CHAPITRE VIII
Le colonel Benton pénétra dans le bureau de Khov. Son visage était écarlate et il était en proie à une vive agitation.
-Capit... Mon général, c'est épouvantable... Patricia n'a pas pris son service ce matin.
-Je sais, ironisa Marc. Je ne pense pas qu'elle revienne avant longtemps ! En attendant que Peggy soit en état de tenir son poste, il vous faudra engager une nouvelle intérimaire.
-Le lieutenant Patterson est là, comme vous l'avez demandé.
-Parfait ! À qui aviez-vous parlé de sa mission ?
Benton parut surpris de la question.
-Mais à personne, en dehors du Service naturellement.
-Et dans le Service ?
-Au commandant Dinger pour qu'il prépare une copie du rapport de Mac Donald et au commandant Sark pour programmer l'androïde qui accompagnera Patterson. Il est déjà à bord du Neptune.
-Étaient-ils seuls lorsque vous avez donné ces ordres ?
-Oui... non ! Je crois me souvenir qu'un opérateur du service était également là. Boris Karkov. Il apportait un rapport de mission.
-Un regrettable accident lui est survenu cette nuit. Vous devrez aménager les tableaux de service en conséquence.
Un énorme soupir échappa au colonel. Patterson ne tarda pas à lui succéder. Il était brun, grand, mince, avec un visage encore très juvénile. Marc l'avait récupéré sur la planète Sylwa où il était perdu.
Il tenait à la main un petit attaché-case. Hésitant, il resta sur le seuil en reconnaissant Marc.
-Le colonel Benton m'a dit que le général...
-Je le remplace à titre très temporaire et tu peux toujours m'appeler Marc. Je suis désolé d'avoir interrompu ta permission.
-Il paraît que ma mission est urgente.
Désignant sa mallette, il ajouta :
-J'ai pris la documentation aux archives et un trans doit me conduire à l'astroport. Quelles sont vos instructions ?
Marc saisit une feuille sur son bureau et la lui tendit.
-Ton programme est modifié. Voici des ordres écrits. Défense d'avoir le moindre contact avec l'extérieur. Tu files immédiatement dans le chalet que je possède à la montagne. L'adresse est notée.
-Pourquoi ? s'étonna Patterson.
-Je ne veux pas risquer de me retrouver avec un nouveau cadavre ! Dans quelques jours, je t'autorise à faire venir une petite amie si tu es certain de sa discrétion. Laisse ici tes enregistrements.
La déception était visible sur le visage de Patterson.
-Ne te fais pas de souci. Je te réserve une belle mission pour le mois prochain.
Une fois seul, Marc ferma les yeux et contacta Ray :
-Viens me prendre avec le trans.
-Dans cinq minutes. Surtout reste dans le hall sous la protection d'un robot. Je ne tiens pas à te récupérer sur le trottoir percé comme une écumoire !
-Qu'as-tu appris à l'hôpital ?
-Les chirurgiens sont moins pessimistes qu'hier. Depuis sa dernière transfusion, l'état de Khov semble s'améliorer légèrement. Peggy, elle, est en bonne forme. Elle parle déjà de reprendre son travail. Seule la ferme insistance du médecin l'a obligée à rester au lit.
Marc griffonna un mot qu'il laissa bien en évidence sur son bureau puis il sortit. Il avait la sensation de commettre une faute mais son inconscient le dirigeait.
En pénétrant dans l'astroport, le trans gagna directement la zone des yachts privés où stationnaient les appareils des gens fortunés. Avec un petit pincement au coeur, Marc passa devant le yacht de son amie Elsa. A l'extrémité du parking, il atteignit le Mercure qui semblait dominer de sa masse les autres bâtiments. Marc tendit une plaque de cent dols à un employé et lui demanda de ranger son trans au parking.
Suivi de Ray, il gagna le poste de pilotage. Pour le remercier d'avoir accompli une mission dangereuse, une étrange créature extra-terrestre avait offert le Mercure à Marc. C'était une fidèle copie des avisos du S.S.P.P. mais beaucoup plus performante.
Tandis que l'androïde allumait les générateurs, Marc appela la tour de contrôle :
-Astronef Mercure, je demande l'autorisation de décoller.
-Destination? demanda un rouquin à l'air revêche.
Après une infime hésitation, Marc répondit :
-Vénusia !
C'était une planète terramorphe dépourvue de ressources minières naturelles mais bénéficiant d'un climat idyllique. Aussi avait-elle été transformée en un gigantesque centre de loisirs pour une clientèle très riche. Il fallait reconnaître qu'outre les activités sportives et de mise en forme, nombre d'établissements de jeux et de somptueuses maisons de tolérance y étaient installés. En raison de ces distractions très particulières, les mouvements des astronefs n'étaient jamais divulgués. L'idéal pour une mission discrète !
-Préparez-vous, dit le rouquin. Normalement un appareil du S.S.P.P. devrait décoller mais le pilote ne s'est pas encore manifesté. Ces types ne sont jamais à l'heure ! Des petits rigolos qui se croient tout permis !
Ayant exhalé sa rancune, il reprit :
-Attention, décollage dans deux minutes. Je commence le compte à rebours.
A la seconde prévue, le Mercure s'élança vers le ciel. Grâce aux anti-g perfectionnés, les effets de l'accélération étaient très supportables. Sur l'écran de visibilité extérieur, la Terre n'était déjà plus qu'une balle bleutée.
Marc allongea son siège et boucla les sangles magnétiques.
-Plongée dans le subespace. Dix secondes... Cinq... Trois... Une.
Le malaise dû à la transition fut de brève durée. Marc s'installa devant la vidéoradio.
-Il reste à prévenir Benton. Je n'ose imaginer sa réaction.
Assez vite, Marc obtint la communication.
-Mon général, où êtes-vous ? Je cherche à vous joindre depuis plus d'une heure ! Patterson ne s'est pas présenté à l'astroport. Dois-je informer la Sécurité Galactique ?
-J'ai ordonné au lieutenant de repartir en permission !
Le colonel hoqueta de surprise.
-Mais... mais... La mission sur Soda... Le Président attend...
-Je m'en charge personnellement ! En mon absence, je vous demande d'expédier les affaires. Vous avez toute ma confiance".
-Le Neptune est toujours à l'astroport.
Marc prit un air sévère fort bien imité.
-Dans le but de réduire les dépenses, j'ai préféré utiliser mon yacht personnel. Ainsi ma demande d'une nouvelle exploration ne coûtera rien au budget du Service.
-C'est généreux mais très dangereux. Un yacht n'a pas la puissance défensive d'un aviso du Service.
Marc refoula un sourire.
-N'ayez crainte, colonel, je saurai m'en contenter.