PREMIER STATUT IMPÉRIAL

Napoléon, etc. ; vu le sénatus-consulte du 14 août 1806, nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

Art. 1er. Les titulaires des grandes dignités de l’empire porteront le titre de prince et d’altesse sérénissime.

2. Les fils aînés des grands dignitaires auront de droit le titre de duc de l’empire, lorsque leur père aura institué en leur faveur un majorat produisant 200, 000 fr. de revenus.

Ce titre et ce majorat seront transmissibles à leur descendance directe et légitime, naturelle ou adoptive, de mâle en mâle, et par ordre de primogéniture.

3. Les grands dignitaires pourront instituer, pour leur fils aîné ou puîné, des majorats sur lesquels seront attachés des titres de comte ou de baron, suivant les conditions déterminées ci-après :

4. Nos ministres, les sénateurs, nos conseillers d’État à vie, les présidents du Corps législatif, les archevêques, porteront pendant leur vie le titre de comte.

Il leur sera, à cet effet, délivré des lettres-patentes scellées de notre grand sceau.

5. Ce titre sera transmissible à la descendance directe et légitime, naturelle ou adoptive, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, de celui qui en aura été revêtu ; et, pour les archevêques, à celui de leurs neveux qu’ils auront choisi, en se présentant devant le prince archichancelier de l’empire, afin d’obtenir à cet effet nos lettres-patentes, et en outre aux conditions suivantes :

6. Le titulaire justifiera, dans les formes que nous nous réservons de déterminer, d’un revenu net de 30, 000 fr. en biens de la nature de ceux qui devront entrer dans la formation des majorats.

Un tiers desdits biens sera affecté à la dotation du titre mentionné dans l’article 4, et passera avec lui sur toutes les têtes ou ce titre se fixera.

7. Les titulaires mentionnés en l’article 4 pourront instituer, en faveur de leur fils aîné ou puîné, un majorat auquel sera attaché le titre de baron, suivant les conditions déterminées ci-après :

8. Les présidents de nos collèges électoraux de département, le premier président et le procureur général de notre Cour de cassation, le premier président et le procureur général de notre Cour des comptes, les premiers présidents et les procureurs généraux de nos Cours d’appel, les évêques, les maires des trente-sept bonnes villes qui ont droit d’assister à notre couronnement, porteront pendant leur vie le titre de baron, savoir : les présidents des collèges électoraux lorsqu’ils auront présidé le collège pendant trois sessions, les premiers présidents, procureurs généraux et maires, lorsqu’ils auront dix ans d’exercice, et que les uns et les autres auront rempli leurs fonctions à notre satisfaction.

9. Les dispositions des articles 5 et 6 seront applicables à ceux qui porteront pendant leur vie le titre de baron ; néanmoins, ils ne seront tenus de justifier que d’un revenu de 15, 000 fr., dont le tiers sera affecté à la dotation de leur titre, et passera avec lui sur toutes les têtes où ce titre se fixera.

10. Les membres de nos collèges électoraux de département qui auront assisté à trois sessions des collèges, et qui auront rempli leurs fonctions à notre satisfaction, pourront se présenter devant l’archichancelier de l’empire, pour demander qu’il nous plaise de leur accorder le titre de baron ; mais ce titre ne pourra être transmissible à leur descendance directe et légitime, naturelle ou adoptive, de mâle en mâle, et par ordre de primogéniture, qu’autant qu’ils justifieront d’un revenu de 15, 000 fr. de rente, dont le tiers, lorsqu’ils auront obtenu nos lettres-patentes, demeurera affecté à la dotation de leur titre, et passera avec lui sur toutes les têtes où il se fixera.

11. Les membres de la Légion d’honneur, et ceux qui à l’avenir obtiendront cette distinction, porteront le titre de chevalier.

12. Ce titre sera transmissible à la descendance directe et légitime, naturelle ou adoptive, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, de celui qui en aura été revêtu, en se présentant devant l’archichancelier de l’empire, afin d’obtenir à cet effet nos lettres-patentes, et en justifiant d’un revenu net de 3, 000 fr. au moins.

13. Nous nous réservons d’accorder les titres que nous jugerons convenables aux généraux, préfets, officiers civils et militaires, et autres de nos sujets qui se seront distingués par les services rendus à l’État.

14. Ceux de nos sujets à qui nous aurons conféré des titres, ne pourront porter d’autres armoiries ni avoir d’autres livrées que celles qui seront énoncées dans les lettres-patentes de création.

15. Défendons à tous nos sujets de s’arroger des titres et qualifications que nous ne leur aurions pas conférés, et aux officiers de l’état civil, notaires et autres, de les leur donner ; renouvelant, autant que besoin serait, contre les contrevenants, les lois actuellement en vigueur.

En notre palais des Tuileries, le 1er mars 1808.

Signé : NAPOLÉON.

Le second statut impérial, daté du même jour, prescrivait les règles de l’institution et de la composition des majorats, et déterminait leurs effets quant aux personnes et quant aux biens. En voici le préambule :

« Napoléon, etc. ; Nos décrets du 30 mars 1806, et le sénatus-consulte du 14 août de la même année, ont établi des titres héréditaires avec tranmissions des biens auxquels ils sont affectés.

» L’objet de cette institution a été non seulement d’entourer notre trône de la splendeur qui convient à sa dignité, mais encore de nourrir au cœur de nos sujets une louable émulation, en perpétuant d’illustres souvenirs et en conservant aux âges futurs l’image toujours présente des récompenses qui, sous un gouvernement juste, suivent les grand services rendus à l’État.

» Désirant de ne pas différer plus longtemps les avantages assurés par cette grande institution, nous avons résolu de régler par ces présentes les moyens d’exécution propres à l’établir et à garantir sa durée.

» La nécessité de conserver dans les familles les biens affectés au maintien des titres, impose l’obligation de les excepter du droit commun, et de les assujettir à des règles particulières qui, en même temps qu’elles en empêcheront l’aliénation ou le démembrement, préviendront les abus, en donnant connaissance à tous nos sujets de la condition dans laquelle ces biens sont placés.

» En conséquence, et comme l’article 8 du sénatus-consulte du 14 août 1806 porte qu’il sera pourvu par des règlements d’administration publique à l’exécution dudit acte, et notamment en ce qui touche la jouissance et la conservation tant des propriétés réversibles à la couronne que des propriétés substituées en vertu de l’article ci-dessus mentionné, nous avons résolu de déterminer les principes de la formation des majorats, soit qu’elle ait lieu à raison des titres que nous aurons conférés, soit qu’elle ait pour objet des titres dont notre munificence aurait, en tout ou en partie, composé la dotation.

» Nous avons voulu aussi établir les exceptions qui distinguent les majorats, des biens régis par le Code Napoléon (autrefois le Code civil), les conditions de leur institution dans les familles, et les devoirs imposés à ceux qui en jouissent.

» À ces causes, vu nos décrets du 30 mars et le sénatus-consulte du 14 août 1806, notre conseil d’État entendu, nous avons décrété et ordonné, décrétons et ordonnons ce qui suit, etc. »