CHAPITRE IV

— Premier accrochage avec l’ennemi, annonça le capitaine Redhorse d’une voix plus grave que d’habitude, tandis que Perry Rhodan serrait les dents. Ganter est tombé, Pagel blessé, le T-14 hors combat, ainsi que quatorze robots d’intervention. L’adversaire en a perdu une centaine, nous lui avons détruit vingt- quatre coupoles à tourelles et un disque volant. Terminé.

— Merci, répondit laconiquement le Stellarque.

Bien qu’il eût vu mourir beaucoup d’hommes dans

sa vie, chaque nouvelle perte le bouleversait un peu plus.

— Regroupez votre troupe au nord de la ville Y, où la C-7 va venir vous récupérer, reprit-il lentement. Restez sans pitié à l’égard de l’adversaire, mais épargnez les bâtiments.

Il prit contact avec le Krest II.

— Nouvelles instructions, déclara-t-il à Rudo. Que les deux tiers des chaloupes et les trois quarts des chasseurs cosmiques partent immédiatement en mission d’exploration sur tout le continent.

Il fit ensuite un récit des affrontements qui venaient d’avoir lieu.

— Il importe avant tout d’évaluer la capacité de résistance de l’ennemi, poursuivit-il. En cas d’agression, ne faites pas de quartier, mais veillez en priorité à la sécurité de nos hommes. Le capitaine Kagato recevra l’ordre d’équiper les navettes de robots adéquats. Pour ma part, j’ai besoin de la C-8. Que les mutants restent en réserve ! Quant aux mulots, faites- les embarquer à bord d’une chaloupe qui devra se tenir prête à appareiller. Terminé !

— La situation atteint doucement son paroxysme, ironisa Atlan.

— C’est exactement ce que je souhaite, répliqua le Terranien, avant de transmettre ses ordres à Kagato.

La C-8 fut mise sans tarder à sa disposition, commandée par le major Jeury Sedenko. Moins d’une minute plus tard, Rhodan et l’Arkonide prenaient place à bord de la navette, qui décolla aussitôt, pour foncer dans le ciel de Raum.

Le Stellarque se souvint, non sans émotion, que quatre cents ans auparavant, il quittait pour la première fois le Système Solaire, à bord d’un appareil de ce type.

— Montez à dix mille mètres ! indiqua-t-il. Ensuite, mettez le cap sur le pôle nord en maintenant votre vitesse ! Faites donner à plein les instruments de détection !

— Violente bataille au nord-nord-est, annonça Sedenko au bout de quelques minutes de vol. Une unité de débarquement est aux prises avec des robots ennemis.

Rhodan examina les résultats des repérages : une chaloupe avait expulsé des engins automatiques, afin d’explorer une nouvelle cité en ruine. Ils se heurtaient à une sérieuse résistance, mais le Stellarque estima qu’ils s’en tireraient seuls.

— Maintenez le cap ! décida-t-il.

Mais au même instant, le champ de force de l’autre navette se mit à scintiller, avec une intensité si éblouissante qu’il dut cligner des yeux.

— Des missiles légers avec des têtes nucléaires à fusion, expliqua Sedenko. On les a lancés à partir du sol. Dois-je ouvrir le feu ?

— Oui, décida Rhodan.

Il observa attentivement l’appareil qui était en train de décoller, sans avoir tiré sur les lance-fusées, car il manquait probablement de recul pour atteindre la cible. Au même instant, des salves radiantes partirent de la C-8, touchant à un rythme régulier les pièces ennemies. La résistance fut brève ; la bataille ne dura pas plus de deux minutes.

Rhodan reprit contact avec Redhorse.

— Y a-t-il eu des pertes ? interrogea-t-il.

— Tous les robots de combat de la C-7, annonça le capitaine d’un ton amer.

— Nous nous en consolerons, lui assura le Stellarque, que quelque chose d’autre préoccupait. Retrouvez plutôt Icho Tolot, qui est parti à bord d’un triscaphe. Son métabolisme ne peut vraisemblablement rien contre des fusées à fusion.

— Je me fais vraiment du souci pour ton ami, confia-t-il à Atlan, après avoir coupé la communication.

— Moi aussi, avoua l’Arkonide. Sans vouloir jouer les pessimistes, j’ai le sentiment que nous dépendrons bientôt entièrement de ses fabuleuses capacités.

Un signal de détresse s’alluma au tableau de bord.

— La C-12 est attirée au sol par un puissant champ magnétique, alors que de lourdes batteries déchaînent des jets radiants. Son écran protecteur ne tiendra pas le choc.

— Demandez-lui sa position, ordonna Rhodan. Dès qu’elle vous l’aura transmise, mettez le cap sur lui !

Il se tourna vers le radio qui appelait le Krest II. L’espace d’un instant, il s’abandonna au sentiment de fierté que lui inspirait son équipage.

— Vous avez le major Rudo ?

Le responsable hypercom lui passa le micro sans un mot.

— Ici Rhodan ! Décollez rapidement pour aller prêter main-forte à la C-12. Je suppose que vous avez entendu son S.O.S. ?

— Exécution immédiate, répondit l’Epsalien.

— Qui commande l’appareil ? reprit Rhodan.

— Le capitaine Henderson.

Au moment où il rendait le micro au radio, une violente secousse lui fit perdre l’équilibre. Il réussit cependant à s’agripper au fauteuil d’Atlan.

— Le champ magnétique ! s’écria Sedenko.

— N’essayez pas d’y résister ! hurla Rhodan, tentant de couvrir le vrombissement des propulseurs, que le pilote venait de faire monter en régime, pour arracher la C-8 à la force d’attraction.

Sedenko réduisit les gaz immédiatement.

— Laissons-nous aller, expliqua Rhodan, ensuite nous ouvrirons le feu.

Au moins vingt sphères d’énergie se profilaient à l’horizon, suivies d’un point jaune étincelant qui s’en approchait à vive allure. Rhodan identifia instantanément le phénomène : il s’agissait des fusées de lancement des rayons thermiques ennemis, dont les écrans protecteurs résistaient si vaillamment aux salves de la C-12.

Sedenko avait été aussi rapide que Perry car, dès l’apparition de la menace, il avait donné ses instructions au central de tir de la navette. Toutefois, les jets radiants déchaînés par la C-8 à intervalles brefs et réguliers frappèrent l’adversaire sans aucun résultat. Pire, on détecta bientôt les premiers missiles, qui allaient obliger la chaloupe à investir dans la défense plus de la moitié de ses ressources en énergie. A quelques encablures, en effet, les explosions nucléaires commençaient à se multiplier. Rhodan savait que cela pouvait devenir dangereux, si le champ magnétique continuait de les aspirer.

— Accélérez dans le sens de l’attraction ! ordonna- t-il, le visage blême.

Sedenko se retourna, étonné, mais il comprit sans tarder. En augmentant sa vitesse, la chaloupe survola en quelques secondes les boules flamboyantes. Toutefois, la manœuvre n’eut pas l’effet escompté, car le champ magnétique récupéra la C-8 au bout de peu de temps, l’attirant irrésistiblement vers le sol.

Que faisait donc le major Rudo ? En guise de réponse, un éclair apparut parmi les sphères incandescentes. La zébrure lumineuse, d’abord anodine, fut suivie de la formation d’une gigantesque poche gazeuse, chargée de poussière et de débris qui les absorba, laissant, lorsqu’elle retomba, un cratère bouillonnant.

Le Krest II n’avait frappé qu’une seule fois. Il avait emporté la décision en une fraction de seconde.

Rhodan observa sur les écrans l’atterrissage vacillant de la C-12, dont les écrans protecteurs tremblaient encore sous l’effet de la surcharge. Il renonça à appeler Henderson, afin de ne pas le déranger pendant la manœuvre. Il ordonna à Sedenko de se poser à côté de lui, tandis que le croiseur devait fournir une équipe de sauvetage.

Trois minutes plus tard, accompagné d’Atlan et des médirobots, il grimpait la rampe de la C-12, dont la coque refroidissait lentement.

Les points d’impact des rayons ardents avaient laissé des taches bleutées sur la coque. Il constata avec le plus grand soulagement que, malgré quelques ecchymoses, chacun était sain et sauf.

— Comment avez-vous fait ? demanda-t-il à Sven Henderson, le responsable du commando de chasse.

Celui-ci plissa les rides qui s’étalaient en patte- d’oie autour de ses yeux.

— Quelque chose comme un sixième sens, assura- t-il. Dès l’intervention du champ magnétique, j’ai envoyé les hommes en combinaison étanche dans les réservoirs d’eau. Les secousses y étaient amorties.

— Dans les réservoirs d’eau ? s’écria Atlan avec stupéfaction.

Il se mit à rire, avant d’ajouter :

— Vous n’aurez jamais fini de m’étonner, vous, les Terraniens. Dans les situations désespérées, vous prenez toujours les initiatives les plus farfelues.

— Je n’aurais jamais eu cette excellente idée, avoua Rhodan, en serrant chaleureusement la main du capitaine.

— Sans le vaisseau amiral, nous n’aurions pas tenu longtemps, précisa ce dernier.

— Je pense qu’il faut continuer notre route vers le nord avec le Krest II, suggéra le Stellarque.

D allait se tourner, afin de quitter le poste central, lorsqu’une nouvelle secousse le projeta contre l’Arkonide. Tous deux tombèrent sur Henderson. Dès que l’appareil se stabilisa un peu, il sauta sur ses jambes pour appuyer sur le levier de secours. La C-12 se mit à foncer dans l’atmosphère.

Sur les écrans, la plaine se disloquait sous l’effet d’étranges convulsions. Rhodan donna l’ordre à toutes les équipes au sol de décoller immédiatement et d’apporter de l’aide aux véhicules endommagés.

Pendant ce temps, la C-12 avait atteint une altitude de cent quatre-vingts kilomètres qui lui donnait une vue plus globale de la situation. Une gigantesque marée submergeait la côte rocheuse du continent, dont les falaises s’élevaient par endroits à quelque deux cents mètres au-dessus du niveau de la mer. On eût dit que la planète tentait de disperser sa masse d’eau dans le cosmos.

Les messages en provenance des chaloupes et des triscaphes rassurèrent Rhodan. L’opération de sauvetage se passait bien ; on avait réussi à récupérer les équipages des blindés et des appareils détruits dans l’expédition. Il était grand temps, car un cri d’horreur s’éleva dans le poste central du croiseur : un rayon d’énergie rouge orangé venait d’apparaître au pôle nord de la planète.

Perry Rhodan blêmit.

— Cauchemar !

Ce fut tout ce qu’il arriva à articuler. Raum allait- elle connaître le même destin que le monde défunt qu’il venait de nommer ? Cette planète océanique se déstructurerait-elle de manière identique ?

Il tomba un silence profond, aussi éloquent sur l’effroi des hommes que les cris qu’ils avaient poussés précédemment. L’angoisse étreignait également Perry Rhodan, qui savait qu’il n’y aurait pas de retour sur Terre, si Raum finissait comme Cauchemar, car la station de réglage disparaîtrait elle aussi dans cette apocalypse. Or, il était nécessaire de découvrir celle-ci pour pouvoir regagner la planète mère.

Étant donné l’urgence quasi désespérée de la situation, le Stellarque ne perdit pas une seconde. Sans laisser deviner son désarroi, il donna des ordres sur un ton glacial et résolu qui ne souffrait pas la contestation. L’équipage commença à reprendre son sang-froid.

Lorsque, cinq minutes après la première secousse, les navettes et les triscaphes eurent terminé leur opération de sauvetage, ils se groupèrent en escadrille, pour suivre le Krest II en direction du pôle nord.

Perry Rhodan et Atlan avaient réintégré le croiseur, qui volait en rase-mottes vers le point d’émission du rayon rouge orangé. Ce dernier s’élevait dans l’espace, puis se perdait entre les Jumeaux où se formait une gigantesque concentration d’énergie.

La vaste plaine continuait de se fissurer, soulevant d’immenses nuages de poussière, tandis qu’au sud des gerbes d’écume en furie atteignaient presque l’ionosphère.

La voix du major Wiffert déchira le silence qui pesait comme du plomb dans le poste central. Le responsable de la défense voulait savoir s’il devait ouvrir le feu sur un objet non identifié, approchant du croiseur de façon inquiétante. Rhodan lui ordonna de temporiser, mais alors qu’il s’interrogeait sur la signification de cette apparition, L’Émir s’écria :

— Ne tirez surtout pas !

— Tolot ? demanda le Stellarque plein d’espoir.

— Oui, c’est ce gros maladroit, pépia le mulot. Il n’arrive pas à prendre de l’altitude parce que les générateurs anti-g sont endommagés.

— Utilisez un rayon tracteur pour récupérer le triscaphe ! lança Rhodan à l’adresse de l’Epsalien.

Le central de détection appela par intercom :

— Ici le major Notami. Nous localisons de fortes concentrations d’énergie dans la région du pôle.

Suivi d’Atlan, Perry Rhodan se précipita dans le bureau de Notami. Au détour d’un puits anti-g, ils entendirent les pas lourds du colosse, dont le triscaphe venait d’être tiré à bord du croiseur. Ils l’attendirent, afin de le prier de les accompagner.

— Aucun doute, Monsieur, affirma Enrico Notami. Il s’agit d’une énergie identique à celle libérée par le transmetteur qui nous a projetés dans le Système des Jumeaux.

— Les proportions dégagées sont-elles identiques ? demanda Rhodan.

— Légèrement moindres, répondit Notami. Cependant, nous ne possédons pas de point de comparaison précis, car plusieurs instruments étaient tombés en panne, lorsque nous avons traversé l’Hexagone des Sextuplées.

Rhodan revit comme dans un kaléidoscope le trajet insensé qu’ils avaient effectué en direction de la constellation hexagonale, dont la disposition rappelait si parfaitement celle des six pyramides de Kahalo. La différence résidait seulement dans le fait que, sur la route d’Andromède, l’énergie du transmetteur n’avait pas été produite par des constructions, mais par de gigantesques étoiles.

À quoi correspondait donc la mise en marche des centrales de Raum ?

— Je me trouvais non loin du pôle quand tout a commencé, raconta le Halutien. À mon avis, cette porte de l’enfer accumule de l’énergie, destinée à ramener quelque chose.

— Ramener quoi ? s’empressa d’interroger Notami.

— Je ne sais pas. Peut-être la planète Cauchemar, supposa Tolot. Cette masse énorme doit bien être quelque part !

Rhodan regarda avec insistance le responsable de la détection.

— Notami, ne nous mettez pas au supplice, je vous prie ! Vous avez votre idée sur la question. Eh bien ?

— Il ne s’agit que d’une hypothèse, hésita le major.

Le Stellarque eut un geste qui ne souffrait pas la moindre tergiversation. Notami poursuivit :

— Je me souviens que, lors de notre immersion dans le transmetteur hexagonal, le flux d’énergie circulait à l’inverse de celui-ci.

— Vous n’aviez pas encore perdu connaissance ? observa l’Arkonide avec scepticisme.

— Je l’ignore. Il me reste néanmoins en mémoire l’image d’un instrument de mesure qui se trouvait devant moi. Peut-être une hallucination provoquée par le choc...

— Une telle éventualité existe, affirma Rhodan, bien que je la tienne pour tout à fait invraisemblable. Je ne souhaitais pas en parler, mais ce que m’a confié un membre de l’équipage nous donne une idée du caractère tout à fait exceptionnel du choc que nous avons subi. Cet homme se souvenait en effet d’avoir, au moment de l’impact, déconnecté un robot qui, après l’arrivée dans le Système des Jumeaux, se trouvait à quatre cents mètres de l’endroit où il avait perdu connaissance. J’ai vérifié : le souvenir correspond à la réalité.

Notami vira au vert.

— Eh bien, poursuivit Rhodan en s’adressant à ce dernier, le flux énergétique est-il vraiment opposé à celui dont vous vous souvenez ?

— Oui.

— Donc, j’avais raison, triompha le Halutien. Quelque chose va passer à travers cette porte de l’enfer !

— Insensé ! protesta Atlan avec hostilité. Nous n’aurions jamais dû écouter Tolot. Cela au moins nous aurait été épargné.

Le colosse eut un rictus, que seuls ceux qui le connaissaient bien purent identifier comme un sourire amer.

Un appel intercom interrompit la conversation. Rudo informa le commandement que le Box-8323 venait de lancer un S.O.S. Rhodan ne le laissa pas terminer sa communication.

— Donnez l’alerte pour le Krest II ! ordonna-t-il précipitamment. Ne coupez pas ! Je crois que Notami a les résultats des détecteurs.

— Une partie seulement, rectifia celui-ci, en proie à une extrême nervosité. La concentration énergétique située entre les deux étoiles dissimule une monstruosité noire ; apparemment une nef spatiale - mais quel bâtiment !

— Vous devenez lyrique, ironisa Rhodan sèchement. Que dit l’analyseur de morphologie ?

On lui montra l’écran concerné. Notami avait raison : un navire noir et longiligne était en train de se détacher de la sphère incandescente qui se trouvait entre les deux soleils. Son aspect tenait davantage du crayon que du croiseur stellaire.

— Longueur environ mille mètres, diamètre cent seulement, annonça Notami.

Bien qu’il se sentît décontenancé, Atlan réussit à sourire, lorsqu’il devina les pensées de son ami.

— Ne crains rien ! lui dit-il. Je ne panique pas. Simplement je ne suis plus aussi audacieux que vous, les Terraniens.

Sans relever la remarque, le Stellarque lui fit part de son sentiment quant à cette apparition.

— Je suppose que le « crayon » fait partie du système. Quelqu’un que nous ne connaissons pas a dû appeler à l’aide pour une raison que nous ne saisissons pas, dit-il.

Il se dirigea aussitôt vers l’intercom.

— Dans combien de temps atteindrons-nous le pôle ? interrogea-t-il quand le visage de Cart Rudo apparut.

— Dans cinq minutes. Je propose de ne pas nous approcher à moins de trois kilomètres du rayon rouge orangé, pour le cas où son diamètre augmenterait, suggéra le pilote.

— Entendu. Continuez à voler à basse altitude. L’alarme se déclencha à nouveau.

— Nous avons repéré de puissantes décharges énergétiques dans la région située entre les Jumeaux et le cercle des satellites, annonça Notami.

Rhodan n’eut pas une seconde d’hésitation ; il se précipita au poste central, où Rudo l’attendait déjà.

— S.O.S. des Bioposis, expliqua ce dernier. Le « crayon » les attaque.

 

 

Assis sur un strapontin, Perry Rhodan regardait l’agrandissement de l’image que l’Epsalien lui avait apportée. Il observait en retenant son souffle les salves tirées par le « crayon ». Les rayons thermiques vert clair bombardaient la nef composite, donnant l’impression de l’absorber, tant l’intensité lumineuse était forte lorsqu’ils la touchaient.

Cependant, détruire un tel bâtiment demeurait une opération délicate, bien qu’une quarantaine de canons transformateurs fussent en action. Rhodan eut un moment le sentiment que le croiseur allait sortir indemne de cet enfer énergétique, mais un roulis sur le diagramme du cap ne tarda pas à infirmer ce diagnostic.

Un nouveau jet radiant le frappa. Il changea de tactique, afin de riposter efficacement, et surprit son mystérieux adversaire en l’affrontant de face : le « crayon » vacilla sur son axe, avant de battre en retraite.

Rhodan, inquiet, fit appeler le poste central du vaisseau bioposi :

— Ici le Stellarque. Quelle est la situation à bord ?

Box-8323. Dépêchez-vous d’intervenir ! Nous pouvons encore tenir, mais nous ignorons combien de temps. L’adversaire utilise d’étranges armes.

— Mais vous l’avez battu !

— Il ne devrait pas pouvoir sortir du Système des Jumeaux. Nous essayons de faire front, mais...

Un effroyable craquement l’interrompit. On eût dit que la planète se disloquait. Quelques instants plus tard, on distingua la voix de l’un des quatre commandants :

— Attention, je coupe la communication. Nous avons besoin de toutes nos ressources pour coordonner la défense.

— Nous sommes arrivés, annonça Rudo. Je sollicite l’autorisation d’atterrir.

— Autorisation accordée, répliqua Rhodan, qui se demandait de quelles armes étranges il pouvait bien s’agir.

Il soupira, car il lui était présentement impossible de répondre à cette lancinante question. Il fit diversion en se disant qu’après tout, il avait le temps de découvrir la station d’ajustage, tant que les Bioposis résistaient.

Au poste central, les mutants s’étaient rassemblés, armés jusqu’aux dents, prêts à entrer en action. Rhodan n’eut donc pas recours à l’intercom pour donner ses instructions.

— L’Émir, Gecko, Goratchine, Sengu ! appela-t-il.

Tous s’approchèrent sans un mot et attendirent.

— Tolot !

Le Halutien vint se placer entre les deux mulots.

Le Stellarque sourit, avant de déclarer :

— La C-8 nous attend dans la soute. L’Émir, Gecko, vous allez nous y téléporter. Vous prendrez d’abord Tolot et Goratchine, puis Sengu et moi.

Lorsque les mulots eurent disparu, Rhodan s’adressa à son épouse sur un ton qui se voulait apaisant :

— Tu sais ce que tu dois faire au cas où nous ne reviendrions pas.

Mory Abro hocha calmement la tête, se contentant de répondre par un sourire, dont elle souhaitait qu’il donnerait courage à son mari. Celui-ci pensa à cet instant qu’il avait une admirable compagne et refoula l’inquiétude qui allait l’envahir : il pouvait compter sur Kasom, capable mieux que quiconque de protéger Mory, si besoin était.

Quand les petites créatures pelues réapparurent, Atlan se trouvait devant lui.

— Je t’accompagne, évidemment, déclara l’Arkonide sur un ton décidé.

Rhodan fit à L’Émir un signe affirmatif. Celui-ci disparut aussitôt avec Sengu et Atlan, tandis que Perry prenait le bras de Gecko. Tous se rematérialisèrent au poste central de la    C-8. Derrière les fauteuils de l’équipage, des robots d’un type nouveau, donnant une désagréable impression de fragilité, étaient prêts à prendre le relais, au cas où les humains se trouveraient dans l’impossibilité d’agir. Rhodan tenait en effet à ne rien laisser au hasard. Pour cette raison également, un commando de spécialistes epsaliens armés jusqu’aux dents se tenait prêt à débarquer. Don Redhorse commandait à nouveau la C-8. Seule l’acuité de son regard trahissait la concentration avec laquelle il se préparait à sa mission.

Rhodan s’installa à proximité de l’hypercom, afin que le contact avec le Krest II demeure permanent au cours de l’opération.

— Que font les Bioposis ? demanda-t-il.

— Ils résistent.

Rhodan se tourna vers Redhorse :

— Départ immédiat. Destination prévue.

La porte de la soute s’ouvrit automatiquement ; la C-8 fut aussitôt expulsée. Les blocs-propulsion se mirent à vrombir. Sur l’écran, le rayon rouge orangé grossissait déjà.