CHAPITRE XIX

Alors qu’ils dévalaient les couloirs, Qui-Gon demanda d’une voix tendue :

— Bant ?

— Elle va bien, répondit Obi-Wan avec la même concision. Bruck est mort.

Une ombre était passée sur le visage d’Obi-Wan. Ils devraient en parler plus tard.

— J’ai étudié les diagrammes, fit Obi-Wan, changeant de sujet. Nous irons plus vite en passant par l’infrastructure du bâtiment.

Obi-Wan fit un bond et, d’un coup précis, ouvrit une trappe d’aération. Qui-Gon remarqua qu’il était pieds nus.

— Les bottes de Garen me ralentissaient, expliqua-t-il.

Les deux Jedi se glissèrent dans le conduit. Ils rampèrent dans l’espace réduit avant d’atteindre un panneau de contrôle. Obi-Wan appuya sur quelques boutons. La trappe coulissa.

Elle était étroite, mais Qui-Gon réussit à passer. Une fois de l’autre côté, il eut la place de se tenir debout. Ils se trouvaient sur une passerelle circulant entre des machines complexes.

Qui-Gon entendit une sorte de gémissement sourd.

— Les moteurs à répulsion se remettent en marche, dit-il.

— Par là.

Obi-Wan se précipita sur la passerelle. Il atteignit une échelle verticale, qu’il descendit. Qui-Gon s’empressa de le suivre.

Ils débouchèrent sur une porte de service. Obi-Wan la poussa. Ils avaient descendu une dizaine de niveaux.

— Il y a un escalier sur la droite, dit Obi-Wan en courant dans le couloir, Qui-Gon sur ses talons. Il nous mènera au tube horizontal qui sert à transporter les provisions des cuisines à l’unité médicale.

Ils atteignirent le tube. Obi-Wan fit signe à Qui-Gon d’y rentrer. Qui-Gon se recroquevilla dans l’étroit espace. Obi-Wan fit de même, puis manipula les instruments de contrôle. En quelques secondes, le tube les recracha sur un tapis roulant. Une fois au bout de celui-ci, Obi-Wan ouvrit une porte d’un coup de pied.

Ils se retrouvèrent dans l’une des salles de repos de l’unité médicale. Qui-Gon savait qu’ils étaient au même niveau que le Centre Technique ; mais aussi qu’un puits séparait les deux ailes. Il consulta son chronomètre.

— Il nous reste une minute, Obi-Wan.

Le visage du garçon était luisant de sueur.

— Le conduit à gaz.

Il tourna les talons et se mit à courir. Qui-Gon le suivit. Par la verrière, il vit le conduit d’aération qui flanquait le puits.

— Où ressort-il ?

— À l’endroit où nous voulons nous rendre, répondit Obi-Wan.

Il retira la grille, la jeta et se propulsa à l’intérieur du conduit.

— C’est par là qu’on transporte le gaz qui alimente les chambres froides, là où on entrepose les fournitures médicales.

Qui-Gon se tassa dans l’ouverture. Cette fois-ci, l’espace était trop réduit pour qu’il puisse se tenir debout. Il suivit de près Obi-Wan alors que tous deux rampaient le plus vite possible.

— Obi-Wan ? Que se passera-t-il si Miro décide de tester le système de circulation des gaz en même temps qu’il réactive l’aération ?

Obi-Wan resta un instant silencieux.

— Je ne sais pas, répondit-il.

Qui-Gon savait très bien que le gaz qui venait se mêler à la carbonite fondue était hautement toxique, mais il préféra ne pas en faire part à Obi-Wan. D’ailleurs, ce n’était pas nécessaire. Le garçon avait compris tout seul et rampait avec une ardeur renouvelée.

Trente secondes. Qui-Gon s’efforça de se mouvoir avec des gestes fluides et assurés. Vu sa taille, il n’était pas fait pour se déplacer à quatre pattes dans un espace réduit. Devant lui, il sentit la Force qui entourait Obi-Wan ; elle semblait vibrer tout autour d’eux, leur conférant force et agilité.

Face à eux, Qui-Gon aperçut un rai de lumière. Ils approchaient de la grille.

Obi-Wan franchit l’ouverture si vite que Qui-Gon ne vit qu’un éclair. Ce dernier sortit à son tour. Miro se tenait devant la console, et ses doigts couraient sur le clavier.

— Stop ! hurlèrent en chœur Qui-Gon et Obi-Wan.

— N’active pas le système d’aération, dit Qui-Gon. Il est piégé.

Difficile de croire que la peau translucide de Miro puisse pâlir. Mais un instant, il parut aussi inconsistant qu’un fantôme. Il retira ses mains de la console comme s’il craignait qu’elle ne le morde.

— Nous devons trouver le bogue, fit Qui-Gon en se dirigeant vers la console.

Miro tapa un code, et les écrans bleus qui les entouraient se couvrirent de nombres et de graphiques.

— J’ai effectué une vérification complète lorsque j’ai réactivé le système, dit-il, et cela n’a rien donné. Il n’y a pas d’autres programmes que les miens. Tu es sûr de ton coup, Qui-Gon ?

— Non, admit Qui-Gon à contrecœur. Xanatos peut avoir menti. Mais pouvons-nous prendre un tel risque ?

— Je peux refaire une vérification, fit Miro en pianotant sur ses touches. Peut-être ai-je raté quelque chose.

Obi-Wan fixa les écrans bleus en tentant de déchiffrer ces schémas. Qui-Gon se retourna. Miro serait beaucoup plus efficace.

Mais lui pouvait faire quelque chose dont Miro était incapable. Il pouvait lire dans l’esprit de Xanatos.

Qui-Gon ferma les yeux et revit cette ultime scène sur la corniche. Le principal défaut de son ennemi était sa vantardise. Souvent, ce dernier laissait glisser un élément qui permettait de deviner ce que tramait son esprit diabolique.

Qui-Gon se souvint de son expression de joie maléfique. Oui, il fallait chercher de ce côté-là, un ultime crachat à la face des Jedi…

Ce que tu vénères peut te détruire…

Qui-Gon ouvrit les yeux.

— Miro, ou se trouve la principale source d’énergie du système ? aboya-t-il.

— Dans la centrale, répondit Miro. (Il traversa la pièce et ouvrit une porte de duracier portant un écriteau CHAUDIÈRE À FUSION.) Ici même.

Qui-Gon se retrouva dans une petite pièce circulaire. Une passerelle contournait le générateur central. Une échelle permettait d’y descendre.

— C’est le réacteur à fusion, expliqua Miro. Les sources d’énergie sont alignées et forment un réseau. Cette grille descend sur une hauteur de dix étages. J’ai lancé ma seconde vérification sur ces sources, mais comme rien n’en est sorti la première fois…

— Non, murmura Qui-Gon, c’est normal.

Il alla à l’échelle et descendit les degrés.

— Tu ne va pas redémarrer le système ! lança-t-il à Miro.

Qui-Gon atteignit bien vite le fond du réacteur. Il en fit lentement le tour tout en palpant les nombreux cadrans et compartiments. L’un d’entre eux portait la mention ACCÈS CHAUDIÈRE À FUSION.

Qui-Gon appuya sur le levier. La porte coulissa. Et là, blottis au cœur de la chaudière, il trouva les Cristaux de Feu volés.

Avec révérence, il les logea au creux de sa tunique. Les cristaux de guérison réchauffèrent immédiatement sa peau.

Il remonta l’échelle. Miro et Obi-Wan l’attendaient avec impatience. Il tira les cristaux de sa tunique.

— Ils se trouvaient dans la chaudière, dit-il à Miro.

— Ils auraient produit une source d’énergie immense, expliqua Miro d’une voix mal assurée. (Il s’éclaircit la gorge.) Le redémarrage aurait entraîné un terrible accroissement de la puissance énergétique, ce qui, par leur biais, aurait provoqué une réaction en chaîne. Si j’avais appuyé sur cette touche…

— Ce que nous vénérons nous aurait détruit, conclut Qui-Gon.