22
La nuit était tombée depuis longtemps. De la place du Bourg de Four parvenaient les échos des conversations des passants. L’atelier des Savoisy était éclairé par de grands chandeliers. Daniel avait mis en garde contre les risques d’incendie. Voltaire assis sur un haut tabouret surveillait Samuel qui assemblait habilement des caractères typographiques Garamond. Élie, le patriarche, cherchait des feuilles de format raisin dans la réserve. Rebecca, la mère de Samuel, s’était emparée d’un beau cuir de Russie. Elle avait demandé à Constance de lui préparer des aiguilles et du fil. Quentin aiderait Daniel à la presse.
Jean-François tenait la main de Maïette et lui murmurait des paroles rassurantes à l’oreille. Les yeux bouffis de pleurs, le teint pâle, elle opinait tout en laissant échapper quelques brefs sanglots.
– L’ouvrage est en bonne voie, annonça Daniel. C’est bien la première fois qu’on me demande un tel travail. J’espère, monsieur de Voltaire, que vous me confierez un jour une oeuvre plus consistante.
– Je vous le dois bien, mon cher Savoisy, déclara l’écrivain en riant. Quoique jusqu’à présent vous vous soyez passé de mon autorisation pour imprimer quelques-uns de mes écrits. Avec pas mal de fautes, soit dit en passant.
L’imprimeur grimaça et rétorqua :
– Les temps sont durs, la concurrence impitoyable. Et vos oeuvres sont si demandées, qu’on est assuré d’un bon bénéfice. Ce serait criminel de ne pas en profiter.
– À vous entendre, ce serait de ma faute s’il existe tant de contrefaçons de mes livres, ajouta Voltaire riant de plus belle.
– Je remercierais plutôt les censeurs du royaume de France. Si les libraires de votre pays avaient la liberté de faire imprimer vos textes, nous ne serions pas aussi riches.
– Voilà qui a le mérite de la clarté ! Mais revenons à notre affaire : sommes-nous dans les temps ?
– Assurément. Nous allons pouvoir lancer la presse.
***
Wagnière avait fait appel à un batelier pour emmener Jean-François à Ripaille. Voyager par le lac semblait plus sûr que par la route. Delphine n’avait, certes, aucun intérêt à s’attaquer à Jean-François avant qu’il n’arrive à Ripaille, mais deux précautions valaient mieux qu’une. Quentin l’accompagnait. La ravisseuse avait spécifié que Savoisy devait venir seul, sinon elle ne se montrerait pas, mais une arrivée en bateau passerait inaperçue, le débarquement se faisant à Thonon, à un quart de lieue du château. Constance parvint à convaincre les deux hommes de se joindre à eux. Une fois libérée, Chloé aurait bien besoin d’une présence féminine.
Dans la matinée, ils se rendirent au port de Longemalle, situé aux portes de Genève. Le départ des Délices s’était accompagné des pleurs déchirants de Maïette et des encouragements de Voltaire. Mme Denis, radoucie par les malheurs de la famille Savoisy et ulcérée par la trahison de Delphine, avait entraîné Maïette dans sa chambre et mêlait ses larmes aux siennes. Voltaire, quant à lui, avait remis à Justine le texte de sa prochaine pièce, Tancrède, et s’évertuait à le lui faire apprendre. N’ayant guère la tête au divertissement, la comédienne fut pitoyable et l’auteur peu regardant sur son manque de conviction. Le pauvre Wagnière, pâle comme la mort, scrutait le lac depuis les fenêtres du bureau, reprenait sa copie, faisait une faute, chiffonnait la feuille, la lançait dans la corbeille, retournait à la fenêtre jusqu’à ce que Voltaire lui dise d’aller prendre l’air, sinon ils seraient bientôt à court de papier.

Le batelier sauta agilement sur le quai et amarra le bateau. Tenant serré contre lui la serviette contenant le manuscrit, Jean-François accepta son aide pour sortir de la barque. Quentin et Constance suivirent. Devant leurs maisons, des pêcheurs vendaient les poissons pêchés le matin : feras, ombles-chevaliers, truites, perches aux reflets argentés. D’autres réparaient leurs filets, assis au soleil déjà chaud de ce début avril. Les trois compagnons ne leur prêtèrent guère d’attention. Quentin montra au loin les tours du château de Ripaille et s’exclama :
– Tiens, il y en a plus qu’avant.
– Vous êtes déjà venu ? demanda Jean-François, étonné.
– Non, enfin si, en quelque sorte, bafouilla Quentin.
Jean-François haussa les épaules et se mit en marche le long du quai.
– Par prudence, nous devons nous séparer. Delphine doit me guetter, ajouta-t-il.
– Nous flânerons comme des amoureux, déclara Quentin en prenant Constance par le bras. Il y a un petit bois entre le château et le lac. Nous ferons mine de nous y promener.
– Ne vous avisez pas de prendre quelque initiative malheureuse, les admonesta Jean-François.
– Ce n’est pas notre genre, répondit Quentin d’un ton offusqué.
Sans répondre, Jean-François s’engagea d’un bon pas sur le chemin menant à Ripaille.
Toujours au bras de Constance, Quentin s’étonnait de ce qu’il voyait :
– Il n’y avait pas ces sept tours, autrefois.
– Mon pauvre ami, c’était il y a plus de trois siècles…
***
Delphine avait indiqué le chemin à suivre. Jean-François passa devant la grande église et longea les bâtiments de l’ancien prieuré. En face d’une tourelle carrée, il trouva l’ancien réfectoire des moines. La porte était entr’ouverte. Il pénétra dans une grande pièce sombre et faillit trébucher sur les dalles de pierre inégales. L’endroit était sinistre, puant l’humidité. Accumulée au cours des siècles, la poussière recouvrait des tables vermoulues, vestiges des repas des moines. Une grande partie de la pièce était encombrée d’un bric à brac de vieux tonneaux, outils de menuiserie hors d’usage. D’immenses toiles d’araignée enserraient des pots et de la vaisselle cassée. Jean-François frémit à l’idée que Chloé ait été retenue dans un endroit aussi malsain. Au fond, une immense cheminée ouvrait une gueule noirâtre. Où était Delphine ? Qu’attendait-elle pour apparaître ? Jean-François sentait son coeur battre à tout rompre. Il s’apprêtait à explorer le bâtiment quand il entendit la porte se refermer. Une torche allumée à la main, Delphine était là. Seule.
– Où est Chloé ? Comment va-t-elle ? cria Jean-François d’une voix étranglée.
– Elle va bien. Un peu effrayée par ce qui lui arrive, mais elle va bien.
Il se retint pour ne pas lui sauter à la gorge.
– Vous avez le document ? demanda-t-elle.
– Oui. Croyez-vous qu’il était nécessaire d’en arriver à de telles extrémités pour quelques feuilles hors d’âge ? ne put s’empêcher de dire Jean-François.
– Les Savoisy ont toujours été des traîtres et des couards. Je ne pouvais prendre aucun risque. Donnez-moi le manuscrit.
Jean-François serra les dents sous l’insulte, mais seul importait le sort de sa fille.
– Pas avant d’avoir vu Chloé, tonna-t-il.
– N’ayez crainte, elle n’est pas loin. Montrez-moi le manuscrit et j’irai la chercher.
Jean-François tira de sa veste la liasse de vélin et l’agita en direction de Delphine. Elle accrocha la torche au mur, se dirigea vers la cheminée, poussa la porte à sa droite. Jean-François entendit un verrou se tirer. Il reconnut la voix de sa fille et la vit arriver, étroitement maintenue par Delphine qui tenait une dague effilée à la main.
– Papa, emmène-moi, cria la petite voulant s’élancer vers son père.
Delphine resserra son étreinte en lui soufflant :
– Ne dis pas un mot, ne bouge pas et je ne te ferai aucun mal. Maintenant, Savoisy, asseyez-vous et posez le manuscrit, dit-elle en lui indiquant une table éclairée par la torche.
Jean-François s’exécuta et lança à sa fille un regard qui se voulait rassurant. La petite pleurait à chaudes larmes.
– Fais ce qu’elle te dit, Chloé, et dans quelques minutes tout ceci ne sera qu’un mauvais souvenir.
Sans la lâcher d’un pouce, Delphine fit avancer la jeune fille de quelques pas.
– Tournez les pages lentement, que je m’assure qu’il s’agit du bon document.
– Vous ne croyez tout de même pas que je m’amuserais à vous mystifier alors que ma fille est en danger de mort.
– Je m’attends à tout des Savoisy.
– Mais cette querelle remonte à des siècles, s’emporta Jean-François. Et ce sont les Delatraz qui ont volé le document.
– Tournez les pages ! N’accusez pas ma famille. C’est Jacques Savoisy qui a volé la place de mon aïeul à la cour d’Amédée VIII. C’est lui le coupable. Il fallait qu’il paye.
– Vous êtes folle ! s’exclama Jean-François en tournant lentement les pages.
– Je suis juste soucieuse de l’honneur de la famille alors que vous, les Savoisy, n’êtes que des pleutres sans respect pour le passé. Les Delatraz, malgré vos manigances, n’ont jamais baissé les bras. Ne vous arrêtez pas de tourner les pages.
Jean-François sentait l’excitation de Delphine. Son visage s’était illuminé, ses yeux brillaient d’une joie sauvage.
– Laissez-moi vous dire, reprit-elle d’une voix tremblante d’émotion, combien mon ancêtre Louis Delatraz a été heureux d’avoir la peau de François Savoisy à Liège en 1603. C’est une date que nous honorons encore aujourd’hui.
– Mais comment m’avez-vous retrouvé ? Je n’étais au courant de rien. C’est un pur hasard !
– Voilà bien les Savoisy ! Oublieux et sans cervelle ! ricana-t-elle. Il n’y a pas de hasard avec les Delatraz. Nous avons toujours eu un oeil sur les agissements de votre famille. Quand Louis s’est enfui de Liège pour les Pays-Bas où il voulait faire publier le manuscrit, il a été tué dans une échauffourée. Le document a de nouveau disparu, mais chaque génération de Delatraz est restée vigilante. Nous avons toujours été en lien avec les principaux libraires européens au cas où il réapparaîtrait à Amsterdam, Londres, Paris, Rouen, Lyon, Bâle… Quand vint mon tour de reprendre le flambeau, la chance m’a souri. Mes frères devaient surveiller les Savoisy de Genève et moi, ceux de Paris. Votre femme m’a grandement facilité la tâche en me faisant pénétrer dans votre intimité familiale. Il suffisait d’attendre.
Jean-François avait hâte de serrer enfin Chloé dans ses bras, mais Delphine, emportée par sa rage, ne semblait pas pressée de conclure.
– Vous avez profité de l’amitié de Maïette d’une manière honteuse.
Delphine écarta ces paroles d’un geste de la main. La dague brilla un instant à la lueur de la torche. Jean-François frémit.
– Si cet imbécile de libraire, pour se faire encore plus d’argent, n’avait pas jugé bon de partager le manuscrit en deux, vous n’auriez rien eu à craindre de moi. Mais quand je vous ai vu arriver avec les recettes, je savais que je n’avais plus le choix…
– Le libraire ? Sa mort ? C’était vous ?
– J’étais ivre de colère. C’était un accident. Je regrette. Je ne suis pas une meurtrière. Quand j’ai envoyé des hommes aux glacières, c’était pour vous faire peur, vous inciter à vous défaire du manuscrit, rien de plus, vous en convenez ? Malheureusement, je ne savais pas, à ce moment-là, que vous étiez en possession d’un manuscrit de Diderot. Je ne pouvais imaginer que vous seriez persuadé que c’était celui-là que vous deviez remettre.
Jean-François se tut quelques instants et reprit d’une voix blanche :
– Et Menon ? Aucun homme ne s’est introduit au café de l’Arbre Sec ? C’était encore vous ?
– Quand je vous ai vu donner le manuscrit à des inconnus quelques minutes avant que mon émissaire arrive, j’étais folle de rage. Je les ai suivis. J’ai vu l’homme revenir, la nuit, pour le rendre. Il me fallait le récupérer à tout prix. Ce pauvre vieux Menon était pitoyable avec ses efforts de séduction. Il s’est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Il était en train de faire son caramel. Il m’a surprise en train de fouiller. Je ne pouvais rien faire d’autre que m’en débarrasser.
Jean-François ferma les yeux.
– Vous êtes un monstre !
– Allez, finissons-en ! Estimez-vous heureux que je ne me sois pas attaquée à votre épouse pendant le voyage. Ce n’est pas l’envie qui m’en a manqué, mais elle portait son jupon en permanence. J’aurais pu l’estourbir une nuit, mais elle dormait avec Chloé. À elles deux, elles auraient pu me maîtriser. C’était prendre un risque beaucoup trop grand. Après, j’ai joué de malchance. Je n’ai pas réussi à le voler chez Voltaire. Wagnière est un trop bon chien de garde. Mais tout est revenu dans l’ordre. Il me semble que tout y est. Le manuscrit de mes ancêtres va être réuni. Laissez le document sur la table, levez-vous et ne faites pas mine d’approcher, conclut-elle en brandissant sa dague. Vous savez que je n’hésiterai pas à l’enfoncer dans le coeur de Chloé.
Jean-François obéit. Delphine relâcha Chloé qui se précipita, tel un boulet de canon, dans les bras de son père. Il l’étreignit brièvement et lui ordonna de sortir immédiatement. La petite obtempéra. La dague toujours dans une main, Delphine fouilla sous sa pelisse, ressortit un autre paquet de feuilles et déclara :
– Regardez ! Nous avons triomphé des Savoisy ! Voilà le manuscrit dans son entier.
– Vous avez gagné, rétorqua Jean-François d’un ton froid. Mais je crains que cela ne soit trop tard.
– Que voulez-vous dire ? demanda-t-elle, subitement inquiète.
– Me permettez-vous de jeter un oeil à la première page ?
– Si cela peut vous faire plaisir, dit-elle d’un ton méprisant.
Elle prit la première page et la tendit à bout de bras pour que Jean-François puisse la lire :
–  Chère amie, vous m’avez demandé, la semaine où nous nous sommes mariés, alors que vous n’aviez que quinze ans, de me montrer indulgent avec vous par égard à votre jeunesse et à votre inexpérience, commença-t-il, puis, sortant un livre de sa poche et l’ouvrant à la première page, il continua , le temps qu’il vous faudrait pour voir et apprendre davantage ; vous me promettiez de mettre tout en oeuvre pour y parvenir et de vous appliquer de toutes vos forces à vous maintenir dans mes bonnes grâces et mon amour. Je me rappelle bien que vous m’avez prié humblement dans notre lit
– Mais vous ne pouvez connaître ce texte… s’affola Delphine. Donnez-moi ce livre ! Qu’est-ce que cette affaire ?
Elle bondit vers lui. Jean-François l’esquiva, mais la dague lui fit une longue estafilade sur la main. Il recula et tenant le livre hors de sa portée lui montra la page de titre. On pouvait lire :
Le Mesnagier de Paris
Première édition
À GENÈVE
Chez Savoisy, place du Bourg de Four
M DCC LIX
– C’est impossible, vous n’avez pas pu le faire imprimer, s’écria Delphine, affolée. Vous n’aviez qu’une partie du texte. C’est de la mauvaise magie.
– Détrompez-vous, dit-il en lui montrant de nouveau la page du prologue.
Puis il feuilleta le livre et l’ouvrit à trois autres pages où figuraient des textes de recettes.
Le souffle court, les yeux exorbités, Delphine dansait autour de lui, essayant d’attraper le livre. Jean-François le ferma d’un coup sec en disant :
– Admirez cette superbe reliure. Dès demain, cinq cents exemplaires partent pour Paris et Amsterdam.
– Vous n’avez pas le droit, hurla-t-elle. Seule la famille Delatraz pouvait le faire imprimer.
– Cessez vos sornettes. Cette histoire a fait assez de mal comme ça. C’est fini. On n’en parlera plus.
Delphine émit un gémissement de bête blessée et courut vers la porte, Jean-François sur ses talons. Elle fut interceptée par Quentin, se laissa tomber à terre, secouée de sanglots convulsifs. Chloé quitta les bras de Constance pour se jeter dans ceux de son père.
Constance pénétra dans la pièce et en ressortit quelques secondes plus tard, tenant contre son coeur le manuscrit Savoisy.
***
Quand Delphine apprit de la bouche de Quentin que le livre ne contenait en fait que six pages imprimées : la page de titre, la première page du prologue, et quatre pages de recettes, son esprit lâcha. Elle se mit à s’arracher les cheveux, à prononcer des mots incompréhensibles et à rouler des yeux fous. Remise à la police de Genève, elle fut examinée par le docteur Tronchin qui conclut à une démence définitive.
Le retour de Chloé fut un moment de grande émotion. À peine la voiture avait-elle franchi les grilles que toute la maisonnée accourait à sa rencontre. Maïette, riant et pleurant, la serra à l’étouffer puis chacun voulut l’embrasser, Voltaire en tête qui écrasa une larme discrète avec son mouchoir de fine batiste. Mme Denis tourbillonnait, Wagnière esquissait un pas de danse. Les Savoisy de Genève se congratulaient. Justine applaudissait. Les domestiques et les jardiniers firent une haie d’honneur à la jeune demoiselle. L’oncle Jérémie avait préparé des litres de chocolat et des monceaux de gâteaux et tous se retrouvèrent dans le grand salon pour se réjouir de la fin heureuse de l’aventure. Constance réclama du champagne. Voltaire s’empressa de faire monter des bouteilles de la cave. Les bouchons volèrent jusqu’au plafond, l’écume pétillante jaillit. Tendant sa coupe, Constance souriait aux anges.
Le philosophe ne se lassait pas d’entendre Jean-François raconter l’effroi de Delphine en découvrant le faux livre. Il riait aux éclats de sa ruse et se félicitait d’avoir recopié, en 1748, à Lunéville, le prologue qu’il jugeait charmant. Il demanda si la famille Savoisy comptait publier le livre. Jean-François et son cousin Élie se regardèrent.
– Pour ma part, je m’en moque, répondit Jean-François. J’ai pris ce manuscrit en détestation et si Constance ne l’avait pas récupéré, je l’aurais volontiers laissé en pâture aux rats de Ripaille.
– Je ne crois pas qu’un tel livre puisse avoir du succès. Un jour peut-être s’intéressera-t-on à la manière de manger de nos aïeux, mais pour le moment, je ne prendrais pas de risque, ajouta Élie.
Constance regarda Quentin avec fierté et un brin de tristesse, puis déclara :
– Le plus important est d’avoir mis fin à cette lutte insensée entre deux familles. Delphine a avoué que ses frères se moquaient bien de cette histoire et qu’elle était la seule à se sentir investie d’une mission vengeresse. On peut donc penser qu’il n’y aura plus de drames. Mais, j’avoue que j’aurais bien aimé le voir imprimé…
– Je ne comprends pas bien pourquoi vous êtes si attachée à ce manuscrit, reprit Jean-François, mais pourquoi ne le garderiez-vous pas ? Vous en ferez l’usage qui vous plaira. Qu’en penses-tu, Élie ?
– Tout à fait d’accord.
– C’est impossible, répliqua Constance. Ce serait un peu long à vous expliquer, mais il n’a plus sa place là où je vais.
– Vous nous quittez ? s’étonna Jean-François. Après toutes ces aventures, vous faites presque partie de la famille. Venez avec nous…
– Je vais y songer, dit Constance d’une petite voix.
Voyant son trouble, Quentin lança d’une voix forte :
– Pourquoi ne pas donner le manuscrit à Jérémie ? Il est cuisinier, il y trouvera peut-être des idées intéressantes. Et après tout, il lui était destiné.
Tous tombèrent d’accord pour dire que c’était une excellente idée. Voltaire suggéra qu’il leur prépare un repas gothique. Jérémie fit la moue. Constance lui promit son aide.