CHAPITRE IV
Fed laissa tomber son radiant au sol.
— Quelqu’un peut-il enfin m’expliquer ce qui ce passe ici ? s’écria-t-il.
Cette fois, Sturry répondit :
— Tu souhaitais nous attirer dans un piège, n’est- ce pas ? Ayant découvert là-dedans quelque chose que tu tenais à garder secret, tu avais l’intention de nous fausser compagnie.
Russo voulut protester, mais Finch l’interrompit aussitôt :
— Assez parlé, Fed ! Tu vas nous montrer ce que tu as trouvé. Passe devant moi ! Attention, pas de geste suspect sinon je tire !
Fed était abasourdi. La situation lui paraissait inconcevable. Comment ses camarades pouvaient-ils le soupçonner d’avoir essayé de les liquider ? C’en était trop. Sa colère éclata.
Il déchaîna sa rage contre Sturry, l’accusant d’avoir perdu la raison au cours de leur marche forcée. Tout abandonné à son ressentiment, il ne remarqua pas que Josh s’approchait de lui. Il ne sentit que le coup qu’il reçut sur la nuque, avant de s’effondrer, évanoui. Lorsqu’il revint à lui, Bonin et Finch se trouvaient à côté de lui.
— Debout ! grommela Josh.
Russo s’avoua vaincu. Il se leva, malgré les terribles maux de tête, puis se mit à grimper à l’intérieur de la galerie. Ses deux compagnons le suivirent de près, afin de ne pas lui donner l’occasion de fuir, ce qui n’aurait d’ailleurs pas eu de sens, puisqu’à l’issue de la veine, il ne trouverait que le cirque et la coupole inaccessible. En aval, toute échappatoire demeurait coupée, du fait de la présence des deux hommes. En outre, qu’aurait-il pu espérer, seul dans ce monde inhospitalier et désolé ?
Pour quelle raison étaient-ils donc si fermement convaincus de sa trahison ?
La voix...
L’idée le séduisit un instant, mais il ne tarda pas à la juger absurde. Il en aurait fallu davantage que les vagues suggestions d’une créature invisible peur dresser ses compagnons contre lui. De plus, rien, dans les propos que celle-ci lui avait tenus ne trahissait une quelconque intention de meurtre.
Une seule hypothèse restait plausible, celle de l’hypnose. D’où pouvait bien provenir cette influence ?
De la coupole, bien sûr !
Fed en douta instantanément. Lui-même avait presque atteint le bâtiment. Pourquoi ne l’avait-on pas alors hypnotisé ? Il réfléchit au but d’une telle manœuvre. Il réalisa vite qu’il n’était pas en mesure de répondre à toutes ces questions, car les événements se succédaient sans aucune logique apparente. Peut-être un hypnoprojecteur se trouvait-il à l’intérieur... Mais qui avait bien pu le déclencher ?
Absorbé par toutes ces énigmes qu’il n’arrivait pas à résoudre, il parcourut à nouveau le chemin qui conduisait à la construction hémisphérique, à une dizaine de mètres de laquelle il s’immobilisa.
— On ne peut pas aller plus loin, déclara-t-il. Un champ de force protège l’accès.
— Quoi ? Un bouclier d’énergie ? ricana Josh.
Afin de se rendre compte par lui-même, il passa devant Russo ; sachant ce qui l’attendait, celui-ci le suivit des yeux avec un malin plaisir. Cependant, les choses se passèrent différemment de ce qu’il attendait. Bonin atteignit sans encombre le mur de la coupole.
— Tu nous prends pour des imbéciles ? lança-t-il à Fed.
*
* *
Quand les générateurs furent réparés, le Krest II se rappela son devoir le plus urgent. On envoya plusieurs chaloupes à la recherche des disparus, bien que peu d’espoir subsistât de les retrouver vivants. On supposait certes qu’ils avaient quitté le bord du glisseur lors de la destruction de celui-ci, ce qui augmentait leurs chances de survie. Cependant, que pouvait-il advenir d’eux dans un monde aussi hostile ?
Au commandement, on était arrivé à la triste conclusion qu’un retour sur Terre ne serait envisageable que si le croiseur réussissait à atteindre la surface extérieure de la planète. Pour l’heure, il demeurait hélas impossible d’agir depuis l’intérieur sur l’installation transmettrice qui l’y avait projeté. Par contre, les canons transformateurs étant capables de se frayer un passage à travers n’importe quelle matière, Perry Rhodan avait décidé de les utiliser, dès que les recherches auraient pris fin et quelle que soit leur issue.
*
* *
Fed Russo avait l’impression de rêver, tant les événements qu’il était en train de vivre lui semblaient irréels.
L’intérieur de la coupole était un vaste hall rempli de machines, de cadrans lumineux, de consoles, d’écrans de toutes sortes, produits d’une technologie inconnue et indéchiffrable à ses yeux. Ses camarades, par contre, évoluaient dans cet étrange environnement comme s’il leur était familier. Ils ne manipulaient certes aucun des innombrables instruments, tous protégés par un bouclier d’énergie, mais ils déambulaient dans ce dédale en pays de connaissance, semblant y chercher quelque chose de précis.
Russo ne s’occupait pas d’eux. Il voulait comprendre les raisons de la présence d’une technologie aussi sophistiquée en un lieu aussi désolé que le Monde de l’Horreur. Tout en réfléchissant, il arriva devant l’un des générateurs les plus imposants, qu’il considéra de haut en bas. L’appareil reposait sur une base ovoïde, au-dessus de laquelle s’élevaient deux cylindres, d’un mètre de diamètre sur environ quinze de hauteur, séparés par un intervalle de quelques centimètres à l’intérieur duquel on avait disposé des entretoises espacées de façon régulière. Devant l’un des cylindres se trouvait une console ne comportant pas moins de dix interrupteurs et le même nombre de témoins lumineux. D’après la hauteur de ce tableau de commande, on pouvait conclure qu’il avait été construit par une espèce de taille probablement plus faible que la race humaine, mais qui possédait de plus longs bras.
Fed eut une idée. Il voulut prendre des photos. Il sortit de sa poche l’appareil miniaturisé qu’il portait sur lui et commença à mitrailler tout ce qui se présentait à lui. Josh et Sturry continuèrent leurs recherches, sans faire attention à lui. Il ne se laissa pas distraire, malgré l’intérêt qu’il leur portait, se disant qu’il aurait toujours le temps de s’occuper d’eux quand il aurait terminé.
Alors qu’il allait photographier la coupole, il entendit de nouveau la voix :
— Tu as l’air désemparé. Attends, je vais te montrer quelque chose.
Fed ressentit une telle frayeur qu’il faillit lâcher son appareil. Se souvenant de toutes les questions qu’il voulait poser, il réussit cependant à se maîtriser.
— Qui es-tu, enfin ? interrogea-t-il avec humeur.
— Regarde en haut ! répondit la voix.
Russo obéit. Nouvel effarement. Sous la coupole, une étrange transformation venait de s’opérer sans qu’il y ait pris garde : les lampes solaires avaient cédé la place à une surface sombre, parsemée de taches blafardes ; pourtant, la luminosité restait la même.
— Qu’est-ce... qu’est-ce que ça signifie ? balbutia Fed.
— La représentation de l’espace intergalactique ; l’abîme séparant les deux galaxies, la vôtre et celle que vous appelez Andromède.
Russo comprit. Sur Terre existaient des planétariums dans lesquels on obtenait l’image du Système Solaire grâce à des effets de lumière. Il s’agissait ici de quelque chose de semblable, à cette différence près qu’il pouvait à présent contempler non pas des planètes, mais deux univers-îles.
Ne sachant pas si cela convenait à son interlocuteur invisible, il chargea son appareil photographique. L’absence de protestation l’encouragea : il appuya sur le déclencheur autant de fois qu’il fut nécessaire pour obtenir sur la pellicule les galaxies sous tous leurs angles.
— N’oublie pas le côté ! lui recommanda la voix.
Sur l’un des cinq écrans alignés scintillaient trois
étoiles disposées en triangle équilatéral, au centre duquel on distinguait nettement les contours d’une planète, à l’albédo moindre.
— Qu’est-ce ? demanda Fed.
— Le monde où tu séjournes actuellement se situe au point d’interférence magnétique des trois soleils qui forment la constellation que tu vois. La surface de la sphère centrale se trouve très loin sous tes pieds.
— Pourquoi me montres-tu tout ça ? reprit Fed agacé.
— Parce que tu as le droit de savoir où tu es. Mais cela ne te servira à rien, car tes deux compagnons vont te tuer.
— Et pour quelle raison souhaitent-ils se débarrasser de moi ? s’exclama le Terranien dans un accès de panique.
— Ils croient que c’est toi qui voulais les liquider.
— Mais c’est absurde ! protesta Fed.
Ses paroles résonnèrent sous la voûte, sans toutefois distraire Josh et Sturry dans leurs activités.
— Je sais, poursuivit la voix. Un adversaire puissant, qui tient tes amis en son pouvoir, a décidé de vous anéantir.
— Veux-tu m’aider ?
— Je ne suis qu’une parcelle d’esprit. Comment le pourrais-je ?
Fed resta un moment silencieux, avant de poursuivre :
— Et l’autre ? L’ennemi, est-ce qu’il a un corps ?
— Non, mais je ne puis m’opposer à sa volonté.
Russo réfléchit à nouveau quelques instants.
— Montre-moi comment on sort d’ici ! implora- t-il.
— Impossible.
— Je t’en supplie !
— Tu vois les jointures, là-bas, derrière toi ?
— Comment ouvre-t-on la porte ?
— Elle tournera sur ses gonds quand tu t’en approcheras. Mais dehors, tu buteras sur le champ de force...
— Dans ce cas, inutile, admit Russo. Pas d’autre issue ?
Cette fois, il eut l’impression que son interlocuteur hésitait.
— Non, finit par avouer ce dernier. Il existe un passage souterrain creusé dans le roc, qui conduit au plateau.
Un sentiment de triomphe fit battre le cœur de Fed. C’était l’endroit le plus favorable pour que le Krest II les repère.
— Tu vas rester avec moi, n’est-ce pas ? demanda- t-il à son mystérieux allié.
— Bien sûr, mais tu vas vite t’apercevoir que cela n’a pas de sens car, poussés par la haine, tes camarades vont te rattraper en très peu de temps. Et cette fois, ils ne te rateront pas.
Fed dut admettre la vraisemblance d’une telle hypothèse.
— Je vais quand même essayer, résolut-il fermement.
La voix ne répondit pas. Il se dirigea prudemment vers l’ouverture qui lui avait été indiquée, se retournant de temps à autre pour s’assurer que Josh et Sturry ne s’occupaient pas de lui. Apparemment, ils ne se doutaient de rien.
Comme prévu, la porte s’ouvrit, mais le léger grincement qu’elle émit fit sursauter les deux autres Terraniens. Étrange paradoxe, si l’on considère que la conversation qui venait d’avoir heu entre Fed et son interlocuteur invisible n’avait pas attiré leur attention un seul instant.
Russo entendit le cri de Josh, alors qu’il se trouvait déjà à l’extérieur.
Malgré la pénombre, qui le surprit, il eut la présence d’esprit d’obliquer d’emblée sur la droite, afin 1 de ne pas heurter l’écran protecteur. Derrière lui résonnaient déjà les pas de Josh et de Sturry, qui s’étaient lancés à sa poursuite avec des glapissements, qu’il ne comprenait pas. Il ne tarda pas à distinguer leurs silhouettes dans l’entrebâillement de la porte.
Il n’avait pas une seconde à perdre. Il savait en effet que Sturry possédait des yeux de lynx qui s’habitueraient rapidement à l’obscurité. Après s’être | accroupi dans l’ombre, il ramassa une pierre et la jeta ; vers la gauche.
— Là-bas ! cria Sturry en se précipitant dans la direction du bruit qu’il venait de percevoir.
Fed compta leurs pas. Lorsqu’ils eurent presque atteint le projectile, il se leva et se mit à détaler dans la nuit à toutes jambes. Il n’agissait pas au hasard, il avait constaté que son ennemi inconnu ne mettait le champ de force en action que pour lui. Il lui fallait I donc attirer ses assaillants à proximité de l’obstacle, afin qu’il soit déconnecté. Il lui suffirait alors de profiter de l’occasion pour le traverser.
Quand il arriva devant la falaise, il s’arrêta pour 1 reprendre son souffle.
— Par où peut-on grimper ? demanda-t-il.
— Tourne-toi ! lui ordonna la voix.
Fed obéit. À moins de deux mètres de lui, un orifice de la taille d’un homme venait de se former dans I la roche. Il s’y engouffra.
Ce qui se produisit le stupéfia. Dès qu’il eut pénétré dans l’espace exigu qui s’était ouvert pour lui, il se sentit soulevé. Son effroi augmenta au fur et à mesure qu’il montait à l’intérieur de ce boyau, mû par une force qui le dominait totalement. Il réalisa enfin qu’il se trouvait dans une sorte de puits anti-g.
— Ne crains rien ! le rassura la voix. L’ascenseur ne va pas jusqu’au plateau. Une partie du mécanisme s’est détériorée avec les années.
— Où sont les deux autres ? demanda Fed.
— Ils te suivent.
Russo calcula que la distance qui le séparait d’eux ne varierait pas tant qu’ils subiraient l’influence du champ anti-g. Cependant, il faudrait hâter le pas dès qu’il serait en haut, afin de prendre une avance suffisante.
Soudain le puits s’élargit, tandis que l’effet du champ cessait. Fed se jeta sur le côté. Il examina les parois ravinées par l’érosion qui y avait creusé des fissures, grâce auxquelles il était possible de grimper. Il apercevait désormais le ciel à une trentaine de mètres au-dessus de lui.
Il commença l’escalade sans perdre une seconde, rageusement, se blessant les mains dans sa hâte, insensible à la canicule qui se faisait déjà sentir : en quelques instants il fut en nage, aveuglé par la transpiration qui lui coulait dans les yeux.
Quand il eut gravi une bonne partie de la paroi, il prit le temps de jeter un regard vers le bas. Ses poursuivants, qui avaient également quitté le puits anti-g, l’avaient immédiatement repéré. Il les vit gesticuler, les entendit crier, s’étonna qu’ils ne tirent toujours pas.
Excellent grimpeur, Josh s’était élancé. Il progressait avec l’agilité d’un singe. Galvanisé par ce spectacle, Fed, bien qu’épuisé, réussit à rassembler les quelques forces qui lui restaient pour continuer. Ayant le sentiment de progresser avec une lenteur désespérante, il faillit plusieurs fois lâcher prise.
Enfin, il atteignit le sommet. La lumière blanche le frappa au visage telle une brûlante lame d’acier. Malgré son hébétement, il distingua le son de la voix :
— Il faut que tu coures, si tu veux leur échapper.
— Je sais, balbutia-t-il.
— Va tout droit ! Le terrain est dégagé dans cette direction. Plus loin, tu pourras t’abriter.
— Merci, réussit-il à articuler, avant de se hisser dans un ultime effort sur le bord du puits.
Il vacillait encore sur ses jambes, lorsqu’il remarqua la présence de Josh à moins de deux mètres de lui. Cela le détermina à détaler, comme son invisible ami venait de le lui recommander.
Il aperçut alors ce qu’il avait devant lui. La frayeur qui s’empara de lui fut telle qu’il en perdit presque connaissance. Un froid glacial lui paralysa le corps tout entier. Il se trouvait encore sous le choc quand Josh, émergeant du puits, l’interpella :
— Cette fois-ci, nous te tenons ! Tu ne nous échapperas pas.
Subjugué par ce qu’il avait devant les yeux, Fed ne répondit pas.
Il avait été trompé. Il n’y avait rien devant lui qu’il eût pu franchir sans difficulté. S’il avait fait un seul pas en avant, il aurait été un homme mort. La bordure rocheuse sur laquelle il restait accroupi n’avait pas plus d’un mètre de large. Au-delà, c’était le vide. Or la voix lui avait conseillé de partir tout droit. Il se pencha, mais ne découvrit rien d’autre qu’une paroi lisse et verticale. À l’horizon, son regard rencontrait les contours de hautes montagnes. À n’en pas douter, il se trouvait au-dessus d’un gouffre circulaire gigantesque, dont le diamètre pouvait bien atteindre cinquante kilomètres. Plus impressionnante encore était sa profondeur, qui lui paraissait insondable car, malgré la lumière que diffusait le noyau d’énergie, il n’en distinguait pas le fond.
Il réalisa finalement qu’il se trouvait sur la face concave d’une planète creuse, à l’entrée du canal de communication entre les deux surfaces.
— Avance ! commanda Josh.
Fed se leva en lui montrant l’abîme.
— Tu ne comprends pas ce que c’est ?
— Un trou, répondit Josh. Allons, viens maintenant !
— Tu es complètement fou, grommela Russo. Quand nous rentrerons à bord du Krest II, je te ferai interner.
— Tu n’en auras pas l’occasion, assura Bonin. Nous te tuerons dès notre retour dans la coupole.
Un éclair rouge et or déchira le ciel, avant de s’évanouir dans le précipice. La lumière fut si intense que Fed dut baisser les paupières. Tout était redevenu calme lorsqu’il rouvrit les yeux. Le phénomène lui échappait totalement, mais il savait que les homme du Krest II auraient été ravis s’ils avaient pu examiner l’intérieur du gouffre.
Cela signifiait qu’il importait au plus haut point de rester en vie, car il s’offrait peut-être une possibilité de rejoindre la face externe de la planète.
Il entreprit donc de descendre, lorsqu’il s’aperçut que Sturry l’attendait un peu plus bas, le radiant braqué sur lui, tandis que Bonin le suivait à courte distance. Les perspectives de fuite étaient plus réduites que jamais.
*
* *
Conrad Nosinsky triomphait. Le noyau d’énergie avait produit un éclair rouge, alors que les instruments de mesure confirmaient sa théorie jusque dans les moindres détails. Mieux que cela : le succès de l’expérience démontrait qu’il existait, quelque part dans la carapace sphérique, une ouverture par laquelle l’énergie ainsi diffusée pouvait quitter l’espace intérieur.
Restait donc à découvrir cet orifice, sans oublier que l’énergie à structure sur dimensionnelle possédait la propriété de traverser des solides sous certaines conditions. On avait cependant observé que celle-ci atteignait son but sans déperdition, ce qui confirmait l’idée de l’existence d’un vide quelque part.
Convaincu de la justesse de l’hypothèse de Nosinsky, Perry Rhodan donna l’ordre d’envoyer une expédition à la recherche de ce passage. Le point où les éclairs frappaient la surface de la planète ayant été déterminé, on pensait que la découverte aurait lieu rapidement.
Pendant ce temps, l’autre groupe n’avait toujours pas trouvé Fed et ses compagnons, ni les restes de la navette qui les avait emportés. Les recherches se déroulaient en effet dans des conditions difficiles, dont Rhodan avait pu se rendre compte au vu des photos qui lui étaient parvenues. Comment retrouver une épave et trois individus dans ce désert de roc, de sable et de poussière ? Le Stellarque décida cependant de ne pas abandonner tant qu’on ne serait pas fixé sur le sort de Russo, Bonin et Sturry.
*
* *
Tout en descendant, Fed réfléchissait à ce qui venait de se produire.
La voix l’avait dupé. À ses yeux, cela prouvait qu’en réalité il n’existait pas deux puissances hostiles l’une à l’autre - la première prenant son parti, la deuxième maintenant ses camarades sous hypnose - mais une seule. En outre, il était de plus en plus persuadé qu’il s’agissait plutôt d’un appareil que d’un être vivant. Josh et Sturry présentaient en effet tous les signes d’une influence hypnomécanique.
Le but de l’adversaire ne faisait donc aucun doute ; il lui importait que les trois hommes ne découvrent pas l’issue reliant les deux faces de la planète, ce qui aurait permis au croiseur de s’échapper. Or, il souhaitait le détruire. E avait donc attiré Fed dans un piège, tandis qu’il manipulait ses camarades sous hypnose.
Ceux-ci le feraient prisonnier dès que possible, pour le liquider à la première occasion. Il ne resterait plus à cet ennemi invisible qu’à effacer tout souvenir de leur mémoire ou à les pousser au suicide. Quoi qu'il arrive, l’équipage du Krest II ignorerait l’existence du gouffre.
Toutefois, quelques détails demeuraient obscurs. Pourquoi n’avait-il pas hypnotisé Russo comme Sturry et Bonin ? Pour quelle raison ces derniers ne lui avaient-ils pas tiré dessus, alors que les circonstances s’y étaient maintes fois prêtées ? Existait-il un rapport entre ce comportement et le fait qu’ils avaient en vain cherché quelque chose dans la coupole ? Possible, mais rien de moins sûr. Quoiqu’il en soit, Fed avait l’intuition qu’il resterait en sécurité tant qu’ils n’auraient pas trouvé.
La tactique choisie par son « allié » invisible lui paraissait tout à fait claire à présent. Il l’avait aidé à prendre la fuite, comptant qu’il tomberait dans l’abîme. Certes, ce plan avait échoué, pendant que Sturry et Josh le poursuivaient toujours avec l’intention de se débarrasser de lui.
Ainsi continuait-il sa descente le long de la paroi qu’il avait si rapidement gravie peu de temps auparavant. Sturry l’attendait sur la bordure rocheuse, à l’endroit où la galerie s’élargissait. Finch le regarda d’un œil glacial.
— En avant ! ordonna-t-il sévèrement, en lui indiquant de s’engager dans le puits anti-g.
Une inquiétude épouvantable s’empara alors de Russo : si l’ennemi stoppait l’action du champ magnétique alors qu’il s’y trouvait, il serait précipité deux ou trois cents mètres plus bas, sans aucune chance de survie.
— Eh bien, qu’est-ce tu attends ? grommela Sturry impatient, pendant que Bonin se postait de l’autre côté.
— Laisse-moi un peu réfléchir ! murmura Fed, afin de gagner du temps.
— Pousse-le ! commanda Josh.
— Un instant, reprit Russo. J’y vais tout seul.
Il sauta. Ses craintes s’avérèrent sans fondement car, tout comme à la montée, il fut doucement emporté, vers le bas cette fois.
Sturry et Josh le reconduisirent ensuite à la coupole, dont la porte s'ouvrit automatiquement. La voûte n’avait pas changé. Ils lui enjoignirent de ne plus bouger de l’endroit où il se trouvait et de les y attendre, puis reprirent leurs mystérieuses recherches là où ils les avaient laissées.
Il lui parut alors très important de savoir si le propriétaire de la voix pouvait lire ses pensées. Un certain nombre de signes semblaient indiquer que tel n’était pas le cas. Ainsi, le mystérieux hypnotiseur n’avait pas fait allusion aux photos qu’il avait prises. De même, il avait affirmé que sa fuite était sans espoir, bien qu’à ce moment-là, Fed eût déjà l’idée d’attirer ses assaillants assez près du champ de force pour que son effet cessât. Il n’aurait en effet eu aucune raison de se montrer si pessimiste, s’il avait connu les intentions de Russo.
Toutefois, celui-ci se rendait compte qu’il ne s’agissait pas là d’une preuve suffisante de la justesse de son hypothèse. Il résolut malgré tout de faire à l’avenir comme si son adversaire n’usait pas de facultés télépathiques à son endroit.
Les recherches de Josh et de Sturry se limitaient à présent à un coin de la coupole où se trouvaient plusieurs machines à calculer. Josh venait d’apercevoir un fil qui disparaissait sous un banc, dont il tentait de découvrir la fonction.
— L’amplificateur est ici ! s’écria-t-il tout à coup.
Sturry jeta un œil sur Fed, avant de se retourner.
— Viens ici ! ordonna-t-il.
Russo obéit. Quand il se fut approché, Finch lui interdit de bouger.
Pendant ce temps Bonin avait disparu sous le banc, affairé à de mystérieuses manipulations. Parfois, il arrêtait l’un de ses mouvements, comme si on lui donnait des indications. Fed conclut qu’ils étaient le fait de celui qui maintenait ses compagnons sous hypnose.
Quand il eut terminé, Josh se redressa, le visage inondé de transpiration. Après avoir donné l’ordre à leur prisonnier de reculer d’un pas, tous deux se placèrent devant le banc, le dos tourné aux instruments.
— Attention ! dit Bonin d’une voix rauque.
Se souvenant à cet instant du mot « amplificateur » que Josh avait prononcé, Fed comprit de quoi il retournait. Sur injonction de l’inconnu, il avait enfin trouvé cet amplificateur hypnotique. Dès qu’ils l’auraient branché, ils n’hésiteraient plus à le tuer.
Russo gardait le regard fixé sur l’interrupteur. Il tentait de se familiariser avec l’idée qu’il ne lui restait que quelques secondes à vivre.