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Dans Comme un roman, Daniel Pennac établit une liste de droits imprescriptibles du lecteur parmi lesquels le droit de lire n’importe où. Pennac l’écrivain raconte alors comment, pendant son service militaire, le seconde classe Pennacchioni se portait volontaire, chaque matin, à l’infamante corvée de chiottes. Non qu’il fût un fanatique de la serpillière et du balai, mais quinze minutes à récurer les latrines suffisaient à ce qu’on l’y oublie et qu’on le laisse seul toute la matinée, sur un siège en faïence avec les œuvres complètes de Gogol entre les mains, mille neuf cents pages dissimulées dans la poche droite de son treillis militaire. De ce fait d’armes, écrit Pennac, « il ne reste que deux alexandrins, gravés très haut dans la fonte d’une chasse d’eau, et qui comptent parmi les plus somptueux de la poésie française :
Oui je peux sans mentir, assieds-toi, pédagogue,
Affirmer avoir lu tout mon Gogol aux gogues. »