CHAPITRE XIV

Tahl envoya DeuJi faire une course, le temps que Qui-Gon et Obi-Wan échangent leurs vêtements contre ceux de Garen et Ali-Alann.

— Tes bottes sont trop grandes, fit Garen en arpentant la chambre d’un pas lourd.

— Non, ce sont les tiennes qui sont trop petites, rétorqua Obi-Wan en faisant la grimace.

Qui-Gon et Tahl se tenaient dans un coin et s’entretenaient avec Miro Daroon par le biais du comlink. Leurs voix se mêlaient, se bousculaient l’une l’autre, jaillissaient sèches et rapides. Ils discutaient de la stratégie à suivre, de la teneur du dialogue entre Qui-Gon et Obi-Wan et de son encodage sur la piste audio.

Une fois la communication terminée, Obi-Wan et Qui-Gon répétèrent plusieurs fois ce qu’ils devaient dire. Ils devaient garder le rythme d’une conversation naturelle, insista Qui-Gon. Il était tout à fait normal d’hésiter ou de s’interrompre. Mais les informations qu’ils feraient passer devaient être exactes.

Ils enregistreraient leur conversation dans le couloir. Le niveau sonore et les bruits d’ambiance devaient correspondre à la zone où DeuJi la surprendrait. Ali-Alann et Garen surveillaient les deux extrémités du couloir pour s’assurer que personne ne passerait. Ils devaient aussi les prévenir s’ils voyaient arriver DeuJi.

Pendant ces préparatifs, Obi-Wan sentit quelque chose se serrer en lui. Grâce à Qui-Gon, il avait vaincu ses angoisses. Maintenant, il devait trouver son centre. Il avait hâte d’affronter Bruck et Xanatos. Mais au combat, l’impatience n’était pas un atout. Au contraire, c’était une ennemie. Qui-Gon le lui avait dit et répété. Il tenta de s’inspirer du calme de Qui-Gon. Le chevalier Jedi semblait avoir tout son temps, et pourtant, Obi-Wan remarqua comme ses gestes et ses paroles étaient rapides et assurés. En un rien de temps, tout le monde connaissait le rôle qui lui était dévolu et sa position.

Qui-Gon activa la piste audio.

— Nous devons parler, Obi-Wan. Il nous faut agir vite. Xanatos n’a certainement pas laissé Bant dans les conduites d’eau. Nous allons commencer nos recherches par l’aile nord du Temple. As-tu les sensors infrarouges ?

— Ils sont là, répondit Obi-Wan. Où va l’autre équipe de recherches ?

— Ils commenceront par le niveau supérieur de l’aile nord pendant que nous fouillerons le plus bas. Nous nous retrouverons au milieu, puis scellerons complètement l’aile avant de passer à celle du sud. Nous finirons bien par les prendre au piège.

— Je ne sais toujours pas pourquoi nous devons laisser l’appareil de Xanatos sur la plate-forme d’atterrissage, protesta Obi-Wan. Pourquoi lui donner ce qu’il veut ?

— Parce qu’il pourrait vérifier que nous avons rempli ses conditions. Nous ne pouvons faire courir le moindre risque à Bant. Patience, Obi-Wan. Xanatos n’atteindra jamais cet appareil.

— Je ne peux m’en empêcher ! fit-il en élevant la voix. J’ai hâte de combattre !

Qui-Gon avait demandé à Obi-Wan de feindre l’impatience. Il voulait que Xanatos le croie au bord de l’explosion. Si Xanatos sous-estimait Obi-Wan, cela pourrait tourner à leur avantage au moment de l’inévitable bataille.

— Tu dois te contrôler, rétorqua sévèrement Qui-Gon. N’oublie pas que pendant la fouille, Miro coupera le système énergétique. Nous ne pouvons prendre le risque de voir d’autres systèmes tomber en panne. Miro devra tout éteindre afin d’utiliser son programme et nous débarrasser des bogues.

— Nous n’aurons plus du tout d’énergie ? demanda Obi-Wan.

— Exactement. Miro devra couper l’eau, les communications, l’électricité et, avant tout, les systèmes de sécurité. Cette panne généralisée durera une douzaine de minutes. Puis Miro remettra tout en marche, à commencer par la sécurité. Nous prenons un grand risque, mais un risque nécessaire. Viens, il est temps de passer au crible l’aile nord.

Qui-Gon et Obi-Wan se dirigèrent vers l’ascenseur. Sitôt l’angle du couloir franchi, Qui-Gon désactiva la piste audio.

Il tendit l’appareil à Ali-Alann et à Garen. Dans quelques instants, Tahl appellerait DeuJi. Ali-Alann et Garen interpréteraient leurs rôles et activeraient la bande sonore uniquement quand DeuJi serait à portée de voix. Ce qui donnerait à Qui-Gon et à Obi-Wan le temps de tendre leur embuscade.

Qui-Gon comptait sur le fait que Xanatos devait les surveiller de près : ce dernier se demandait sûrement s’ils se plieraient à son ultimatum. Grâce à l’enregistrement, il croirait certainement que la voie était libre.

— Vous deux devez agir selon le plan, rappela Qui-Gon à Garen et à Ali-Alann. Commencez à explorer l’aile nord. Tentez de rester dans les zones mal éclairées au cas où Bruck ou Xanatos voudraient s’assurer de votre présence.

Ali-Alann et Garen acquiescèrent.

— Et moi, Qui-Gon ? demanda Tahl d’une voix douce. Que suis-je censée faire ?

— Tu as rempli ton rôle, mon amie, dit Qui-Gon. Maintenant, c’est à Obi-Wan et à moi d’agir.

— Que la Force soit avec vous, murmura Tahl.

— Qu’elle soit avec nous tous, répondit paisiblement Qui-Gon.

Il fit un signe à Obi-Wan. Tous deux se dirigèrent vers l’ascenseur.

— Où allons-nous ? demanda Obi-Wan.

— Là où Xanatos se rendra forcément, répondit Qui-Gon. La suite logique de chacun de ses faits et gestes. La capture de Bant n’était qu’un bonus : la monnaie d’échange pour récupérer son moyen de transport. Il savait que, en dernier ressort, Miro devrait désactiver la centrale d’énergie tout entière, y compris les systèmes de sécurité. Xanatos compte certainement attaquer lors de ces précieuses minutes où ces mêmes systèmes de sécurité seront inopérants.

Bien sûr !

— Il va tenter de s’emparer du vertex détenu dans la salle du trésor ! s’exclama Obi-Wan.

— Et c’est là que nous allons l’attendre, répondit Qui-Gon d’un ton lugubre.