Ils s'étaient presque trouvés un chef en la personne de Drebin. Ils pourraient facilement en trouver un autre dans la propre fille de Krog. Depuis des semaines qu'il partageait son lit, Blade savait que la jeune femme était une pure barbare cruelle en dépit de son intelligence. Dans l'instant de leur plus grande victoire, Krog serait-il capable de brider ce peuple et de l'empêcher de massacrer et de piller ? Non seulement cela anéantirait tous ses espoirs de renaissance de Xura mais aussi toute possibilité que pourraient avoir les Rêveurs de rebâtir leur ville. Blade ne pensait pas qu'il réussirait. Tout en étant impressionné par les ambitions de cet homme, il quitta ses appartements plus résolu que jamais à faire échouer les projets des Eveillés.
Il fit quelques pas dans l'air plus frais de la cour pour s'éclaircir les idées. L'intérieur de tous les bâtiments tenus par les Eveillés empestait la suie, la fumée, les aliments avariés, la saleté corporelle. Les efforts et l'exemple de Krog n'avaient guère fait d'effet sur le peuple de l'Œil-Bleu. Et à quoi bon tant d'efforts, pensa amèrement Blade, alors que sa propre fille les méprisait ? Cela lui rappela Halda, qui l'attendait toujours à cette heure de la nuit ; il devait aller la rejoindre sans trop tarder sinon elle aurait des soupçons, elle serait furieuse. Il soupira et fit demi-tour pour rentrer dans la tour.
Halda l'attendait dans leurs appartements privés. Elle était vautrée dans la position qu'elle adoptait en général, destinée à avertir Blade que ses besoins étaient pressants. Il n'y avait en elle aucune sentimentalité, aucune tendresse, aucun goût pour les aimables divertissements de l'amour, non, rien que le rut brutal. Mais aucune femme aussi belle que Halda, aussi sauvagement belle, ne pouvait se jeter ainsi à la tête de Blade sans éveiller son désir.
Il se dépouilla de son kilt et de sa tunique et s'allongea près d'elle sur les coussins. Elle avait gardé sa petite jupe et deux de ses couteaux, un au poignet droit, l'autre à la cheville gauche. Ceux-là, elle ne les ôtait jamais, pas même au paroxysme de la passion. Blade avait souvent senti sur sa peau le froid de l'acier quand Halda serrait autour de lui ses bras et ses jambes aussi fortement qu'un étau.
Elle battit des paupières quand il se coucha mais ne fît aucun mouvement. Cela promettait d'être une de ces nuits où il devait tout faire. Il se haussa sur un coude et pencha la tête vers elle, effleurant doucement ses lèvres de sa bouche. Puis il insista, appuya plus fort, sentit la bouche s'ouvrir et une haleine brûlante venant par bouffées lui apprit qu'elle réagissait. Tout en l'embrassant il laissa errer sa main sur sa gorge et prit le mamelon droit entre le pouce et l'index, le fît rouler entre ses doigts jusqu'à ce qu'il gonfle et se dresse comme un bouton de rose. Halda gémit tout bas. Elle avait des seins exquis, d'une sensibilité extraordinaire.