CHAPITRE VI

À bord du Bâton de Foudre, Zekk pénétra dans l’atmosphère de la petite planète, certain que personne ne le dérangerait…

Aucun point dans la galaxie ne devait être plus éloigné de tout.

Selon les cartes de navigation, ce monde désolé s’appelait Ziost. Des glaciers recouvraient ce qui avait autrefois été l’un des principaux avant-postes de l’Empire de la Sith. À présent, seules quelques tourelles brisées se détachaient sur la blancheur monotone du paysage. Dans le ciel, les aurores scintillantes jetaient des reflets bleus sur la toundra.

Ziost était trop inhospitalière pour abriter une colonie, les ruines siths se révélant trop antiques pour servir de refuge à des pirates ou à des hors-la-loi avides de se soustraire aux autorités. Mais c’était l’endroit rêvé pour que Zekk puisse agir en paix, sans risque de se faire détecter.

Son commanditaire déguisé de Borgo Prime lui avait demandé de transmettre un message codé à la flotte marchande bornarienne. Après la disparition de son chef et l’enlèvement de Tyko, celle-ci avait fui et effectuait des bonds au hasard dans l’hyperespace pour éviter qu’on ne la localise.

Zekk devait trouver un moyen de communiquer avec le vaisseau amiral : sa prime en dépendait. Maître Prudent (qui, il en aurait mis sa main à couper, n’était autre que Bornan Thul en personne) lui avait fait quelques suggestions, citant des noms de planètes d’où il pourrait tenter d’envoyer le message. Zekk avait l’intention de les essayer toutes. Il ne se laisserait pas décourager aussi facilement.

Sous le ciel crépusculaire, le Bâton de Foudre se dirigea vers un vaste plateau glaciaire. Des fissures zébraient la plaine, et l’influence magnétique de la Lune en faisait surgir une eau noirâtre.

Se fiant à son instinct, Zekk se posa à un endroit qui lui semblait sûr et éteignit tous ses systèmes : il ne voulait pas laisser de trace sur les senseurs d’un vaisseau espion, même si l’existence de celui-ci semblait plus qu’improbable.

En silence, le jeune homme activa son émetteur et, utilisant l’énergie de ses turbines pour amplifier son signal, commença à envoyer le message de Bornan Thul. Il en devinait plus ou moins la teneur : le marchand devait annoncer aux siens qu’il était sain et sauf, leur expliquer les causes de sa disparition et peut-être leur donner une date de retour.

Zekk contacta d’abord le quartier général de la flotte bornarienne, sur Coruscant, dans l’espoir qu’Aryn Dro Thul vienne aux nouvelles pour savoir si son mari avait été retrouvé.

Le jeune homme ignorait pourquoi son employeur se cachait de la sorte, mais il semblait mort de peur. Il s’était rendu à l’Essaim de Shanko pour engager un chasseur de primes peu connu. Jusque-là, tout se tenait : une somme si importante était placée sur sa tête qu’il ne pouvait pas prendre le risque de diffuser lui-même son message.

Un lascar plus rapide que les autres aurait pu remonter la piste de son signal et lui mettre la main dessus avant qu’il ne décolle pour une autre destination. Étant lui-même chasseur de primes, Zekk était payé pour prendre ce genre de risques. Mais il n’entendait pas faciliter le travail de la concurrence.

Tous les habitants de la galaxie semblaient à la recherche du marchand disparu… Zekk y compris, jusqu’à ce qu’il soit engagé par Bornan Thul. Sa proie lui ayant fixé rendez-vous dans dix jours, il pourrait peut-être la capturer et récolter quand même la prime. Ça donnerait un sacré coup de pouce à sa carrière… Mais le procédé lui paraissait éthiquement discutable.

Zekk envoya le message aux autres endroits où maître Prudent pensait que la flotte pourrait se renseigner. Pour ce qu’il en savait, le marchand avait prévu ce genre de cas et mis au point une procédure d’urgence : après tout, avec une entreprise en pleine expansion, le risque de se faire enlever était bien réel.

Lorsqu’il eut terminé, Zekk se radossa à son fauteuil. Il avait suivi les instructions de son employeur au pied de la lettre. À présent, rien ne l’obligeait à rester dans le coin.

Alors qu’il tendait la main pour activer les systèmes du Bâton de Foudre, le jeune homme se sentit soudain mal à l’aise. Ses perceptions Jedi, rarement utilisées, lui envoyaient-elles un avertissement ? Ou se laissait-il emporter par son imagination ?

Zekk décida de quitter Ziost aussi vite que sa vieille navette le lui permettrait. Ses répulseurs rugirent, creusant un cratère dans la plaine de glace.

Le jeune homme laissa le Bâton de Foudre faire du surplace pendant qu’il décidait de la trajectoire à prendre. La partie suivante de sa mission le mènerait sur les traces de Tyko Thul, le frère disparu de Bornan.

Soudain, les senseurs du vaisseau sonnèrent l’alarme. Levant la tête vers l’écran principal, Zekk repéra la navette délabrée qui fonçait sur lui.

L’intrus sortit d’hyperdrive sans ralentir et des lumières rouges s’allumèrent sur le panneau de contrôle du Bâton de Foudre. Zekk sentit un frisson lui courir le long de la colonne vertébrale. Le nouveau venu avait déjà allumé son système d’armements, et il se trouvait droit dans sa ligne de mire !

Une voix nasillarde sortit des haut-parleurs :

— Je t’ai dans ma ligne de tir, Bornan Thul. Rends-toi, ou je détruis ton vaisseau avant de m’emparer de tes restes pour réclamer la prime.

Zekk tenta une manœuvre d’évasion, tout en criant dans son micro :

— Une minute ! Qui êtes-vous ? Je ne suis pas Bornan Thul, mais un chasseur de primes comme vous ! Mon nom est Zekk !

Un bref silence.

— Jamais entendu parler de toi, petit, répondit la voix. En revanche, tu dois me connaître : je suis Dengar le Redoutable. À présent, rends-toi. Je dois t’interroger au sujet de Bornan Thul.

Zekk fila au-dessus de la plaine glacée, poussant au maximum les moteurs du Bâton de Foudre, qui protestèrent vigoureusement.

Dengar était l’un des chasseurs de primes les plus redoutés de la galaxie. Des cernes violets soulignaient ses yeux enfoncés dans leurs orbites, lui donnant un visage de mort-vivant. Sa tête était enveloppée de bandages pour cacher les cicatrices et les plaies perpétuellement suintantes récoltées des années plus tôt.

Autrefois pilote d’élite, il avait été victime d’un accident provoqué par le jeune Yan Solo. Plus tard, son cerveau avait été cybernétiquement amélioré par l’Empire.

Dengar était l’un des chasseurs engagés par Dark Vador pour traquer le Faucon Millenium après la bataille de Hoth. Bref, pas le genre d’homme que Zekk avait envie de se mettre à dos. Mais il n’avait pas non plus l’intention de se laisser faire.

— Je ne sais rien au sujet de Bornan Thul, mentit le jeune homme. De toute manière, selon notre Charte, vous ne pouvez pas abattre un autre chasseur de primes à moins qu’il ne s’interpose entre vous et votre proie.

— J’interprète ta résistance comme de l’obstruction, dit Dengar. Tu as transmis un message codé à la flotte bornarienne en utilisant des relais officiels. Or, j’avais placé plusieurs drones afin de capter tout signal suspect.

« Tu as déclenché mon alarme ; par conséquent, je vais m’emparer de tes banques de données pour les étudier. J’obtiendrai ces informations, que tu me les donnes de ton plein gré ou que tu m’obliges à te les prendre de force.

Sans attendre de réponse, le chasseur de primes tira avec son canon ionique, un armement si puissant que sa détention par un particulier était illégale. Le rayon pulvérisa les boucliers de Zekk.

Par chance, les moteurs et les systèmes de soutien biologique du Bâton de Foudre tiraient leur puissance d’une autre turbine, et ne furent donc pas affectés. Mais un second impact leur serait fatal.

Atteignant le pied d’une falaise de glace, Zekk tira sur les commandes de sa navette et s’élança vers le ciel. Grâce à ses réflexes cybernétiques, Dengar l’imita aussitôt. Arrivé au sommet, Zekk trouva un plateau qu’il survola en rasant le sol.

Dengar lança une grenade. Sachant que ses boucliers ne lui seraient plus d’aucun secours, Zekk serra les dents. L’explosion allait détruire ses moteurs arrière et l’envoyer s’écraser sur cette planète abandonnée.

La grenade toucha sa coque à bâbord… Mais aucune détonation ne retentit. Zekk entendit seulement un bruit sourd, comme si on venait de donner un coup de marteau sur les plaques de duracier. Il poussa un soupir de soulagement.

À l’Académie Jedi, maître Skywalker lui avait expliqué que les coïncidences n’existaient pas. Tout événement prenait sa source dans la Force, dont les voies étaient impénétrables. Zekk se demanda si, inconsciemment, il n’avait pas utilisé ses pouvoirs pour désactiver la grenade.

Le jeune homme serra les mâchoires et se concentra, mobilisant tous ses talents de pilote pour une ultime tentative de fuite avant que Dengar puisse lancer une autre attaque.

Son poursuivant activa ses canons-laser, mais Zekk sut instinctivement que faire pour éviter les rayons meurtriers. Il vira sur la gauche, puis fit décrire une boucle à son vaisseau et revint sur la droite.

Il sentait son instinct prendre le contrôle de ses membres, comme chez un Chevalier Jedi utilisant son sabrolaser pour parer des tirs de blaster. Le Bâton de Foudre semblait faire partie de lui. Il bondissait, plongeait, esquivait et remontait en évitant les attaques de Dengar. Comme un Jedi ! Il en fut à la fois effrayé et très excité.

— Tu n’as peut-être pas encore entendu parler de moi, Dengar, mais ça viendra, fanfaronna-t-il. Un jour, je dépasserai le grand Boba Fett lui-même !

L’autre chasseur de primes poussa un rugissement.

La plaine glacée défilait sous les deux navettes, reflétant la lumière de leurs turbines. Zekk prit une grande inspiration : il avait peut-être une idée pour mettre un terme à cette poursuite.

Il activa ses canons-laser, les déploya en arc-de-cercle, puis tira très bas devant lui. Sans ralentir, il bombarda le glacier.

Ses rayons firent fondre la glace, ouvrant une plaie béante dans le plateau gelé. L’eau ainsi produite se changea instantanément en vapeur qui forma de gros nuages, lesquels se recondensèrent en cristaux. De la brume emplit l’air dans le sillage de Zekk, tel un écran de fumée qui frappa Dengar de plein fouet.

Profitant de ce que le chasseur de primes était aveuglé, Zekk tira sur les commandes de sa navette et fila vers le ciel. Comme il disposait seulement de quelques secondes, il laissa la Force l’envahir avant de taper des coordonnées au hasard sur le clavier de l’ordinateur de bord.

Il allait devoir faire confiance à sa « chance » pour sélectionner une trajectoire qui ne le conduirait pas dans le cœur d’une étoile ou d’un trou noir.

Dès qu’il se fut arraché à l’attraction de Ziost, la propulsion supraluminique réduisit les étoiles à de simples traits lumineux défilant le long du Bâton de Foudre. La planète gelée fut bientôt réduite à un minuscule point, derrière lui, tandis que le vide de l’hyperespace l’engloutissait.

Dengar ne comprendrait pas ce qui lui était arrivé, et il ne retrouverait jamais Zekk.