Blade eut soudain la nausée. Il savait qu'il n'allait pas rester tapi dans l'ombre et les chardons et assister tranquillement à un viol collectif, quels que puissent en être les motifs. Il avança prudemment, presque en rampant tandis que les hommes dépouillaient la femme de ses derniers vêtements et la jetaient au sol. Blade savait qu'il ne pourrait que créer une brève diversion pour permettre à la femme de s'échapper. Mais ça devrait être possible, la surprise jouant en sa faveur.
Cependant, ses chances de surprise disparurent soudain quand la deuxième femme sortit de sa transe, se releva d'un bond et se précipita droit sur lui. Alors qu'elle courait sur le pont elle aperçut Blade qui se jetait dans les chardons. Elle s'arrêta net, poussa un hurlement de terreur et avant que Blade puisse faire un geste pour la retenir elle se jeta du haut du pont. Les assaillants, se retournant à son cri, virent aussi Blade. Deux d'entre eux levèrent leur lance et leur chef, qui s'apprêtait à tomber sur la première femme, se redressa vivement et se tourna vers le pont.
Blade comprit que, maintenant, son unique chance était de se rapprocher avant que les lanciers le transforment en hérisson, et puis de compter sur sa force et son adresse supérieures. Il fonça sur le chef en faisant tourbillonner sa masse au-dessus de sa tête et en hurlant à pleins poumons. Le chef fît un bond prodigieux en arrière, hors de portée des terribles moulinets de Blade. Un des autres qui attendait son tour près de la femme eut moins de chance. La barre de métal le frappa à la tempe et il fit un vol plané avant d'aller retomber à deux mètres de son point de départ. Son compagnon leva son épée, décrivant un arc scintillant, mais Blade la lui fit sauter de la main et au retour la masse lui fracassa le front.
Pendant un instant, les autres sabreurs hésitèrent et reculèrent, laissant le champ libre aux lanciers. Mais ceux-là étaient plutôt découragés par la taille et la férocité de Blade et la rapidité avec laquelle il avait tué deux de leurs camarades. Et puis, en bondissant et en tourbillonnant ainsi, il présentait une cible difficile dans la lueur vacillante des torches. Blade sentit des lances passer près de son corps et de ses jambes et les entendit tomber bruyamment sur la chaussée.
Il rugit à la femme nue étendue sur le sol :
— Sauve-toi, imbécile!
Sans attendre de voir si elle obéissait ou si elle l'avait entendu, il chargea comme un taureau furieux, la masse tournoyant toujours dans une main, une épée arrachée à une de ses victimes étincelant dans l'autre.
Le premier sabreur s'avança, l'arme basse pour frapper de la pointe. Avec la masse, Blade brisa sans peine sa garde maladroite et, avec l'épée, il lui trancha la main. Un lancier suivit, tenant sa lance en biais, comme un bâton, prêt à bloquer, à parer ou à frapper. Mais il ne fut pas assez rapide pour Blade qui se fendit, fît baisser la lance et abattit la masse pour lui fracturer la clavicule.