Conclusion : Réciprocité

 

« Le monde commun prend fin lorsqu’on ne le voit plus que sous un seul aspect, lorsqu’il n’a le droit de se présenter que dans une seule perspective. »

Hannah Arendt,

La Condition de l’homme moderne.

 

 

Loin de ce texte l’idée que l’Imagination doive être totalement contrôlée par la Raison. Un humain purement rationnel n’existe tout simplement pas. Le but de cet essai aux traits parfois véhéments fut plutôt de mettre en garde contre le détournement par la société de marché de notre aspiration la plus noble, celle de rester un être naturel et créatif autant que rationnel. L’actuelle marchandisation de l’âme semble annoncer un dressage radical et sans échappatoire des individus, puisque les multiples échappatoires font désormais partie du dressage. Le capitalisme romantique, qui fait reposer l’aliénation de l’homme-marchandise sur le leurre d’une exaltation fantasmatique de l’intime, produit un monde de plus en plus violent, peuplé, on l’a vu, de semi-autistes.

Comme la sociologie de Durkheim l’a analysé cent ans plus tôt[122], l’individu moderne est par nature trop individualiste pour pouvoir s’intéresser longtemps à la politique ou aux autres. Laissez un être suivre ses penchants individuels, et vous obtiendrez immanquablement un égotiste hédoniste, plus ou moins jouisseur selon son souci du qu’en-dira-t-on. N’en déplaise aux humanistes mondains, l’individu, en tant qu’individu, ne peut être, en société capitaliste, qu’un Homme-qui-s’en-fout et non un « Homme-Dieu[123] » soucieux des autres. Dans un monde gouverné par l’impératif de la plus-value, chaque ego est motivé par le fantasme d’une jouissance privée dont l’intensité quantitative est l’enjeu tyrannique. Tous ceux, de gauche comme de droite, qui espèrent encore pouvoir faire reposer l’espoir de lendemains qui chantent sur le seul individualisme sont les dupes du romantisme de masse.

Alors que faire ? Il n’y a toujours pas d’autre solution que de travailler à préparer une société qui ne repose plus sur l’Argent comme divinité tutélaire. À ce titre, concluons avec ce beau texte de Karl Marx[124] : « L’argent, qui possède la qualité de pouvoir tout acheter et tout s’approprier, est éminemment l’objet de la possession. L’universalité de sa qualité en fait la toute-puissance, et on le considère comme un être dont le pouvoir est sans bornes. L’argent est l’entremetteur entre le besoin et l’objet, entre la vie et les moyens de vivre. Mais ce qui sert de médiateur à ma vie médiatise aussi l’existence des autres pour moi. Pour moi, l’argent, c’est autrui. […] L’argent est la divinité manifestée, la transformation de toutes les qualités humaines et naturelles en leur contraire, l’universelle confusion et perversion des choses ; il harmonise les incompatibilités. »

Quelle serait alors l’alternative pour un monde moins médiocre et gris ? Je ne saurais, là encore, mieux la formuler que Marx, quelques lignes plus loin : « Imagine l’homme humain et son rapport au monde comme un rapport humain, et tu ne pourras échanger l’amour que contre l’amour, la confiance que contre la confiance, etc. Si tu veux jouir de l’art, tu devras avoir une culture artistique ; si tu veux avoir un ascendant sur autrui, tu devras être capable d’agir pour le bien des autres et exercer une influence stimulante. […] Si tu aimes sans susciter l’amour réciproque, si ton amour ne provoque pas la réciprocité, si vivant et aimant tu ne te fais pas aimer, alors ton amour est impuissant, il est infortune. »

L’amélioration de la condition humaine et de la solidarité non misérabiliste (qui doivent rester au cœur de tout projet politique) ne peut plus passer par les seuls droits de l’individu, mais par le lien horizontal qu’introduit le souci de réciprocité créative dans chaque rapport. La principale valeur à réinventer est le travail comme plaisir fertile et épique, pour la communauté et avec elle.

Mais dans ce monde de faux fétiches, il convient de dévaluer avant de réévaluer. Contre le capitalisme « romantique », dont la meilleure métaphore serait celle d’un empereur Alexandre postadolescent et avide, il est temps que s’élève un mouvement collectif, qui pourrait commencer par prendre pour modèle – avant de le dépasser – le cynisme critique de Diogène, en exigeant du Capital qu’il s’écarte de notre soleil commun.

Ensuite, cessons de fuir le réel : il n’est pas intrinsèquement horrible.

Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il n’est pas : il devient. Au cœur de nos existences coule le fleuve du Créel, cette geste humaine qui sans cesse redistribue les espaces de vie et tord la matière. Tandis que notre ego nous enferme, notre désir d’harmonie nous libère.



[1] Éditions Pion, 2008.

[2] Deux mois plus tard, je suis retombé par hasard sur le texte en question. Il s'agit du Petit Manuel d'inesthétique d'Alain Badiou (Seuil, 1998) : « Nous en sommes toujours là. D'un côté, la démocratie, qui nous débarrasse de l'amour du maître, mais qui nous assujettit à la transcendance unique des lois de la marchandise, et élimine toute maîtrise sur la destinée collective, toute réalité du choix politique. D'un autre côté, le désir d'une destinée collective immanente et voulue, d'une rupture avec l'automatisme du capital. Mais alors, le despotisme terroriste, et l'obligation de l'amour du maître. »

[3] Le personnage de Munch, aux yeux exorbités par un effroi hallucinatoire, à la bouche déformée par une horreur sans cause, est un portrait possible de l'Occidental contemporain.

[4] Le langage des médias est comme toujours révélateur : tandis que n'importe qui « est » chanteur, tel chanteur « fait » l'acteur, tel acteur « ne se prend pas au sérieux », etc.

[5] Sur l'influence de Nietzsche, lire le chapitre xi.

[6] Cf. Peter Sloterdijk, Essai d'intoxication volontaire, Calmann-Lévy, 1999.

[7] Accusation que je n'entreprends pas sans réticence, car il me faut provisoirement jeter le bébé de la créativité et de l'imaginaire avec l'eau de l'illusion consumériste. Mais cette tabula rasa apparaît nécessaire dans une société où c'est en partie une certaine idée du bonheur qui aliène. Ce qui ne veut pas dire que je me résous comme d'autres à l'équivalence entre lucidité et austérité.

[8] La Condition de l'homme moderne, Calmann-Lévy, 1961.

[9] La Culture du narcissisme, Robert Laffont, 1981.

[10] « Dans ce monde, il faut baiser ou être baisé », confiait une lectrice au courrier du journal Libération au moment où l'auteur écrivait ces lignes.

[11] Coïncidence ? L'hebdomadaire américain Time a récemment révélé que les cas d'autisme chez les enfants sont beaucoup plus fréquents qu'il y a encore vingt ans. La progression de cette maladie annonce-t-elle pour bientôt le règne douloureux du consommateur-autistique ?

[12] La description clinique de la confusion mentale des personnes âgées s'applique étrangement à l'homme contemporain. Selon le Corpus de gériatrie, le syndrome confusionnel est un trouble de la conscience qui préserve certaines capacités de communication verbale et motrice avec l'extérieur. Le malade, souvent anxieux et atteint de délire onirique, peut donc parler mais fait preuve d'une impossibilité à penser et à s'exprimer avec clarté et justesse.

[13] Bien entendu, les véritables artistes sont ceux dont l'œuvre (au singulier, car il ne s'agit pas ici de l'art comme alignement d'objets de parade, voir p. 78, note 1) est créatrice de lien social.

[14] Je ne prétends pas connaître dans le détail les mécanismes cliniques de cette maladie grave, et utilise le concept d'autisme comme analogie, en remarquant qu'il est, qu'on le veuille ou non, passé aujourd'hui dans le langage commun : « En ce moment, je suis dans ma phase autiste » est une expression que l'on entend de plus en plus fréquemment.

[15] L'artiste-sans-œuvre n'est pas dans le « souci de soi-même » au sens philosophique où l'a redéfini Michel Foucault (Herméneutique du sujet, Gallimard/Seuil, 2001). Il ne peut pas « se connaître lui- même », étant soumis à l'impératif de valoir toujours plus que soi.

[16] Cf. Guy Debord, La Société du spectacle, Buchet-Chastel, 1967.

[17] L'article originel, publié par le magazine Epok, était intitulé « Las Vegas Parano », en référence à Hunter S. Thompson et son Fear and Loathing in Las Vegas, 1971.

[18] En octobre 2001. Syl Cheney-Coker est retourné vivre en Afrique en 2003, en déclarant : « Avec le temps, l'exil n'est ni justifiable ni tolérable. »

[19] Les injustices faites au cas Nietzsche par notre époque sont le point de départ du chapitre xi.

[20] Il s'agit de la marque Kanabeach. Bien entendu, le cannabis narcissisant pourra être consommé quotidiennement par l'artiste-sans- œuvre…

[21] Cf. chapitre iv.

[22] Habermas, dans son dernier ouvrage, L'Avenir de la nature humaine, évoque ce trait de la philosophie de Kierkegaard : « Le désespoir de l'immédiat : ne pas vouloir être soi, ou plus bas encore : ne pas vouloir être un soi, ou forme la plus basse de toutes : désirer être un autre que soi. » Bien entendu, contrairement à l'invective publicitaire des Galeries Lafayette (« Leçon n° 1, être soi-même… »), Kierkegaard suggère qu'il faut « vouloir être soi » malgré tout et même si cela est douloureux. Être le plus réel possible ne veut pas non plus dire qu'on accepte tout, au contraire. C'est une question d'investissement de la matière.

[23] Chapitre « Éternité contre immortalité », op. cit.

 

[24] Il s'agissait de Wanadoo, dont le spot télévisuel mettait en scène un « enfant-dieu, accompagné par la chanson de D. Bowie, « Heroes ».

[25] Le chapitre xiii revient en détail sur ce texte essentiel pour toute philosophie morale contemporaine, publié en avril 1963 dans le n° 191 de la revue Critique.

[26] À l'origine, l'hédonisme est une ascèse philosophique centrée sur le principe de plaisir, et non sur la jouissance, qui en est le dépassement autodestructeur.

[27] On a supposé à tort que le champignon atomique fût phallique : le motif que dessine une telle explosion serait plutôt, à tout prendre, celui d'un phallus devenant sphère utérine.

[28] Cf. Pierre Bourdieu, La Distinction, critique sociale du jugement, Minuit, 1979.

[29] Le poète Friedrich von Schiller (1759-1805) fut marqué par le préromantisme (Sturm und Drang) de son ami Goethe, lui-même influencé par l'individualisme idéaliste de Rousseau. Le philosophe Friedrich von Schelling (1775-1854) prolongea le panthéisme de Spinoza en prônant l'identité absolue entre l'esprit et la nature. Il n'est pas certain, pourtant, que sa philosophie de la Nature soit un idéalisme, comme l'est le capitalisme romantique.

[30] C.G. Jung, Synchronicité et Paracelsica, Albin Michel, 1988.

[31] Le concept de synchronicité cher au mouvement New Age fut entre autres repris au début des années 1980 – pour titrer leur album le plus populaire – par un groupe de rock répondant au nom de… Police.

[32] Le lecteur aura identifié le pastiche d’une citation de René Char qu’on entend souvent aujourd’hui. On verra dans le chapitre vin comment le capitalisme romantique et ses agents récupèrent le lyrisme des poètes, rendant problématique toute esthétique littéraire biophile et engendrant ainsi des œuvres étouffées et cyniques.

[33] Cf. L'Être et le Néant, 1943.

[34] Slogan d'une multinationale qui vise à couvrir le cosmos de cosmétiques.

[35] J'emprunte ce jeu de mots à Peter Sloterdijk, Critique de la raison cynique, Christian Bourgois, 1987.

[36] Cf. Le Horla, conte philosophique de Maupassant.

[37] Flammarion, 1998.

[38] Friedrich Hegel, Phénoménologie de l’esprit, traduction de J.-P. Lefebvre, Aubier, 1991.

[39] Selon le principe d'incertitude de Werner Karl Heisenberg (1927), l'un des pères de la physique quantique, la connaissance simultanée de la position et de la vitesse d'un objet quantique est impossible et dépourvue de sens.

[40] Sur la massification de l'underground, lire le chapitre ix.

[41] Le livre de Michel Brix, L'Héritage de Fourier (La Chasse au Snark, 2001), permet de comprendre, sur l'exemple de la libération sexuelle, comment l'idéalisme du xixè siècle imprègne aujourd'hui le marché postsurréaliste et postlibertaire.

[42] Certaines idées de cet essai rejoignent celles de Jean-Claude Michéa dans Impasse Adam Smith (Climats, 2002). Mais la pertinence de Michéa s'égare lorsqu'il croit déceler (en prenant appui sur les textes politiques d'Orwell) dans une common decency des classes populaires un bon sens moral quasi inné qui les éloignerait de la volonté de puissance des dominants. En réalité, la volonté de puissance des classes dominées n'a l'air moins forte que parce qu'elle ne peut s'exprimer. La nouvelle gauche, selon nous, ne doit pas être un populisme, mais un élitisme communautariste.

[43] L’habitus est, selon le sociologue Bourdieu, une matrice sociale des comportements individuels.

[44] Français, encore un effort si vous voulez être républicains ! Cinquième dialogue de la Philosophie dans le boudoir, op. cit.

[45] Cf. chapitre xi.

[46] Parmi mille autres propagateurs de ce slogan débile, le journaliste sportif télévisé Gérard Holtz a pu lancer à la fin d'une émission sur le rallye Paris-Dakar : « À bientôt et surtout, plus que jamais, carpe diem. »

[47] Voir à ce sujet le court métrage de Luis de Miranda, Quitte ou double (sur YouTube).

[48] Le pauvre Nietzsche doit se retourner dans sa tombe.

[49] Sur les conditions de possibilité d'une morale moderne, lire le chapitre XIII.

[50] Thème de récurrentes et gigantesques soirées à l’Elysée-Montmartre, à Paris, qui peut donner lieu à des dialogues réjouissantes entre clubbers : « Tu viens à la Panik, ça va être mortel  ! »

[51] Que Sloterdijk nomme kunisme, pour le distinguer du cynisme morbide.

[52] Contrairement à ce que son nom pourrait laisser entendre. Changer tout n'est pas une publication politique à vocation révolutionnaire, mais un magazine pour cadres dépressifs vantant les charmes du jardinage et du yoga.

[53] Il s'agit ici d'explorer à la racine notre aliénation actuelle. Je n'ai rien contre une société où chacun aurait la possibilité d'être plus « artiste » dans sa manière de ressentir le monde, mais ce mode d'être – outre qu'il ne réserve pas que de la joie, mais demande une réelle discipline – ne doit pas être une prison solitaire de plus, fût-elle dorée. D'une manière générale, « artiste-sans-œuvre » est à entendre dans ce texte (qui n'est surtout pas une énième critique de l'art contemporain) comme la métaphore d'un Moi solipsiste mimétique et en réalité peu créatif.

[54] Allusion au livre d'Erich Fromm, Avoir ou être, Robert Laffont, 1978.

[55] Ma philosophie de A à B et vice versa, Flammarion, 1977.

[56] « Contenu net gr. 30, conservée au naturel, mise en boîte au mois de mai 1961, produced by Piero Manzoni, made in Italy. »

[57] Éditions de Minuit, 1966.

[58] Paru dans le magazine Les Inrockuptibles, le 30/10/2002, accompagné d'une immense photo de « l'artiste » en question.

[59] Paru aux éditions POL. En 2007, Édouard Levé poussera la Volonté- d'Être-Artiste jusqu'à se suicider trois jours après avoir remis à son éditeur un manuscrit intitulé Suicide.

[60] Les Fragments d'Héraclite, édition de Roger Munier, Fata Morgana, 1991. Fragment 91 : « On ne peut entrer deux fois dans le même fleuve ni toucher deux fois une substance périssable dans le même état ; car par la vivacité et la promptitude du changement elle se disperse et de nouveau se rassemble, ou plutôt, ce n'est pas de nouveau ni ensuite, mais en même temps qu'elle se forme et disparaît, qu'elle survient et s'en va ; par quoi son devenir n'aboutit pas à l'être. »

[61] Le chapitre xii revient en détail sur la modernité de l'Ecclésiaste.

[62] La formule est du sociologue positiviste Auguste Comte. C'est aussi la devise du Brésil.

[63] Traduction d'André Chouraqui, Desclée de Brouwer, 1989.

[64] Op. cit.

[65] Producteur britannique de soupe auditive larmoyante.

[66] C'est à cette question que prétend répondre la Critique de la raison pure.

[67] Question à l'origine de la Critique de la raison pratique.

[68] Cf. l'essai de Michel Schneider, Big mother, Odile Jacob, 2002.

[69] Titre d'une émission de Télévérité importée des USA, où la masse se contemple elle-même dans sa commune indécence.

[70] Il s'agit de l'entreprise TBWA, dont le « gourou » et président est le Français Jean-Marie Dru et son « révolutionnaire » concept managérial de « disruption », qu'on pourrait résumer ainsi : changer de point de vue, tout en gardant le postulat du bénéfice à tout prix. En 2007, Dru publiera chez Gallimard un livre intitulé La Publicité autrement, titre dont on sacrifiera à loisir le mot autre.

[71] Cet extrait est tiré d'un document adressé par E-mail à tous les salariés de toutes les filiales du groupe en octobre-novembre 2002. Que signifie « media-neutral » et « idée-centrique » ? Mystère…

[72] Le Désir pur, parcours philosophiques dans les parages de J. Lacan, Peeters, 1992.

[73] Sur ce qu'est un discours au sens lacanien, on peut lire L'Envers de la psychanalyse, Seuil, 1991. Voir aussi Peut-on jouir du capitalisme ?, Luis de Miranda, Éditions Punctum, 2008.

[74] L'Être Suprême de Maximilien de Robespierre.

[75] Op. cit. Noter l'expression : « Mon esprit s'écarte… »

[76] À un alien qui voudrait comprendre en dix minutes la psyché de l'homme moderne, on conseillerait de lire ce superbe poème-fleuve de Pessoa, écrit dans les années 1920 sous l'hétéronyme d'Alvaro de Campos (Bourgois, 1988).

[77] Thierry Théolier, créateur du Syndicat du Hype, mouvement dénonçant avec humour et virulence l'oligarchie pseudo-culturelle parisienne, m'a demandé pourquoi je n'écrivais pas œuvre au pluriel. C'est que je ne conteste pas qu'on puisse être authentiquement artiste sans exhiber des œuvres matérielles monnayables. Œuvre, au singulier, désigne la transformation active du réel, par un sujet plutôt idiosyncrasique qu'idiot (cf. Jean-Yves Jouannais, L'Idiotie, Beaux-Arts éditions, 2003, et Artistes sans œuvres, Hazan, 1997). On pourrait aussi écrire artiste-sans-œuvre(s).

[78] Il s’agit ici du Nouvel Observateur, hors-série n° 48 de septembre 2002. En couverture, on lit : « Nietzsche : il a pensé le chaos du monde moderne. »

[79] En tout cas aux yeux d'un lecteur superficiel. Cf. chapitre XI.

[80] Résumer Nietzsche est parfois le trahir, compte tenu de ses relatives contradictions. Le lecteur consciencieux se reportera à Pour une généalogie de la morale, « pamphlet » écrit par le philosophe pour compléter Par-delà bien et mal (Œuvres, Flammarion, 1996 et 2000).

[81] D'après les fragments traduits par Munier, op. cit.

[82] Datée du 15 mai 1871, et dont on trouvera l'original dans l'édition de poche d'Une saison en enfer et des Illuminations, Éditions Gallimard, 1984.

[83] On me signale que Ménélik n'est plus, à ce jour, le roi du Choa, mais un chanteur de rap.

[84] Sur le concept lacanien de plus-de-jouir, lire le chapitre XIII et notre essai, Peut-on jouir du capitalisme ?, op. cit.

[85] Rendons à César ce qui lui revient : la plupart de ces termes savants et poétiques ont été puisés dans une brochure présentant un projet hélas avorté consistant à filmer l'ex-actrice Mallory Nataf chez elle vingt-quatre heures sur vingt-quatre pendant trois mois. On pourrait aussi citer LZA, « body artist et chroniqueuse à TF1 » : « Mon corps, c'est ma salle d’expo. »

[86] « Car nulle part il n'existe d'adulte, maître de sa vie, et la jeunesse, le changement de ce qui existe, n'est aucunement la propriété de ces hommes qui sont maintenant jeunes, mais celle du système économique, le dynamisme du capitalisme. Ce sont des choses qui règnent et qui sont jeunes », op. cit.

[87] Dans son séminaire de 2003 à Jussieu.

[88] Op cit.

[89] En témoigne le traitement médiatique quasi inexistant de ce livre à sa parution, en 2003.

[90] Le concept de distraction, proche du divertissement pascalien, a été développé par Heidegger dans Être et Temps.

[91] Op. cit.

[92] Première partie, De la libre mort.

[93] Livre quatrième, paragraphe 328, traduction de Patrick Wotling, Flammarion, 1997.

[94] Nietzsche et la philosophie, PUF, 1962.

[95] Le Gai Savoir, livre quatrième, paragraphe 276.

[96] Ainsi parlait Zarathoustra, troisième partie, De l'esprit de pesanteur, traduction de G. Bianquis revue par P. Mathias, Flammarion, 1969, 1996.

[97] Cf. la préface de Patrick Wotling, op. cit.

[98] Ainsi pariait Zarathoustra, troisième partie, Des tables anciennes et nouvelles, paragraphe 19.

[99] Première partie, Des femmelettes jeunes et vieilles.

[100] Troisième partie, De la béatitude involontaire.

[101] Daté du printemps 1888, in Œuvres philosophiques complètes, Éditions Gallimard.

[102] Outre l'allusion au New Age, ce titre est un hommage à l'essai de Gilles Lipovetsky, L'Ère du vide (Gallimard, 1983).

[103] Traduction d'André Chouraqui (op. cit.). D'après certains commentateurs, ce texte insolite serait né de la collusion du judaïsme avec la pensée grecque antique, au IIIe siècle avant J.-C.

[104] Dans L'angoisse du prolétaire généralisé, cours de janvier 2001.

[105] Travail, on le sait, vient du latin tripalium, qui désignait un instrument de torture inspiré d'une machine à tirer les bœufs.

[106] S. Grof, Le Jeu cosmique, explorations aux confins de la conscience humaine, Éditions du Rocher, 1998.

[107] Notamment Heidegger, pour qui le poète est le gardien de l'Être.

[108] Le texte rencontre ici encore sa contradiction : si toute sagesse est illusoire, que signifie la sagesse de l'Ecclésiaste sinon une nouvelle illusion, une nouvelle « vanité des vanités ». Et si ce « savoir » est vrai (tel qu'il se présente, puisqu'il est biblique), alors on ne saurait dire que toute sagesse est vaine.

[109] On trouve notamment cet argument chez Benjamin Constant (De la liberté des anciens comparée à celle des modernes), chez Tocqueville (De la démocratie en Amérique) et chez Émile Durkheim (L'Individualisme et les intellectuels).

[110] In Silicet 2/3, Seuil, 1970.

[111] Dont la Critique de la raison pratique de 1788 est encore souvent présentée comme le modèle de toute éthique moderne valide.

[112] Cf. chapitre II.

[113] Lacan note : « Le volontarisme de la Loi-pour-la-Loi en remet sur l'ataraxie de l'expérience stoïcienne. »

[114] « Man fühlt sich wohl im Guten. »

[115] Critique de la raison pratique, op. cit.

[116] « Kant avec Sade », op. cit.

[117] Eichmann à Jérusalem : rapport sur la banalité du mal, Gallimard, 1966.

[118] Phénomènes que Lacan appelle signifiés, conformément à sa définition de l’Homme comme être dont toute perception et toute compréhension sont dépendantes de la structure du langage.

[119] Bernard Baas, dans Le Désir pur, parle de « désir blanc », op. cit.

[120] C'est le thème de mon roman A vide (Denoël, 2001).

[121] Cf. Lévinas, dans Totalité et Infini, Nijhoff, 1971 : « L’infini dans le fini, le plus dans le moins qui s’accomplit par l’idée de l’Infini, se produit comme Désir. » Une définition qui est encore romantique, à se référer à l’Infini. En revanche, lorsque je lie désir sans objet et Nature, c’est comme une immanence, celle, sensible, de l’être-à-la- terre. Cf. Heidegger et Deleuze.

[122] Leçons de sociologie, PUF, 1990.

[123] L'expression fut remise au goût du jour par un ministre de l'Éducation et « philosophe », Luc Ferry, en 2002.

[124] In L'Ébauche d'une critique de l'économie politique, dans le chapitre qui s'intitule précisément L'Argent (Gallimard, 1968).