DIX-SEPT
Ne rien faire contre sa conscience
Les vaisseaux de la 63e expédition flottaient comme un banc de poissons argentés au-dessus des planètes jumelles de la Technocratie aurétienne, qui partageaient une lune commune. L’espace était saturé d’échanges alors que les forces du Maître de Guerre livraient leur campagne. Des débris de satellites de communication flottaient dans la haute atmosphère, et ce qu’il restait des stations de surveillance aurétiennes s’était depuis longtemps embrasé en tombant comme des météores vers la surface de la planète.
Fulgrim observait la lente dérive des croiseurs du Maître de Guerre, dont l’attention était fixée sur le conflit qui faisait rage en dessous d’eux, et non sur la défense de leurs arrières. Il sourit en réalisant qu’avec un peu d’astuce, il pouvait arriver à prendre son frère par surprise.
— Ralentissez au quart de la vitesse maximale, ordonna-t-il. Passage de tous les systèmes actifs en mode passif.
Le pont du Pride of the Emperor eut un sursaut d’activité quand l’équipage se mit en devoir d’obéir à ses ordres. Fulgrim garda les yeux rivés sur les lectures et les projections hololithiques du poste d’observation, en ajustant leur approche par de nouveaux ordres à chaque nouvel écho du balayage de détection. Le capitaine Aizel scrutait avec admiration la moindre de ses manœuvres. Fulgrim, lui, ne pouvait que s’imaginer l’amertume et l’envie que devaient ressentir ceux qui n’approcheraient jamais d’un tel génie.
Le voyage de huit semaines vers le système aurétien avait été pour Fulgrim d’un ennui mortel. Toutes ses distractions ne l’avaient réjoui qu’un très court instant avant de devenir insipides, et l’avaient réduit à espérer qu’une catastrophe surviendrait, fût-ce seulement pour occuper ses pensées et lui offrir de nouvelles sensations. Mais aucun désastre ne s’était produit.
En préparation des retrouvailles avec son cher frère, l’armure de Fulgrim avait été polie jusqu’à acquérir la patine d’un miroir. La grande aile d’aigle se dressait fièrement au-dessus de son épaulière gauche. Le violet brillant des plaques avait été restauré, ainsi que l’or de leurs bordures, et serti de pierres opalescentes entre les motifs estampés. Une longue cape d’écailles était maintenue à l’armure par des broches d’argent, et des bandes de parchemin lui pendaient des épaulières.
Fulgrim ne portait pas d’arme, et il le démangeait en permanence de porter la main à son épée absente, de sentir sa chaleur rassurante, et la présence perverse et réconfortante qui lui parlait au travers du tableau de Serena d’Angelus. Bien qu’il n’eût pas manié Lame de Feu depuis des mois, même elle lui manquait. Sans arme, particulièrement celle récupérée du temple laer, ses pensées n’étaient pas dérangées par des voix intrusives et des pensées traîtresses, mais il ne pouvait pourtant pas se résoudre à abandonner l’épée argentée.
Les blessures subies sur Tarsus étaient guéries, au point qu’un observateur actuel n’en aurait pas soupçonné la gravité. Pour commémorer sa victoire sur le dieu eldar, une nouvelle mosaïque avait été réalisée, et accrochée dans l’apothecarion central de l’Andronius.
— À mon signal, transmettez à tous les vaisseaux de se disperser en formation d’attaque, susurra Fulgrim, comme si les points de lumière déployés devant lui risquaient de l’entendre s’il eût parlé trop fort.
— Oui, monseigneur, répondit le capitaine Aizel avec un sourire, bien que Fulgrim pût voir au-delà de son plaisir apparent et discerner sa jalousie. Il reporta son attention vers la baie de visualisation, en souriant pour lui-même de constater que la flotte d’Horus ne s’était toujours pas aperçue que la 28e expédition tout entière se trouvait à distance de l’attaquer.
Fulgrim mesura l’énormité de cette dernière pensée, les deux mains reposant sur le pupitre de commandement. De là où il se trouvait, il pouvait attaquer l’expédition du Maître de Guerre et l’anéantir. Ses propres croiseurs approchaient de leur portée de tir optimale ; il pouvait libérer une canonnade dévastatrice qui aurait émoussé de façon significative la capacité de riposte de la 63e expédition.
Si Eldrad Ulthran avait dit la vérité, il pouvait mettre un terme à la rébellion à venir avant qu’elle eût commencé.
— Calculez des solutions de tir sur les vaisseaux qui se trouvent devant nous, ordonna-t-il.
En quelques instants, les batteries de la 28e expédition furent pointées sur les nefs du Maître de Guerre, et Fulgrim se lécha les lèvres en s’apercevant qu’il voulait véritablement ouvrir le feu.
— Monseigneur, dit une voix à côté de lui. Il se tourna ; Eidolon lui tendait son épée, rangée au fourreau, la poignée argentée brillant sous la lumière ténue de la passerelle. Fulgrim sentit se poser sur lui le poids sombre et étouffant de sa présence.
— Qu’y a-t-il ?
— Vous avez réclamé que l’on vous apporte votre épée, dit le seigneur commandeur.
Fulgrim ne se rappelait pas avoir émis cet ordre, mais hocha la tête et se résigna à prendre l’arme qui lui était tendue. Il passa le ceinturon autour de sa taille comme si cela lui était la chose la plus naturelle qui fut, et lorsqu’il eut fermé la boucle en forme d’aigle, son désir de lancer l’attaque se dissipa comme une brume matinale.
— Ordre à tous les vaisseaux de dévoiler leur présence, mais ne tirez pas.
Le capitaine Aizel s’empressa de répercuter ses instructions. Fulgrim regarda l’autre flotte prendre soudain conscience de leur présence et commencer à se disperser, les vaisseaux manœuvrant désespérément pour prendre des orientations qui leur éviteraient peut-être d’être pulvérisés. Fulgrim savait ce changement frénétique de formation voué à l’échec, car ses vaisseaux étaient déployés en ordre de bataille exemplaire, et à la distance parfaite.
Le réseau de transmission revint à la vie. Des dizaines de messages de salutations furent reçus de la 63e flotte, et Fulgrim hocha la tête. Une liaison fut établie avec le Vengeful Spirit, le vaisseau-amiral du Maître de Guerre.
— Horus, mon frère, dit Fulgrim. Il semblerait que j’ai encore une ou deux choses à t’apprendre.
Fulgrim remonta la colonne d’amarrage vers l’écoutille scellée menant au pont de transit supérieur du Vengeful Spirit. Le seigneur commandeur Eidolon marchait à ses côtés, suivi de l’apothicaire Fabius, de Saul Tarvitz et de l’épéiste, Lucius. Fulgrim était perturbé de constater que le visage de Lucius était maintenant sillonné de profondes cicatrices parallèles. Beaucoup étaient fraîches ou récemment refermées, et il prit mentalement note d’interroger le capitaine à leur sujet une fois que les affaires qui l’amenaient auprès de la 63e expédition seraient conclues.
Tarvitz et Lucius avaient été choisis parce qu’il avait appris que ceux-ci avaient forgé des amitiés avec les Luna Wolves, et qu’il était toujours bon d’entretenir de tels liens.
Eidolon l’accompagnait parce que Fulgrim avait craint la réaction de Vespasian à ce qu’Horus aurait pu répondre aux allégations portées contre lui par le Conseil de Terra. Quant à la raison pour laquelle Fabius était avec eux, il n’était pas certain de la connaître, mais il soupçonnait que celle-ci lui serait bientôt révélée.
Alors qu’ils approchaient du sas, la porte estampée d’un motif d’aigle glissa de côté, et un air tiède porteur de lumière pénétra dans le couloir entre les vaisseaux. Adoptant une expression de réserve calme, Fulgrim foula le sol métallique du Vengeful Spirit.
Horus l’attendait, resplendissant dans son armure vert d’eau, au centre de laquelle brillait un œil couleur d’ambre. À sa vue, les traits patriciens de son frère s’éclairèrent d’un plaisir authentique et Fulgrim sentit ses préoccupations s’effacer en l’apercevant lui aussi. Avoir pu s’imaginer qu’Horus complotait une trahison contre leur père était grotesque, et sa poitrine se gonfla d’amour fraternel.
Quatre spécimens héroïques d’Astartes se tenaient derrière le Maître de Guerre, et ne pouvaient être que les capitaines dont son frère s’entourait comme conseillers de confiance. Chacun d’eux était un guerrier né et se tenait droit, le maintien fier. Fulgrim reconnut sans peine Ezekyle Abaddon à son allure belliqueuse, à sa coiffure familière et à son port de tête martial.
À en croire la ressemblance frappante entre lui et son primarque, celui qui se tenait à côté d’Abaddon devait être Horus Aximand, surnommé l’Autre Horus. Les deux autres lui étaient inconnus, mais paraissaient dignes et nobles ; des hommes avec qui traverser les flammes des combats.
Fulgrim ouvrit les bras et les deux primarques s’étreignirent comme deux frères trop longtemps séparés.
— Cela faisait une éternité, Horus, dit-il.
— Oui, mon frère, une éternité, répéta Horus. Je me réjouis de te voir, mais pourquoi es-tu ici ? Tu étais censé mener une campagne dans l’anomalie de Pardus. Toute la région est-elle déjà assujettie ?
— Nous avons assujetti le peu de mondes que nous y avons trouvés, expliqua Fulgrim tandis que sa suite franchissait derrière lui la porte de pressurisation. Il constata la joie que trouvait le Mournival à revoir ceux qui l’escortaient, et sut qu’il les avait bien choisis.
Il se détourna d’Horus pour les lui présenter.
— Tu connais déjà certains de mes fils, Tarvitz, Lucius, et le seigneur commandeur Eidolon, mais je ne pense pas que tu aies rencontré mon apothicaire en chef, Fabius.
— C’est un honneur que de vous rencontrer, seigneur Horus, salua Fabius en s’inclinant. Horus reçut d’un signe de tête cette marque de respect.
— Tu sais bien que tu ne devrais pas essayer de changer de sujet. Qu’y a-t-il de si important pour que tu arrives sans te faire annoncer, en donnant des attaques cardiaques à la moitié de mes équipages ?
Le sourire quitta les lèvres pâles de Fulgrim.
— Il y a eu des rapports, Horus.
— Des rapports ? Qu’est-ce que cela est censé vouloir dire ?
— Des rapports qui prétendent que tout ne se déroule pas comme il le devrait, répondit-il, en détestant devoir porter à l’attention de son frère les petites préoccupations des copistes et des notaires. Que toi et tes guerriers devriez rendre des comptes pour la brutalité de cette campagne. Angron se laisse-t-il toujours aller à ses écarts ?
— Angron est tel qu’il a toujours été.
— À ce point-là ?
— Je lui tiens la bride haute, et Khârn, son écuyer, a l’air de savoir modérer les pires de ses excès.
— Alors il semble que je sois arrivé juste à temps.
— Je vois, dit Horus. Tu es venu ici pour me relever de mes fonctions ?
Fulgrim se força à cacher l’horreur que son frère pût concevoir une telle chose, et couvrit sa consternation d’un grand rire.
— Te relever ? dit-il. Non, mon frère, je suis venu pour pouvoir ensuite aller dire aux prétentieux et aux scribes de Terra que la guerre que tu livres ressemble à ce que doit être une guerre : rapide, dure, et cruelle.
— La guerre est cruelle. Il serait inutile de vouloir le nier. Et plus elle est cruelle, plus vite elle s’achève.
Fulgrim hocha la tête.
— En effet, mon frère. Viens, nous avons beaucoup à discuter, car les temps que nous vivons sont étranges. Il semble que notre frère Magnus ait à nouveau fait quelque chose pour déplaire à l’Empereur. Le Loup de Fenris a été lâché pour le ramener sur Terra.
— Magnus ? demanda Horus, redevenu sérieux. Qu’a-t-il fait ?
— Parlons de tout cela en privé, dit Fulgrim pour mettre un terme à cette propagation publique d’accusations. Il me semble que certains de mes subordonnés aimeraient avoir le plaisir de renouer des liens avec tes… Comment les appelles-tu ? Ton Mournival.
— Oui, sourit Horus. Et de partager leurs souvenirs de Meurtre, sans aucun doute.
Horus indiqua à Fulgrim de marcher avec lui, et les deux primarques quittèrent le pont de transit. Eidolon le suivit tandis qu’Abaddon et Horus Aximand emboîtaient le pas au Maître de Guerre. Fulgrim ne manqua pas de remarquer les regards accusateurs que lancèrent les Luna Wolves dans la direction du seigneur commandeur, et se demanda ce qu’il était advenu entre eux sur Meurtre tandis qu’Horus le guidait à travers les halls du grand vaisseau, vers ses quartiers personnels.
Horus parlait avec volubilité de leurs souvenirs communs d’une période plus innocente, quand ne les attendait que la joie simple des combats. Fulgrim l’entendait à peine, trop pris par ses tracas pour l’écouter.
Enfin leur trajet s’acheva devant des portes simples faites de bois sombre, et Horus donna congé aux deux membres de son Mournival. Fulgrim en fit de même pour Eidolon et lui ordonna de rejoindre l’apothicaire Fabius.
— À bien des égards, il est surprenant que tu sois venu me trouver maintenant, dit Horus.
— Comment ça ? demanda Fulgrim alors que le Maître de Guerre ouvrait les portes pour les franchir.
Horus ne répondit pas, et Fulgrim le suivit pour constater qu’un Astartes en armure de couleur granite les attendait. Ce guerrier était puissamment bâti, ses plaques d’armure décorées de parchemins et d’inscriptions resserrées.
Sa tête était rasée, et des tatouages anguleux couvraient la peau de son crâne.
— Je te présente Erebus des Word Bearers, dit Horus. Et tu as raison.
— À propos de quoi ? demanda Fulgrim.
— Nous avons beaucoup à discuter, développa Horus en refermant les portes.
Les appartements d’Horus étaient spartiates et austères comparés aux siens : pas de décorations luxueuses, pas d’œuvres d’art accrochées à chaque mur ou trônant sur leurs socles d’or. Cela ne surprit pas Fulgrim, car son frère avait toujours méprisé son confort personnel pour mieux donner l’impression de partager les rigueurs de ses guerriers. Au-delà d’une arche tendue de rideaux de soie blanche, il apercevait la chambre de son frère, et sourit en voyant l’énorme table qui s’y trouvait, les monceaux de feuillets étalés sur elle, et le tome d’astrologie que leur père lui avait offert.
Repensant à leur père, Fulgrim se tourna vers le mur où s’étalait une fresque qu’il n’avait pas vue depuis des décennies. Celle-ci dépeignait l’Empereur se dressant au-dessus de tout, les mains tendues, et au-dessus de lui tourbillonnaient les constellations.
— Je me souviens de l’avoir vue en cours de peinture, dit Fulgrim avec une pointe de nostalgie.
— Cela fait bien des années maintenant, se rappela Horus, en lui versant du vin d’un pichet d’argent et en lui tendant le gobelet. Ce vin était d’un rouge profond, et Fulgrim eut l’impression de fixer un océan de sang lorsqu’il leva la coupe à ses lèvres afin d’y boire une longue gorgée. Une sueur huileuse lui baigna le front.
Il tourna les yeux vers la silhouette assise d’Erebus, et ressentit une antipathie irrationnelle pour le Word Bearer, bien qu’il ne l’eût jamais rencontré et n’eût encore entendu aucun mot passer ses lèvres. Fulgrim n’avait jamais particulièrement goûté la compagnie de Lorgar ou des guerriers de la 17e légion : leurs enthousiasmes lui paraissaient malsains, et le zèle qu’ils avaient eu pour désigner l’Empereur comme une figure de culte était contraire aux fondements mêmes de la Grande Croisade.
— Parlez-moi de Lorgar, lui intima Fulgrim. Cela fait quelque temps que je ne l’ai vu. Est-ce que tout va bien pour lui ?
— Comme jamais auparavant, sourit Erebus.
Ce choix de mots surprit passablement Fulgrim, et il s’assit sur le divan qui faisait face au bureau du Maître de Guerre. Celui-ci trancha une pomme à l’aide d’un couteau à tête de serpent, et les sens de Fulgrim perçurent dans l’air une tension inexprimée, comme un miasme de non-dits. Ce qu’Horus avait à l’esprit était manifestement d’une grande importance.
— Tu as bien recouvré de tes blessures, fit remarquer Fulgrim. Il releva le regard furtif qu’échangèrent Horus et Erebus. Très peu d’informations avaient été diffusées par la 63e expédition concernant leur campagne de Davin, et en tout cas, rien qui eut indiqué que le Maître de Guerre avait été blessé, mais la réaction d’Horus prouvait que cette partie au moins des affirmations du grand prophète était vraie.
— Tu as entendu parler de ça, dit Horus, en portant à sa bouche une lamelle de la pomme, et en s’essuyant les lèvres du dos de la main.
— Oui, dit Fulgrim. Horus haussa les épaules.
— J’ai tenté d’empêcher la nouvelle de parvenir aux autres expéditions par crainte des dégâts qu’elle aurait pu causer au moral. Ça n’était rien, juste une blessure mineure à l’épaule.
Fulgrim flaira un mensonge.
— Vraiment ? J’ai entendu dire que tu étais mourant.
Les yeux du Maître de Guerre se rétrécirent.
— Qui t’a dit ça ?
— Peu importe, dit Fulgrim. L’essentiel est que tu sois toujours en vie.
— Oui, j’ai survécu, et je me sens maintenant plus fort que jamais, comme revitalisé.
Fulgrim leva son verre.
— Alors réjouissons-nous que tu te sois remis aussi vite.
Horus but pour masquer sa contrariété, et Fulgrim laissa un fin sourire lui venir au visage, à l’idée délicieuse d’avoir froissé un être aussi puissant que le Maître de Guerre.
— Donc, reprit Horus en changeant de sujet, tu as été envoyé pour me surveiller, est-ce bien ça ? Est-ce que ma compétence de Maître de Guerre est remise en question ?
— Non, mon frère, dit Fulgrim, bien qu’il s’en trouve pour questionner tes moyens de faire avancer la Grande Croisade. Des civils qui se trouvent à des années-lumière des batailles que nous livrons osent mettre en doute ta façon de faire la guerre. Et ils comptaient exploiter notre lien de fraternité en me chargeant de remettre tes molosses dans le droit chemin.
— Par « molosses », je suppose que tu veux dire Angron ?
Fulgrim hocha la tête et reprit une gorgée du vin.
— Il ne t’aura pas échappé qu’il est loin d’être ce qu’on peut appeler une arme subtile. Personnellement, je rechigne à l’avoir à mes côtés sur des théâtres d’opérations réclamant autre chose qu’une destruction totale. Mais je reconnais qu’il y a un temps pour la subtilité, et un temps où l’agressivité est de mise. Est-ce le cas de cette guerre ?
— Oui, lui certifia Horus. Angron se salit les mains pour moi, et en ce moment, j’ai besoin qu’il se les salisse.
— Pourquoi ?
— Je suis sûr que tu te rappelles comment était Angron après Ullanor, lui demanda Horus. Il enrageait contre ma promotion comme un animal en cage. La moindre de ses paroles était calculée pour me rabaisser aux yeux de ceux qui pensaient que ma nomination au rang de Maître de Guerre était une insulte à leur fierté.
— Angron pense avec son bras armé, pas avec sa tête, dit Fulgrim. Je me souviens qu’il m’a fallu user de toute ma diplomatie pour calmer sa colère et pour apaiser son orgueil froissé, mais il a fini par accepter ton rôle. À contrecœur, il faut le dire, mais il l’a accepté.
— Qu’il l’ait accepté à contrecœur n’est pas suffisant, statua platement Horus. Si je dois être le Maître de Guerre, je dois pouvoir compter sur la dévotion et sur l’obédience totale de ceux qui seront sous mes ordres dans les jours sanglants à venir. Je donne à Angron ce qu’il veut pour lui permettre de me témoigner sa loyauté de la seule façon qu’il connaisse. D’autres auraient tiré sur sa chaîne, mais je préfère le laisser faire à sa guise.
— Et c’est dans le sang qu’il forge sa loyauté envers toi, dit Fulgrim.
— Précisément, confirma Horus.
— Il me semble que c’est à cela qu’objecte le Conseil de Terra.
— Je suis le Maître de Guerre, et je fais usage des outils dont je dispose, en les adaptant à mon but, dit Horus. Notre frère Angron est brutal, mais il a sa place dans mes desseins. Cette place nécessite que sa loyauté aille d’abord vers moi.
Fulgrim regardait les yeux du Maître de Guerre pendant qu’il parlait, et y voyait une ferveur passionnée qu’il n’avait pas vue depuis des dizaines d’années. Son frère parlait de desseins grandiloquents, et du fait qu’il lui fallait la dévotion totale de ceux qui le suivraient. Était-ce le signe de la trahison dont le prophète eldar avait parlé ?
Tandis qu’il gagnait la loyauté d’Angron, Horus essayait-il d’en rallier d’autres à sa cause ?
Fulgrim jeta un regard en coin à Erebus, qui lui aussi paraissait fasciné par les paroles du Maître de Guerre, et se demanda qui pouvait prétendre désormais avoir la loyauté du primarque des Word Bearers.
Patience… Ces vérités finiront par t’être connues, dit la voix dans sa tête. Tu as toujours considéré Horus comme un modèle. C’est le moment de lui faire confiance. Ta destinée est inextricablement liée à la sienne.
Il surprit un froncement de sourcils étonné de la part d’Erebus, et connut un instant d’anxiété en se demandant si le Word Bearer avait pu lui aussi entendre la voix.
Fulgrim rejeta une telle inquiétude et hocha la tête aux propos d’Horus.
— Je comprends parfaitement.
— Et les préoccupations du Conseil ne concernent que les pulsions sanguinaires d’Angron ? demanda Horus.
— Pas seulement, répondit-il. Comme je te l’ai dit, le Loup de Fenris a été mandaté sur Prospero afin de ramener Magnus sur Terra, bien que j’ignore à quel sujet.
— Magnus a pratiqué la sorcellerie, intervint Erebus. Fulgrim se sentit pris d’une pointe de colère devant la témérité de ce guerrier, qui s’adressait à un primarque sans qu’une question directe ne lui eût été posée.
— Qui es-tu pour parler sans autorisation en présence de ceux qui te surpassent ? lui demanda-t-il, et il se tourna vers Horus en lui désignant Erebus. Qui est ce guerrier ? Dis-moi pour quelle raison il s’est joint à notre conversation privée.
— Erebus est… Un conseiller, dit Horus. Un conseiller de valeur, dont l’aide m’est précieuse.
— Ton Mournival ne te suffit pas ?
— Les temps ont changé, mon frère ; j’ai établi certains plans pour lesquels les conseils du Mournival ne sont pas adaptés. Ce sont des sujets dont je ne peux pas les informer. En tout cas, pas tous les quatre, ajouta-t-il avec un sourire peiné.
— Quels plans ? demanda Fulgrim, mais Horus secoua la tête.
— Je te le dirai en temps voulu, mon frère, lui promit-il, en se levant de derrière son grand bureau pour en faire le tour et aller se tenir devant la fresque de l’Empereur. Dis-m’en plus sur Magnus et ses transgressions.
— Tu en sais autant que moi, déclara Fulgrim. Je t’ai dit tout ce qu’il m’a été donné de comprendre.
— Rien sur la façon dont Magnus doit regagner Terra ? En tant que pénitent, ou pour y avoir audience ?
— Je l’ignore, avoua Fulgrim. Mais que quelqu’un comme le Loup, qui déteste tant Magnus, ait été envoyé suggère qu’il ne rejoindra pas Terra pour y être honoré.
— Non, reconnut Horus, et Fulgrim vit une lueur de soulagement passer furtivement sur les traits de son frère. Magnus avait-il comme Eldrad Ulthran entrevu le futur, avait-il tenté d’avertir Terra d’une trahison imminente ? Si tel était le cas, le Maître de Guerre allait devoir se préoccuper de lui avant qu’il ne fût ramené auprès de l’Empereur.
Le sujet du seigneur de Prospero lui ayant manifestement apporté satisfaction, le Maître de Guerre fit un signe du menton dans la direction de la fresque.
— Tu as dit te rappeler l’avoir vue en cours de réalisation.
Fulgrim hocha la tête, et Horus continua.
— Moi aussi, je m’en souviens très bien. Toi et moi, nous venions juste de vaincre les derniers princes omakkad à bord de leur monde-observatoire, et l’Empereur a décidé qu’une telle victoire devait être commémorée.
— Pendant que l’Empereur se chargeait des derniers princes, tu as tué leur roi, et tu as gardé sa tête pour le musée de la Conquête.
— Tout à fait, confirma Horus. Il tapota du doigt sur la fresque. C’est moi qui ai tué leur roi, et pourtant, c’est l’Empereur qui tient les constellations de la galaxie entre les mains. Où sont les fresques qui décrivent les honneurs que toi et moi avons gagnés ce jour-là, mon ami ?
— Tu es jaloux ? se moqua Fulgrim. Je savais que tu te tenais en haute estime, mais jamais je ne me serais attendu à une telle vanité de ta part.
Horus secoua la tête.
— Non, mon frère. Vouloir que mes succès soient reconnus n’est pas de la vanité. Qui parmi nous a engrangé plus de victoires que moi ? Qui a été choisi pour devenir Maître de Guerre ? Moi seul ai été jugé digne, et pourtant, les seuls honneurs à m’être rendus sont ceux que je réclame pour moi-même.
— Quand le temps sera venu et que la croisade sera achevée, toi aussi tu seras loué pour tes actes, dit Fulgrim.
— Quand le temps sera venu ? répéta Horus d’un air emporté. Le temps est précisément le luxe que nous n’avons pas. Dans l’absolu, nous avons conscience de la marche de la galaxie, mais nous ne la percevons pas. Nous ne sentons pas bouger le sol sur lequel nous marchons. Les hommes ordinaires peuvent vivre leurs existences sans se laisser perturber par un tel concept, mais leur inaction et leur ignorance ne leur permettront jamais d’atteindre la grandeur. Et c’est ainsi, mon frère : à moins de nous arrêter pour en prendre la mesure, l’opportunité de la gloire absolue nous filera entre les doigts avant que nous ayons réalisé que nous l’avions.
Les paroles du prophète eldar retentirent dans sa tête comme s’il les lui criait à l’oreille.
Il mènera ses armées contre votre Empereur.
Horus planta son regard dans le sien. Fulgrim sentit les flammes de la résolution de son frère se répandre dans la pièce comme un courant électrique, et nourrir celles de son besoin compulsif de perfection. Autant que l’horrifiait ce qu’il entendait, il ne pouvait nier qu’une forte attirance se manifestait en lui à l’idée de se rallier à son frère.
Il perçut l’ambition rampante et le désir de puissance qui guidaient Horus, et comprit que son frère désirait être celui qui tenait les étoiles dans sa main, comme le faisait l’Empereur sur cette fresque.
Tout ce qu’on t’a dit était vrai.
Fulgrim s’inclina dans son siège et termina de boire son vin.
— Parle-moi de cette gloire absolue, dit-il.
Horus et Erebus lui parlèrent pendant trois jours, racontèrent à Fulgrim ce qui était arrivé sur Davin, l’assaut contre l’épave du Glory of Terra écrasée à la surface, la trahison d’Eugan Temba et la possession nécrotique qui s’était emparée de sa chair. Horus évoqua une arme appelée un anathame, qui fut amenée dans ses quartiers par Fabius dès qu’il eût accordé son sceau à l’apothicaire de Fulgrim pour lui permettre de transférer l’arme depuis les ponts médicaux du Vengeful Spirit.
Fulgrim put constater que l’épée était assez grossière ; sa lame lui évoquait de l’obsidienne, par son gris sombre qui avait acquis une certaine patine luisante. Son manche fait d’or était d’une qualité supérieure, bien qu’il fût encore primitif comparé à celui de Lame de Feu, ou de l’épée laer.
Horus lui dit alors la vérité sur sa blessure, comment, en effet, il serait mort sans la diligence et la dévotion de la loge de sa légion. Du temps qu’il avait passé à l’intérieur du Delphos, l’immense temple de Davin, il ne révéla que peu de chose, excepté qu’il lui avait ouvert les yeux à de grandes vérités, et à la tromperie qui avait été perpétrée contre eux.
Durant tout ce récit, Fulgrim sentit l’horreur s’emparer de lui, un dégoût informe de ces mots qui sapaient les fondements mêmes de ses convictions. Il avait entendu l’avertissement du grand prophète, sans vouloir croire jusqu’à cet instant qu’une telle chose pût être vraie. Il voulait contester les paroles du Maître de Guerre, mais chaque fois qu’il essaya de parler, une force intérieure lui intima de garder son avis pour lui et d’écouter ce que son frère avait à lui exposer.
— L’Empereur nous a menti, dit Horus, et face à une telle affirmation, Fulgrim sentit une contraction de colère froissée lui nouer les entrailles. Il compte nous abandonner à la sauvagerie de cette galaxie pour s’élever seul au statut de divinité.
Fulgrim devait avoir les muscles comme pris dans un étau d’acier, car il lui semblait devoir se jeter sur Horus et l’exécuter pour avoir tenu de tels propos séditieux. Au lieu de quoi il resta assis, médusé, en sentant ses membres frémir et son univers tout entier s’écrouler. Comment Horus, le plus méritant de tous les primarques pouvait-il proférer de telles paroles ?
Peu importait qu’il les eût entendues de plusieurs bouches différentes. Leur substance était restée sans fondement jusqu’à maintenant. Voir les lèvres d’Horus former un discours de rébellion le maintenait cloué à son siège sans qu’il voulut y croire. Horus était son ami le plus digne de confiance, et bien longtemps auparavant, ils s’étaient juré sur leur sang de ne jamais se montrer malhonnête l’un envers l’autre. Lié par un tel serment, Fulgrim avait l’obligation de croire que de son frère ou son père, l’un des deux lui avait menti.
Tu n’as pas le choix ! Rejoins Horus ou tout ce pour quoi tu t’es donné tant de mal aura été en vain.
— Non, parvint-il à murmurer, les larmes lui montant aux yeux. L’idée qu’il se faisait par anticipation de ce moment lui avait enflammé les sens. La réalité s’avérait très différente.
— Hélas, dit Horus, l’expression affligée, mais déterminée. Nous considérions l’Empereur comme l’incarnation suprême de la perfection, mais nous avions tort. Il n’est pas parfait. Il n’est qu’un homme, et nous nous efforcions d’imiter son mensonge.
— Toute ma vie, j’ai espéré devenir comme lui, dit Fulgrim.
— Comme nous tous, dit Horus. Cela m’attriste de devoir te dire ces choses, mais il le faut, car une période de guerre approche. Rien ne peut l’empêcher, et j’aurai besoin que mes frères les plus proches se tiennent à mes côtés quand l’heure viendra de purger nos légions que ceux qui refuseront de nous suivre.
Fulgrim releva ses yeux bordés de larmes.
— Tu as tort, Horus. Tu dois forcément te tromper. Comment un être imparfait aurait-il pu nous créer, nous ?
— Nous ? dit Horus. Nous ne sommes que les instruments de sa volonté, qui devons obtenir la soumission de la galaxie avant qu’il ne s’élève au rang d’un dieu. Quand les guerres seront terminées, il nous rejettera, car nous sommes des créations imparfaites. Avant même nos naissances, l’Empereur nous a rejetés loin de lui alors qu’il aurait pu nous sauver. Tu te souviens du cauchemar qu’était Chemos, et de son paysage désolé quand tu y es tombé ? La souffrance que tu as connue là-bas, la souffrance que nous avons tous connue sur les planètes où nous sommes arrivés à l’âge d’homme ? Tout ça aurait pu nous être évité. Il aurait pu tout empêcher, mais il se préoccupait si peu de nous qu’il l’a laissé arriver. Je l’ai vu se produire, mon frère. J’ai tout vu.
— Comment est-ce possible ? Comment as-tu pu voir ça ?
— Dans mon état proche de la mort, j’ai vécu une vision, comme une épiphanie, dit Horus. J’ignore si j’ai visité le passé ou si mes premiers souvenirs ont simplement été déverrouillés, mais ce dont j’ai fait l’expérience était aussi réel pour moi que de me trouver ici.
La matière grise du cerveau de Fulgrim arriva au bord de l’éclatement tandis qu’elle cherchait à intégrer tout ce qu’Horus lui racontait.
— Même dans mes pires moments de doute, dit-il, ce qui m’a toujours porté était la certitude que je finirai par atteindre la perfection. L’Empereur était le parangon de cette réussite, et si je suis privé de son exemple…
— Le doute n’est jamais agréable, formula Horus en hochant la tête. Mais la certitude est absurde lorsqu’elle repose sur un mensonge.
Fulgrim sentait son esprit vaciller, du simple fait de pouvoir envisager qu’Horus avait raison. Ses paroles défaisaient tout ce qu’il avait jamais été, et tout ce qu’il avait espéré atteindre. Son passé n’était plus, détruit pour alimenter le mensonge de son père. Il ne lui restait plus que son avenir.
— L’Empereur est un comédien dont le public a trop peur de lui pour pouvoir rire, dit Horus. Pour lui, nous sommes des outils à utiliser jusqu’à ce qu’ils soient émoussés et bons à jeter. Pour quelle autre raison nous aurait-il abandonnés, nous et la croisade, et se serait-il retiré vers ses cryptes de Terra ? Son apothéose est déjà en cours. C’est à nous qu’il revient de l’arrêter.
— Je rêvais de devenir comme lui un jour, murmura Fulgrim. De me tenir à son côté et de sentir sa fierté et son amour pour moi.
Horus s’avança, s’agenouilla devant lui et lui prit les mains dans les siennes.
— Tous les hommes rêvent, Fulgrim, mais nous ne rêvons pas tous de la même manière. Ceux qui rêvent la nuit s’éveillent pour découvrir que tout cela était futile. Des hommes comme nous rêvent pendant le jour, et nous rêvons d’espoir, d’amélioration, de changement. Peut-être étions-nous autrefois de simples armes, des guerriers qui ne connaissaient rien outre l’art de la mort, mais nous avons grandi, mon frère ! Nous sommes devenus tellement plus, mais l’Empereur ne s’en rend pas compte. Il voudrait abandonner ceux qui sont ses plus grandes réussites aux ténèbres d’un univers hostile. Je le sais, Fulgrim, car je n’ai pas simplement reçu ce savoir ; je l’ai découvert moi-même après un voyage que personne n’aurait pu effectuer pour moi.
— Je refuse d’entendre tout ça, Horus, cria Fulgrim, en se relevant d’un bond comme si sa chair avait vaincu la paralysie qui jusque-là le maintenait immobile. Il marcha vers la fresque murale de l’Empereur. Tu n’as pas idée de ce que tu me demandes !
— Au contraire, répliqua Horus en se levant pour le suivre. Je sais exactement ce que je te demande. Je te demande de te tenir à mes côtés pour défendre ce qui nous revient par notre naissance. La galaxie est à nous, par droit de conquête, mais elle va être cédée à des clercs et des politiciens. Je sais que tu t’en es rendu compte comme moi, et cela doit te faire bouillir les sangs. Où étaient-ils, ces civils, pendant que nos guerriers mouraient par milliers ? Où étaient-ils quand nous traversions l’immensité de la galaxie pour apporter l’illumination aux fragments perdus de l’Humanité ? Je vais te le dire : ils étaient tapis dans leurs salles poussiéreuses, et ils écrivaient des diatribes comme celle-ci !
Horus partit vers son bureau, où il ramassa une poignée de feuilles, et il revint les lui fourrer entre les mains.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda Fulgrim.
— Un tissu de mensonges, dit Horus. Ils appellent ça le Lectio Divinitatus, et il se répand parmi les flottes comme un virus. Il s’agit d’un culte qui déifie l’Empereur, et qui le vénère ouvertement comme un dieu ! Est-ce que tu arrives à le croire ? Après tout ce que nous avons fait pour porter la lumière de la science et de la raison à ces mortels pathétiques, ils s’inventent un dieu et ils se tournent vers lui pour qu’il les guide !
— Ils le considèrent comme un dieu ?
— Eh oui, Fulgrim, comme un dieu, dit Horus, dont la colère se déversa dans un accès de violence. Le Maître de Guerre grogna et frappa du poing contre la fresque. Son gantelet fracassa le visage peint de l’Empereur en innombrables éclats d’enduit. Plusieurs blocs tombèrent du mur pour s’écraser sur le métal du pont. Fulgrim lâcha les papiers qu’il tenait et les regarda tomber vers le sol, au milieu des débris.
Fulgrim cria alors que son univers éclatait en autant de fragments que les décombres de la fresque. Son amour pour l’Empereur, arraché de sa poitrine, lui était tenu devant les yeux comme une chose sale et inutile.
Horus approcha de lui et lui prit le visage entre ses mains, pour le fixer dans les yeux avec une intensité presque fanatique.
— J’ai besoin de toi, mon frère, plaida Horus. Je n’arriverai à rien sans toi, mais tu ne dois rien faire qui aille contre ta conscience. Mon frère… Sois un phénix, prends ton envol dans les ténèbres et défie le destin. Ressuscite de tes cendres et relève-toi !
Fulgrim soutint le regard de son frère.
— Qu’attends-tu de moi ?