CHAPITRE XII

Qui-Gon se tourna vers Obi-Wan :

— J’ai besoin de ta coopération. Rends-toi au dortoir temporaire et trouve-moi un élève senior de la même taille et de la même carrure que toi. Ramène-le ici. Fais vite.

Obi-Wan ne prit pas le temps de répondre. Il quitta la chambre de Tahl au pas de course et fila vers l’ascenseur. De là, il atteignit le niveau où les élèves avaient installé leurs quartiers et étudia rapidement la foule. Il avait déjà choisi l’heureux élu. Non seulement son ami Garen Muln présentait les bonnes mensurations, mais de plus, il savait pouvoir lui faire confiance.

Bant se fraya un chemin au milieu d’une foule d’élèves occupés à dérouler leurs sacs de couchage.

— Obi-Wan ! Serais-tu à ma recherche ?

Obi-Wan continua de scruter la foule :

— Je cherche quelqu’un qui puisse nous aider, Qui-Gon et moi.

— Je peux vous aider ! répondit-elle, les yeux brillants. Je ne demande qu’à servir Qui-Gon.

La jalousie qu’Obi-Wan avait cherché à réprimer fit un retour en force. Sa douleur et sa frustration échappèrent à son contrôle. L’avidité que Bant ne cherchait même pas à dissimuler attisa sa colère :

— Oh, je n’en doute pas, rétorqua-t-il. Tu ne manquerais pas une occasion de lui montrer ta valeur. À quel point il a besoin de toi.

La lueur qui brillait dans les yeux de Bant déclina :

— Que veux-tu dire ?

— Que tu complotes pour devenir son prochain Padawan, cracha Obi-Wan. C’est évident. Tu cherches constamment à faire bonne impression. Tu es toujours accrochée à ses basques.

Bant secoua la tête :

— Je voulais juste me rendre utile. Je ne cherche pas à prendre ta place. Car c’est toi son Padawan, Obi-Wan.

— Oh, que non. Tu me l’as bien fait comprendre. Je l’ai trahi. Peut-être est-ce toi qu’il mérite !

Les yeux de Bant devinrent vitreux.

— Ce n’est pas vrai, murmura-t-elle.

Obi-Wan aperçut Garen. Il l’appela et lui fit signe de venir.

— Nous avons besoin de toi, lui dit-il.

— Obi-Wan… commença Bant.

— Je n’ai pas le temps de discuter, rétorqua-t-il brutalement.

Bant acquiesça. Son visage reflétait sa douleur. Elle tourna les talons et s’en alla d’un pas pressé.

— Que lui as-tu dit ? demanda Garen. Tu l’as blessée.

Obi-Wan lui prit le bras.

— Tu n’as pas le temps d’aller la trouver. Qui-Gon a besoin de toi.

Obi-Wan l’emmena. Il se sentait coupable d’avoir ainsi demandé l’assistance de Garen sous les yeux de Bant. Coupable de l’avoir insultée délibérément.

Le regard désapprobateur de Garen l’irritait, en même temps qu’il augmentait sa culpabilité. Ils prirent l’ascenseur en silence.

Lorsque tout sera terminé, j’irai m’excuser auprès de Bant, se dit Obi-Wan. Je me suis laissé emporter par ma jalousie. C’est mal. Mais je rectifierai mes propos.

 

Les lumières du couloir menant chez Tahl fonctionnaient toujours à mi-puissance. Obi-Wan aperçut Qui-Gon devant sa porte, leur tournant le dos.

— Qui-Gon, je suis avec Garen Muln ! lui lança-t-il.

Le grand homme se retourna alors. Obi-Wan reconnut Ali-Alann.

— Excusez-moi, dit Obi-Wan, je vous avais pris pour Qui-Gon.

Celui-ci passa la porte :

— C’est précisément ce que je voulais, répondit Ali-Alann.

Qui-Gon examina attentivement Garen.

— Tu feras l’affaire.

— Qui-Gon, je ne demande qu’à vous aider, mais que suis-je censé faire ? demanda respectueusement Ali-Alann.

— Pas grand-chose, répondit Qui-Gon. Vous faire passer pour moi pendant quelque temps, rien de plus. Et toi, Garen, tu prendras la place d’Obi-Wan.

Garen acquiesça. Au ton de sa voix, Ali-Alann et lui avaient compris que Qui-Gon était très sérieux.

— Obi-Wan et moi allons enregistrer une bande audio, continua Qui-Gon. Vous n’aurez qu’à l’activer, mais uniquement lorsque le droïde de navigation de Tahl sera à proximité. Puis vous vous mettrez en quête des intrus. Et vous allez échouer.

— Pourquoi ? demanda Garen.

— Parce que nous allons les trouver.

Qui-Gon posa une main sur l’épaule d’Obi-Wan. Ses yeux brûlaient d’une lueur farouche.

— Nous allons mettre fin à cette affaire.

Un frisson parcourut Obi-Wan. Il s’était montré si injuste envers Bant ! Ce n’était pas pure bonté d’âme si Qui-Gon l’encourageait : il se contentait d’apprécier sa force de caractère. Qui-Gon ne voulait pas la prendre comme Padawan, pas plus qu’il ne voulait d’Obi-Wan.

Ce n’était pas Bant qui s’interposait entre Qui-Gon et lui. C’étaient les sentiments de Qui-Gon lui-même. Il le savait déjà. Il refusait seulement de l’accepter, point final.

— Nous allons échanger nos tuniques, reprit Qui-Gon. Tout ce que vous porterez doit être à nous. Nous ne pouvons nous permettre de sous-estimer Xanatos. Il faut que l’illusion soit parfaite.

Tahl apparut alors dans l’embrasure de la porte. Ses yeux aveugles se tournèrent vers Qui-Gon. Sa capacité à localiser les gens par le son de leur voix ne la trompait jamais.

— Qui-Gon, je crains qu’il n’y ait un problème, dit-elle. Bant a disparu. Elle sait qu’elle ne doit pas arpenter le Temple sans autorisation.

Garen et Obi-Wan échangèrent un regard. Tous deux savaient pourquoi Bant était partie sans attendre une permission.

Le comlink de Qui-Gon émit son signal. Qui-Gon l’activa.

— Quelle joie de vous parler à nouveau, Qui-Gon !

Tout le monde se figea. Le ton moqueur de cette voix grave alerta même Garen et Ali-Alann. C’était Xanatos.

— Que veux-tu ? répondit sèchement Qui-Gon.

— Mon airspeeder. Tous pleins faits, sur la plate-forme d’atterrissage du spatioport. Et personne pour me suivre.

— Pourquoi devrais-je t’obéir ? demanda Qui-Gon.

— Hummmm ! Intéressante question. Peut-être parce que je suis tombée sur une amie à toi au détour d’un canal. J’aimerais bien garder la fille-poisson à mes côtés encore quelque temps. Si tu n’y vois pas d’objection.

Obi-Wan comprit instantanément. Bant. Il avait enlevé Bant.

Qui-Gon serra son comlink si fort qu’Obi-Wan s’étonna qu’il ne se brise pas. Tahl agrippa l’embrasure de la porte. Garen fit un pas en avant comme si Xanatos était là, à sa portée. Seul Obi-Wan ne bougea pas. Il avait l’impression de s’être transformé en statue.

— Alors ? demanda Xanatos. Marché conclu ? Si je récupère mon airspeeder, je vous rends la fille. Je te donne quinze minutes. Pas plus.

— Comment puis-je savoir que Bant est bien avec toi ? demanda Qui-Gon.

Quelques secondes plus tard, une voix aiguë mais ferme s’éleva du comlink.

— Ne faites pas ça, Qui-Gon. Je vais bien. Je ne veux pas que…

La voix se tut. On avait coupé la communication.