Quelle que soit sa réaction à la victoire de Blade, la foule — hommes libres, visiteurs, esclaves et consorts — fut bien trop occupée à se bousculer vers des abris pour l'exprimer. Les guerriers se servaient de leurs lances comme de matraques pour repousser les esclaves dans les tentes. Les visiteurs sautaient des murs et se ruaient en tous sens pour se réfugier dans des bâtiments voisins. Le peuple de l'Œil-Bleu se précipitait vers la porte de la tour. Blade jeta un rapide coup d'oeil par-dessus son épaule, du côté du portail, mais une douzaine de combattants y montaient déjà la garde. Et puis comment pourrait-il retrouva Narlena dans cette mêlée démente? II se laissa entraîner par la foule à l'intérieur et sur deux étages avant que le torrent humain se divise et que chacun regagne ses appartements.
Adossé contre un mur, haletant, il s'efforça de reprendre haleine. Puis il tâta avec précaution son épaule gauche enflée, tenta de se massa le bras, de le ranimer un peu. Il voyait par une fenêtre la cour noyée de pluie, déserte à présent, excepté quelques esclaves courant à couvert et les gardes de la porte. Le cadavre de Drebin gisait là où il était tombé, au milieu de l'arène.
Blade commençait à pouvoir remuer l'épaule sans hurler de douleur quand il sentit une présence à côté de lui. Il tourna la tête et vit Halda. Le regard qu'elle posait sur lui, détaillant tout son corps, était plus éloquent encore que la première fois. Elle évoquait une louve en chaleur qui vient de voir tomber le vieux chef de la horde et qui se rapproche du nouveau pour tenter de le séduire.
Elle ne portait que sa très courte jupe habituelle et ses petits seins nus frôlaient presque le bras de Blade. Mais elle n'éveilla pas la réaction qu'elle souhaitait. II crispa le poing droit pour la réduire en bouillie. Et puis la raison reprit le dessus et il laissa sa main s'ouvrir. Il ne pouvait signer l'arrêt de mort de Narlena en repoussant les avances de Halda. Une Halda satisfaite signifierait une Narlena saine et sauve. Pour le moment du moins. Et il lui fallait gagner du temps s'il ne pouvait rien gagner d'autre.
Il ne résista donc pas quand Halda se colla contre lui, posa ses lèvres brûlantes contre son cou, laissa courir ses doigts sur son torse nu. Puis les mains glissèrent sous le kilt et provoquèrent la réaction désirée. Les yeux de Halda s'illuminèrent et elle conduisit Blade le long du couloir, vers sa chambre. Malgré sa fatigue, il était certain de ne pas la décevoir.