CHAPITRE II

— Sergent Russo, présentez-vous au pont C dès que vous aurez reçu les soins.

Fed Russo - trente-trois ans, trapu, un visage de paysan romain - remettait sa chemise lorsqu’il entendit l’appel intercom. Il se trouvait à l’infirmerie en compagnie d’une douzaine de personnes aussi abattues et frigorifiées que lui. On venait de lui administrer une piqûre qui devait le remettre en forme rapidement.

— Pourquoi toujours moi ? murmura-t-il avec humeur.

On était le 11 octobre 2400. Parmi l’équipage, la rumeur courait que le Krest II avait émergé dans un monde inconnu au terme de l’effrayante transition.

Russo se prépara, vérifia la position de son casque et de son radiant, puis gagna la coordination par un tapis roulant bondé de membres d’équipage, la mine blême, l’air épuisé. La substance qu’on lui avait inoculée ne faisant pas encore son effet, il continuait à se déplacer tel un automate, avec une totale apathie. Il sentit soudain qu’on lui tapait sur l’épaule.

— Fed Russo, mon ami ! entendit-il. Est-ce que tu te rends à la coordination ?

— Toi aussi, Josh ? répliqua-t-il sans même se retourner.

— Oui, bien sûr, dit Josh dans un accès d’enthousiasme. Ils vont peut-être nous envoyer ensemble en mission.

Josh Bonin, un Africain élancé et svelte, avait l’habitude de ne pas regarder son interlocuteur quand quelque chose l’excitait. Tandis qu’il donnait libre cours à sa volubilité tout en poussant des cris de joie, sa pomme d’Adam montait et descendait comme si elle était attachée à un élastique.

— A quelle opération serions-nous susceptibles de participer ensemble ? interrogea Russo.

— Tu sais bien que nous sommes arrivés en plein enfer, n’est-ce pas ?

— Oui, grommela Fed, juste au-dessus du grand feu.

— Alors on va voir qui se brûlera les fesses, ricana Josh.

Ils montèrent tous deux jusqu’au pont C en empruntant le puits anti-g. Ils y trouvèrent moins de monde, car beaucoup n’avaient pas encore rejoint leur poste. Fed Russo s’étonna d’avoir été soigné en priorité. Il en soupçonna la raison en se souvenant que Josh Bonin, Sturry et lui-même avaient naguère participé à une opération périlleuse. Une mission semblable les attendait vraisemblablement aujourd’hui.

Le sas s’ouvrit automatiquement lorsque Josh quitta le tapis roulant. Fed Russo l’y suivit. Seul un homme, jeune encore, se tenait dans l’antichambre. Il se leva en voyant entrer les deux officiers et se cacha le visage dans les mains, avant de se lamenter :

— Non, vous ne pouvez pas me faire ça !

Fed reconnut aussitôt Sturry.

— Si, ils le peuvent, affirma-t-il. De quoi s’agit-il au juste ?

Sturry regarda Fed de ses yeux bleus et gais.

— Comment veux-tu que je le sache ? s’indigna-t-il en haussant les épaules. Ils m’ont envoyé ici et, quand je suis arrivé, on m’a prié d’attendre la venue de deux compagnons.

— Entrez ! ordonna rudement une voix.

À l’autre bout de la pièce la cloison coulissa, dévoilant un vaste bureau. Assis à une table, le capitaine Redhorse les salua.

— Il y a un certain temps, commença-t-il, vous avez effectué une mission, dont les caractéristiques ressemblent tout à fait au problème auquel nous sommes confrontés présentement. Nous avons donc décidé de vous faire intervenir. On va vous donner immédiatement les instructions nécessaires, mais auparavant, vous allez devoir recevoir quelques minutes d’endoctrinement.

Il se leva.

— Je n’aurais pas pu me cogner le crâne un peu plus fort ? maugréa Sturry.

— Nous naviguons à l’intérieur d’un monde creux, grommela Josh. Ce que nous voyons en bas, c’est la paroi intérieure d’une sphère.

— Ferme-la, protesta Fed, il y a beau temps qu’on sait tout ça !

Josh se tut. En vérité, son camarade, qui avait le plus grand mal à s’habituer à la nouvelle situation, ne lui en voulait pas de son bavardage stérile. Ce dernier ne constituait sûrement pas la plus mauvaise méthode pour exorciser les peurs engendrées par cet univers insensé.

Les trois hommes planaient à bord d’un engin tout terrain à vingt mille mètres au-dessus d’une platitude désertique. Ils avaient perdu le Krest II de vue. Leur seul repère demeurait le noyau d’énergie qui flamboyait toujours.

Leur mission était simple : il s’agissait d’explorer une centaine de kilomètres carrés de la surface planétaire, afin de trouver un endroit où le croiseur pourrait se poser sans risque. A priori, cela semblait facile. Cependant, Fed Russo savait par expérience que ce type d’opération comportait des imprévus, auxquels il n’était pas toujours aisé de faire face.

Le glisseur amphibie était un véhicule rudimentaire, mal conçu pour évoluer de façon autonome dans l’espace libre. On utilisait d’ordinaire ce type d’engin pour faire débarquer un commando depuis une nef immobile au-dessus du terrain où elle allait atterrir. L’intérieur se composait d’une salle pour les passagers, d’une autre pour les machines et d’une soute qui renfermait les propulseurs.

Sturry Finch avait placé dans la deuxième les instruments nécessaires à leur mission. Josh s’occupait de la détection, tandis que Russo, à qui l’on avait confié la direction des opérations, pilotait. Il venait de choisir un endroit où se poser, aux confins du désert, non loin des contreforts de la chaîne de montagnes, dont Fed estimait qu’elle pouvait éventuellement servir d’abri au Krest II. Il attendait les ultimes informations de Josh avant de commencer la descente.

— Les perturbations sont trop nombreuses, se plaignit celui-ci en regardant désespérément ses instruments. Comment veux-tu identifier quoi que ce soit au milieu d’une telle confusion ?

Le détecteur, en effet, focalisait sur un spectre d’ondes électromagnétiques absolument inextricables.

— Nous allons quand même atterrir, décida Russo.

Il envoya au croiseur un message rapide, avant

d’entamer la manœuvre. L’engin se posa peu après, soulevant un nuage de poussière. Une paroi rocheuse se dressait à deux kilomètres environ ; à l’opposé s’étendait la désolation du désert. La lumière blanche du noyau d’énergie baignait le tout.

Fed Russo vérifia sa combinaison. L’atmosphère étant respirable, il jugea inopportun de mettre son casque. À l’ombre, la température atteignait 45°.

— Vous restez à bord, ordonna-t-il à ses camarades. Je vais faire quelques pas à l’extérieur.

Lorsqu’il sauta à terre, il s’enfonça dans le sable jusqu’aux chevilles. La chaleur s’abattit sur ses épaules telle une chape de plomb. Un moment il demeura hébété, devant faire un effort pour s’habituer à l’environnement inconnu.

La pureté de l’air était telle que le regard portait extraordinairement loin, rapprochant de façon illusoire les objets les plus éloignés. En outre, pas un souffle, pas une odeur ne flottait dans l’atmosphère. Il éprouva soudain une profonde répugnance pour ce monde totalement inanimé. Plus il regardait autour de lui, plus l’impression de se trouver dans un rêve le gagnait. Cette irréalité générait en lui le sentiment d’une menace diffuse qui planait au-dessus de sa tête.

Il se mit en marche pour lutter contre sa peur. Il se retourna plusieurs fois, afin d’apercevoir le véhicule, qui lui faisait penser à un insecte. Au sein de cet univers totalement inconnu, il demeurait le seul objet auquel il pouvait encore se référer. Cela le rassurait. Il finit par y retourner d’un pas rapide.

Ses camarades l’attendaient avec impatience.

— Alors ? s’enquit Josh dès qu’il eut franchi la porte du sas.

Fed eut un geste d’humeur.

— Rien, grommela-t-il. On va aller faire un tour du côté des montagnes.

Il jugeait en effet que leur spectacle le déprimerait moins que la monotonie et la désolation du désert. Il s’installa au poste de pilotage. Il allait boucler sa ceinture, lorsque Sturry poussa un petit cri.

— Eh bien, qu’est-ce qui se passe ? demanda vivement Russo.

Sturry fixa les écrans un instant encore, avant de se tourner.

— Rien, répondit-il embarrassé. J’ai cru apercevoir un éclair au-delà des sommets.

— Continue comme ça, rétorqua Fed, furieux, et dans un moment nous verrons tous des fantômes !

*

*    *

Guidé par les incroyables facultés de son cerveau de mutant, le regard de Wuriu pénétra l’obscurité, lentement mais sûrement. Il oubliait peu à peu le monde qui l’entourait. La paroi interne de la planète creuse lui résista : cessant de percevoir les formes, il fut désorienté. Il erra un certain temps dans le noir, heurtant ici et là quelque aspérité, puis resurgit à la lumière.

Le choc que le voyant X reçut en découvrant son nouvel environnement fut tel qu’il faillit en perdre connaissance. Il réussit cependant à se maîtriser et considéra en face l’étrange spectacle que percevait son regard paranormal.

Il voyait en effet une plaine verdoyante traversée par une rivière, fermée à l’horizon par une chaîne de hautes montagnes, dont les cimes heurtaient un ciel en matière solide. Une lumière verdâtre baignait le tout ; impossible cependant d’en identifier la source. Il finit par comprendre ; ce qu’il voyait n’était pas la surface extérieure de ce monde mais l’espace qui séparait deux croûtes planétaires concentriques.

La face extérieure de la planète à l’intérieur de laquelle se trouvait le croiseur constituait le ciel rigide qu’il observait présentement ; le sol n’était rien d’autre que la paroi d’une autre sphère plus volumineuse.

Wuriu poursuivit sa progression. Il ne s’étonna point de trouver, au-delà de la deuxième paroi, une nouvelle coquille constituant un autre monde plongé dans une lumière rouge sang. Il alla au-delà : un univers infernal d’ouragans de feu occupait l’espace situé entre la troisième et la quatrième parois, qu’il traversa rapidement.

Il demeura figé devant ce qui s’offrit alors à son regard. Il lui fallut du temps pour comprendre ce qu’il voyait. Trois soleils éclairaient la surface de la planète qui se trouvait au centre du triangle qu’ils formaient.

Wuriu se sentait épuisé, car son regard venait de traverser plusieurs milliers de kilomètres de cavités et de parois. Ses forces l’avaient abandonné. Il ferma les yeux, afin de rendre son activité normale à son cerveau, puis redevint un individu ordinaire, étendu en nage sur le lit de sa cabine.

Moins d’une demi-heure plus tard, les officiers responsables prirent connaissance du résultat de ses observations. Ils provoquèrent au sein de l’équipe une situation peu ordinaire, puisqu’on vit des hommes possédant un haut niveau de formation mettre en cause la compétence d’un mutant et considérer ses conclusions comme un produit de son imagination. On était disposé à croire en la réalité d’un monde creux, mais pas en celle de l’emboîtement de quatre sphères.

Le Stellarque dut user de toute son autorité pour dissiper ces doutes. Il convainquit chacun qu’il s’agissait effectivement de quatre croûtes planétaires concentriques. Le Krest II naviguait au-dessus de la première ; au-delà se trouvait le sol de la plaine verdoyante, puis l’univers rouge, ensuite venait l’intervalle séparant les deux coquilles que Wuriu avait vu inondé d’une lumière jaune feu, enfin la surface convexe de l’ensemble, au centre du triangle formé par les trois soleils.

La question de savoir d’où provenait un tel monstre cosmique resta naturellement sans réponse.

L’effervescence provoquée par cette découverte régnait encore, lorsqu’on s’aperçut que la communication avec l’expédition commandée par Fed Russo venait d’être interrompue.

*

*    *

Les chaînes de montagnes s’échelonnaient en terrasses régulières, d’un aspect aussi sinistre et désolé que la platitude du désert. Toutefois leur altitude même rompait quelque peu la monotonie qui accablait le regard.

Fed Russo pilotait le véhicule au-dessus de l’un de ces plateaux. Un contact permanent informait le croiseur sur ce qui se passait. Quelques instants auparavant, celui-ci les avait avertis que ses détecteurs venaient de perdre le véhicule de vue, mais que la liaison radio demeurait excellente.

— Qu’est-ce que tu viens chercher ici ? interrogea Josh Bonin sur le ton du reproche. Je ne comprends pas ce que...

Fed ne le laissa pas terminer :

— Si tu ne comprends pas, ferme-la !

Un silence oppressant régna quelques minutes.

Sturry Finch, installé juste à côté de la porte donnant dans la soute, était plongé dans des calculs qui, jusqu’à présent, ne débouchaient sur rien. Le véhicule approchait de l’endroit où le plateau prenait la forme d’un cirque, probablement un lac dont l’eau avait aujourd’hui disparu.

Russo trouva le lieu idéal pour se poser. Il atterrit le long de la paroi rocheuse qui, hélas ! ne faisait aucune ombre, le noyau d’énergie se trouvant à la verticale.

— On va se dégourdir les jambes, décida-t-il. Sturry rassembla à la hâte quelques instruments, avant de se précipiter vers le sas.

— Tu as donc beaucoup d’espoir ? interrogea Russo.

— Oh oui ! assura Sturry, les yeux brillants de joie. La coque de l’appareil neutralise toute une série d’influences.

Fed resta sceptique.

— Comment t’y prends-tu pour les détecter au milieu de ce chaos de perturbations ?

— Il y a des méthodes, affirma Sturry, enthousiaste.

— Allons-y ! commanda Josh.

Lorsqu’ils descendirent du véhicule, la chaleur du sol les étonna. Russo s’agenouilla afin de sonder de ses mains les éboulis qui le jonchaient.

— As-tu songé combien de temps il faudrait creuser, pour chatouiller les pieds des gens qui se promènent sur la face extérieure ? ironisa Bonin.

— C’est étonnant, j’étais justement en train de penser la même chose, répondit Fed.

Il secoua la tête.

— Étrange univers, poursuivit-il. Comment s’y retrouver ? Il faudrait baptiser cette planète le Monde de l’Horreur.

— Appelle Rhodan, répliqua Josh, et demande-lui si ta proposition lui convient.

À cet instant, un éclair rouge déchira le ciel blanc. Aucun coup de tonnerre ne suivit. Alors que Russo demeurait sur le qui-vive, il entendit Sturry Finch hurler derrière lui. Il se précipita sur son compagnon qui venait de s’effondrer sur les genoux, les bras levés au ciel, comme s’il implorait une idole. La douleur lui déformait le visage.

— Que se passe-t-il ? interrogea Russo.

Sturry se pencha en avant en gémissant, la main cachée sous le coude.

— Ça fait mal, articula-t-il.

En regardant autour de lui, Fed s’aperçut que l’un des appareils était carbonisé. Une fumée bleutée s’en échappait avec une odeur désagréable. Il comprit enfin ce qui était arrivé.

Sturry se mit sur ses jambes, en montrant ses doigts brûlés, sur lesquels des cloques commençaient déjà à apparaître. Il considéra Fed, la mine dépitée.

— L’éclair, haleta-t-il. Son intensité a fait fondre le récepteur que je tenais.

— Quel récepteur ? demanda Josh indifférent.

— Des structures énergétiques surdimensionnelles, répondit Sturry. L’éclair était le signe externe d’une décharge au niveau dimensionnel.

— Ce qui veut dire ? grommela Fed avec humeur.

Sturry le regarda avec colère.

— Pourquoi me demandes-tu ça à moi ? Appelle le Krest II pour savoir s’ils ont vu quelque chose.

Russo retourna à la navette où il s’installa au poste de pilotage. Quelques secondes plus tard, il était en communication avec le croiseur.

Il raconta ce qui venait de se produire. Sans y faire attention il employa le nom de Monde de l’Horreur pour désigner la planète dans laquelle il se trouvait. Ainsi, pour la première fois dans l’histoire de l’Empire Solaire, un sous-officier eut le privilège de baptiser un astre.

Du croiseur, on avait fait l’observation suivante : à quinze heures, vingt-six minutes et douze secondes, deux rayons rouges émanant de la sphère incandescente s’étaient abattus sur la surface concave. Ils formaient un angle de 180°, ce qui signifiait qu’ils avançaient dans des directions opposées. On avait pu photographier la cible que l’un d’eux avait touchée. Le point d’impact s’était situé à une quarantaine de kilomètres de la chaloupe de débarquement.

Russo reçut l’ordre de s’y rendre, afin d’examiner le terrain. Quant aux données que Finch avaient rassemblées avec l’appareil qui lui avait fondu dans les mains, elles étaient sans doute intéressantes, mais on ne les avait pas encore traitées.

Russo et ses compagnons se mirent en route. Ils longèrent une première vallée, puis prirent de l’altitude, afin d’avoir une meilleure visibilité.

Alors que Josh devait observer l’extérieur, Sturry Finch demeurait absorbé par le contrôle de ses instruments. Russo avait l’intime conviction qu’ils allaient percer le secret du Monde de l’Horreur. La douleur de sa blessure n’enlevait rien à son zèle. Par contre, la perte du détecteur le gênait considérablement. Ses autres appareils restaient exposés aux perturbations que causait le noyau. Il pensait ainsi découvrir de nouvelles sources d’énergie.

Ils avaient parcouru une vingtaine de kilomètres, quand Fed se rendit compte que les réacteurs ne tournaient plus tout à fait rond. Estimant qu’il ne pourrait pas franchir le mur de roche qui approchait, il résolut de le longer.

Il vérifia tout. Quoiqu’aucun indicateur de détresse ne s’allumât, les propulseurs consommaient autant que s’ils tournaient à plein régime. Seul le cadran des générateurs signalait que leur charge augmentait régulièrement.

Il se retourna pour s’adresser à Josh.

— Descends dans la soute des réacteurs pour voir s’il ne se passe rien d’anormal, lui ordonna-t-il.

L’appareil volait maintenant à cinquante mètres au- dessus du sol. Fed cherchait un terrain d’atterrissage convenable, pour le cas où son camarade découvrirait une avarie. Il s’impatienta, car celui-ci demeurait absent trop longtemps à son goût.

— Sturry ! appela-t-il. Va voir ce qu’il fabrique ! Nous sommes pressés.

Finch emprunta l’échelle en tâtonnant. Quelques secondes plus tard un cri d’horreur résonna à l’intérieur du puits. Sturry en ressortit les cheveux en bataille, le visage blême. Il en referma instantanément le clapet.

— Posons-nous ! hurla-t-il. Vite !

Dès que la navette se trouva au sol, Fed détacha sa ceinture et sauta de son siège.

 

 

— Josh... ! balbutia Sturry haletant. Il est... en bas... derrière le générateur, sans connaissance ou mort. Je ne sais pas. En outre il y a...

Fed lut l’horreur dans le regard de son camarade. Pétrifié par le sentiment d’une menace mortelle, il dut faire effort pour jeter un œil sur les écrans.

Alors il vit.

Il s’agissait d’une flamme ou de quelque chose de semblable, une créature frémissante et luisante qui planait dans l’air en effectuant d’étranges mouvements. On eût dit les pas d’une danse effrénée qu’elle exécutait sans but apparent. Toutefois, elle semblait paisible, et Fed ne comprenait pas ce qui mettait Sturry dans un tel état.

Il retourna à son poste pour mettre en action les boucliers d’énergie. Simple mesure de sécurité. À l’écran, l’image d’un bref flamboiement rouge le fit tressaillir. Il tendit involontairement ses muscles, comme pour amortir le choc qui allait suivre. Cependant, tout demeura calme. Derrière lui, Sturry Finch gémissait sous l’effet de douleurs atroces.

— Qu’est-ce que... ? commença Fed.

Finch considérait toujours la flamme frémissante, comme s’il se fût trouvé face à un esprit, qu’il désigna d’une main tremblante.

— Ça, là-bas... ! La même chose... ! Dans la soute des propulseurs..., articula-t-il avec peine.

Alors seulement, Fed réalisa le sérieux de la situation.