CHAPITRE VIII
La B.D.S. avait gangrené la tour. A tous les étages on savait désormais que l’immeuble était bâti sur une poudrière.
« — C’est comme si nous habitions au-dessus d’un arsenal, balbutiait à chaque réunion le représentant des locataires, il faut signer une pétition, porter plainte. Cette situation est intolérable ! Si nous ne pouvons pas faire expulser la B.D.S. des locaux qu’elle occupe au rez-de-chaussée, exigeons en compensation une diminution des loyers ! »
D’un étage à l’autre on se concertait en chuchotant. On regardait fixement le sol, les moquettes ou le linoléum, comme s’il était possible de distinguer à travers ces divers revêtements la silhouette des sinistres bombes stockées dans les fondations du bâtiment.
« — Si une étincelle se produit, si ces charges explosent, la tour sera littéralement sciée à la base, haletait le représentant du syndicat, nous nous abattrons comme un arbre foudroyé… Comme un arbre foudroyé ! »
Cette comparaison faisait courir un frisson glacé sur l’échine des locataires. La nuit, au fond de leur lit, ils imaginaient avec un luxe morbide tous les détails de la catastrophe. Il leur semblait voir le building osciller dans un grincement de chêne entamé à la hache. Privée de base, la construction s’effondrait, basculant en travers de l’avenue, entraînant dans sa chute les immeubles environnants… Ces images alimentaient leurs insomnies ou leurs cauchemars. Ils guettaient la moindre vibration, les dents serrées, froissant nerveusement les draps entre leurs doigts moites. « Il va bientôt être minuit…» soufflait l’épouse à son mari. Et tous les regards se tournaient vers les chiffres rouges des pendules électriques. On savait qu’à minuit les trappes de la soute s’ouvraient automatiquement pour laisser tomber au fond de la crypte une grosse bombe de deux cents kilos. Un de ces monstres à ailettes capables de pulvériser la plus résistante des maçonneries. On attendait l’explosion, LE BRUIT, le souffle. Bien sûr, on n’entendait jamais rien mais l’imagination suppléait au manque d’acuité auditive.
— Cette fois, ça a bougé ! bégayait-on. Le robinet de la salle de bains s’est mis brusquement à couler. Et puis le piano a gémi. J’en suis sûr, c’était une note sinistre… un la bémol, peut-être. Comme un sanglot.
On se relevait pour inspecter les parois. Dans les couloirs on surprenait des retraités en robe de chambre examinant les murs de refend au moyen de puissantes lampes torches. On entourait les fissures au crayon rouge afin de voir si elles se dilataient au fil des jours.
— Ça ne pourra pas marcher éternellement, vociféraient les révoltés, d’ailleurs il est à peu près certain que leurs foutues bestioles ne dévorent pas l’explosion dans sa totalité. Je vous le dis, comme n’importe quel chien elles laissent des restes dans leur écuelle !
— Des restes ? s’étonnaient les naïfs.
— Oui, je veux dire par là qu’elles n’absorbent pas complètement l’effet de souffle, et que l’onde de choc torture les fondations de la tour à la manière d’un mini-tremblement de terre quotidien !
« Mini-tremblement de terre quotidien », l’expression courut de bouche en bouche. Les plus velléitaires se décidèrent à signer la pétition. Le soir, les locataires se rassemblaient autour des ascenseurs comme des animaux sur le périmètre d’un point d’eau. On commentait les symptômes observés durant la nuit :
— Le bocal de mon poisson rouge a éclaté ! Un bocal neuf, ce n’est pas normal.
— Les cadres accrochés au long de mes murs sont toujours de travers. C’est un signe ! J’ai beau les aligner correctement, au matin je les retrouve penchés. Les vibrations les bousculent, je ne vois pas d’autre explication.
Les chuchotements emplissaient les couloirs de sifflements vipérins. Chaque nouvelle nuit voyait augmenter le contingent des insomniaques. Des sentinelles en pyjama hantaient les corridors et les parties communes, l’œil fixé sur leur bracelet-montre, attendant l’heure… attendant minuit.
Alors, les yeux clos, on suivait mentalement la course de la bombe. Elle tombait, dans un effroyable effet de ralenti cinématographique. Elle n’en finissait pas de tomber. On pouvait la détailler tout à loisir, compter les boulons de son carénage, lui trouver une ressemblance avec un requin, un poisson carnivore au museau camus. Pendant ce temps elle continuait de tomber dans un sifflement d’air déchiré.
— Écoutez ! Écoutez ! hurlaient les guetteurs, elle siffle, comme un stuka en piqué !
— Mais non, objectaient les rationalistes, c’est une cocotte minute !
— Une cocotte minute ! A minuit ! Soyez sérieux !
— Alors c’est une sirène de police quelque part sur l’avenue…
— Non ! C’est ELLE ! C’EST ELLE !
Les souffles se suspendaient, les respirations se bloquaient. On visualisait l’éclatement. Les fusées écrasées par l’impact enclenchant le détonateur, et tout de suite après : la grande fleur pourpre. Cent kilos d’explosifs libérant leur puissance destructrice. On imaginait les gargouilles ouvrant la gueule tels des caméléons pour laper le soleil d’enfer envahissant la crypte. Cela durait une éternité d’une ou deux secondes… puis tout rentrait dans l’ordre. Les insomniaques se séparaient, des cernes sous les yeux, persuadés d’avoir frôlé une fois de plus la pire des catastrophes.
La pétition fut rejetée par le conseil municipal. La Banque des Dépôts Spéciaux disposait de protections puissantes. De plus, la caution des laboratoires Mikofsky suffisait à infirmer les craintes formulées par le syndicat des locataires. Quelques-uns déménagèrent, les autres prirent des somnifères.
— Tout cela finira mal, prédit le délégué du sixième, la catastrophe couve. Un jour ou l’autre le sol se dérobera sous le bâtiment, et nos trente étages s’allongeront en travers de l’avenue. Cela fera du bruit, croyez-moi…
La société de gestion, soucieuse d’enrayer les ragots, accepta de diminuer le montant des loyers à condition que la banque la dédommage du manque à gagner. La B.D.S. se plia sans difficulté à cette contrainte qui ne représentait pour elle qu’une dépense négligeable. Malgré la présence de « l’effroyable danger », les locataires demeurèrent sur place, conscients d’avoir remporté une victoire, et non des moindres…
Les bocaux des poissons rouges continuèrent à éclater, les pianos à pleurer des notes lugubres. Le drame se mettait en place, gangrenant le quotidien par mille petits symptômes réels ou fictifs. Les livraisons de bombes s’effectuaient la nuit, au moyen de camions banalisés affichant le sigle d’une compagnie de dératisation bien connue. L’acheminement des charges se faisait de manière totalement automatisée sans qu’aucun humain n’ait à participer à la mise en place des grosses bombes luisantes dont le carénage bleuté évoquait effectivement la peau d’un squale.
Ce subterfuge fut toutefois éventé par un retraité insomniaque qui avait coutume de promener son chien prostatique sur les pelouses des espaces verts entourant le building.
Il s’empressa de rapporter sa découverte à ses voisins de palier.
— Un service de dératisation ! ricanait-il, ça c’est sûr qu’il y a de la vermine dans les caves, mais pour s’en débarrasser il faudrait la faire crever d’indigestion. Peut-être qu’une bombe atomique leur ferait péter la panse, à ces foutues gargouilles ? A force de se gaver d’énergie, elles finiraient bien par exploser, vous ne croyez pas ?
On hochait la tête avec lassitude, et chacun parlait du jour où il faudrait bien se résoudre à déménager.
— Je serais vraiment désolée d’en arriver là, gémissaient les ménagères, tout est si bien agencé ici. Pour une fois qu’on ne pouvait rien à reprocher à l’architecte !
Sous les racines de l’immeuble, au fond de la bulle granitique de la crypte, la fillette aux yeux vides commençait à prendre conscience de la peur qu’elle engendrait. Si elle ignorait tout des angoisses des locataires, elle lisait par contre sur le visage des banquiers comme dans un livre ouvert. Chaque fois qu’ils sortaient de l’ascenseur pour apporter une cassette bardée de boulons et de cadenas, elle s’émerveillait de leur pâleur. De la sueur qui faisait briller leur front et leurs pommettes… Ils respiraient vite, à petits coups, les poumons rétrécis par l’inquiétude.
Certains déglutissaient avec peine, comme si leur nœud de cravate les étranglait soudain tel le lacet de cuir d’un bourreau. Ils avançaient en hésitant et la poussière grise de la crypte souillait leurs belles chaussures trop cirées.
La fillette s’ingéniait à prolonger le supplice en les faisant attendre. Elle feignait l’imbécillité, se déplaçait au ralenti en accentuant l’expression hallucinée de son regard. Assise dans la gueule de la gargouille, elle les dominait à la manière d’une reine installée sur un trône de chair vive. De la main droite elle fouillait dans les replis de peau, pressant sur des points névralgiques connus d’elle seule. Le monstre baissait la tête pour la déposer sur le sol. Il tirait la langue pour lui permettre de sortir de sa gueule comme sur un tapis roulant. Elle attendait, hiératique, vêtue de ses seuls cheveux, engluée d’un film de bave. Assise dans la position du lotus, elle se laissait déposer dans la poussière par l’interminable langue violacée jaillissant de la caverne buccale de la bête.
Elle voyait alors s’allumer une étincelle d’effroi dans les pupilles des banquiers. A cet instant elle se savait belle comme une déesse barbare, comme une idole païenne. Elle prenait conscience de son pouvoir.
— Dieu ! Que cette enfant est pâle, plaisantait l’un des cadres d’état-major avec une affreuse voix de fausset, il lui faudrait un peu de soleil.
Les autres se forçaient à rire pour masquer leur peur mais la sueur continuait à poisser l’intérieur de leurs paumes.
— Donnez-lui la cassette, ordonnait le banquier, qu’on en finisse !
Ils s’approchaient en grimaçant, craignant par-dessus tout d’être éclaboussés par une goutte de bave corrosive. Ils déposaient le lourd coffret sur les genoux de la fillette et reculaient précipitamment. A cet instant elle devait lutter contre l’envie brutale qui la submergeait de les saisir par le cou en leur criant : « Papa ! Donne-moi un baiser ! »
Oui, elle aurait aimé les entendre hurler de terreur, elle aurait voulu les voir se débattre pour fuir le contact de sa chair enduite d’acide. Elle se serait cramponnée, faussement naïve, jouant au bébé : « Oh ! papa, prends-moi dans tes bras, promène-moi sur tes épaules…»
Ils auraient poussé des cris de douleur tandis que leur peau se serait racornie, dévoilant l’intimité pourpre du tissu musculaire. Elle aurait aimé faire d’eux des écorchés, des demi-cadavres courant en cercle sur le périmètre de la crypte. Oh ! oui… Comme elle aurait trouvé cela amusant !
Sitôt la cassette calée entre ses cuisses elle ordonnait à la bête de rentrer la langue. A reculons, elle réintégrait la caverne baveuse bordée de crocs tandis que les banquiers battaient en retraite vers l’ascenseur.
Avant que les mâchoires de la gargouille ne se soudent, elle assistait à la fuite des cadres supérieurs se bousculant pour entrer dans la cabine, et ce spectacle l’emplissait chaque fois d’un immense bonheur.
Après, c’était la routine. Elle arrachait une mèche de ses cheveux, et la roulait en boule pour la placer dans sa bouche de manière à ce qu’elle soit parfaitement enduite de salive. Elle la mastiquait un peu, comme un chewing-gum fibreux. Au bout de quelques minutes l’algue commençait à se développer. Elle la crachait alors et l’aplatissait avec la paume, de manière à lui donner la forme d’une galette. Très vite, la substance suractivée proliférait et l’on obtenait une feuille translucide légèrement verdâtre. Il n’y avait plus qu’à emballer la cassette plombée dans cette pellicule plastifiée et à la descendre dans l’estomac de l’animal.
La fillette n’aimait pas cet instant, car l’estomac de la gargouille, détectant l’arrivée d’un corps étranger, se mettait toujours à sécréter d’abondance, ce qui remplissait la poche stomacale d’une mousse gluante violemment corrosive qui s’agglutinait sur la cassette dans un grouillement de bulles affamées.
L’enfant aux yeux vides se demandait parfois ce qui arriverait si elle refusait pour une fois d’emballer le sacro-saint colis et le jetait dans l’œsophage du monstre comme au fond d’un vide-ordures. Les diastases le dévoreraient immédiatement, bien sur, et cela contrarierait fortement les banquiers qui avaient l’air d’accorder une importance disproportionnée à ces vilains petits coffres de fer. De telles hypothèses la plongeaient dans un abîme de rêverie. Elle savait pourtant qu’elle ne pourrait jamais passer aux actes. Le programme régissant son cerveau lui interdisait toute manifestation négative à l’égard des humains. Elle pouvait imaginer qu’elle leur faisait du mal… mais il lui était totalement impossible de concrétiser cette pulsion.
Tout avait été prévu pour juguler sa hargne, sa colère. Si elle avait fait mine de détruire le trésor, ou d’ordonner à la gargouille de dévorer les banquiers, un dispositif de blocage aurait court-circuité son cerveau à la seconde même, suspendant ses gestes et la plongeant en état catatonique profond. Elle était condamnée à rêver de vengeance, à se repaître de fantasmes.
Prisonnière des monstres, elle l’était aussi de son impuissance. La lueur de conscience qui palpitait sous sa boîte crânienne se heurtait aux édits de la structure de programmation. Deux êtres vivaient en elle : la révoltée et l’esclave soumise, l’empaqueteuse de trésors, la bergère obéissante. Sa main retomberait, molle, inanimée, chaque fois qu’elle esquisserait un geste de destruction menaçant l’intégrité anatomique de la gargouille ou celle des patrons de la B.D.S. Elle ne pouvait se satisfaire que des fantômes du rêve, et cet ersatz la laissait désemparée.
Pire, elle commençait à redouter que la haine trop longtemps contenue se retourne contre elle, à la façon de ces maladies psychosomatiques affligeant les humains. Cela n’avait rien d’absurde. A force de vouloir détruire, elle risquait de se détruire. Il suffisait de peu de choses : que ses glandes sudoripares cessent de fonctionner, par exemple, la privant du même coup du film protecteur l’isolant des sucs gastriques…
On ne l’avait pas conçue pour nourrir des sentiments, pour cultiver des rancunes. Elle n’était qu’un outil sans état d’âme…
Du moins c’est ce qu’on avait désiré.
Mais quelque chose s’était produit. L’affectivité s’était développée en elle comme une maladie mystérieuse. Elle avait commencé à ressentir alors qu’elle n’était faite que pour calculer. Tout cela lui faisait peur. D’autre part, elle redoutait – en cessant de haïr ses maîtres – de cesser du même coup d’exister ! La haine l’avait fait naître, la haine la maintiendrait en vie tant qu’elle saurait l’entretenir. Elle sentait plus ou moins obscurément que sa vie mentale dépendait de ce brûlot. Laisser s’éteindre la flamme, c’était retourner à l’opacité protoplasmique. Au sommeil affectif du golem. Elle ne voulait pour rien au monde de cette régression. Pour exister en tant qu’être doué de sensibilité, elle devait continuer à détester tous ceux qui l’approchaient…
Elle remuait ces pensées tapie dans la grotte stomacale de la gargouille, les mains nouées sous la nuque, les pieds posés sur le coffre contenant le trésor des banquiers. Elle voguait, emportée par le flot d’un demi-sommeil fait de rêves et de constructions imaginaires. Elle soufflait sur les braises de sa colère, échafaudant d’impossibles plans de revanche.
*
**
Mathias s’appliquait à contracter et à détendre chacun de ses muscles pour éviter l’engourdissement. Il procédait à cet exercice toutes les trois heures, crispant les poings, se haussant sur la pointe des pieds, bref, utilisant tout l’espace de manœuvre que lui laissait la cuirasse elle-même prisonnière du carénage de la bombe. Il craignait de succomber à une crampe subite, de se réveiller paralysé. Il était enfermé depuis quarante-huit heures à l’intérieur de la torpille d’acier bleu.
Quarante-huit heures de quasi-immobilité et d’attente interminable. Au début, il avait commencé à écouter de la musique, puis à visionner des films. A présent il n’entendait et ne voyait plus rien. Les images se mêlaient devant ses yeux, les sons se fondaient en une bouillie infâme. Il avait trop peur pour prêter attention à autre chose qu’à sa propre angoisse. Il se sentait momifié, prisonnier d’un sarcophage oublié, enterré au fond d’une pyramide elle-même engloutie par une tempête de sable. Il vivait l’existence d’un mort-vivant, d’un squelette muré dans la double enveloppe d’un cercueil de fer. Il attendait le moment où les robots-porteurs viendraient le prendre pour le charger dans le camion de livraison, mais il ne savait pas dans quel ordre seraient chargées les bombes. Il ne pouvait donc déterminer le temps qui s’écoulerait avant le largage. Ce délai pouvait varier entre un et sept jours, tout dépendait de son positionnement à l’intérieur de la soute.
S’il avait de la chance, il ferait partie du second ou du troisième bombardement ; si le sort s’acharnait contre lui, il lui faudrait attendre le dernier jour de la semaine pour aller s’écraser au fond de la crypte. Cette éventualité l’effrayait. Il se voyait mal affronter sept jours d’immobilité. Au bout de combien de temps devenait-on claustrophobe ? Il se remémorait d’affreuses histoires de rescapés enfouis sous les décombres, d’enterrés vivants, de prisonniers oubliés un an au fond d’un cachot minuscule. Chacune de ces anecdotes le couvrait d’une sueur glacée. Il avait peur. Peur de flancher et de se mettre à hurler en suppliant qu’on vienne le délivrer. En arriverait-il là ? Après quarante-huit heures de claustration il n’était pas loin de le croire.
Il n’était pas question qu’il s’abrutisse en absorbant des somnifères. S’il dormait au moment du largage, il risquait de s’éveiller dans un état de confusion psychologique préjudiciable à la suite des opérations.
« Révise tes leçons ! se répétait-il. Es-tu seulement certain de posséder à fond la nomenclature physiologique de la bête ? Connais-tu tous les accords nécessaires à la mise en branle des processus hormonaux ? »
Comme un candidat s’apprêtant à subir les épreuves du permis de conduire, il se posait des « colles ». Visualisait le trajet des nerfs et des veines, dessinait mentalement des croquis agrémentés de flèches. Mais la peur faisait déraper ce travail de mémorisation, les indications se brouillaient, les schémas anatomiques fournis par Cornélius Vladewsky se superposaient tous pour finir par former la carte inutilisable d’un animal impossible.
— Et si les gargouilles ne sont pas bâties sur le même modèle ? balbutiait soudain Fanning ruisselant de sueur. Si on a piégé leur anatomie de manière à provoquer la perte d’un éventuel intrus ?
L’hypothèse n’avait rien d’invraisemblable. Les concepteurs des laboratoires Mikofsky étaient rusés, parfaitement adaptés à leur époque. Ils avaient pu prévoir une tentative d’infiltration au moyen d’un quelconque vêtement protecteur, ils… Mathias échafaudait des scénarios d’épouvante dont il était l’éternelle victime. L’enfermement et l’immobilité forcée décuplaient sa peur.
La peur engendrait l’insomnie.
« Dans une semaine, j’aurai craqué, pensait-il sinistrement, je ne serai plus qu’une loque incapable de la moindre initiative. »
La tension nerveuse augmentant, il se résolut à prélever sur le stock de l’infirmerie incorporée quelques calmants légers qui le firent rapidement basculer dans une torpeur proche de l’hébétude.
Alors qu’il sombrait dans un coma onirique peuplé d’images délirantes, un choc ébranla le sarcophage de métal bleui.
Un robot porteur venait de saisir la bombe entre ses pinces de chargement !
Le stock d’explosifs réservé à la B.D.S. quittait l’usine automatisée. Le compte à rebours commençait.