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L’aube qui se leva était sombre. Dès les premières lueurs, il se mit à pleuviner. Une bruine glacée enveloppait la forêt. Elle pénétrait partout et trempait la fourrure des bêtes. Un silence de mort écrasait la montagne que seul troublait l’égouttement des sapins qui pleuraient la jeune louve.

Berg et les siens avaient renoncé à rejoindre leur nouvelle tanière. Ils sentaient que les hommes risquaient de suivre leurs traces et préféraient se déplacer le plus possible. Ils allaient donc, sous le crachin, le ventre creux, le poil ruisselant, soucieux seulement de brouiller les pistes.

Ce jour-là, ils ne mangèrent que quelques rats maigres.

Chez les hommes, une fois cuvé le vin de la victoire, la soif de sang attisait la haine. De village en village la nouvelle courait. Avant d’être enterrée, Silva fut photographiée. Et plus on en parlait, plus le nombre de loups augmentait. Il y en avait partout. Certains allaient jusqu’à prétendre que la bande affamée était venue rôder autour de l’école dans l’espoir d’enlever des enfants pour les dévorer.

Car ces loups venaient de Pologne, de Russie. Ils étaient habitués à la chair humaine. Ils avaient été lâchés par des fous.

Une grande battue fut organisée pour cerner la montagne. Des centaines de chasseurs en rangs serrés entrèrent dans la forêt.

Le premier jour, plusieurs d’entre eux tirèrent. Le loup tomba, criblé de plomb. On le rapporta en chantant victoire. En fait, il s’agissait d’un chien-loup qui errait dans la montagne depuis trois jours. Le vétérinaire compta l’impact sur son corps de vingt-huit projectiles.