Mercredi 12 janvier
La journée s’annonçait clémente. Amadeus s’étira paresseusement sur un banc. Voltaire statufié planait au-dessus de lui, protégé par les pigeons du voisinage. C’était un bel endroit pour lézarder en observant le va-et-vient des flâneurs aux étalages des bouquinistes. Il ne tarda pas à se livrer à sa marotte qui consistait à effeuiller en pensée les promeneuses. Certaines ressemblaient à des arbres de Noël richement décorés. Il se prit à sourire, ces femmes lui évoquaient les créatures extravagantes qui, sous le règne de Louis XV, se faisaient confectionner des dessous de jupe montés sur des cercles de jonc liés par des rubans : les paniers, dont plusieurs modèles atteignaient trois mètres cinquante de diamètre. À chacun de ses pas, leur propriétaire déclenchait un long crissement, c’est pourquoi l’on nommait ces armatures des « criardes ». Il frotta une pomme contre sa manche, en croqua un morceau et se concentra sur un bouquiniste moustachu d’une soixantaine d’années, le nez chaussé de lunettes, coiffé d’un gibus cabossé, en train d’ouvrir sa quatrième boîte.
Angélique Frouin aborda le quai Voltaire, où elle s’octroya une pause, ravie de rencontrer l’élagueur, envers qui elle éprouvait un faible. Elle appréciait qu’un homme ne soignât pas trop sa mise, pourvu qu’il fût gratifié d’une puissante musculature et d’une moustache à la gauloise.
— Bonjour, m’sieu Larue, j’aurais besoin d’un remontant, je suis bien contrariée, figurez-vous qu’on m’a dévalisée !
Elle comptait que Gaétan Larue l’inviterait au bistrot, mais il hocha le menton.
— Non ! Quand ça ? marmotta-t-il.
— Hier, en fin de journée. Ah ! Quel monde, quel monde ! Heureusement, les mômes étaient à l’école, sinon, représentez-vous la scène… J’en suis encore chavirée !
— Que vous a-t-on volé ?
— Mon paroir et des pots de confitures. Les confitures, je m’en moque, mais le paroir, j’y tenais. C’était celui de ce salopard de Gratien. Il a beau nous avoir largués, les mômes et moi, on lui garde des sentiments, de l’époque où on s’aimait, avant qu’il s’affole à la vue des tendrons ! Je suis allée au commissariat, mais les flics, ils s’en contrefichent, ils n’savent pas ce que c’est un paroir !
— Moi de même. De quoi s’agit-il ?
Gaétan Larue considéra le nouveau venu.
— Ah, mais c’est monseigneur Amadeus ! On ne vous entend jamais venir, vous ! Et puis qu’est-ce que c’est que ces oripeaux ? Ce n’est pourtant pas carnaval !
— Ben, si ça lui tient chaud, intervint Angélique.
Elle sentit un frisson lui parcourir les omoplates. Elle détailla le visage du nouveau venu. Il avait du charme, comment ne l’avait-elle pas constaté plus tôt ? Car, chaque jeudi, depuis un mois, elle disputait des tournois de piquet en sa compagnie, l’après-midi, dans sa cuisine, quand les enfants étaient au catéchisme.
Amadeus se contenta de sourire. Agacé par le comportement d’Angélique Frouin, Gaétan Larue venait de trouver sa victime expiatoire, il revint à la charge.
— Vous êtes bien pédant pour un type de votre condition. C’est avec ce que vous raflez au jeu que vous réglez votre tailleur ? Sa coupe est datée !
— Nous y voilà ! La mode, la mode ! s’exclama Ferdinand Pitel qui venait d’arriver. Ce n’est pas le paraître qui importe, c’est l’être ! J’t’en ficherai du monseigneur !
— Brisons là, messieurs, déposons les armes. Je ne suis qu’un roturier qui assure sa subsistance en vendant des almanachs et des articles de bureau, rétorqua Amadeus sans se départir de sa mine affable. Je suis également fort aise d’apporter de la distraction à ceux que la maladie, l’isolement ou l’ennui éloignent de leurs contemporains. Durant quelques parties ils oublient leur fardeau. Je me consacre aux échecs, aux dames, au trictrac, aux dés, cette activité me donne l’opportunité d’observer les mœurs de mes congénères. Parfois je perds, souvent je gagne et ils me payent, c’est une règle à laquelle je ne déroge jamais. Sans rémunération, ils auraient l’impression que je pratique la charité, leur satisfaction serait gâchée.
— Vous êtes pour ainsi dire un colporteur qui se penche sur la solitude des affligés, ironisa Gaétan Larue.
— Oh, non, je risquerais de tomber ! Actuellement, je propose mes services à une vieille passionnée d’écarté et à un paralytique fervent de bataille. Je fais le quatrième au poker avec trois joueurs invétérés de mon quartier dont l’ami est à l’hôpital. Je lis aussi les tarots à une grand-mère tous les après-midi, elle mise sur un héritage, j’entretiens ses illusions. Alors, madame Frouin, ce paroir, ce n’est donc pas une parure de diamants ?
— Vous rigolez ! C’est un long couteau qu’on maintient par une extrémité à un établi et qui sert à tailler les sabots, répondit Ferdinand Pitel.
— C’est vrai, vous êtes cordonnier, vous. Je vous confierai mes bottes à ressemeler, elles en ont vu, du pays, j’y tiens comme à la prunelle de mes yeux.
— Avant de monter à Paris, on vivait à Camembert, un village proche de Bayeux, intervint Angélique Frouin, ulcérée du peu d’attention qu’elle suscitait. Mon mari était sabotier. J’vous jure, j’en ai gros sur la patate ! On m’a cassé un carreau, j’ai calfeutré le trou d’un papier journal, seulement avec ce froid va falloir que je le remplace dare-dare et ça va rogner mon budget !
— Un orgelet, ça fait mal, ça ! baragouina l’Odeur, revenu du café, l’haleine encore plus avinée.
Il prétendait être sourd, ce qui, cumulé au vin, lui sauvait la mise quand un client chicanait les prix.
— En tout cas, on échappera au vent et à la pluie, prophétisa Lucas Le Flohic.
— Si vous voulez, Ang… madame Frouin, votre vitre, je m’en occuperai la semaine prochaine et ce sera gratis, dit l’élagueur à voix basse.
— Ah, ça, c’est gentil, m’sieu Larue. Je vous le revaudrai au centuple, garantit-elle en minaudant.
Ce fut l’instant que choisit le piqueur1 du VIIe arrondissement pour se manifester.
— Bonjour, monsieur Pérot, je suis chargé de confirmer de visu votre investiture officielle à ce poste. Je suis enchanté de constater qu’aucun quiproquo ne s’est produit et que la même concession n’a pas été allouée à deux titulaires. Laissez-moi vous lire quelques extraits du règlement :
« Le marchand doit être muni d’un livre de police sur lequel seront inscrits le nom et le domicile du vendeur et la nomenclature des livres acquis. Les paiements se feront chez le vendeur et… »
— C’est une obligation difficile à respecter, monsieur ! l’interrompit Amadeus.
Il dépassait d’une bonne tête le piqueur, qui préféra battre en retraite.
— Bravo ! Vous nous avez délivrés de l’aveugle Justice ! lança l’Odeur.
Raoul Pérot ne souffrait plus du froid ni de l’anxiété. C’était comme s’il était bouquiniste depuis des années, au milieu de gens dévoués à sa cause au point de défier les autorités en sa faveur.
Il s’adressa à Amadeus envers qui il éprouvait de la sympathie.
— Où logez-vous, monsieur ?
— À Ménilmontant, du côté des réservoirs. Mais dès que j’en ai le courage et le loisir, je traverse Paris pedibus cum jambis. C’est ici, près de la Seine, mon chez-moi.
— Moi, c’est pareil, renchérit Fulbert Bottier, seulement je dois gagner mon pain. Je marque un prix honnête, les badauds s’arrêtent et c’est illico le conseil de famille, ça discutaille, ça négocie, l’hiver, je suis plus accommodant. Dites, monsieur Larue, vous qui êtes de la partie, vous savez peut-être ce qui se trame ? Le bruit court que l’on va prolonger le chemin de fer de la future gare d’Orléans jusqu’au quai d’Orsay par une ligne souterraine parallèle à la Seine. Non seulement on édifiera un énorme terminus à deux pas, mais on construira une station quai Saint-Michel, je tiens ça d’un ingénieur qui se ravitaille chez moi.
— En octobre, y a eu une interpellation à la Chambre, enchaîna Le Flohic, on a été soulagés que le député Viviani prenne notre défense. Parce que, vous comprenez, si on nous boute côté Louvre, ça va être la ruine, il paraît que l’exil pourrait durer deux ans !
— Moi, j’suis pas responsable, je coupe ce qu’on me dit de couper, pour le reste… bredouilla Gaétan Larue avec un geste vague. Un coup de main pour descendre votre cardeuse, madame Frouin ?
— C’est pas de refus. À demain, m’sieu Amadeus, on a un tournoi à finir, numérotez vos abattis, j’ai l’intention de vous plumer ! N’vous en faites pas, malheureux au jeu… chuchota Angélique.
— Es-tu certain que ce n’est pas trop chaud ?
Tasha surveillait chacun des gestes de Victor.
— J’ai trempé le coude dans la casserole, ne t’inquiète pas, je survivrai.
— Euphrosine a raison, il conviendrait de lui préparer davantage de bouillie.
— Le Dr Reynaud est de la vieille école. Il apprécie le lait stérilisé et les farines pour nourrissons, il s’oppose simplement au gavage.
— Il nous a quand même préconisé de nous pourvoir d’un pèse-bébé.
Victor souhaitait qu’aucun visiteur n’apparaisse à cette heure matinale et le surprenne le biberon à la main. Alice tétait goulûment, et il prenait plaisir à son appétit. Encore couchée, sa chevelure rousse défaite autour de ses joues pâles, les yeux cernés, Tasha l’observait.
— Si tes clients te voyaient !
— Ils loueraient mon dévouement paternel. Je dois être un cas. Quel homme accepterait ce rôle de nounou ?
— Admets que tu es heureux de contribuer au bien-être de ton héritière.
Il ne désavoua pas ce compliment. Quand le Dr Reynaud leur avait appris qu’une seconde grossesse serait fortement déconseillée à Mme Legris et risquait d’entraîner des complications pour elle et pour l’enfant, Victor avait chéri doublement le fruit de leur union. Il réprimait parfois un besoin intense de couver le bébé, de lui épargner la moindre contrariété. Il s’était notamment intéressé de près aux tétines en caoutchouc et au sérum protégeant les enfants du croup. Il se souvenait de sa propre jeunesse souvent ingrate et de l’hostilité de monsieur son père. Ce sentiment de responsabilité accrue le contraignait à déserter régulièrement le foyer de manière à être délivré d’un désarroi pesant.
Il allait et venait dans la chambre, tapotant le dos d’Alice dans l’attente d’un rot.
— Maurice est venu me voir, annonça Tasha en se rongeant l’ongle du pouce.
— Laumier ?
Une impression désagréable envahit Victor.
— Je ne peux m’empêcher de les plaindre, Mimi et lui se sont exilés quai d’Orsay, en aval du pont des Invalides. C’est quasiment vide, là-bas. Rien que des maisons, des jardins et des bâtiments d’administration.
— Je sais, il a fait une incursion à la librairie, il redoute d’être imprégné de l’odeur des canassons.
— Tu aurais pu m’en parler. Serais-tu encore jaloux ?
— Jaloux, moi ? Jamais, ma jolie.
Elle le considéra avec suspicion et reprit d’un ton badin :
— Au-delà des écuries où ils logent provisoirement se dresse le dépôt des marbres. Maurice a rencontré Henri Martin, Jean-Paul Laurens et Rodin. À l’heure du déjeuner, Maurice a suivi ce dernier sans oser l’accoster. Il a noté qu’il se sustente chaque jour dans le même restaurant aux abords de l’Alma. Le plus amusant, c’est que le gargotier a des prétentions artistiques. Son rêve est d’ouvrir une galerie de tableaux.
— Laumier est un malin, je te parie qu’il s’associera à lui et fera concurrence à Ambroise Vollard.
— Tu as un don de clairvoyance, c’est exactement ce qu’il a en tête. Je suis choquée qu’il ait renoncé à une vraie carrière en peignant des croûtes et qu’il envisage maintenant de s’adonner au commerce !
— Si telle est sa vocation, il…
Victor se détourna, couvert d’une décoration lactée.
— Inutile de frotter, mon Toto, c’est indélébile.
Victor grimaça, tint le bébé à bout de bras et le déposa délicatement dans son berceau.
— Il ne te reste qu’à ôter cette élégante veste de pyjama à raies bleues.
Torse nu, il lorgna sa femme d’une mine gourmande. Elle repoussa l’édredon.
— Quelqu’un t’a-t-il jamais révélé à quel point tu es attirant ? Ma parole, tu es de plus en plus musclé, c’est à force de charrier tes appareils photo ? Tu vas attraper froid. Viens te réchauffer près de moi.
— Je serai en retard. Joseph ronchonnera. Il me traitera de tire-au-flanc.
— Il aura raison. Mais si tu me résistes, prévois des représailles.
Il envoya valdinguer ses pantoufles, se débarrassa de son pantalon, se glissa sous le drap.
— C’est étrange, tu n’allaites plus et tes seins n’ont pas diminué de volume. Tes hanches sont bien larges et ton ventre bien douillet.
— C’est pour mieux t’enjôler.
Il l’enlaça, une mèche de cheveux chatouilla son épaule.
Adossé au parapet du quai Saint-Michel, Amadeus tirait sur son brûle-gueule en regardant s’écouler le flot des piétons à l’heure où Paris mange son pain. Vieux, jeunes, purotins usaient leurs semelles pour rejoindre leurs lieux de labeur après un repas à la va-vite chez un débitant d’arlequins de la Maube. Lorsque des grisettes le doublaient, cornet de frites à la main, il jaugeait leurs appas.
« En somme, se dit-il, tous ces gens tournent en rond de leur naissance à leur mort, ils bâfrent, se tuent au travail, dorment, font l’amour, des enfants. Et moi qui depuis si longtemps ne m’étais pas mis sous le bec un petit museau féminin, j’ai de la chance d’exercer ce métier de saltimbanque, il m’a permis d’entrer en relation avec une partenaire qui, comme moi, n’éprouve pas l’envie de jacasser. »
Elle avait dépassé la trentaine, elle se nommait Adeline Pitel, elle était blonde et charnue, un Rubens vêtu sobrement, ce qui ne nuisait en rien à sa sensualité. Ils avaient lié connaissance quai Voltaire. Son érudition, sa ressemblance avec l’une de ses anciennes concubines l’avaient séduit.
Assis sur une caisse d’emballage, un accordéoniste distillait une ritournelle de Béranger, les notes grêles de la mélodie évoquèrent à Amadeus le récital d’un quatuor à cordes auquel il avait assisté à Vienne en compagnie d’une jeune femme dont il était éperdument épris. Il se pencha sur la rambarde du pont et contempla la Seine.
— Mary, murmura-t-il, tu me manques… Quelle erreur a été la mienne…
Ses pensées le ramenèrent vers Adeline Pitel. L’union s’était produite à la fin d’une partie de dames. Elle avait sciemment perdu avec un je-ne-sais-quoi dans les yeux qui avait éveillé son désir. Une rapide pression des doigts sur sa main alors qu’elle lui tendait un verre de Bénédictine se mua en baisers, puis en caresses, puis en étreintes, et quand sa robe et ses jupons tombèrent à ses pieds, la découverte d’une jarretière de soie mauve enjolivée d’un gros chou qui sentait la vanille renversa les digues de la bienséance.
Cela remontait à six mois. L’acte consommé, Adeline se rhabillait et redevenait une femme correcte. Il savait que cette escapade érotique ne serait que partielle et de courte durée. Il aimait sa façon directe de lui rappeler sa situation sociale de célibataire contrainte d’assumer seule les rigueurs de l’existence. Elle avait lu les Grecs et les classiques et son talent de miniaturiste égalait celui d’un copiste médiéval. Avec elle – c’était la première fois depuis longtemps – il était à l’aise, il n’avait pas à craindre les conséquences d’une indiscrétion. Elle appartenait à cette catégorie de femmes soucieuses d’afficher une apparence de respectabilité.
Il cura sa pipe et chemina vers la cathédrale.
Eût-on appris à Adeline Pitel que, selon l’étymologie, parvis signifie « paradis » en latin ecclésiastique, elle se fût contentée de hausser ses épaules drapées d’un châle funèbre. En ce qui la concernait, le paradis siégeait chez le papetier de la rue d’Arcole qui, jadis, avait été son amant, et se cantonnait désormais au rôle d’associé commercial. Il écoulait en effet les cartes postales et les signets que son ex-dulcinée enjolivait de pieuses devises, calligraphiées à l’encre de Chine, surchargées de cloches, de rosaces et d’angelots joufflus.
Une voiture à quatre chevaux franchit le pont au Double et déversa sa cargaison de touristes étrangers qui orientèrent aussitôt leurs lorgnettes sur les gargouilles coiffées de neige, tandis que des camelots proposaient sous le manteau aux messieurs des dépliants photographiques de sujets galants.
Adeline Pitel s’engouffra rue du Cloître-Notre-Dame. La cathédrale dominait de ses tours une forêt de cheminées et de toitures en zinc jalonnées de corneilles. Les porches décrépis résonnaient de l’écho de tout un univers industrieux. Sur le pavé gras, des gamines sautaient à la corde. Des ménagères gravissaient des escaliers branlants et s’apprêtaient à cuire le fricot familial.
La jeune femme bifurqua dans un corridor sinueux encaissé entre des hôtels du XVIIe siècle. La rue Chanoinesse, épargnée par l’éventrement du quartier à la fin du Second Empire, exhibait quelques échoppes miteuses, dont la cordonnerie de son paltoquet de neveu Ferdinand.
— Naturellement, c’est fermé. Penser que ce fainéant revendique la recherche de la perfection dans la forme ! grommela-t-elle en jetant un coup d’œil en biais sur la boutique peinte en blanc sale où s’inscrivait sur les carreaux :
On fabrique et on répare les souliers.
« Et il a le culot de me rebattre les oreilles avec ses théories insipides : “L’on peut être un artiste en sciant du bois ou bien en construisant un mur, on peut être un artiste en faisant n’importe quoi pourvu que l’on donne à son œuvre le maximum d’harmonie et de beauté.” Non, ce qu’il faut entendre ! Moi, je suis une artiste, mais lui, tout ce qu’il a récolté, c’est d’être un bouif chez qui on ne met les pieds qu’à la toute dernière extrémité de la semelle ! »
Elle entra au numéro 10 au moment où en émergeait un locataire hirsute au nez proéminent, un certain Pierre Trimouillat qu’en dépit de sa politesse elle n’appréciait guère.
« Ça se fait appeler poète, mais ce n’est qu’un budgétivore. Ce n’est pas des cheveux, qu’il a, c’est une tête-de-loup pour déloger les araignées ! On comprend qu’il ait l’air plus quinaud que Ferdinand ! Jolis individus, un rimailleur porté sur le jus de la treille et un ressemeleur de cothurnes. Des chiffes molles, oui ! Ce Joachim Du Bellay, qui a passé l’arme à gauche depuis belle lurette de l’autre côté de la rue, appartenait sans doute à la même engeance ! Ah, les hommes ! Mon prétendant actuel a l’allure d’un conspirateur, mais je ne peux pas me plaindre, il ne s’incruste jamais et me donne du plaisir. Vite, préparons notre nid douillet pour l’accueillir. »
1- Inspecteur des quais, fonctionnaire de la Préfecture.