CHAPITRE PREMIER

La douleur torturait le pilote du « crayon ». Les étrangers avaient pratiquement détruit son navire, que dévastait à présent un incendie nucléaire ; si le feu gagnait les générateurs, il n’en resterait bientôt plus que de la poussière radioactive. Il savait maintenant qu’il ne rentrerait jamais chez lui.

Sans se laisser anéantir par le désespoir, il se mit à réfléchir avant de passer à l’action. Il était venu ici pour effectuer des observations, mais s’était rapidement retrouvé dans le rôle du protecteur. En effet, comme tout ce que les étrangers entreprenaient était contraire à l’esprit de sa mission, il se voyait contraint de s’y opposer.

Il manipula ses instruments de mesure pour connaître le sens et l’intensité du champ de transport entre les deux soleils. Les résultats confirmèrent ses soupçons : si aucun changement n’intervenait, l’adversaire réussirait à regagner sa galaxie mère.

Il s’agissait d’empêcher ce retour. Cela ne présentait pas de difficulté majeure. Pendant que le sinistre continuait de se propager, il effectua quelques réglages. Les ondes émises peu après depuis le « crayon » agirent sur les appareils placés à l’intérieur de la coupole en forme de cloche, située sur l’une des sept planètes qui tournaient autour du double soleil des Jumeaux. En peu de temps, le champ de transport changea de direction, tandis que son intensité se modifiait.

Mission terminée. Les étrangers ne rentreraient pas chez eux.

Pendant qu’il goûtait la satisfaction du devoir accompli, le feu avait atteint les générateurs. Le « crayon » disparut dans un éclair bleu acier.

Le Krest II, navire amiral de la flotte terraine, fonçait en direction de l’espace séparant les deux étoiles, où se trouvait le point focal du champ de transport qui ouvrait une faille dans la paroi du continuum quadridimensionnel. Le croiseur devait passer par là, avant d’effectuer un vol hors du temps à travers l’hyperespace et rejoindre la galaxie mère.

Icho Tolot, le seul passager à ne pas dormir sous l’effet des drogues cryogéniques, observait depuis le poste central le grossissement des deux soleils. Aidés par la force d’attraction des Jumeaux, les propulseurs tournaient à plein régime. Ayant lui-même programmé le vol, il ne doutait pas un seul instant qu’il apercevrait sans tarder le fourmillement d’étoiles de la Voie Lactée. Afin de faire face à la transition de plus de neuf cent mille années-lumière, il s’apprêtait à transformer sa matière organique en une structure cristalline. Grâce à cette propriété que possédaient les cellules de son corps, il était le seul à pouvoir effecteur ce saut consciemment.

Une fois cette opération terminée, il attendit, figé comme une statue face aux commandes du croiseur, que celui-ci atteignît le centre des deux soleils où la transition devait avoir lieu.

Le choc fut terrible, même pour le corps en quelque sorte blindé du Halutien. Une épouvantable douleur faillit lui faire perdre connaissance. Il crut qu’il allait s’effondrer au sol, mais réussit in extremis à rétablir l’équilibre. Les écrans un moment aveugles transmettaient à présent l’image d’une sphère incandescente, vers laquelle le Krest II se dirigeait à une vitesse démentielle. Tolot réussit de justesse à éviter le danger en changeant brutalement le cap. Sur tous les ponts les alarmes retentirent, lorsque le compensateur de gravité ne parvint plus à amortir l’accélération radiale. Une terrible pesanteur se fit sentir dans tout le navire.

Cela ne gênait en rien le colosse qui continuait de s’affairer à la console de pilotage. Le vaisseau ralentit progressivement, puis finit par s’immobiliser. Le géant put alors calculer la distance qui le séparait du soleil.

Soudain, le détecteur automatique déclencha un signal de détresse. Tolot interrogea la mémoire de l’ordinateur. Le papier qui sortit de l’imprimante le plongea dans une immense perplexité. Il orienta malgré tout le télescope en fonction des informations qu’il venait de recevoir, avant d’en projeter l’image sur l’un des écrans. Il découvrit la surface d’une planète désertique, couverte de cratères et de chaînes de montagnes. En effectuant avec son appareil une révolution de 180°, il reçut toujours la même image. Il comprit que la transition avait échoué : le croiseur se trouvait en un lieu qui défiait toutes les lois scientifiques jusqu’alors connues : la planète étrangère n’était pas située devant le navire, mais tout autour de lui. Autrement dit, la manœuvre avait pris fin à l’intérieur d’un monde creux.

Les membres de l’équipage revinrent à eux les uns après les autres, chacun tentant de rassembler ses souvenirs : les Jumeaux, la déstructuration de Raum, le transmetteur...

Perry Rhodan reprit vite ses esprits. La transition était passée, le croiseur avait donc traversé l’hyperespace. Le saut avait-il été couronné de succès ?

Le Stellarque dut lutter contre l’épuisement qui résultait du choc et du narcotique. Éprouvant de la difficulté à tenir sur ses jambes, il se cramponnait aux objets qui se trouvaient à sa portée, pour éviter de perdre l’équilibre. Tandis qu’il rassemblait ses vêtements, qu’il avait enlevés sur les conseils du médecin, il se demandait comment ses compagnons avaient surmonté l’épreuve. L’état de Mory Abro, son épouse, l’inquiétait par-dessus tout.

Son devoir l’incita cependant à prendre contact avec le poste central, afin de s’enquérir de la situation. Icho Tolot apparut à l’écran. Rhodan n’avait jamais réussi à deviner les sentiments du géant d’après l’expression de son visage. En cet instant, toutefois, il aurait juré que cette figure aux trois yeux manifestait du souci.

— Alors ? interrogea-t-il laconiquement.

Le colosse s’effaça pour faire de la place à Melbar Kasom, qui était revenu à lui avant les autres grâce à sa robuste constitution.

— D’après les renseignements dont nous disposons, expliqua ce dernier avec respect, nous n’avons pas atteint notre but.

— Où sommes-nous ? reprit Rhodan.

L’Étrusien ne répondit pas tout de suite, trahissant

ainsi l’embarras dans lequel il se trouvait.

— Chef, finit-il par articuler. Je crois... Il serait sans doute préférable que vous veniez au poste central. .. Je ne pense pas...

Rhodan l’interrompit d’un geste rapide.

— J’arrive immédiatement, assura-t-il, avant de couper.

Il se précipita. Les insinuations de Kasom l’inquiétèrent. Qu’est-ce qui pouvait paniquer à ce point l’Étrusien ?

Lorsqu’il entra dans le poste central, il considéra avec désarroi l’image du soleil inconnu retransmise sur les écrans. Il lui paraissait inconcevable que le croiseur fût retourné dans l’espace einsteinien. Il rejoignit en toute hâte les deux géants absorbés dans des calculs. Sans un mot, l’Étrusien lui tendit une feuille qui venait de sortir de l’imprimante. Il s’agissait des conclusions que le cerveau P tirait des observations les plus récentes. Rhodan faillit en tomber à la renverse.

Le croiseur était immobile à l’intérieur d’un monde creux. Ce que l’on prenait pour un soleil était en réalité une sphère d’énergie.

Comment expliquer que le Krest II n’ait pas resurgi, comme prévu, quelque part à proximité de la galaxie mère, mais à l’intérieur de cette sphère gigantesque ? Il fallait à présent déterminer la distance qui séparait celle-ci du transmetteur solaire.

Le fait que le croiseur ait été projeté hors du Système des Jumeaux dans un monde encore plus incroyable, montrait à l’évidence que derrière tout cela se cachait une organisation consciente. On pouvait raisonnablement supposer qu’il s’agissait des mêmes inconnus que ceux qui avaient présidé aux événements survenus dans le gouffre entre les galaxies. Autrement dit, quelqu’un avait modifié le programme du transmetteur solaire pendant que le Krest II fonçait vers le point de focalisation situé entre les deux astres.

Rien de réjouissant dans la perspective d’une telle hypothèse : à n’en pas douter, l’adversaire qui avait commencé ses nuisances sur Cauchemar n’allait pas s’arrêter en si bon chemin. Le calme présent ne rassurait donc nullement Perry Rhodan.

Lorsqu’il se tourna pour donner un ordre à l’Étrusien, l’alarme retentit pour la troisième fois. Le navire venait de se remettre en route. Les trois hommes se regardèrent ; personne n’avait mis les propulseurs en marche. La puissance qui manœuvrait le vaisseau provenait par conséquent de l’extérieur.

— Ça me rappelle le jour où l’on nous a forcés à ! atterrir sur Cauchemar, remarqua tranquillement le Halutien.

— Possible, admit le Stellarque. Nous ne devons pas pour autant rester inactifs ; notre situation pourrait devenir encore plus dangereuse. Déterminez le cap, je vous prie. Kasom, prenez les commandes. Moi, je m’occupe des champs protecteurs.

Se souvenant de leurs récentes aventures sur Cauchemar et dans le Système des Jumeaux, Rhodan fut soudain envahi par le sentiment de lutter contre des forces infiniment supérieures, contre lesquelles ils ne pouvaient rien. Un instant il eut la tentation de céder au désespoir. Il surmonta son abattement en analysant plus avant la situation.

Se remémorant Cauchemar, les énormes quantités d’énergie qui avaient avalé la planète en quelques jours, le transmetteur solaire, la position des étoiles jumelles, il réalisa rapidement que la connaissance des principes technologiques qui déterminaient tous ces mécanismes serait de nature à rendre à la Terre sa suprématie dans la galaxie mère. Mais pour l’acquérir, il importait que le Krest II quittât ce monde infernal.

« Il faut sortir d’ici », pensa Perry en proie à un accès de rage qui lui fit oublier sa fatigue. Icho Tolot, qui avait trouvé le cap, l’interrompit dans ses réflexions.

— Nous sommes soumis à deux types d’accélération différents, expliqua-t-il, l’accélération linéaire et l’accélération radiale. Il semble que le croiseur tourne présentement en orbite autour du noyau énergétique qui se trouve au centre de la cavité. Je suppose toutefois que ce mouvement se transformera en spirale, et nous en éloignera si sa vitesse augmente.

— À la manière d’un synchrotron qui accélère le mouvement orbital d’une micro particule, commenta Melbar Kasom.

Rhodan tenta de saisir l’analogie. Était-il possible, à partir de la similitude des événements, de conclure à une disposition des champs énergétiques qui produirait un effet synchrotron ?

Oubliant ses instruments, il pesa le pour et le contre de son hypothèse, puis il bondit si vivement qu’il surprit le placide Halutien.

— Il existe peut-être une chance de nous protéger ! s’exclama-t-il. Il faut que j’effectue quelques calculs. J’ai besoin de toutes les données. Kasom, que chaque homme qui reprend connaissance informe le commandement !

— Je domine la situation, lui indiqua le Halutien avec bienveillance. Je crois pouvoir vous fournir sous peu une précieuse information.

Rhodan le remercia d’un regard, avant d’ouvrir la porte du sas. Il ne s’étonnait pas que Tolot eût deviné son idée.

Le bourdonnement caractéristique des ordinateurs l’accueillit lorsqu’il entra dans la salle du cerveau P il s’assit devant la console principale et commença à entrer en mémoire les données qu’il possédait.

Une minute plus tard, la vitesse du Krest II avait atteint cinq mille kilomètres seconde, l’éloignant considérablement du noyau d’énergie. Cela n’allait pas sans problème, car les compensateurs de gravité ne parvenaient plus à neutraliser la force centrifuge. Kasom fixait anxieusement les témoins lumineux.

Comme Tolot l’avait prévu, l’amplitude du mouvement spiral augmentait. Au-dessous du croiseur s’étendaient les vastes espaces crevassés de la planète concave.

Il ne faisait aucun doute que l’adversaire souhaitait anéantir l’intrus. Peu importaient les moyens qu’il comptait utiliser : il pouvait l’attaquer avec des projectiles ou accélérer la rotation tel un lanceur de marteau, jusqu’à ce que le navire aille s’écraser contre les parois de la planète. Le rapport des forces lui restait dans tous les cas favorable.

Le Halutien transmettait sans interruption à Rhodan les données que celui-ci, rivé à l’écran de sa machine, exploitait immédiatement.

À nouveau l’alarme retentit ; les générateurs atteignaient le seuil de saturation.

Toujours la même réponse. Une équation à six variables et leurs dérivées assorties de coefficients inconnus. Rhodan mettait immédiatement en mémoire les informations fournies par Tolot. Cependant, aucun mouvement du croiseur n’était suffisamment caractéristique pour en faire dériver les six coefficients.

Le temps passait. Rhodan avait entendu l’alarme. L’accélération qui l’avait cloué sur son siège lui en avait fourni la raison. Tolot lui indiqua peu après qu’il allait quitter son poste, estimant que de nouvelles investigations s’avéraient nécessaires. Le Terranien ne tenta pas de le retenir, ni de l’interroger ; il savait que le géant ne prenait jamais de décision à la légère.

Il se mit à réfléchir fébrilement, cherchant ce qui lui avait sans doute échappé. La machine ne pouvait  lui rendre service, car elle venait une fois de plus d’afficher un résultat identique.

Ces coefficients restaient décidément indéfinissables.

Il enfouit sa tête dans ses mains, ferma les yeux, essayant de découvrir quelque chose qui le mît sur la voie.

Quelques secondes plus tard, l’augmentation de la pesanteur l’obligea à changer de position ; il éprouvait à présent des difficultés à respirer. Il entendit la voix toujours calme de Tolot :

— L’ampleur de la spirale diminue. Comme des particules élémentaires.

Rhodan comprit instantanément. L’analogie était plus claire que tout à l’heure. Des particules élémentaires se meuvent aussi à l’intérieur d’un synchrotron sur une orbite spirale. L’idée qui lui venait, lui coupait le souffle.

— Tolot, articula-t-il, pouvez-vous déterminer si le navire émet une sorte de rayonnement ?

Le Halutien répondit sans hésiter :

— Mes instruments enregistrent effectivement un phénomène de cet ordre. Ils ne détectent que la composante dispersée d’un faisceau quintidimensionnel. Je vais vous en transmettre les coordonnées.

La machine de Rhodan exploita aussitôt les données livrées par le géant. Il sembla au Terranien que le cerveau P mettait des heures à les digérer. Son impatience était à son comble. Si les informations de Tolot étaient exactes, ils connaîtraient bientôt trois coefficients ; il en fallait six pour résoudre l’équation.

Au bout de trente secondes qui lui parurent interminables, le cerveau P afficha les coefficients en question. Il s’empara du micro pour en informer le colosse. On pouvait à présent mettre en place les écrans protecteurs, puisqu’on connaissait trois composantes des forces adverses.

Cela servirait-il à quelque chose ?

La réaction de Tolot fut sans appel.

— Inutile, mon ami, déclara-t-il. Pour venir à bout des champs de force avec trois composants, il faudrait toute l’énergie des compensateurs de gravité.

L’insoutenable pesanteur plaqua brusquement le visage de Rhodan à la console. Les forces lui manquaient pour relever la tête. Il réussit toutefois à saisir le micro.

— Tolot... La rotation du croiseur... quelle fréquence ? balbutia-t-il faiblement.

Brusquement, tout devint simple. Le navire possédait sa propre énergie cinétique, la seule force en mouvement qui ne pouvait être accélérée. Il trouvait étrange de ne pas y avoir pensé, avant de se torturer avec l’analogie de la microparticule. Dans l’ivresse de cette découverte, les réponses de Tolot lui parvenaient trop lentement à son goût. Il les mettait en mémoire une à une, malgré la lourdeur de ses doigts.

Un moment, il dut s’arrêter et fermer les yeux à cause de cette insoutenable pesanteur. La machine exploita les données, puis résolut l’équation sans tarder. Elle calcula le quantum élémentaire de la physique hexa dimensionnelle, déterminant ainsi les trois coefficients qui manquaient. La formule de la structure des champs magnétiques se trouvait donc sous ses yeux.

Il se leva pesamment, malgré l’irrésistible désir qui le tenaillait de se laisser tomber à terre, puis tituba à travers le sas qui s’ouvrit devant lui. Tant bien que mal, il se dirigea vers le poste central. Tolot, venant à sa rencontre, le saisit dans ses bras alors qu’il allait s’écrouler. Un instant, Rhodan perdit connaissance.

Quand il revint à lui, il était assis face à l’écran de contrôle du bouclier d’énergie, le Halutien à ses côtés, tel un roc dans la tourmente. Les cloisons gémissaient, tandis que Rhodan identifiait les commandes avec la plus grande peine. L’image étrange d’une sphère blanche et incandescente le fascinait. Elle passait d’un récepteur à l’autre, faisant en quelques secondes le tour du poste central. Le noyau d’énergie, bien sûr.

À bout de forces, il articula quelques paroles incompréhensibles, percevant Tolot comme dans un nuage. Après avoir réussi à manipuler un levier, il dut reprendre son souffle, épuisé.

Soudain, il sentit une force meurtrière le soulever de son siège, sur lequel il retomba de tout son poids. À nouveau, il s’évanouit. Au milieu du chaos de lumière et de bruit qui s’était emparé du Krest II, il entendit la voix sonore du Halutien.

— Il faut dévier une partie de la puissance des générateurs, affirma-t-il.

Rhodan ne saisit que des bribes. Il n’eut pas le temps de lui demander de répéter, car un choc d’une violence inouïe le plongea dans le noir.

Il se réveilla avec un cri. Kasom marchait devant lui ; un peu plus loin Tolot était toujours assis. Le calme était revenu au poste central. Constatant qu’il gisait au sol, il voulut se redresser, mais gémit sous l’effort. L’Étrusien vola à son secours.

— Que se passe-t-il ? soupira Rhodan.

— Pour l’instant, le navire est en sécurité, grâce aux données que vous m’avez transmises. J’ai pu, en réglant les champs de force, écarter ainsi le danger le plus pressant.

— Dans quel état se trouve le vaisseau ? poursuivit Rhodan.

— Nous n’avons pas encore eu le temps de l’examiner, répondit Kasom. Je crains que nous ne déplorions bon nombre de blessés. Vous-même avez d’ailleurs besoin d’un médecin.

Rhodan eut un geste de dénégation. Il pensait en effet à Mory Abro, se demandant avec anxiété comment elle avait traversé cet enfer. Puis, fouetté soudain par le souci de l’équipage, le sens de ses responsabilités, il se dégagea des bras de l’Étrusien.

— Tenons-nous toujours l’influence hostile en respect ou a-t-elle cessé d’agir ? reprit-il.

— Elle ne se manifeste plus, répondit Kasom. L’ennemi a sans doute réalisé qu’il ne pouvait pas traverser nos écrans protecteurs.

Rassuré, Rhodan hocha la tête. Toutefois, il ne fallait exclure aucune hypothèse. L’adversaire avait peut-être stoppé son action afin de mieux les éliminer autrement. Le Terranien demeurait perplexe.

— J’ai effectué des observations qui vous intéresseront, lui assura Tolot en le tirant de ses réflexions. Le noyau d’énergie, dont nous ignorons la nature, rayonne chaleur et lumière sur les parois intérieures de ce monde, où il existe une atmosphère respirable avec une pesanteur de 1 g. Aucune trace de vie organique, cependant. La planète semble totalement désertique.

L’image des étendues de sable et des chaînes de montagnes aux multiples cratères procuraient à Rhodan un indicible malaise. À ses yeux, en effet, un tel monde ne pouvait avoir une origine naturelle. Quelqu’un l’avait conçu, de toute évidence. Toute la question était de savoir pourquoi cette planète avait été construite.

Un autre point le tourmentait : qu’y avait-il à l’extérieur de ce monde creux ? Il résolut d’attendre que Wuriu Sengu reprît connaissance, afin de lui demander ce qu’il en pensait. Son regard possédait en effet la faculté de percer les matières opaques. Même s’il ne trouvait rien d’intéressant, il pourrait au moins déterminer l’épaisseur de la paroi.

En priorité, il convenait cependant de prendre des nouvelles de l’équipage. Rhodan s’installa au poste de commandement et alluma l’intercom. Sur les écrans apparurent les salles équipées des lits que les robots avaient montés avant le départ pour le Système des Jumeaux. Quelques-uns des hommes étendus commençaient à se réveiller. Le Stellarque décida de faire accélérer le mouvement par des injections appropriées.

Il prit contact avec le pont principal, où Mory Abro, les traits tirés, les cheveux en bataille, lui répondit aussitôt.

— Tu as dormi pendant trente-six heures, lui expliqua-t-il. Il est temps que tu reviennes à toi.

Il ne l’aurait avoué à personne, mais il commençait seulement à se sentir de nouveau sûr de lui.