CHAPITRE IV
Marc était affalé sur le sol, inconscient. Du sang maculait son visage provenant du nez et de l'arcade sourcilière droite fendue jusqu'à l'os.
-Bon Dieu ! Vence, je t'ai déjà dit que tu frappais trop fort. C'est la troisième fois qu'il perd connaissance. Si tu continues, il crèvera avant d'avoir desserré les lèvres.
-Si tu te crois plus malin que moi, prends-le en charge.
Moktar sortit de sa poche un couteau qu'il ouvrit d'un geste sec.
-Nous verrons si le fait d'être découpé en petits morceaux n'est pas plus efficace que tes coups. Je commence par les oreilles. C'est spectaculaire mais ne met pas la vie en danger. Prévois cependant une bande pour arrêter l'hémorragie. Ensuite, j'hésite entre le nez ou un oeil.
Le bruit de la porte volant en éclats interrompit sa phrase.
Vence, sans chercher à comprendre comment un intrus avait pénétré dans la villa se rua sur l'arrivant. Il était fier de sa force physique dont il aimait user et souvent abuser. Il eut soudain l'impression de heurter un mur ! Ray avait vu Marc sur le sol et sa seule préoccupation était de le rejoindre. D'un geste du bras, il écarta l'homme qui le gênait. Par malheur pour Vence, le système qui d'ordinaire modérait les gestes de l'androïde était occulté par la surtension des neurones électriques. Sous le choc l'homme décolla du sol et alla s'écraser contre le mur. Personne ne prit garde au bruit écoeurant des os se brisant contre la pierre.
Avec un cri de rage, Moktar s'élança sur cet adversaire inconnu, le couteau bien calé dans la paume de sa main. Ray ne se donna pas la peine de parer l'attaque. Sa main s'abattit sur la nuque offerte mettant fin au combat... et aux jours de son adversaire.
Ray s'agenouilla près de Marc et très doucement lui souleva la tête. Ses neurones retrouvèrent un fonctionnement normal lorsque les analyseurs confirmèrent que Marc était seulement évanoui.
L'androïde ouvrit une petite trappe au niveau de sa cuisse gauche. Dans cette cavité se dissimulait une trousse de secours. Rapidement une seringue fut emplie et Ray injecta les produits dans une veine du pli du coude. Sous l'action des médications, Marc ne tarda pas à ouvrir les yeux. Le gauche surtout, le droit restant clos car la paupière avec triplé de volume.
-Ray, souffla-t-il en reconnaissant son ami, comment as-tu réussi à me retrouver aussi vite ?
Gêné, l'androïde préféra glisser :
-Viens, ton visage a besoin de soins.
Aidé par Ray, Marc parvint à se mettre debout.
-Attends ! D'après les réflexions de mes geôliers, Peggy devrait se trouver ici. As-tu fouillé la maison ?
-Je n'ai pas eu le temps. Mon seul but était de te retrouver. J'avais peur pour toi. Je craignais...
Marc ne s'étonna pas de cette manifestation de sentimentalisme. Les cybernéticiens affirmaient qu'un androïde ne peut réagir qu'en fonction de la programmation qui lui a été fournie. C'était faux !
-Je sais, vieux frère ! Moi aussi, j'ai eu peur !
Un couloir où s'ouvraient plusieurs portes menait à un escalier. Ray les ouvrit sans ménagement, brisant les serrures qui résistaient. Peggy se trouvait dans la troisième pièce. La malheureuse vieille fille avait piètre allure. Ses vêtements déchirés laissaient voir les meurtrissures de son torse. Son visage était terrifiant. Des hématomes déformaient ses pommettes, les lèvres avaient doublé de volume et l'inférieure était fendue. Du sang avait coulé du nez fracturé et maculait les joues. Enfin de gros bleus ornaient les paupières.
Après un examen rapide en vision x et scanner, Ray rassura Marc :
-Elle ne semble pas présenter de lésions profondes.
Comme pour Marc, il prépara une seringue. L'injection terminée, Peggy entrouvrit les yeux. Elle poussa un gémissement en murmurant :
-Non, je vous en prie, laissez-moi, j'ai trop mal. Je ne sais rien.
Marc se pencha vers elle.
-Peggy, réveillez-vous ! Je viens vous libérer.
-Oh ! Capitaine Stone ! Comment est-ce possible ?
La mixture de Ray commençait à agir et la douleur s'estompait. Marc saisit avec douceur la vieille fille dans ses bras, des larmes glissèrent sous les paupières meurtries.
-C'était horrible ! Ces deux hommes... Ils vont revenir.
-Aucun danger ! Ray s'est occupé d'eux. Ils ne tortureront plus personne.
-Ils voulaient que je leur dise où se trouvait Mac Donald mais je l'ignorais... Pour leur faire cesser mon tourment, j'ai dû leur parler d'une certaine Cora. Je savais qu'elle et lui... Est-ce grave ?
-Non, rassurez-vous, Duck n'était pas avec elle. Maintenant venez. Ray vous portera.
Cinq minutes plus tard, il allongeait Peggy à l'arrière du trans. Au passage, Marc nota la disparition de plusieurs portes.
-Pour éviter de faire du bruit, j'ai utilisé mon désintégrateur.
Le trans démarra en douceur. Rien de comparable à la folle course qui l'avait mené à cette villa isolée. Les douleurs apaisées, Peggy somnolait.
Leur arrivée au service des urgences de l'hôpital général ne passa pas inaperçue. Peggy fut allongée sur un brancard et emportée vers le service de soins intensifs tandis qu'un interne prenait Marc en charge.
Nettoyé, désinfecté, suturé, Marc reprenait figure humaine. Le jeune médecin contempla son oeuvre avec satisfaction.
-Voilà, vous avez meilleure allure. À l'avenir, évitez de vous frotter à plus fort que vous.
Un médecin pénétra alors dans la petite salle.
Grand, le visage jeune mais les traits tirés par la fatigue. Marc reconnut le chirurgien qui l'avait soigné l'année précédente lorsqu'il avait été blessé ainsi que son amie Elsa.
-Bonsoir, capitaine Stone.
-Peggy ?
-Elle a été sauvagement battue mais ses blessures sont superficielles. Dans quelques jours, il n'y paraîtra plus. Toutefois, en raison de la nature des lésions, vous comprendrez que je suis obligé d'informer la police.
Après une seconde de réflexion, Marc répondit:
-C'est naturel, docteur. Je vous demanderai seulement de contacter directement le bureau de la Sécurité Galactique. L'enlèvement de sa secrétaire n'est peut-être pas sans rapport avec l'accident du général Khov.
Le chirurgien haussa les épaules. Peu lui importait que ce soit un service de police ou un autre.
-Comment va-t-il ?
Une grimace déforma les traits du médecin.
-Autant vous dire la vérité, très mal ! Une hémorragie interne s'est déclarée et le patron a été contraint de le réopérer en début de soirée. C'est à ce sujet que je voulais vous voir, lorsque j'ai su que vous étiez ici. Après ces diverses interventions sur le général, notre réserve de sang strictement compatible est épuisée. En cherchant dans l'ordinateur de nouveaux donneurs, j'ai vu que vous étiez sur la liste. Cela nous ferait gagner un temps précieux si... Tout peut se jouer en quelques heures...
-C'est évident ! Quand souhaitez-vous ?
-Je n'ai jamais douté de votre acceptation. Venez dans la salle à côté, tout est prêt.
Marc s'allongea sur une table d'examen et tendit son bras. Une infirmière posa un garrot tandis que le médecin installait sur la poitrine divers capteurs.
Une demi-heure plus tard, le médecin donna à Marc une ordonnance.
-Je vous ai prescrit un remontant. Vous serez fatigué pendant plusieurs jours, ne vous inquiétez pas. Comme votre organisme le supportait bien, je vous ai prélevé une grosse dose de sang. Je cours le porter au service de réanimation intensive.