CHAPITRE IV

Ils ont été trop durs envers lui, se dit Qui-Gon tandis qu’il se rendait à un entretien avec Yoda. Obi-Wan s’était montré impulsif, certes… Mais lui-même en aurait fait autant.

Quoi qu’il en soit, le Conseil avait donné son avis : il ne pouvait le contredire. D’autant qu’en la matière, Qui-Gon se fiait toujours à la sagesse du Conseil. Obi-Wan devait se remettre en question, contrôler son caractère impulsif. Après tout, ce même travers l’avait conduit à quitter l’Ordre sur un coup de tête. Mace Windu, Yoda et le Conseil étaient sévères mais pas injustes. Voilà pourquoi il avait résisté à son envie de rester aux côtés d’Obi-Wan et avait suivi les autres pour le laisser réfléchir aux paroles de Mace Windu.

Obi-Wan avait pris un gros risque. Qui-Gon ralentit son pas en se souvenant de ce qu’il avait ressenti en arrivant face au lac pour constater qu’Obi-Wan était dans le tube. Une profonde angoisse l’avait glacé. Et si le tube s’était rompu avant l’arrivée des Maîtres ? Si Obi-Wan y avait laissé la vie ?

Il pressa le pas. Ces derniers temps, ses propres sentiments n’en finissaient pas de le surprendre. Il commençait à peine à entrevoir la complexité des liens qui s’étaient forgés entre lui et son Padawan.

Mais il devait se concentrer sur le problème le plus urgent. Ensuite, il pourrait se consacrer à réparer ce qui devait l’être.

 

Yoda se tenait au centre d’une salle vide aux murs blancs. Elle se situait dans la tour centrale, là où toute surveillance était inutile.

— D’un sabotage il s’agit bien, dit-il à Qui-Gon. Miro Daroon l’a confirmé. Une bombe à retardement dans les moteurs à répulsion et un virus dans l’unité informatique qui régit les systèmes de communication. Trouver le coupable, nous devons, Qui-Gon. Maintenant, aux enfants, il s’en prend. Étrange, je trouve, que Bruck puisse être impliqué dans une telle entreprise, fit Yoda d’un ton lugubre.

— Le dernier moteur a répulsion a tenu bon, remarqua Qui-Gon. Je crois que le responsable ne voulait pas que la cabine s’écrase.

Yoda se tourna vers lui.

— Se jouer de nous, l’intrus désirerait ? Risquer la vie de jeunes enfants pour une simple plaisanterie ?

— Ou peut-être a-t-il un autre mobile, releva Qui-Gon. Je n’arrive pas à y voir clair. D’abord, j’ai cru que ces chapardages n’avaient pas d’autre but que jouer avec nos nerfs. Maintenant, je n’en suis plus si sûr. Les objets volés ont pu trouver leur utilité. La boîte à outils de la servo-unité a servi à démonter les moteurs à répulsion. La robe de méditation a permis à l’intrus de pouvoir se déplacer à sa guise, surtout au petit matin, lorsque la plupart des Chevaliers sont en méditation.

— Et les affaires de sport d’un élève de quatrième année ?

— Je n’en sais rien encore, admit Qui-Gon. C’est comme pour les archives dérobées. Les dossiers des élèves de A à H. Le nom de famille de Bruck est Chun. Je suis sûr qu’on les a dérobés afin de dissimuler une information le concernant.

— Du temps il faudra, pour rassembler ces informations, acquiesça Yoda. Une chose tu ignores, Qui-Gon. Les Jedi, dans une situation précaire sont. Une mission secrète, pour le Sénat nous avons entrepris. Dans notre salle du trésor, un grand chargement de vertex, nous dissimulons.

Qui-Gon ne put cacher sa surprise. Le vertex était un minerai d’une grande valeur. Après l’extraction du matériau brut, on le découpait en cristaux de formes différentes. Sur de nombreux mondes où les crédits n’avaient pas cours, ceux-ci servaient de monnaie.

— Accepter un tel chargement, jamais nous n’avions, reprit Yoda, qui avait remarqué la surprise de Qui-Gon. Pourtant le Conseil a convenu qu’il valait mieux l’accepter. Deux systèmes galactiques se disputent ce chargement. Convenir d’un accord ils refusent, à moins que le chargement soit remis à une partie neutre. Presque conclu, le traité de paix est. Si l’on apprenait que le Temple est vulnérable, une guerre éclaterait. (Yoda baissa la voix d’un air soucieux.) Ce serait un conflit dévastateur, Qui-Gon. De nombreux alliés, ces systèmes solaires ont.

Qui-Gon digéra l’information. Le Temple était censé être un havre de paix, et cependant, il entretenait des liens complexes avec le monde extérieur et la galaxie. Ce n’était pas la première fois que cette pensée le frappait.

— Il n’y a pas une minute à perdre, dit-il à Yoda. Je vais de ce pas trouver Miro Daroon. Je dois découvrir comment Bruck et cet intrus peuvent circuler dans le Temple sans être vus. Je dois coordonner mon action avec Tahl.

Yoda cligna des yeux :

— Et Obi-Wan ?

— Mais le Conseil lui a ordonné de ne pas s’en mêler ! répondit Qui-Gon, surpris.

— Je prédis que ce garçon, un moyen de proposer à nouveau son aide va trouver, dit Yoda.

— Et je devrai refuser ?

Yoda agita un bras :

— Directement impliqué, le garçon ne doit pas être. Mais de l’exclure, il n’est pas question.

Qui-Gon eut un sourire lugubre tout en se dirigeant vers la sortie. Une demande contradictoire. C’était la spécialité de Yoda. Et pourtant, ses avis finissaient toujours par se révéler justes.

Qui-Gon prit un raccourci, passant par la Salle des Mille Fontaines afin d’atteindre l’ascenseur qui le mènerait directement au Centre Technique. Il parcourut les sentiers tortueux d’un pas résolu. Il ne prêtait aucune attention à ce qui l’entourait, tant il était concentré sur ce nouveau problème.

C’est alors qu’il vit le pont ravagé. Là où on avait attenté à la vie de Yoda.

Il s’arrêta et contempla les morceaux de bois fracassés. Soudain, le passé lui revint en mémoire. Il y avait des années, on lui avait donné pour mission d’empêcher un dictateur de s’emparer d’un monde de la Ceinture Extérieure. La stratégie de ce despote était fondée sur une équation assez simple : perturbation + démoralisation + distraction = dévastation.

Le même calcul qu’aujourd’hui, réalisa alors Qui-Gon. Les vols avaient suivi une progression identique. Perturbation : les chapardages dérangeaient les cours et l’activité générale du Temple. Démoralisation : le vol des Cristaux de Feu et l’attentat contre Yoda avaient fait chanceler les convictions de plus d’un élève. Distraction : la panne de l’aération, les failles dans la sécurité et la destruction d’un des turbo-ascenseurs signifiaient que les Jedi devaient se concentrer sur le bon fonctionnement du Temple. Quelqu’un mettait-il en application cette formule démoniaque pour nuire au Temple ? Ce tyran avait été assassiné bien des années auparavant, mais avait-il transmis son équation ?

Brusquement, Qui-Gon sentit une grande perturbation dans la Force. L’air sembla se fendre sous ses vibrations, et les solides rochers trembler sous ses assauts.

Le Côté Obscur était là.

Les fontaines continuaient de couler, et l’écume de rafraîchir ses joues. Pourtant, cette sensation subsistait. Qui-Gon examina soigneusement les alentours, sans omettre la moindre feuille, le moindre recoin. Il ne vit rien d’inhabituel.

Et cependant, il y avait quelque chose, il le savait.