LES MERVEILLES D’UTOPIE

 

Ils avaient été amants des siècles plus tôt. Les circonstances les avaient amenés à partir pour des régions différentes de la galaxie. Ils avaient tous deux servi là où on avait besoin d’eux.

D’après tous les nanoserviteurs invisibles dans leur sang, ils étaient à présent tous deux prêts pour l’euthanasie. Mais quelque chose dans leur amour était intemporel. Au sommet de leur passion, ils s’étaient immortalisés dans un hologramme. Ils continuaient, dans ce cube de plastique, à vivre et à bouger sous leur apparence d’autrefois, à jamais passionnés, à jamais parfaits, le front clair et insouciants du monde.

C’était le centième anniversaire du discours, connu sous le nom de Retiens ta main !, du secrétaire général des Planètes réformées. À l’occasion de ce discours, la race humaine avait décidé de s’améliorer individuellement et solidairement, intellectuellement et émotivement, et de supprimer les croque-mitaines d’antan. Ce fut une opération fantastique de manipulation du comportement. Et qui réussit.

Ainsi donc les deux vieux amants furent invités, des différentes régions du système où ils se trouvaient, à parler ensemble devant les curieux. Ils se rencontrèrent et s’embrassèrent, non sans larmes. Des millions de spectateurs les regardaient.

« Je reconnais que je t’ai oublié un siècle entier, dit-elle. Je le regrette. Pardonne-moi ! »

« Un siècle entier me faut pour chanter tes yeux et contempler ton front », cita-t-il avec un sourire.

Elle éclata de son vieux rire grinçant. « Un siècle au moins pour chaque partie, et le dernier révélera mon cœur. »

« Quelle magnifique mémoire nous avons ! »

« Magnifique en effet ! »

Ils se mirent à évoquer l’époque où la vie humaine avait changé pour le meilleur et où l’humanité avait réussi à quitter sa planète d’origine.

Elle portait une robe de bandelettes blanches signalant son âge et sa relative fragilité. C’est elle qui ouvrit ce chapitre.

« C’est une histoire glorieuse et grandiose, qui a surpris ceux qui étaient en âge d’y jouer un rôle, il y a tant de siècles. Je m’adresse à mon ami à Marsport, où il est né. Cher ami, pourquoi ne vis-tu pas sur un satellite de gravité légère, à ton âge ? »

Il dit : « Je mets juste quelques affaires en ordre. Je ne resterai pas longtemps. – Son visage était net et sans rides, sa chair ferme, ses yeux brillants mais creux. – Alors, voyons ce que nous pouvons nous rappeler des débuts lointains de la navigation spatiale.

« Une chose est sûre, nos têtes étaient moins claires dans le temps, encombrées qu’elles étaient comme de vieux débarras… Nous avions l’imagination occupée par toutes sortes d’invraisemblables créatures imaginaires. Tu te souviens de cette période étrange ? »

Elle dit : « L’espèce humaine devait être à moitié folle. Ou peut-être devrais-je dire à moitié sage. Les pauvres générations qui ont vécu les premiers milliers d’années de l’existence humaine… eh bien, ils étaient embourbés dans les rêves d’un passé subhumain. Des cauchemars plutôt. »

« Le fait de s’éloigner de la Terre a facilité le processus de clarification, dit-il. La Terre était soi-disant hantée par des goules, des fantômes, des bêtes à longues jambes, des vampires, des lutins, des elfes, des gnomes, des fées et des anges… Toutes ces créatures imaginaires étouffaient la vie humaine des débuts. J’imagine qu’elles provenaient des forêts obscures et des vieilles maisons, ainsi que d’une absence générale de compréhension scientifique. »

Elle dit : « Tu pourras ajouter à cette liste déjà longue tous les faux dieux et déesses, les dieux grecs, qui ont donné leur nom aux constellations, les Baal et les Isis et les dieux des soldats romains, Kali aux multiples armes, Ganesh et sa tête d’éléphant, Allah, Jehovah avec ses barbes et ses colères, les sorcières noires comme Astarté, oh, un fleuve interminable d’êtres surhumains, tous supposés gouverner la destinée humaine. »

« Tu as raison, ma très douce, je les avais oubliés. »

« La seule idée du paradis a fait de la Terre un enfer… »

« Comme tout cela semble lointain ! C’étaient tous des planchers grinçants dans les caves du cerveau, des reliquats de nos temps éo-humains. »

« Et que feront, dit-elle – et sa voix s’altéra légèrement, que feront de nous nos descendants dans un autre million d’années ? »

Il baissa le regard, montrant un signe de fatigue. « J’entends dans mon dos le chariot ailé du Temps qui s’approche… »

« Là-bas devant nous s’étendent les Déserts de la vaste éternité. C’est une consolation véritable, mon amour. » Elle se pencha et lui caressa la joue, dans un ancien geste d’affection entre les femmes et les hommes.

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