, aussi sursauta-t-elle en voyant un minuscule hologramme apparaître au-dessus de sa console. Bornan Thul ! Son mari, vivant et en bonne santé. Il semblait avoir un peu maigri, et portait les robes grossières d’un marchand randoni, mais il n’avait pas changé.

Les yeux de l’hologramme semblèrent plonger dans ceux d’Aryn.

— Ma chère femme, mon cher fils… Je me cache depuis si longtemps que vous me croyez sans doute mort. Mais je suis bien en vie… pour le moment, en tout cas.

« Au cours de mes négociations commerciales, j’ai appris l’existence d’une conspiration si redoutable que le sort de l’humanité en dépend. Je ne peux vous en dire davantage sans vous mettre en danger de mort.

« Je ne vous recontacterai pas jusqu’à ce que je sois certain que tout danger est écarté ; j’espère survivre assez longtemps pour voir ce jour. Mes pensées vous accompagnent.

La minuscule silhouette leva la main comme pour arrêter l’enregistrement, puis parut se raviser. À voix basse, Bornan Thul ajouta :

— Je vous l’ai peut-être trop rarement dit dans le passé, mais je vous aime tous les deux.

L’image disparut.

Des larmes de soulagement et de joie coulèrent en silence sur les joues d’Aryn. Elle rembobina le message holographique pour le visionner encore. Et encore. Et encore.