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Tout porte à croire qu’il y eut un jour parmi ces suivants un certain M. Piekielny.
Est-ce qu’on lui fit ôter ses vêtements, ou est-ce qu’il put, jusqu’à la fin, garder sur lui sa redingote ? Est-ce qu’il fit une prière ? Est-ce qu’il se souvint de la promesse d’un petit garçon qui était son voisin ? Est-ce qu’il ferma les yeux, ou est-ce qu’il regarda le ciel, les arbres, les feuilles des arbres et le vent qui les fait trembler ? Est-ce qu’il trembla, lui aussi, et s’il trembla est-ce que ce fut d’effroi, d’indignation ou de colère ? Est-ce qu’il fit comme Gengis Cohn, ce comique juif « très connu, jadis, dans les cabarets yiddish : d’abord au Schwarze Schickse de Berlin, ensuite au Motke Ganeff de Varsovie, et enfin à Auschwitz » dont il put s’évader en décembre 1943, avant d’être repris quelques mois plus tard, placé devant un trou au bord duquel, juste avant de mourir, il fit à son bourreau un bras d’honneur, lui tourna le dos, baissa sa culotte et lui montra son cul ?
Nous ne saurons jamais ce qu’a fait Piekielny devant la fosse, ni même ce qu’il a pu voir, ressentir ou penser. C’est là son secret, son misérable secret.