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Fulga rebroussa chemin. Suivie de Rope, elle remonta vers la forêt épaisse qu’on appelle le Noirmont. Fatigué, sans nourriture depuis deux jours, son petit avait du mal à suivre. Ils retrouvèrent bientôt les hauteurs où la neige remplace la pluie. Elle tombait moins serrée mais le froid plus vif gelait l’eau dont la fourrure des loups était gorgée. La couche de neige très épaisse rendait la marche pénible. Souvent, ils devaient se démener pour avancer, le ventre posé sur la neige, les pattes sans prise solide dans la couche poudreuse.
Une grande partie du jour, ils allèrent, s’arrêtant souvent pour reprendre leur souffle et manger de la neige. Rien ne vivait autour d’eux que quelques oiseaux frileux.
Très loin, dans la vallée, des cloches sonnaient, des moteurs grondaient, un monde ennemi vivait.
Fulga pensait à Berg, à Mendy, à la petite Silva. La haine de l’homme était entrée en elle. Elle n’avait plus que Rope. Et Rope avait faim. Il s’épuisait. Écrasé de fatigue, il s’endormait sur la neige dès qu’ils s’arrêtaient de marcher.
Pendant que les loups fuyaient, dans la vallée les hommes triomphaient. Ils avaient chargé sur une charrette les dépouilles sanglantes de Berg et de Mendy qu’ils promenaient dans les rues. Devant eux, marchaient fièrement des gens qui battaient du tambour et soufflaient dans des clairons.
Du haut de la montagne, la louve et son fils percevaient quelques échos de ce défilé. Ce bruit, comme tout ce qui venait des hommes, ne pouvait que fouailler la haine qui vivait en eux.